Page images
PDF
EPUB

Le ministre demanda ensuite que la Chambre déclarât qu'elle désapprouvait entièrement ceux des amendements de la pairie, qui avaient pour objet de conserver aux membres des corporations existantes en Irlande, certains priviléges, charges et fonctions que la loi municipale d'Angleterre avait retirés auxanciennes corporations.

Sir Robert Peel défendit ces amendements qui ne furent repoussés ou modifiés, dans les communes, que par 169 voix contre 154; ce qui réduisait à 15 voix seulement la majorité ministérielle sur une des plus importantes questions qui se pussent agiter dans le parlement. Ainsi réamendé!, le bill fut envoyé pour la seconde fois à la Chambre des pairs qui, à son tour, repoussa les changements introduits par l'autre branche de la législature. Alors eut lieu, entre les deux Chambres, une conférence qui n'amena aucun résultat; et, pour mettre un terme à ce long conflit, lord Russell proposa aux communes de déclarer que, dans trois mois, elles prendraient de nouveau en considération les amendements votés par les pairs; formule qui, dans les usages parlementaires, équivalent, en Angleterre, à une fin de non recevoir.

Vers la même époque le parti conservateur obtint, dans un faubourg de Londres, un triomphe inaccoutumé, et qui exalta au plus haut point les espérances de l'aristocratie. L'élection de sir Samuel Whalley, représentant de la paroisse de Marylebone, ayant été cassée par la Chambre des communes, lord Teignmouth, candidat tory, fut nommé par 4,166 suffrages contre 3,762 accordés à son concurrent. Ce succès, habilement exploité par le parti conservateur, eut quelque retentissement dans le royaume.

Ann. hist. pour 1838,

29

CHAPITRE XV.

Couronnement de la reine Victoria. - Enthousiasme national.-Concours d'étrangers. Aspect de la ville de Londres. — Abandon des usages féodaux. Accueil fait au maréchal Soult par les habitants de Londres. - Série de fètes. Reprise des débats parlementaires. — Discussion, dans la chambre des communes, sur le projet du gouvernement relatif à la question des dîmes. — Il est attaqué par M. Ward et défendu par lord Morpeth.-M. Hume le rejette, comme insuffisant et tardif. Discours de M. O'Connell. La motion de M. Ward est Discussion des articles. Vote de la loi. Lord Melbourne

rejetée.

-

-

apporte à la chambre des lords, le bill voté par les communes. - Lord Brougham le repousse. Il est voté. Seconde lecture à la chambre des pairs, du bill sur le pauperisme irlandais. Lord Melbourne, le comte Fitz-William, le due de Wellington, le marquis de Londonderry, lord Lindhurst, lord Radnor, lord Brougham, le marquis de Clanricarde et le marquis de Landsdown prennent part aux débats, - Vote de la seconde lecture. Adoption définitive du projet. — La chambre haute s'occupe de quelques questions coloniales.

-

Discussion sur la liberté de la presse dans l'île de Malte. — Opinion du duc de Wellington à cet égard.

Cependant on approchait de l'époque fixée pour le couronnement de la reine, et toutes les dissidences parlementaires semblaient s'effacer devant cette grande préoccupa tion. L'attention publique n'était plus fixée que sur cet événement devenu l'objet de toutes les conversations, et en quelque sorte, le but de toutes les actions de la vie. « Le » peuple, disait un journal de Londres, est fou de couron»nement (coronation mad), » Et, en effet, jamais avènement royal n'avait excité, en Angleterre, un plus frénétique enthousiasme. Des étrangers de tous les rangs accouraient en foule de toutes les parties de l'Europe, pour assister à l'intronisation de la jeune fille qui allait poser sur sa

tête les trois couronnes de l'empire britannique. Déjà, depuis plusieurs semaines, la ville de Londres offrait le spectacle le plus animé. Les mille équipages qui sillonnaient en tous sens cette immense cité, les somptueuses livrées des ambassadeurs, la variété de costumes, d'uniformes et de langage de cette nuée d'étrangers qui parcouraient incessamment les rue de la capitale, les bruyants préparatifs qui se faisaient la nuit comme le jour sur toute la ligne que devait suivre le cortége: tout cela formait une scène bizarre, animée, tumultueuse et qui entretenait dans les esprits un sentiment de curiosité, d'impatience et de surexcitation impossible à décrire.

Enfin, la cérémonie du couronnement eut lieu le 28 juin, en présence de toute la population métropolitaine et de quatre cent mille curieux accourus des provinces ou de l'étranger, pour être témoins de cette imposante solennité.

