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RÉGIME DOUANIER

ENTRE LE CANTON DE GENÈVE ET LA ZONE FRANCHE DE LA HAUTE-SAVOIE.

RACCORDEMENTS DE CHEMINS DE FER.

2* SÉANCE.

MERCREDI 23 MARS 1881.

Étaient présents les mêmes Délégués qu'à la première séance.

M. MEYER, Directeur général des Péages fédéraux, assiste à la Conférence.

La séance est ouverte à 2 heures.

Le procès-verbal de la précédente réunion est lu et adopté.

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M. KERN annonce que le Conseil Fédéral a appris avec satisfaction que les Délégués français avaient, d'une part, admis sans difficulté le principe, posé par lui, qu'un raccordement de chemin de fer ne se payait » pas, et que, d'autre part, ils étaient prêts à signer des conventions séparées et simultanées, pour régler les questions de raccordement et les questions douanières, actuellement pendantes entre les deux États. Aussi a-t-il autorisé ses représentants

à discuter avec eux les facilités douanières à accorder à la zone savoisienne. Dans ce but il a désigné M. MEYER, Directeur général des Péages fédéraux, pour prendre part aux travaux de la Conférence.

Sur la demande de MM. les Délégués français, M. KERN donne connaissance des instructions de son Gouvernement, en ce qui concerne la question des vins. Il rappelle qu'en vertu du traité de 1851 entre la Suisse et la Sardaigne, le crédit annuel d'importation pour les vins de la Savoie était de 5,000 heclitres. Le Gouvernement français, interprète des populations de la HauteSavoie, demande que ce chiffre soit porté à 20,000 hectolitres et déclare qu'il ne pourrait, en tous cas, descendre au-dessous du crédit de 10,000 hecto

litres stipulé en 1869. Le Conseil Fédéral ne pense pas que cette demande puisse se justifier. Les statistiques prouvent, en effet, que le chiffre de 10,000 hectolitres est de beaucoup supérieur à la quantité de vins qui est introduite annuellement dans le Canton de Genève.

Depuis 1852 jusqu'en 1880, il n'y a que deux années où l'importation des vins de la Savoie ait été supérieure à 5,000 hectolitres; ce sont les années 1872 et 1875, pendant lesquelles 6,295 hectolitres ont été importés pour la première de ces années et 5,909 pour la seconde. Pour toutes les autres années, c'est-à-dire pendant l'espace de près de trente ans, l'importation s'est plus ou moins rapprochée du chiffre de 5,000 hectolitres, mais lui est toujours restée inférieure. Le chiffre moyen de l'importation pour cette période est de 4,436 hectolitres. Aussi M. Kern estime-t-il qu'en présence de faits aussi concluants, le Gouvernement fédéral ferait déjà preuve d'un grand esprit de conciliation en fixant, comme maximum, un chiffre de 7,500 hectolitres, soit 15,000 quintaux fédéraux anciens. De quoi pourrait se plaindre la Savoie, puisqu'il est constant qu'elle n'épuise pas le crédit dont elle jouit actuellement?

M. MARIE répond qu'un élément essentiel dont il faut tenir compte dans cette question, c'est la production des vins. La zone produit, en moyenne, de 180,000 à 200,000 hectolitres de vin par an. Si on le compare à ce chiffre de production, le crédit d'importation demandé par le Gouvernement français est d'une extrême modération. Il fait, d'ailleurs, observer que, lorsque le crédit de 5,000 hectolitres est dépassé, les vins de la Savoie payent les droits d'entrée. Il est donc tout naturel que cette considération agisse sur le mouvement commercial des vins de la Savoie.

Le commerce des vins est, d'ailleurs, comme on le sait, sujet, dans tous les pays, à des fluctuations nombreuses dont la cause réside dans le rendement plus ou moins abondant de la récolte. M. Marie conclut en disant que moyenne fournie par M. Kern ne saurait être prise pour base.

la

M. Jagerschmidt croit devoir ajouter que, si le crédit de 5,000 hectolitres n'a presque jamais été épuisé par les viticulteurs de la Haute-Savoie, cela tient à son insuffisance même, comparée au nombre des producteurs et au chiffre de la production, des avantages aussi restreints ne compensant pas les inconvénients des démarches à faire pour en profiter. Au surplus, s'il était exact, comme paraît le supposer M. le Délégué de Suisse, que les importations de vins de la Haute-Savoie ne dussent pas dépasser la moyenne des trente dernières années, la Suisse n'aurait, en réalité, aucun intérêt à refuser d'augmenter le crédit.

