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sement préalable, rappelait que l'usage était de délivrer sans frais avant la citation, un avertissement pour comparaitre devant lui, que ce mode avait produit surtout dans les campagnes, un effet très-salutaire et évité un grand nombre de contestations. Il ne s'opposait pas aux dispositions de la loi nouvelle; mais désirait que, si tous les huissiers étaient appelés à exercer leur ministère auprès des justices de paix, ils fussent du moins obligés par un article spécial de délivrer, moyennant une rétribution modique, un avertissement à la partie citée.

Dans l'esprit de M. le baron Séguier et de M. Girod (de l'Ain), l'avertissement devait rester facultatif et non pas devenir obligatoire. Toutes les assignations à bref délai se faisaient par un huissier audiencier, et l'exemple de tous les présidents de Cour royale, militait en faveur de la conservation de l'article tel qu'il était.

M. Mérilhou reparut cependant à la tribune pour justifier de nouveau son amendement et le développer dans le même sens. Il disait :

« Quant à moi, je suis préoccupé dans cette affaire de la nécessité que le public puisse fixer sa confiance sur le plus grand nombre d'officiers ministériels possible. Quoique je reconnaisse que les huissiers-audienciers ont un titre particulier à la confiance publique dans le choix dont le jnge-depaix les a honorés, cependant je ne puis reconnaître les huissiers non audienciers comme n'ayant aucun droit à cette confiance, quand ils sont investis de la confiance du Gouvernement, et qu'ils exercent sous la surveillance du ministère public. Sous ce rapport, il me semble qu'ils offrent une complète garantie. M. le président Séguier a dit qu'il était nécessaire pour donner plus de garantie, que les citations à bref délai fussent données aux parties par un huissier commis. C'est l'applicatiou des dispositions du Code de procédure, je ne veux pas y porter atteinte; mais puisque nous faisons une juridiction nouvelle en conférant aux justices de paix des attributions qui étaient dévolues aux tribunaux de première instance, il me semble que les actes ordinaires d'exécution peuvent être confiés à tous les huissiers, ainsi que le Gouvernement l'avait proposé dans son projet de 1837..

L'amendement de M. Mérilhou n'ayant pas été appuyé, M. le rapporteur rassura M. le comte Roy sur la manière

dont les huissiers audienciers étaient distribués. La commission avait laissé la faculté de porter à quatre pour Paris le nombre des huissiers qui était en ce moment de deux, et ce n'était qu'après avoir consulté les juges de paix de Paris qu'elle avait assigné ce maximum.

Suivant M. Laplagne Barris, il valait mieux rendre le nombre quatre obligatoire, puisque d'après l'accroissement des affaires causé par la loi nouvelle, ce nombre était à peine suffisant pour chaque justice de paix de Paris.

Sur une observation de M. de Schonen, le garde-dessceaux consentit à ce que la loi exigeât au moins deux huissiers audienciers auprès de chaque justice de paix.

Le comte Roy ayant proposé un amendement, qui fixait à trois le nombre des huissiers audienciers obligatoires, et celui de quatre, facultatif; la Chambre l'adopta.

M. de Gérando était d'avis que la loi ordonnât la comparution en personne, sous peine d'une amende de 100 à 500 francs. Il se fondait sur l'expérience qui prouvait que les parties étaient conciliées par les juges-de-paix, quand elles comparaissaient en personne; mais qu'elles n'étaient pas conciliées quand elles étaient représentées par des tiers. D'une autre part, les procureurs avaient presque toujours intérêt à faire naître les procès, et la seule objection à cette mesure était la difficulté d'en assurer l'exécution. Une sanction pénale, une amende lui paraissaient nécessaires. A la faveur de cette obligation, quarante mille sur quarante-deux mille affaires avaient été, dans l'une des années précédentes, conciliées dans le Danemarck. Enfin, l'extension donnée aux justices de paix, devait ouvrir une plus vaste carrière à l'intervention souvent nuisible des gens d'affaires.

Cette opinion fut combattue par M. Girod (de l'Ain), Il regardait une conférence provoquée entre les parties comme fort utile; mais dès que la comparution avait lieu, le juge de paix n'était plus que juge et cessait d'être conci

liateur. Enfin, l'obligation légale pour les parties de comparaître, pouvait avoir des résultats fâcheux et devenir une arme dangereuse dans certaines espèces d'attaques.

Combattant l'art. 17, M. Mérilhou lui préférait la rédaction de 1837, et demandait que la classe des huissiers put présenter la défense des parties en justice de paix. En excluant les huissiers qui offraient toutes les garanties désirables, on laissait tomber la gestion des intérêts publiques dans des mains indignes ou malhabiles.

En qualité de membre de la commission, M. le comte de Pontécoulant assurait que, ses collègues et lui, n'avaient nullement voulu innover; qu'en 1790, il avait été lui-même juge de paix et que jamais il n'avait vu admettre d'huissiers pour défendre aucune cause; que c'était une prescription positive de la loi.

Le ministre de la justice, après avoir cité le décret du 18 thermidor an 11, qui déclarait les fonctions d'huissiers incompatibles avec celles de défenseur, fàisait sentir l'inconvénient qu'il y aurait à ce que l'huissier, chargé de porter les assignations, pât avoir un intérêt dans le procès.

Ce nouvel amendement fut aussi repoussé et l'article primitif adopté.

