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traité de la quadruple alliance, et j'espère le succès d'une cause qui a toutes nos sympathies.

Le discours du trône rappelait ensuite les mariages du prince royal avec la princesse Hélène de Mecklembourg, et de la princesse Marie avec le duc de Vürtemberg, qui devaient ajouter aux relations de bonne amitié avec les états voisins.

Quant aux affaires de l'Algérie, le chef de la nation s'exprimait ainsi :

«En Afrique notre attente a été remplie : le drapeau français flotte sur les murs de Constantine; si la victoire a fait plus quelquefois pour la puissance de la France, jamais elle n'a élevé plus haut la gloire et l'honneur de ses armes. Mon fils, le duc de Nemours, a pris la part qui lui revenait dans le péril. (Ici d'une voix émue.) Son jeune frère a voulu le rejoindre et s'associer à cette communauté de travaux et de dangers qui identifie depuis long-temps mes fils avec l'armée. Leur sang appartient à la France comme celui de tous ses enfants! »

A ces mots, les applaudissements et les cris répétés de vive le roi! vive le duc de Nemours! éclatèrent de tous côtés. Le roi témoignait alors, avec des paroles pleines d'une profonde sensibilité, ses regrets et ceux de la France, pour les braves morts au champ d'honneur. Il annonçait que l'État adopterait la veuve et les enfants du noble général Damrémont, tué sous les murs de Constantine.

S. M. entrait ensuite dans quelques détails sur les moyens employés pour pacifier l'est et l'ouest de l'Algérie, et promettait un tableau complet de l'état de ce pays. La conduite de nos flottes envoyées à Haïti et au Mexique était expliquée dans le discours royal par la nécessité de protéger le commerce français. Plusieurs projets de loi sur les travaux publics, le système pénitentiaire et la réforme de la législation commerciale y étaient annoncés.

« Jamais, disait en terminant S. M., jamais je ne me suis trouvé entouré des Chambres dans des circonstances plus favorables; sachons, Messieurs, conserver par notre union et notre sagesse ce que nous avons conquis par notre courage et notre patriotisme. Tâchons d'effacer les pé

nibles souvenirs de toutes nos dissensions, et qu'il ne reste d'autres traces des agitations dont nous avons tant souffert que le besoin plus senti d'en prévenir le retour. »

De vives acclamations succédèrent à ce discours, qui contenait tant de souvenirs honorables pour nos armes, tant d'espérances dans l'affermissement de nos institutions.

Le 19 décembre eut lieu l'organisation des bureaux ; celle de la Chambre des députés offrait une importance particulière, car elle devait être l'expression de l'esprit de la session qui s'ouvrait.

M. de Nogaret, doyen d'âge, préside à la vérification des pouvoirs qui, cette année, présente quelques particularités et commande une attention plus sévère qu'aux années précédentes. Tous les yeux se portent sur une place restée vide dans la Chambre, celle de M. Laffitte. (Son concurrent, M. J. Lefebvre, l'ayant emporté sur lui; siége au centre.) Il s'élève une discussion relative à l'élection de Bourganeuf (Creuse). On agite la question de savoir si M. E. de Girardin est Français. Après le rapport de M. Gillon, qui exposait les faits, et le contenu d'une pétition annonçant que M. E. de Girardin était né en Suisse, M. Martin (de Strasbourg) demandait l'ajournement de l'admission de M. E. de Girardin qui, ayant fait déclarer par sept témoins un âge pour se marier, puis un autre âge pour arriver à la Chambre, n'avait pas procédé judiciairement pardevant les tribunaux ; de plus, le lieu de sa naissance n'était pas indiqué dans les dépositions des témoins. M. Martin, examinant à fond cette importante question de nationalité, et, refusant d'accepter comme valable la possession d'état invoquée en 1823 en faveur de Benjamin Constant, se résumait ainsi :

M. de Martignac, dans son rapport, a démontré avec lucidité que la possession d'état ne pouvait dispenser de la justification des titres.

« Il a dit que les décisions d'une Chambre précédente ne pouvaient lier la Chambre nouvelle, qu'on était toujours obligé d'examiner si les membres qui se présentent dans une Chambre nouvelle, prouvaient suffisamment qu'ils réunissaient toutes les capacités que la loi exige. En un mot,

il a admis en principe que la nationalité ne pouvait jamais résulter d'une simple possession d'état.»

M. Martin (de Strasbourg) concluait à ce que M. E. de Girardin prouvât sa nationalité, en prenant la voie régulière.

M. de Lamartine soutenait, au contraire, que nul ne devait être comptable de sa naissance, surtout après la révolution de juillet; que c'était obéirà un vain préjugé; que, du reste, M. E. de Girardin avait pour lui la possession d'état; qu'il était né en France en 1802, d'après un acte de notoriété, enfin qu'il avait été électeur et député.

« On a cité, ajoutait M. de Lamartine, l'exemple de Benjamin Constant. Eh bien! l'illustre général Foi invoquait en faveur de Benjamin Constant précisément les mêmes titres que j'invoque aujourd'hui pour l'honorable M. de Girardin; il invoquait comme seul et unique titre sa possession d'état, lorsqu'en 1823 on voulut élever contre Benjamin Constant une contestation de cette nature. >>

L'admission de M. E. de Girardin, ayant alors été mise aux voix, fut prononcée. Il sera remarquable de voir la décision de la Chambre de 1839 sur la même question.

