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sur la position des créanciers hors de France, que le projet avait un peu trop oublié. Le Code faisait convoquer tous les créanciers pour la vérification, et fixait au plus un délai de six mois à un an, tandis que la nouvelle loi autorisait la formation du concordat ou l'union des créanciers, bien que le dernier terme, pour les créanciers éloignés, ne fût pas encore échu.

⚫ Je vois bien, disait-il, que le créancier éloigné, qui est encore dans le délai, et qui ne se sera pas présenté, aura toujours, tant que dureront les répartitions, la faculté de se faire payer son dividende pour son entière créance. Et, en effet, non-seulement il aura la faculté de demander son dividende sur les répartitions futures, mais encore, par une innovation apportée au Code, sur les répartitions déjà faites, pourvu que les deniers soient suffisants. Mais s'il arrive que tout l'actif ait été distribué, voilà où est la difficulté, le préjudice. Il viendra et demandera à faire vérifier sa créance; mais il ne trouvera plus de faillite, plus de commissaire, plus de masse, plus d'actif. Il demandera son dividende, on lui répondra en vertu des articles 502, 567 et 568, en le renvoyant à la caisse des consignations. Et qu'y trouvera-t-il ? Un dividende sans doute, mais calculé non sur sa créance réelle, encore à vérifier, mais sur la somme pour laquelle le failli l'aura porté au bilan. Le failli, dans son intérêt, aura pu indiquer une somme moindre, afin d'obtenir plus aisément un concordat des créanciers présents, excités par l'espoir d'un dividende plus considérable. Le créancier étranger dira-t-il que le dividende qu'il trouve dans la caisse n'est pas suffisant pour servir sa créance? on lui répondra qu'il est arrivé trop tard; que c'est sa faute à lui s'il demeure aussi loin; peut-être même lui dira-t-on pour le consoler, que le préjudice qu'il éprouve n'est que dans son imagination? Voilà une injustice qu'aucune loi ne peut consacrer.

Suivant l'orateur, ce n'était pas les délais légaux qui entravaient les faillites, et il y avait encore un dernier moyen d'être juste envers tous les intéressés, moyen extrême: c'était d'autoriser les créanciers arrivés dans les délais, mais après la répartition, à demander le rapport pour leur dividende.

Cette lenteur dans les opérations relatives à la faillite, était blâmée par par M. Quésnault, rapporteur, tandis que le projet tendait à rapprocher l'époque du concordat et de l'union de l'époque de la déclaration de faillite. Si l'on ne trouvait pas la part réservée aux créanciers absents suffi

sante, on pouvait en établir une plus forte que celle indiquée par le bilan, sur le rapport du juge commissaire. Cédant à ces dernières raisons, la Chambre adopta l'art 502 de la commission.

5 Avril.-M. Sévin-Moreau s'étant demandé si le failli une fois déclaré banqueroutier simple postérieurement au concordat, le concordat devait ou non être annulé relativement aux cautions, le ministre des travaux publics concevait très-bien l'annulation totale du concordat, après la banqueroute, mais non l'annulation du contrat seulement à l'égard des cautions. Cette mesure lui semblait de toute justice en libérant de plein droit les contrats.

Dans la pensée de M. Stourm, la question était de savoir si l'on pouvait annuler le concordat après une condamnation pour banqueroute simple, depuis que l'on avait décidé dans un article antérieur que les créanciers seraient autorisés à passer outre au concordat, nonobstant la condamnation en banqueroute simple.

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M. Merillhou attaquait l'article 531 relatif à l'union des créanciers. Il regardait comme inique de faire peser la déclaration de faillite sur chacun des associés. Il suffisait de poser les scellés au domicile des associés, afin d'assurer la main mise de toutes les valeurs qui pouvaient exister au profit de la société.

Selon M. Lebœuf, tous les associés étant compris sous la raison sociale, tous devaient répondre personnellement des affaires de la société.

L'article 532 voulait que l'associé imprudent qui était digne de la commisération de ses créanciers, qui avait été trompé, put obtenir d'eux un concordat partiel. Cet article fut voté par la Chambre.

L'article 530 ayant été soumis à l'examen de la commission, il fut décidé, d'après son vou, que la résiliation du concordat dans une faillite pourrait être provoquée par un seul des créanciers, en cas d'inexécution des engagements, et que la majorité n'était pas nécessaire à ce but.

