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sistance qu'il a éprouvée et qu'il a essayé de vaincre par les représentations de factures qu'un inconnu prétendait fausses, toujours est-il que l'existence de ce plan entre ses mains et les efforts faits pour s'en emparer, le lient de la maniére la plus étroite à l'accomplissement de cette révolution matérielle et sanglante dont on préparait les moyens.

Ce plan a été soumis à des experts: ils ont facilement reconnu qu'il représentait une machine composée de seize canons de fusil, réunis en jeu d'orgue, sur deux rangées de huit chacune, superposées l'une à l'autre ; ces canons de fusil sont assemblés sur un axe en fer autour duquel ils peuvent avoir un mouvement de rotation. Ce système est monté sur un affût à deux roues, analogue aux affûts des pièces d'artillerie de campagne, et sur la flèche duquel on remarque une vis de pointage transversale, une trémie percée de seize trous qui se meut autour de deux charnières et paraît destinée à intro. duire les charges.

Considérée comme projet d'arme de guerre, cette machine a des rapports nombreux avec d'autres machines connues qui ont été jugées ne pouvoir servir en campagne; mais elle peut être établie, elle peut fonctionner; le seul obstacle que rencontreraient ceux qui seraient tentés de l'employer à commettre un attentat, ce serait l'impossibilité de la produire en public sans qu'elle frappât l'attention. On verra plus tard que cette difficulté avait été prévue et de quelle manière on espérait la surmonter.

Tel était donc le plan qu'Hubert rapportait, caché dans la coiffe de son chapeau; c'était le dessein d'une machine meurtrière, analogue à celle que Fieschi avait employée pour un attentat de douloureuse mémoire, mais d'une construction plus savante, dont l'usage devait être moins dangereux pour ceux qui devaient le tenter et dont le feu plus rapidement et plus sûrement dirigé présentait d'atroces com. binaisons de chances de succés plus terribles encore.

Ce n'est pas à ce plan que se rapportent les énonciations de cette feuille écrite en langue allemande, qui porte pour titre au recto: Plan n° 4, et au verso: Plan no 2, qui a été trouvé dans

le portefeuille d'Hubert; on y lit la description et les dimensions de diverses pièces qui peuvent appartenir à la machine figurée sur le plan saisi, mais qui pourraient aussi entrer dans la construction d'un autre appareil; si les indications que contient cette feuille sont relatives, comme on est porté à le penser, en la trouvant entre les mains d'Hubert, à la machine dont il s'occupait, il faut admettre qu'il a été dressé des plans partiels dont elle contenait l'explication.

Quoi qu'il en soit, les lettres dont on a présenté ci-dessus les termes ou l'analyse, et qu'on n'a pas hésité à attribuer à Hubert, quoiqu'il ne les ait pas reconnues, non-seulement parce que les experts commis dans l'instruction les lui ont attribuées, mais encore parce qu'il est facile à tous les yeux d'y reconnaître son écriture; ces lettres, disons-nous, et les pièces saisies sur lui établissent seules l'existence d'un odieux complot, indiquent quelques-uns de ses auteurs, et révèlent les moyens par lesquels l'attentat devait être accompli. Il convient maintenant de remonter à l'origine de cette criminelle trame, et d'en suivre les développements.

Rendu à la liberté par l'ordonnance d'amnistie du 8 mai 1857, Hubert était venu à Paris, mais il était placé sous la surveillance de la haute police, et condamné dans un procès où il avait été accusé d'un complot contre la personne du Roi, il ne pouvait pas être autorisé à résider dans cette ville. La clémence royale abrégeait pour lui un châtiment mérité; mais l'administration aurait manqué de prudence, si elle n'avait pas usé du droit qu'elle avait de lui interdire le séjour de Paris. On n'ignorait pas que, traduit à raison d'une tentative d'évasion devant les juges de Bar-surAube, on lui avait demandé quel était son projet en cherchant à s'évader, et qu'il avait répondu : De remplir les devoirs d'un bon républicain. On avait insisté pour connaître de quelle manière il comprenait ce devoir. « Si vous ne le savez pas, avait-il dit, il est inutile que je vous l'apprenne.» Détenu à Paris pendant le procès d'Alibaud, il avait demandé à être confronté avec cet assassin, dans le seul but de lui porter des paroles d'encouragement et de sympathie.