Le couronnement de la reine Victoria ressembla, sous beaucoup de rapports, à celui de son prédécesseur, c'est-àdire qu'il fut affranchi de la procession à pied des États du royaume, du banquet en Westminster et de presque toutes les pratiques féodales qui, jusques-là, avaient invariablement été renouvelées à l'ouverture de chaque règne. Aussi, cette réforme souleva-t-elle un violent orage au sein de l'aristocratie, qui ne pouvait se résigner à l'abandon des vieux usages, et parmi les boutiquiers de Londres dont les intérêts mercantiles étaient peu sensibles à ce progrès philosophique. Le mécontentement fut extrême dans la Chambre des lords où le marquis de Londonderry accusa presque les ministres du crime de lèze-majesté, pour avoir osé dispenser les nobles ba: rons de parcourir processionnellement les rues de Londres, affublés de leurs oripeaux traditionnels et le front ceint de la couronne héraldique. Cependant le nouveau règne fut inauguré avec une très-grande splendeur, quoique sans aucune des formes barbares d'un autre âge (1), et l'intérêt général

(1) Voir à la Chronique les détails de cette cérémonie.

fut tel, que, suivant un rapport du chancelier de l'échiquier, la somme payée par le public, pour obtenir des siéges sur le passage du cortége, était évaluée à quatre millions de francs (200,000 livres sterling).

L'incident le plus remarquable de cette grande solennité fut sans contredit l'accueil plein d'enthousiasme et de cordialité que les habitants de Londres firent, dans cette circonstance, au maréchal Soult, ambassadeur extraordinaire du roi des Français. L'élan des classes inférieures en faveur du duc de Dalmatie, se propagea dans tous les rangs de la société anglaise, et il n'y eut bientôt plus une corporation d'artisans, ni un salon aristocratique qui ne considérât comme un insigne honneur, de pouvoir fêter le vieux guerrier que la Grande-Bretagne avait rencontré sur tant de champs de bataille, et dont la gloire se rattachait de si près à celle de ses armes. Enfin, le séjour du maréchal Soult en Angleterre, ne fut qu'une longue ovation populaire dont l'éclat balança presque celui du couronnement, et produisit une profonde sensation dans toutes les cours de l'Europe.

A la cérémonie du couronnement succéda une interminable série de fêtes. La plus splendide fut le banquet, offert par la cité de Londres aux ambassadeurs étrangers, auquel furent conviés les personnages les plus illustrés du royaume. Là, encore, le maréchal Soult fut accueilli avec les mêmes transports d'enthousiasme qui avaient salué sa présence dans toutes les occasions.

Mais revenons aux débats parlementaires.

Débarrassée du bill sur les municipalités irlandaises, la Chambre des communes s'occupa, le 2 juillet, du projet de lord Russell sur la question des dimes. M. Ward reprocha vivement au Cabinet, l'abandon du principe d'appropriation. Quant à l'abolition des sinécures et au redressement de quelques abus inhérents à l'administration de l'église irlandaise, sir Robert Peel y avait consenti. Pourquoi donc le Cabinet présidé par ce ministère avait-il été renversé? Uniquement parce qu'il combattait ce même principe d'appro

priation, que le ministère sacrifie maintenant; contradiction immorale et qui ne saurait être trop sévèrement qualifiée. L'orateur ne concevait point qu'une résolution prise par la Chambre et enregistrée dans ses procès-verbaux, pût rester sans exécution ni sans être rapportée. Dans cet état de choses, les communes n'avaient que deux partis à prendre : maintenir le principe par elles consacré dans cinq circonstances différentes, mais en ajourner l'application jusqu'à ce que le temps et l'opinion publique la comportassent; ou bien déclarer tout de suite que la Chambre s'était trompée ; que les adversaires de la clause d'appropriation étaient dans le vrai, et qu'après avoir renversé deux ministères pour maintenir ce principe, elle était prête à l'abandonner et à confesser son erreur. M. Ward terminait en demandant que le surplus des revenus de l'église d'Irlande, fût intégralement consacré à l'éducation morale et religieuse de toutes les classes du peuple.

Après un discours de lord Morpeth, en faveur de la mesure, M. Hume prit la parole. Le député radical pensait qu'on n'obtiendrait rien par les voies de conciliation auxquelles le Cabinet avait recours. Toutefois, s'il était permis d'espérer que la proposition de lord Russell pût rendre un peu de repos à l'Irlande, M. Hume ne balancerait point à l'accueillir; mais il lui était démontré jusqu'à l'évidence que les ministres avaient trop tardé à adopter ce système de conciliation, et que, dans l'état actuel des choses, l'Irlande ne se contenterait point des concessions insignifiantes qu'on lui proposait. Dans cette opinion M. Hume se ralliait à la motion de M. Ward.

Cette motion fut énergiquement combattue par M. O'Connell, parce que, dit-il, elle ne pouvait aboutir qu'à une déception. Ce que voulait le peuple irlandais, ce n'était point tel ou tel emploi d'un surplus imaginaire des revenus de l'église, mais l'abolition franche et complète du système des dimes que sa détermination était de ne plus payer du tout. Il y a trois ans qu'un bill de ce genre eût pu être accepté par

« PreviousContinue »