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sieur Devinsso, fabricant, qu'il supposait pouvoir l'employer.

Mais il a été constaté que personne dans ce temps ne fut présenté chez le sieur Devinsse de la part de Leproux, pour lui demander de l'ouvrage; tel n'était donc pas le but du voyage de cet étranger; et quand on considère qu'il est d'ailleurs prouvé jusqu'à l'évidence que cet étranger n'était autre que Hubert lui-même, on comprend, quel que soit le mystère dont s'environnent leurs rapports ultérieurs, comment Hubert a pu depuis écrire à Leproux en le nommant brave ami, et tenir dans ces lettres, soit quand il lui parlait à lui-même, soit quand il parlait de lui à Laure Grouvelle, ce langage qui suffirait seul pour montrer quel parti Leproux à pris au complot et quelle part il devait prendre à son exécution.

Il ne paraît pas que Laure Grouvelle eût attendu de Vauquelin une coopération aussi active. Mais on savait qu'il faisait profession de républicanisme et que sa bourse s'ouvrait avec facilité pour les intérêts et les besoins du parti.

C'était un ancien militaire qui jouissait d'une assez grande aisance et qui vivait dans une de ses propriétés, à Verneusse, dans les environs de Bernay. Ses rapports avec la famille Grouvelle paraissaient remonter au mois de janvier ou février 1836. Il a depuis entretenu avec Laure Grouvelle une correspondance: il prétend comme Leproux avoir brûlé les lettres qu'il a reçues d'elle; mais plusieurs de celles qu'il lui a écrites ont été retrouvées dans un paquet assez volumineux de papiers qui avait été remis à la demoiselle Hergaland, et que celle-ci avait soigneusement caché. Quelques-unes sont datées de l'ère républicaine, et la correspondance est presque exclusivement relative aux affaires du parti républicain, aux secours à donner aux hommes qui par leur coopération à des crimes où à des délits politiques ont encouru les châtiments de la loi. Ainsi Vauquelin autorise la remise à Annat d'une somme de 20 francs, s'il accepte la mission de recueillir les dons ; il blâme la marche d'une commission établie dans le même but; il consent, sur la demande de Laure Grouvelle, à recevoir chez lui le

nommé Valentin, auquel on recommandait l'air de la campagne, à la suite d'une opération chirurgicale qu'il avait subie, et avec lequel il n'avait jamais eu aucun rapport personnel.

C'est dans le cours du mois de mai 1837 queValentin est venu s'établir à Verneusse ; il y est reste jusque dans les premiers jours du mois d'août. Vers la fin du mois de juillet, pendant les fêtes qui consacrent l'anniversaire de la révolution de 1830, Vincent Giraud, ce même homme chez qui Steuble a été depuis caché, est arrivé à Verneusse. Il était porteur de deux billets ouverts, l'un adressé à Vauquelin, l'autre à Valentin, tous deux écrits par Laure Grouvelle, et dans lesquels elle recommandait toute confiance aux paroles de son messager. Celui-ci annonça qu'il était chargé de demander une somme d'argent, et Vauquelin avoue lui-même qu'il avait remis 400 fr. qu'il s'est procurés par un emprunt.

Ann. hist. pour 1838. App.

Vincent Giraud est immédiatement revenu à Paris : il y est arrivé le 29 ou le 30 juillet, et l'on se rappelle que le 34 juillet, Steuble et Hubert sont partis ensemble pour Londres.

Cette coïncidence devra nécessairement saisir l'attention, surtout si l'on remarque que Steuble et Hubert, dépourvus de ressources pécuniaires, ne pouvaient pas faire les frais de leur voyage, et que Laure Grouvelle n'était pas non plus en position de pourvoir seule aux dépenses d'une entreprise coûteuse. D'un autre côté, Hubert et Steuble n'ont emporté qu'une somme médiocre; car peu de temps après leur arrivée à Londres, ils se trouvaient sans argent, et ont été obligés d'attendre pour commencer leurs travaux qu'on leur en envoyât de Paris. On peut donc conclure que les 400 fr. obtenus de Vauquelin par Vincent Giraud, sur la demande de Laure Grouvelle, ont fourni à Hubert et à Steuble les moyens de se rendre à Londres, et par conséquent si Vincent Giraud, l'émissaire de Laure Grouvelle, si Vauquelin, qui a fourni les fonds, ont eu en ce moment la connaissance de la destination que ces fonds devaient recevoir, ils ont à la fois participė au complot et aux actes qui en commençaient la réalisation.