Il reçut donc l'injonction de quitter Paris, et feignit d'obéir: on le vit le sac sur le dos faire ses adieux dans le quartier qu'il habitait. Il ne partit pas cependant, et vint souvent prendre ses repas chez un nommé Moutier, logeur, rue Marie-Stuart, dans la maison duquel il avait autrefois logé.

Là se trouvait aussi un jeune Suisse, nommé Jacob Steuble, qui arrivait d'Angleterre; il y avait accompagné son père, qui se disait inventeur d'une machine de guerre, et qui avait parcouru une partie de l'Europe pour offrir son secret à divers gouvernements. Cette machine était à peu près semblable à celle dont le plan a été saisi depuis entre les mains d'Hubert. Elle en différait seulement en ce qu'au lieu d'être armé de seize canons de fusil, elle s'adaptait à une pièce de bronze percée de trente-deux trous qui formaient autant de bouches à feu. Cet appareil avait ête proposé au gouvernement français qui, sur un rapport du comité d'artillerie, l'avait repoussé par ce double motif, qu'il ne constituait pas une invention nouvelle et qu'il ne pou vait être employé utilement dans les armées.

Une mésintelligence dont la cause n'est pas connue survint entre Jacob Steuble et son père, et détermina leur séparation. Jacob Steuble, instruit par son père dans l'art de la mécanique, dépositaire de ses procédés et ayant quelque habitude du dessin, n'était cependant qu'un ouvrier malhabile, et essayait vainement de trouver de l'emploi comme tourneur de métaux. Il se trouvait donc réduit à une grande détresse, lorsque le hasard le mit en rapport avec Hubert. Steuble ne parlait que l'allemand, Hubert, alsacien d'origine et élevé à Paris, le français et l'allemand. Cette circonstance fit naître entre eux une intimité qui amena bientôt de mutuelles confidences. Hubert apprit que son nouvel ami avait l'aptitude nécessaire pour diriger la construction d'une machine dont les effets redoutables pouvaient être mis au service d'une odieuse et sanguinaire pensée.

Ces choses se passaient à la fin du mois de mai et au commencement du mois de juin 1837. A cette époque, Hubert était entré en relations avec Laure Grou

velle; la condamnation qu'il avait subie avait suffi pour le recommander à cette femme, depuis long-temps connue par l'exaltation et la violence de ses sentiments républicains. Admiratrice passionnée de Morey et d'Alibaud, elle a surmonté la répugnance la plus naturelle pour leur rendre de funèbres honneurs; elle a payé l'ornement de leur tombe, elle est dépositaire de leurs reliques, elle s'émeut de leurs souvenirs et n'en parle qu'en pleurant; Hubert lui apparaît comme l'héritier de leurs pensées et de ce qu'elle appelle leur énergie. Parmi des papiers qu'elle avait confiés à la demoiselle Hergalant. et que celle-ci avait soigneusement cachés, on a trouvé un écrit que l'opinion unanime de trois experts lui attribue, et dans lequel elle trace le portrait du patriote qui lui a paru le plus remarquable.

Il est impossible de ne pas reconnaître Hubert, puisqu'elle signale l'homme dont elle parle comme étant le seal qui ait encouragé Alibaud dans la prison, et qu'Hubert seul a donné ce triste témoignage d'une sympathie régicide. Des détails de signalement viennent d'ailleurs justifier cette application. Dans cet écrit, Laure Grouvelle résume en ces termes ses propres sentiments et ceux de l'homme dont son enthousiasme dicte l'éloge: «Sa conduite envers Alibaud a un cachet particulier d'élévation : c'était l'élan du cœur, et certains actes de sa vie portent l'empreinte d'une rare et calme intrépidite; l'homme se révèle là tout entier. Quel que soit l'avenir que les circonstances lui réservent, il y a dans cet homme du Morey et de l'Alibaud.. On conçoit ce que de tels sentiments devaient produire le jour où ceux qui en étaient animés croiraient avoir trouvé le moyen d'égaler par l'attentat ceux dont ils étaient les émules et de les surpasser par le succès.