3 Janvier. La séance de la Chambre des pairs, présidée par le chancelier, M. Pasquier, fut consacrée à la lecture du projet d'adresse au roi par M. le comte de Portalis, nommé rapporteur. Cette adresse, presque invariable dans sa teneur et dans ses formes, félicitait le trône d'avoir rendu la France libre et tranquille. Et, néanmoins, à propos des affaires d'Haïti, elle hasardait cette phrase:

Votre Majesté a pensé qu'elle ne pouvait tarder plus long-temps à exiger l'exécution des engagements d'Haïti envers la France. Nous espérons que les difficultés opposées jusqu'ici à leur accomplissement seront enfin aplanies.

D

La Chambre des pairs promettait d'appliquer son zèle à l'étude des projets de loi relatifs à la réforme des prisons et aux sociétés commerciales, ainsi qu'aux grandes lignes de communication.

La discussion générale ouverte, M. le marquis de DreuxBrézé, après avoir, comme l'année précédente, reproché à la révolution de 1830 un ébranlement général en Europe, le relâchement et l'altération de nos alliances avec les États monarchiques, arrivait à l'état présent des affaires.

Il blâmait encore le Gouvernement de son indifférence pour la situation de l'Espagne et de son exclusive préoccupation de l'alliance anglaise.

« C'est, s'écriait-il, un triste spectacle que celui de cette nation insulaire débarquant ses marins et ses canons au milieu des ruines de l'antique monarchie espagnole, et traçant des lignes de forteresse où flotte le pavillon britannique à la vue de la France, qui se demande avec anxiété si elle ne devra pas un jour racheter, par le sang de ses enfants, la délivrance de son alliée. »

Il ajoutait que, malgré le développement de notre industrie à l'intérieur, nous restions commercialement étrangers à ces grandes conventions réciproques qui se passaient chaque jour chez nos voisins. Il craignait que nos démêlés avec Saint-Domingue et avec le Mexique ne fussent soumis bientôt aux chances de la guerre. Quant à l'expédition de Constantine, il accusait le ministère de retards, d'incertitude, et partant des difficultés et des pertes subies par nos troupes; il cherchait à démontrer que nos transactions avec Tunis étaient d'un mauvais effet pour la France; que le camp de Saint-Louis avait été vendu par le bey de Tunis à un étranger; que c'était à la prise de Constantine à relever notre influence en Afrique, où la marche timide et chancelante de l'administration avait été une cause permanente de troubles sanglants et de combats malheureux et sans résultat.

M. de Dreux-Brezé terminait, en demandant si le sort de l'Algérie serait définitivement fixé dans cette session, et Constantine conservée à la France; si on empêcherait l'Angleterre de s'établir dans des postes fortifiés, aussi voisins de notre frontière; si le Cabinet actuel était homogène; si l'on réparerait les atteintes portées à la justice par les modifications qui avaient vicié l'institution du jury; si, enfin,

l'on continuerait à célébrer l'anniversaire des journées de juillet, souvenir embarrassant pour le Gouvernement et dangereux pour le maintien de l'ordre et de la paix.

M. le comte Molé, répondant à M. de Dreux - Brézé, comme l'année précédente, l'assura de l'accord parfait qui régnait entre la France et l'Angleterre.

«Jamais, ajouta-t-il, soit à Madrid, soit à Lisbonne, nos agents n'ont été plus rapprochés dans leur langage, plus unis dans leur attitude. A cet égard, je dois le dire, il y a plus que la continuation de ce qui existait; il y a progrès. »

Arrivant aux affaires d'Espagne, le président du Conseil affirma que les vaisseaux anglais n'avaient occupé le Passage qu'après en avoir prévenu la France, et que la citadelle dont avait parlé l'honorable pair, n'était qu'un ouvrage en terre destiné à protéger la légion angiaise et qui cesserait d'exister avec elle.

Quant à l'Amérique du sud, l'Angleterre y éprouvait les mêmes difficultés que nous, et le Gouvernement français s'apprêtait à mettre un terme aux résistances qu'il rencontrait dans ces parages.

«Messieurs, pour l'expédition de Constantine, le Cabinet n'a pas hésité un seul instant, et cela parce qu'il regardait l'honneur de la France comme engagé. Alors même qu'il recevait des propositions d'Achmet et qu'il négociait avec lui, ses préparatifs ne se sont pas ralentis. »

M. le comte Molé soutenait que nous n'avions pas eu d'humiliations à essuyer de la part du bey de Tunis, et que nos rapports avec la régence étaient tels que nous avions le droit de les vouloir.

A cet endroit de son discours où M. Molé s'apprêtait à blâmer la répugnance de M. de Dreux-Brézé pour les alliances protestantes contractées par la famille régnante dans un pays qui comptait trente millions de catholiques sur trente-deux millions d'habitants, M. le duc d'Orléans prit la parole, de sa place, et, considérant l'insinuation de l'honorable pair comme une personnalité, révendiqua pour lui la liberté roligieuse accordée par la Charte à tous les Français.

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