Le voyage entrepris exprès par Vip

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cent Giraud est une première indica tion de l'importance de la mission qui lui était confiée. La rapidité de sa course témoigne de son urgence, et le soin qui a été pris de ne pas faire connaftre, dans les billets dont il était porteur, la nature de l'allaire qui lui était confiée, établit à quel point elle commandait le mystère.

Vanquelin et Vincent Giraud prétendent cependant qu'il s'agissait seulement de secours à recueillir pour les amnisties politiques, de mesures de philantropie tout-à fait étrangères aux faits de l'accusation. Mais entre Vauquelin et Laure Grouvelle, ces sortes de sujets avaient été souvent traités par correspondance, et d'ailleurs les sympathies de ce genre avaient souvent reçu à cette époque des manifestations publiques qui prouvaient qu'elles étaient sans danger.

On ne peut donc pas croire que telle fut la mission de Vincent Giraud; le détail des circonstances qui l'ont ac compagnée et de quelques unes de celles qui l'ont suivie, va bientôt en établir d'une manière plus précise encore le véritable caractère.

11 paraît constant qu'aussitôt après l'arrivée de Vincent Giraud, Vauque. lin a envoyé son garde à Bernay, pour inviter un sieur Piquenot à venir immédiatement à Verneusse. Piquenot, qui a été compris dans les poursuites, était depuis long-temps en relation avec Laure Grouvelle, et n'avait pas été étranger aux menées du parti répu. blica in dans l'arrondissement de Bernay.

Il était lié avec un sieur Godard, ha bitant de Rouen, qui partageait les mêmes opinions politiques, et qui n'avait pas été moins gravement compromis dans les faits de l'accusation, par une correspondance avec Laure Grouvelle, suivie au moment où celle-ci s'occupait le plus activement du complot, et dont Godard lui-même a déclaré ne pouvoir expliquer ni l'objet véritable mi les termes mystérieux. Vauquelin avait été mis en relation avec Godard par l'intermédiaire de Piquenot, et avait en ce dernier la plus grande confiance.

Piquenot se rendit epsuite a l'invitation de Vauquelin; ik trouva réunis » Verneusse, Viucent Giraud, Vauque Jin et Valentin. Il prétend qu'il n'a été

question devant lui que de secours à donner aux amnisties et d'abonnement aux journaux politiques; s'il fallait au contraire ajouter confiance à des décla rations faites par Valentin, et qui depuis ont été en partie rétractées, en parte modifiées, Vincent Giraud aurait expliqué qu'il s'agissait d'une machine in fernale plus terrible et plus sûre que toutes celles imaginées jusqu'alors, et qu'on avait besoin de 4,000 fr. pour pourvoir aux premiers frais; Valentin ajoute qu'a la suite de cette communication, Piquenot, Vauquelin et lui auraient fait entre eux une collecte dont le produit, montant à 400 fr., aurait été remis à Vincent Giraud. On verra bientôt qu'en cette partie du moins, les révélations de Valentin ne méritent au. cune créance; mais il reste toujours que la seule explication fournie sur le fait avoué des fonds demandés par Gi. raud, et versés entre ses mains, consiste à dire qu'il s'agissait de l'assistance à donner soit aux amnisties politiques, soit aux journaux républicains; Pique, not déclare d'ailleurs que Vauquelin lui a confessé avoir emprunté la somme de 400 fr. remise à Vincent Giraud.

Depuis, Vauquelin a prétendu qu'il n'avait pas été dans sa pensée de donner cette somme, et qu'il avait seulement consenti à la prêter jusqu'à concurrence de moins de 330 fr. à Laure Grouvelle. Dans une lettre qu'il adresse à celle-ci, sous la date du 6 fructidor an 45, août 1837: Je lui donne l'explication de ses intentions à cet égard, et la prie de vouloir bien m'indiquer l'époque à la quelle les 330 fr. qu'il réclame pourront lui être remis. Laure Grouvelle sup porte impatiemment cette réclamation, et sur ses plaintes, Godard intervient. Par une lettre du 18 octobre 1837, il reproche à Vauquelin de vouloir re prendre ce qu'il a donné, et dans la pensée que la somme dont il s'agit a été remise pour soulager des condamnés politiques, il le blâme vivement de vou loir retirer son offrande; le 23 octobre, Vauquelin répond pour se justifier : il affirme que sur les 400 fr. par lui remis à Vincent Giraud, une somme de 330 fr. n'a été livrée qu'à titre de prêt; 20 fr. étaient dus à Laure Groavelle, qui, d'apres une autorisation de Vau quelin, dont il a déja clé prié, les avait remis à Annat. 50 fr. étaient destinés

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au soulagement des frères; les 330 fr. restants devaient lui être rendus.