Bientôt des conférences ont lieu entre Hubert, Steuble et Laure Grouvelle, tantôt chez cette dernière, tantôt chez Hubert. Plusieurs déclarations constatent leurs rapports mutuels à cette époque. La demoiselle Hergalant accompagnait Laure Grouvelle quand celle-ci se rendait chez Hubert, et deux fois elle a vu Steuble venir les y joindre. Deux fois aussi, sur l'invitation d'Hu

bert, qui lui avait dit qu'il devait épouser Laure Grouvelle, le logeur Moutier lui demanda le payement de ce qui lui était dû par Hubert. Le 7 juillet, par une lettre qui a été retrouvée et saisie, Hubert indique à la demoiselle Grouvelle un rendez-vous chez une femme Rozé, et annonce qu'il y verra avec plaisir un ami qu'elle doit lui amener et lui faire connaître. Enfin, parmi les papiers remis par Laure Grouvelle à la demoiselle Hergalant, se trouve une lettre par laquelle Steuble redemande à Hubert un gilet qu'il lui a prêté. Ces faits, prouvés par l'instruction, suffisent pour mettre hors de doute les relations habituelles qui s'étaient établies entre les accusés.

Hubert et Laure Grouvelle ont refusé de donner aucune explication sur leurs relations soit entre eux soit avec Steuble, de même qu'ils ont constamment persisté à ne fournir aucun éclaircissement sur les faits et sur les pièces qui leur étaient personnellement opposés. Ce silence est pour eux le résultat d'un système dont l'effet pourrait être de ne pas compromettre davantage un coupable déja compromis, s'il n'était par lui-même un indice gravement accusateur, mais qui servira toujours bien mal les intérêts de l'innocent soupçonné sur de fausses apparences. Deux autres accusés, les nommés Annat et Vincent Giraud, s'y sont aussi réfugiés. Mais Steuble n'a pas pris le même parti ; et s'il a été amené à faire des aveux qui n'ont point échappé à ces accusés, c'est qu'après avoir essayé le mensonge, il a dù céder à une évidence contre laquelle le silence ne serait pas toujours une sauvegarde.

Arrété le 12 décembre dans le logement de Vincent Giraud, qui lui avait cédé son lit pour partager celui de son oncle, vieillard plus qu'octogénaire, il semble avoir d'abord prétendu qu'il ne connaissait ni Hubert, ni Laure Grouvelle, ni Giraud lui-même ; que, cherchant un logement, il était par hasard entré dans la maison de ce dernier; que, venu de Londres dans les premiers jours de novembre, il avait cherche de l'ouvrage à Paris, et que, n'en ayant pas trouvé, il se disposait à repartir pour la Suisse, son pays natal; il soutenait qu'il ne connaissait même pas cet individu nommé Kappel, avec lequel il était

venu de Londres, et qui partageait son lit chez Giraud.

L'invraisemblance de quelques-unes de ces allégations suffira pour les réfuter; il en est d'autres qui se trouvaient déjà démenties par les premières données de l'instruction; toutes furent bientôt démontrées fausses. Giraud luimême déclara que Steuble lui avait été adressé par une personne qu'il refusa de nominer, parce que c'était (pour emprunter ses expressions) une affaire de confiance. Il fut établi que Steuble, pendant les mois de mai, juin et juillet précédents, avait logé, presque sans înterruption, dans la maison du nommé Moutier, où Hubert venait prendre ses repas; qu'il y avait eu avec Hubert de fréquentes relations, et que non seulement il connaissait Laure Grouvelle, mais que cette demoiselle lui portait assez d'intérêt pour lui avoir envoyé son médecin et être venue elle-même le visiter pendant une maladie qu'il avait éprouvée depuis son séjour chez Vincent Giraud. Enfin il indiquait luimême, dans un billet adressé à une per. sonne qu'il désirait voir, qu'on le trouverait chez le sieur Philippe Grouvelle, frere de Laure, rue des Beaux-Arts, depuis midi jusqu'à cinq heures.

Steuble a depuis été forcé de reconnaître la vérité de tous les faits, et on comprend tout ce qu'il y a de gravité dans les dénégations par lesquelles il les avait d'abord accueillis. Contraint aussi d'avouer que la description de la machine en allemand, et saisie à Boulogne dans le portefeuille d'Hubert, était de sa main, il prétendît qu'elle se rapportait à une machine de guerre qu'on lui avait prise pendant son premier séjour à Paris, avec un livre qui contenait des descriptions du même genre, et il ne peut expliquer comment cette feuille se trouvait entre les mains d'Hubert. Il soutenait enfin, dans ses premiers interrogatoires, qu'il n'était pas l'auteur du plan saisi dans le chapeau d'Hubert.

Ce que l'on a déjà fait connaître du résultat de l'instruction rendait peu vrai semblables ces moyens de justification. D'autres circonstances non moins graves n'étaient pas plus faciles à expliquer.