L'art. 19, concernant les brevets d'invention, paraissait à M. Mérilhou devoir être modifié en ce qu'il exigeait que la même affaire sur la nullité, la déchéance ou la contrefaçon d'un brevet fut portée dans les deux premiers cas devant les tribunaux civils de première instance, dans le dernier cas, devant les tribunaux correctionnels.

L'importance de pareils questions se rattachant souvent à des intérêts très-considérables, fut cause de l'opposition du garde-des-sceaux à une pareille modification; d'autant plus que la valeur des brevets d'invention excédait souvent de beaucoup la compétence des justices de paix. Cette division Jui paraissait logique, et avait déjà reçu l'assentiment de la commission.

La Chambre rejeta encore l'amendement de M. Mérilhou, qui consistait à n'établir qu'une seule juridiction, et s'en tint à la proposition du ministre.

Après quelques autres observations dénuées d'intérêt et l'adhésion complète de M. le ministre de la justice à la rédaction du projet, on passa au scrutin sur l'ensemble de la loi, qui fut adoptée à la majorité de 84 voix, contre 13 boules noires.

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Le projet de loi sur les justices de paix, adopté par la Chambre des pairs, fut présenté le 6 avril à la Chambre des députés.

Le rapporteur fut M. Amilhou, député de la Haute-Garonne, qui, après avoir suivi toutes les phases de cette importante magistrature depuis 1790, en proposait la modification et la correction comme un bienfait national.

Le 24 avril la discussion générale fut ouverte par M. Merlin (de l'Aveyron); il rappelait, en s'opposant au projet de loi, qu'en 1837 il avait fait tous ses efforts pour démontrer que l'Assemblée constituante n'avait eu d'autre but par la création des justices de paix, que de donner des conciliateurs aux habitants des campagnes et de rapprocher les justiciables de leurs juges. On détruisait, suivant lui, l'ouvrage de la Constituante; il trouvait excessives les nouvelles attributions du juge-de-paix, consistant non-seulement à connaître des affaires personnelles et mobilières en dernier ressort, jusqu'à 100 francs, et à la charge d'appel jusqu'à 200 francs; mais encore dans un très-grand nombre d'affaires, à la charge de l'appel jusqu'au taux de la compétence en dernier ressort des tribunaux de première instance, qui vont aujourd'hui à 1,500 francs, d'où naitrait bientôt la confusion de tous les pouvoirs judiciaires. Il prévoyait l'absorption par la justice de paix des deux tiers au moins de la compétence aujourd'hui dévolue aux tribunaux d'arrondissements.

Ne perdez pas de vue, disait-il, que les contestations que vous faites entrer dans le cercle de la compétence des justices-de-paix exigent des hommes actifs, versés dans la connaissance des affaires judiciaires, dans l'applicaAnn. hist. pour 1838.

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tion des formes de la procédure civile; et que ces tribunaux, par l'innovation que vous allez faire, vont être forcés de donner des audiences journalières pour pouvoir suffire à leur travail. Sera-t-il possible de les organiser de manière à concilier l'intérêt public avec cette masse d'intérêts particuliers qui vont s'agiter devant eux? Où trouverez-vous les juges instruits, exprimentés, capables d'observer les formes légales et de rendre avec activité bonne et prompte justice? Empêcherez-vous, dans chaque chef-lieu de canton, la réunion d'une foule de praticiens, qui, sous prétexte de servir de conseils aux cultivateurs, finiront, en y entretenant les procès, en les multipliant même, par causer la ruine des plaideurs ? Vous allez rétablir ce fléau destructeur que l'assemblée constituante en avait écarté, tous les abus qui assiégeaient autrefois les anciennes justices seigneuriales.

« Cette assemblée avait interdit de traduire devant le juge de-paix qui que ce soit, autrement qu'en vertu d'une cédule délivrée et signée par celui-ci, précaution dont la suppression par le Code de procédure civile a accru les procès portés devant cette juridiction d'une manière effrayante, au point que des pétitions nombreuses adressées à la Chambre établissent que les huissiers de toutes les juridictions demandent à être admis à concourir aux notifications que vont nécessiter les justices cantonnales.

« Enfin, Messieurs, n'implique-t-il pas contradiction, d'un autre côté, que le juge du canton puisse connaître de toutes les actions personnelles et mobilières jusqu'à la somme de 200 fr., et qu'il lui soit interdit d'ordonner de preuve testimoniale au-delà de 150, et même pour toutes créances inférieures quelconques établies par titres ? »

M. Muteau ne concevait pas, non plus, que l'on plaçât la justice tout à fait en dehors du juge, les conditions de capacité lui paraissaient essentielles, et quant à la considération et à la position sociale élevée du juge-de-paix, auquel on allouait 800 francs par an, c'était un leurre complet; il fallait donc s'occuper de l'organisation du personnel et de la capacité des individus.

M. de Golbéry s'élevait contre la prétendue humiliation. dans laquelle la loi retenait les juges-de-paix ; selon lui, le traitement ne faisait pas la considération et le mérite du juge.

Sous le prétexte qu'on diminuait le domaine du juge inamovible pour augmenter celui du juge révocable, M. Gaillard de Kerbertin combattait le projet de loi qui menaçait de remplacer l'homme de la paix, le conciliateur en un véritable jurisconsulte.

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