On voit donc que Vauquelin luimême limite a 50 francs ce qu'il a donné pour les amnistiés pour une cause philantropique; et comme les reproches de Godard l'ont pénétré, il se hâte d'expliquer que la destination de la somme qu'il soutenait seulement avoir prêtée était toute différente. La destination résulte clairement de cette lettre écrite du 23 octobre, que c'est sous un pretexte spécieux que cette somme lui a été deinandée par un inconnu porteur d'une lettre de la demoiselle Grouvelle, qui recommandait toute confiance, et, pour éclaircir autaut que la prudence le permet, aux yeux de son correspondant, les mots de prétexte specieux évidemment employés pour contredire la pensée d'un bienfait ou d'un don, il a ajouté : « Vous › remarquerez qu'on me demandait ⚫ une somme beaucoup plus forte pour ⚫ une cause tres-grave a laquelle j'ai accordé une faible confiance, et que je ne dois pas tracer, dans la crainte de compromettre des amis..... Si je Vous voyais, je vous soumettrais ma correspondance avec Mile Grouvelle: quelques minutes d'entretion vous mettraient au courant. Piquenot était ⚫ présent au versement en question.

Il n'est donc pas vrai que les 330 fr. aient été versés ni pour des secours aux condamnés politiques, ni pour des abonnements à des journaux. Il n'est pas vrai qu'ils aient eu la même destination que les 50 fr. qui constituaient un don de ce genre et dont on w'hésite pas à faire connaître l'objet. Ce qui est vrai, c'est que le don ou le prêt de 330 fr. avait été déterminé par une cause trèsgrave, si périlleuse à énoncer qu'on n'osait pas même en confier le secret à une intime correspondance. La lettre de Vauquelin à Godard, mystérieuse sur ce point comme l'avaient été les billets dont Vincent Giraud était porteur, vint montrer que le même intérêt commandait le même silence.

Quelle était donc cette cause si grave et si compromettante? L'époque de la demande, les noms de Laure Grouvelle el de Vincent Giraud, le départ de Hu. bert et de Steuble ne répondent-ils pas à celle question?

Ne doit-on pas conclure que Vau

quelin qui, par sa lettre, annonce luimême qu'il connaît cette cause, et qu'il a brûlé depuis sa correspondance avec Laure Grouvelle qu'il promettait à Godard de lui soumettre pour dissiper ses doutes, a pris part au complot et aux actes qui en commençaient l'exécution en remettant l'argent nécessaire pour pourvoir aux premiers frais?

A la vérité, il résulte des expressions de cette même lettre qu'il n'a accordé qu'une faible confiance à ce complot; mais son peu de foi dans les moyens indiqués ne l'a pas empèché d'y concourir. Il a eu seulement pour résultat de le déterminer à ne pas livrer quelques mille francs qu'on lui demandait, et à faire un prêt au lieu de consommer un don; mais pour être moins confiante et moins désintéressée, son assistance n'en est pas moins réelle, et sa culpabilité ne résulte pas moins du concours établi par un prêt que du concours établi par un don.

Valentin avait revendiqué pour luimême une part de cette culpabilité quand il avait déclaré devant un magistrat de Poitiers avoir fourni de ses deniers une partie de la somme remise à Vincent Giraud. Cette assertion était contraire aux faits qui viennent d'être établis par des pièces qui ne peuvent être contestées, et Valentin lui-même l'a depuis rétracté ; mais cet individu était chez Vauquelin au moment où Vincent Giraud y est arrivé; ìl a reçu la confidence des motifs de son voyage, et il affirme lui-même que depuis son retour à Paris Laure Grouvelle lui a révélé le complot et les moyens d'exécution, qu'il s'y est associé et qu'il devait être chargé d'aller en Belgique pour acheter de la poudre et faire entrer en France la machine destinée à l'attentat, en employant les moyens habituellement mis en œuvre par les contrebandiers des frontières maritimes. Les rapports de Valentin avec Laure Grouvelle, Vauquelin et Vincent Giraud paraissent indiquer qu'il a dû être, en effet, associé au complot, et certaine partie de ses déclarations spontanées prouvait qu'il en couuaissait le secret. On ne negligera pas toutefois de faire remarquer que Valentin n'a fait de révélation qu'après avoir été condamné pour faux à cinq années de reclusion, par la Cour d'assises de Poitiers, et après avoir fait

de vains efforts pour obtenir devant cette Cour une condamnation pour dé. lit politique.