On avait saisi un grand nombre de pièces diverses appartenant soit à Steubie, soit à cet individu nommé Kappel,

qui était venu avec lui d'Angleterre, et qui avait trouvé comme lui asile chez Vincent Giraud.

On remarquait parmi ces papiers des lettres dans lesquelles Steuble demandait qu'on lui envoyât d'Allemagne des recettes de fusées et un livre intitulé: l'Artificier allemand; trois recettes pour la composition de fusées de calibres différents; une lettre dans laquelle il témoignait le désir qu'en lui écrivant on lui donnât le nom de Valliser; une autre lettre adressée à un sieur SouilJard, condamné par contumace, réfugié en Angleterre, l'un des prévenus des attentats d'avril 1834 qui ont échappé par la fuite à un débat contradictoire, et dans laquelle il se plaignait de la manière dont il avait été traité, et regrettait d'avoir été forcé de renoncer à une affaire de laquelle il attendait les plus heureux résultats. Enfin, un certificat trouvé parmi les mêmes papiers, et délivré à Londres, sous le numéro 1220, constatait que Steuble était arrivé à Londres venant de Belgique, le 6 août 1837, le jour même où un certificat pareil délivré sous le numéro 1222, et trouvé dans le portefeuille d'Hubert, constatait que ce dernier arrivait aussi, venant de Belgique.

Il était donc ainsi prouvé que Steuble était arrivé en Angleterre en même temps qu'Hubert, et les premières indications sur la nature des motifs qui l'y avaient conduit et des relations qu'il y avait eues, permettaient déjà d'entrevoir que le voyage de cet ouvrier mécanicien dans le pays d'où Hubert avait plus tard rapporté le plan de la machine, devait avoir pour but l'exécution du complot.

Une perquisition faite chez un sieur Journeux, homme de lettres, dont les liaisons avec la famille Grouvelle étaient notoires, a place sous la main de la justice des pièces qui ne paraissent pas laisser de doute à cet égard. On y a saisi des papiers renfermés dans une enveloppe cachetée, et portant pour souscription ces mots: Testament de Me Grouvelle mère. Le paquet a été ouvert en présence et du consentement de la dame Grouvelle, et la gravité des révélations que fournirent les écrits qui y étaient renfermés s'accroît encore par cette circonstance, qu'ils se trouvèrent aux mains de la dame Grouvelle, et

qu'elle prenaft tant de soins de les cacher.

Parmi ces écrits, se trouve d'abord une lettre écrite par Steuble à un de ses amis sous la date du 29 septembre 1837. Il annonce qu'il vient de traiter de l'une des plus grandes affaires qui se puissent entreprendre, et que, s'il réussit, son existence est assurée. Il recommande de ne pas faire connaître qu'il est à Londres; il donne son adresse chez le réfugié Souillard; il indique une série de signes hieroglyphi. ques dont on pourra se servir si on veut lui demander des choses qu'il puisse seul lire et comprendre. Une autre lettre saisie en même temps est écrite par Steuble à Hubert; elle a pour objet de demander le motif pour lequel il a été traité comme un coquin. Ce ne peat être par suite d'une lettre écrite à Mme la duchesse de Berri et dont il avait demandé que la réponse fût adressée chez un ami commun nommé Moll. Il avait seulement pour but de s'assurer si l'amitié de ce dernier était sincère. Il avait demandé de l'argent pour envoyer une lettre en Allemagne; on avait promis de le lui donner. Souillard, qui s'était engagé à payer pour le logis, est aussi celui qui a payé pour la lettre. Tel est en substance le contenu de cet écrit, dont une partie est déchirée et ne présente plus que des mots sans suite sur lesquels on ne doit pas hasarder de conjectures.

Ce qu'il importe surtout d'y remarquer, c'est qu'il renouvelle les plaintes de Steuble sur les mauvais traitements qu'il éprouve, plaintes qu'il exprimait aussi dans sa lettre à Souillard, et qu'il dirige ici contre Hubert. Il fournit ainsi l'explication d'une autre pièce qui doit surtout fixer l'attention et qui s été saisie aussi dans le paquet trouvé chez Journeux. C'est un projet de traité entre Jacob Steuble et la République française.Steuble y annonce qu'il a fait tout ce qu'il pouvait pour la réussite de l'entreprise, et qu'Hubert s'est op posé à ce que, dans un langage inintel ligible qu'il appelle son abmachung, il stipule que désormais la maison sera lonée sous son nom; qu'il aura sen! la faculté de permettre l'introduction dans les ateliers, et que toutes les commandes, les achats, le payement des ouvriers lui seront confiés, qu'enfin il aura la

liberté de se retirer quand il lui plaira.