Au titre tir de la réhabilitation, M. Merillhou proposa un amendement à l'effet de laisser à l'associé la faculté de se réhabiliter après avoir payé, non pas toutes les dettes de la société intégralement, mais le montant des dettes de l'association au prorata de son intérêt social.

A ces raisons du préopinant, M. Lebœuf ajoutait :

Mais, dit-on, l'admettre dans ce cas à la réhabilitation', ce serait manquer à la foi publique. Vous voulez donc, Messieurs, qu'il ne puisse jamais être réhabilité, à moins que lui seul ne paie la rançon de tous, de ceux même qui l'ont entraîné dans le malheur. Ainsi, cet associé que vous avez déclaré innocent en lui accordant le concordat, n'aurait pas l'espoir, en rentrant dans les affaires, de travailler pour se faire réhabiliter.

« Messieurs, la justice ne peut vouloir que cet homme, parce que ses associés l'auront ruiné, ne puisse jamais être réhabilité sans payer la totalité de leurs dettes.

Partant d'un autre point de vue plus général, M. le gardedes-sceaux admettait un concordat particulier avec l'un des associés; mais quant à la réhabilitation, il pensait différemment.

• Vous voulez bien vous préoccuper de l'iutérêt des créanciers; croyezvous qu'il ne sera pas favorable à leurs intérêts d'accorder la faculté de la réhabilitation au malheureux débiteur qui leur offrira sa part de dettes montant à 20, 30 ou 40 pour cent ? Eux aussi ont intérêt que vous adoptiez cette disposition, et, de plus, l'équité le commande. »

• La loi veut, disait-il, que tout commerçant tombé en faillite soit déchu moralement, et privé de certains droits; il ne peut sortir de cette situation que quand il a payé la totalité de ce qu'il doit. Quelle est la situation de l'un des associés en nom collectif, quand la société a fait faillite? Il doit la totalité du passif. Quand il ne paie qu'un tiers, il doit encore les deux autres tiers.

Maintenant, quel est le principe de la réhabilitation? C'est que, quand un individu a eu le malheur de faillir, il ne peut être réhabilité qu'en payant la totalité de la dette sociale qui pèse sur lui : vouloir autoriser la réhabilitation de celui qui aura payé le tiers, par exemple de la delle sociale, c'est vouloir affaiblir les principes de morale et d'ordre public. La loi que nous faisons n'a pas pour but d'affaiblir ces principes; elle a pour but d'empêcher que les frais ne viennent dévorer l'actif de la faillite; nous faisons une loi de justice, nous venons au secours des créanciers dans toutes les

circonstances: c'est pour cela que nous avons dit que le fils pouvait faire réhabiliter son père, mais à la condition qu'il paierait tout ce que le père devait.

La Chambre consultée, rejeta l'amendement de M. Merrillhou.

Le scrutin auquel il fut ensuite procédé, donna, en faveur de la loi sur les faillites, 193 voix sur 260 votants.

CHAPITRE III.

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Question de

CRÉDIT SUPPLÉMENTAIRE AUX FONDS SECRETS DE 1838. majorité. — Épreuve du ministère Molé. Opinion de M. Gisquet. Modifications demandées dans le réglement de la Chambre.

Pétitions.

-

Le 12 mars une discussion solennelle présidée par M. Dupin allait s'engager à la Chambre des députés; il s'agissait du projet de loi sur les fonds secrets; c'était une question de vie ou de mort pour le ministère qui venait la présenter. Les principaux orateurs de l'opposition devaient demander compte au nouveau Cabinet de son origine, de ses vues et de ses tendances politiques. M. Garnon vint au nom de la minorité de la commission, chargée d'examiner le projet de loi, protester à la tribune contre la majorité qui avait refusé d'insérer dans son rapport autre chose que ses propres opinions. Faisant connaître les motifs de ce dissentiment, M. Garnon exprimait les scrupules qui l'avaient poussé, ainsi que la minorité, à douter de la nécessité d'un supplément de fonds secrets au moment même où le discours du trône venait d'annoncer à la Chambre que les esprits étaient calmés et le pays revenu à un état de véritable tranquillité.

La minorité n'avait pu comprendre qu'il fallût accorder à un ministère douteux et encore incertain dans sa marche une somme plus forte que dans les années où les émeutes, les conspirations et les attentats contre la personne du roi ébranlaient nos institutions et troublaient le pays.

Ann. hist. pour 1838.

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