Après vingt séances consacrées aux interrogatoires des accusés et aux dépositions des témoins, la Cour dans son audience du 26 mai a entendu M. le président présenter le résumé des débats dans l'affaire Hubert.

MM. les jurés sont entrès à une heure dans la salle des délibérations.

A quatre heures, le jury est rentré à l'audience et a prononcé son verdict. Leproux, Vauquelin et Giraud ont été déclarés non coupables de complot contre la vie du Roi.

Hubert a été déclaré coupable de complot contre le gouvernement, suivi d'actes commis pour en préparer l'exécution.

La Dile Grouvelle, Steuble, Vincent Giraud et Annat sont déclarés coupables de complot seulement, et le jury reconnaît des circonstances atté

nuantes.

M. le président prononce ensuite, au milieu du plus profond silence, l'arrêt suivant :

La Cour, statuant sur les réquisitions du ministère public, et après avoir entendu les défenseurs ;

En ce qui touche Hubert: Considérant qu'il résulte de la déclaration du jury, qu'Hubert s'est rendu coupable d'avoir, en 1837, concerté et arrêté entre deux ou plusieurs personnes une résolution d'agir ayant pour bat de détruire ou de changer le gouvernement, que cette résolution a été suivie d'actes commis pour en préparer l'exécution;

» Vu les articles 87, 89, du Code pénal, et les articles 2, 12 et 17 de la loi du 9 septembre 1835;

» La Cour condamne Hubert à la peine de la déportation, ordonne que jusqu'à ce qu'il ait été établi un lieu de déportation, il subira sa peine dans une prison du royaume ;

La Cour, vu également les articles 9 et 10 de la loi du 9 septembre 1835, ainsi conçus:

Art. 9. Si les prévenus n'obtempèrent point à la sommation, le président pourra ordonner qu'ils soient amenés par la force devant la Cour ; il pourra également, après lecture, faite à l'audience, du procès-verbal consta

tant leur résistance, ordonner que nonobstant leur absence, il soit passé outre aux débats.

D

Après chaque audience, il sera, par le greffier de la Cour d'assises, donné lecture aux prévenus, qui n'au ront point comparu, du procès-verbal des débats, et il leur sera signifié copie des réquisitoires du ministère public, ainsi que des arrêts rendus par la Cour, qui seront tous réputés contradictoires.

Art. 10. La Cour pourra faire retirer de l'audience et reconduire en prison tout prévenu qui, par des clameurs ou par tout autre moyen propre à causer du tumulte, mettrait obstacle au libre cours de la justice, et dans ce cas, il sera procédé aux débats et au jugement, comme il est dit aux deux articles précédents. »

» Ordonne que le présent arrêt sera signifié à Hubert dans les formes de l'art. 9 ci-dessus, et qu'il lui sera également donné avis qu'il a trois jours à compter de celui-ci pour se pourvoir en cassation contre l'arrêt de condamnation.

D

A l'égard des accuses Laure Grouvelle, Steuble, Vincent, Giraud et Annat :

D

Considérant qu'il résulte de la déclaration du jury, qu'ils se sont rendus coupables d'avoir, en 1837, concerté entre deux ou plusieurs personnes une résolution d'agir ayant pour but de détruire ou de changer le gouvernement, sans que cette résolution ait été suivie d'actes pour en préparer l'exécution;

. Considérant qu'il résulte également de la déclaration du jury des circon. stances atténuantes, ce qui donne lieu à leur égard à l'application de l'article 463 du Code pénal;

La Cour condamne Laure Grouvelle et Steuble, chacun à cinq années d'emprisonnement.

» Condamne Vincent Giraud à trois années de la même peine. . A l'égard d'Annat... Annat interrompt et dit : Je ne veux pas de grâce!