A ces différentes pièces étaient joint un billet signé E. C. Valliser, el par lequel celui qui l'écrit accepte un rendez-vous qui lui a été donné dans HydePark pour voir une personne arrivée de Paris. Ce billet devait être attribué à Steuble, par cela seul qu'il avait indiqué lui-même, dans une lettre dont on a déjà parlé, ce nom de Valliser, comme étant celui sous lequel il desirait qu'on lui écrivit. En présence de ces différents écrits, ne devait-on pas regarder comme certain que Steuble, parti avec Hubert pour l'Angleterre, s'y trouvait avec lui engagé dans une entreprise qui exigeait le secret, dans laquelle il voyait une source de fortune et dont l'exécution était entravée par la rupture encore inexpliquée entre ceux qui étaient chargés de la mener å fin?

Quelle était donc cette entreprise pour laquelle Steuble traitait avec la République française ?

Appelé à donner des explications, Steuble a bientôt achevé d'écarter le voile qui ne cachait plus déjà la vérité. Dans les interrogatoires que lui a fait subir le juge d'instruction, dans une déclaration circonstanciée et écrite par lui-même, il a fait connaître, sinon avec une entière sincérité, du moins avec le degré de franchise que comporte sa position, le secret de son voyage en Angleterre et de ses relations avec Hubert et Laure Grouvelle.

Voici ce qui résulte en substance de

ses aveux.

Hubert, qu'il avait rencontré chez Moutier, avait appris de lui qu'il était capable de faire construire une machine de guerre semblable à celle dont on lui avait montré le plan. Hubert promit de lui donner les moyens de construire une machine de seize canons, et le con. duisit chez Laure Grouvelle. Après plusieurs pourparlers, il fut convenu que la machine serait construite, et que pour y travailler plus facilement et avec plus de sécurité, Hubert et Steuble se rendraient en Angleterre.

Steuble avait demandé à quel usage cette machine était destinée. «De quel parti êtes-vous?» avait repondu Hubert. De tous, celui que je préfère est celui de mon pays, la république ! - Eh bien! voulez-vous

construire cette machine pour le réta blissement de la république ? » Oui ; pourquoi pas ?» Et Steuble en rapportant cette conversation, fait observer que la machine serait très-utile en cas de révolution et qu'elle mettrait promp tement fin au carnage.

Il avait consenti à construire la machine; il avait stipulé qu'on lui donnerait le logement, la table et quelque argent, et que si la révolution se terminait à l'avantage de la république, une place à l'arsenal lui serait réservée.

Il part avec Hubert. A leur arrivée à Londres, ils rencontrent un ami de celui-ci, qui les conduit chez Souillard. Ils avaient fort peu d'argent ; mais quelque temps après on leur en expédie. Steuble achète les instruments nécessaires et commence à dessiner. Hubert témoigne le désir d'avoir un dessin qui représente la machine dans son ensemble, et Steuble consent à faire ce dessin.

Dans ces entrefaites, Hubert partit pour Paris, où il allait chercher de l'argent. Quand il revint, les plans étaient terminés.

Mais ce fut alors et au moment où il s'agissait des travaux plus coûteux, qu'éclate une mésintelligence que Steuble avait d'abord attribuée à la révélation que lui avait faite Hubert du projet d'employer la machine à un attentat contre la vie du roi, que depuis il a fait remonter à des tentatives faites par Hubert pour se substituer à Laure Grouvelle dans la direction de l'entreprise et pour s'emparer de la machine, dont il voulait qu'on lui enseignât l'assemblage. Steuble commenca, dit-il, à soupçonner la bonne foi de son complice et brûla le plan qui représentait le secret principal. Il renferma les autres, au nombre de huit, dans sa commode, avec la recette des fusées à la congrève. Mais le lendemain d'une scène violente, dans laquelle Hubert, sur son refus de construire la machine pour la livrer à un homme qui en of frait 25,000 fr. et voulait l'employer à un attentat contre la vie du roi, avait saisi un couteau et l'en avait menacé Hubert pénétra dans son logement pendant son absence et s'empara des plans, en laissant un billet ainsi conçu :

Vous avez voulu me tromper, j'ai votre secret; ne vous présentez plus devant moi, vous êtes un mauvais drôle. De

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