M. le président continuant: Considérant qu'il a été précédemment condamné à une peine infamante, ce qui le constitue en état de récidive;

» Condamne Annat à cinq années de prison. »

La Cour les condamne en outre, tons solidairement, aux frais du procès et fixe à une année la durée de la contrainte par corps; ordonne que le présent arrêt sera exécuté à la requête du procureur-général.

Après avoir annoncé aux condamnés que la loi leur accorde trois jours pour se pourvoir en cassation, M. le président déclare la séance levée.

Mlle Grouvelle (toute en larmes) se précipite dans les bras de son frère et de sa belle-sœur ; elle leur recommande sa mère et est entraînée hors de la salle avec les autres condamnés.

20. Paris. Election académique. -L'Académie des Beaux-Arts a procédé hier au remplacement de M. Castellan, comme académicien libre.

Les candidats étaient MM. de Clarac, Dumont, Alex. Lenoir, Isabey, Taylor et de Laborde.

Au premier tour de scrutin, M. de Clarac a eu 11 voix, M. Dumont 16, M. Isabey 11, M. Lenoir 2, et M. Taylor 2.

Au deuxième tour de scrutin, M. Dumont a eu 18 voix, et M. de Clarac, en ayant obtenu 22, a été proclamé mem. bre de l'Académie.

20. Paris. Mort de M. le prince de Talleyrand. M. le prince de Talleyrand est mort le jeudi 17, à quatre heures du soir, après avoir reçu les secours de l'Eglise. Depuis long-temps il s'occupait de pensées graves. Il avait depuis trois mois des entretiens avec M. l'abbé Dupanloup, et on avait remarqué qu'il aimait à parler de matières ecclésiastiques et religieuses, et à rappeler ses souvenirs de séminaire. A l'époque de son discours à l'Académie, au commencement de mars, il avait annoncé qu'il avait quelque chose à faire, et qu'il le ferait. C'est vers ce temps qu'il rédigea un codicile où il declare qu'il veut mourir dans le sein de l'Eglise catholique, apostolique et romaine. M. l'abbé Dupanloup lui avait fait hommage de sa Journée du Chrétien, par Bossuet. On a trouvé le livre ouvert à la page de la préparation à la mort, à l'endroit qui porte en titre: Le chrétien prépare sa dernière confession avant de mourir.

Il y a environ quinze jours, le prince rédigea un projet de deux actes qu'il voulait envoyer au Pape : c'était une lettre au Saint-Pere et une déclaration de ses sentiments. Ce projet était écrit tout entier de sa main, et fut envoyé, à ce qu'il paraît, à M. l'archevêque. C'est ce projet qui a servi de base aux deux actes que le malade a signés le matin même de sa mort. On les lui lut à haute voix, et devant huit témoins, et il apposa à l'un et à l'autre sa signature, Charles-Maurice, prince de Talleyrand.

Ce fut après cela qu'il se confessa et reçut l'extrême-onction. Il s'unit aux prières de l'Eglise. M. l'archevêque n'assistait pas à la cérémonie, mais il vint deux fois dans la journée savoir des nouvelles de M. de Talleyrand. Le prélat a pris un grand intérêt à l'état du prince, et disait encore le matin qu'il lui était dévoué et qu'il donnerait sa vie pour lui. Ce mot ayant été rapporté au mourant, il recueillit ses forces, et dit que M. l'archevêque avait un bien meilleur usage à en faire. Il est remarquable d'ailleurs, que le prince avait toute sa connaissance, et qu'il l'a conservée jusqu'au dernier soupir.

La lettre au Pape et la déclaration sont parties pour Rome; on espère qu'elles seront rendues publiques.

Le testament de M. le prince de Talleyrand a été présenté hier à M. le président du tribunal de première instance par M. Chatelain, notaire. M. de Talleyrand institue pour légataire universelle madame la duchesse de Dino, sa nièce, et il fait plusieurs legs particuliers à M. le duc de Valençay, son petit-neveu. A la suite de ce testament, qui est olographe, se trouve une déclaration écrite aussi de la main de M. de Talleyrand, et dans laquelle il expose les principes politiques qui ont dirigé sa conduite sous les divers gouvernements qui se sont succédé depuis 1789. On dit que cette déclaration, dont M. de Talleyrand a ordonné qu'il fût donné lecture à sa famille en même temps que de son testament, renferme les aperçus les plus curieux sur la nature des crises politiques au milieu desquelles il a été appelé à jouer un rôle.

Cette déclaration est, ainsi que le testament, datée de 1836.

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