M. Jagerschmidt rappelle, en outre, que les instructions de son Gouvernement sont formelles à cet égard, et que les Délégués français se trouveraient dans l'impossibilité d'accepter un chiffre inférieur à celui qui avait déjà été

consenti le Conseil Fédéral en 1869 et en 1874. Il ajoute que, par si les instructions du Gouvernement fédéral étaient maintenues, il serait malheureusement à craindre que les travaux de la Conférence ne pussent aboutir à un résultat. Il répète que les viticulteurs de la Haute-Savoie demandent un crédit de 20,000 hectolitres, que le Gouvernement français est disposé à transiger au-dessous de ce chiffre, mais que ses Délégués ne sont pas autorisés à descendre au-dessous de 10,000 hectolitres.

M. KERN reconnaît qu'au-dessus de 5,000 hectolitres, il y a un droit. de 1 fr. 50 cent. par quintal fédéral ancien à payer, soit 3 francs par hectolitre. Mais ce droit de 3 francs exerce-t-il réellement une influence si grande sur le trafic? Cette question a, du reste, occupé déjà la Conférence en 1869, et, malgré les instances des Délégués français, le Conseil Fédéral s'est trouvé à cette époque dans la nécessité de refuser d'élever le crédit d'importation au delà de 10,000 hectolitres. M. Kern fait, en outre, remarquer que les viticulteurs de la zone sont dans l'erreur quand ils prétendent que le chiffre de 10,000 hectolitres, ayant été accordé en 1869, peut servir de point de départ pour des demandes supérieures. L'objet du contrat intervenu en 1869 a, en effet, disparu du moment où la France a construit le chemin de fer préjudiciable aux intérêts de Genève. En attendant, et pour gagner du temps, on pourrait examiner les autres demandes de la France. Si elles sont modérées, et si l'on peut s'entendre à leur sujet, il sera peut-être moins difficile au Conseil Fédéral d'accorder quelques facilités sur la question des vins. Sans déclarer qu'il y aurait impossibilité absolue de s'entendre, M. Kern insiste de nouveau sur cette considération que la France ne devrait pas demander le chiffre consenti en 1869 dans des conditions tout à fait différentes de celles d'aujourd'hui.

M. JAGERSCHMIDT réplique que, dans le cas où le Conseil Fédéral croirait devoir maintenir le chiffre de 7,500 hectolitres, MM. les Délégués français n'auraient autre chose à faire qu'à référer à leur Gouvernement.

Passant aux autres facilités douanières, MM. LES DÉLÉGUÉS FRANÇAIS demandent l'entrée en franchise sur le territoire de Genève des écorces à tan ainsi que des mottes à brûler en provenant.

M. KERN répond qu'il est autorisé à faire cette concession,

Sur la demande de MM. LES DÉLÉGUÉS FRANÇAIS, M. KERN déclare que son Gouvernement est également disposé à accorder, comme en 1869, l'admission, au quart du droit fédéral, de 500 quintaux fédéraux anciens de cuirs gros et de 200 quintaux de peaux tannées de veaux, moutons ou chèvres.

MM. LES DÉLÉGUÉS FRANÇAIS prient M. Kern d'insister auprès du Conseil

Fédéral pour obtenir une augmentation de ce crédit jugé insuffisant par les habitants de la zone.

Il en est de même pour le crédit, consenti en 1869, de 600 peaux brutes (en poils) de bœufs ou de vaches et de 6,000 peaux brutes de veaux, de moutons ou de chèvres, à exporter en franchise du droit de sortie fédéral, crédit dont les habitants de la Haute-Savoie réclament l'augmentation.

M. PHILIPPIN croit devoir faire remarquer que, dans toutes ces questions, il faut tenir compte de la situation particulière où se trouve le Conseil Fédéral, qui a à se préoccuper non seulement des intérêts du Canton de Genève, mais encore des intérêts de tous les autres Cantons de la Suisse, dont les réclamations ne manqueraient pas de se produire si le régime de faveur entre le Canton de Genève et la zone devait avoir pour résultat d'augmenter, à leur préjudice, la situation privilégiée dont jouit déjà ce canton.

M. MARIE répond qu'en ce qui concerne les peaux, le Canton de Genève n'est pas grand producteur de bétail, mais que d'autres Cantons voisins retireront avantage d'un crédit plus élevé d'exportation accordé à la Haute

Savoie.

M. KERN fait observer qu'il y a, en outre, un intérêt dont il faut tenir compte, l'intérêt financier de la Confédération, les facilités douanières accordées à la Haute-Savoie devant constituer une diminution de recettes pour la Caisse fédérale.

M. JAGERSCHMIDT insistant sur les avantages que le Canton de Genève devra retirer des facilités accordées à la Haute-Savoie, M. GAVARD fait observer qu'il n'a point mission de représenter et de défendre d'une manière exclusive dans la Conférence les intérêts spéciaux du Canton de Genève, mais les intérêts généraux de la Confédération. Le débat ne s'agite pas en effet, dit-il, entre Savoisiens et Génevois, mais entre le Gouvernement français et le Gouvernement fédéral suisse. De part et d'autre, il importerait donc de formuler seulement les demandes des autorités supérieures. Pour revenir à la question de la sortie des peaux fraîches, il expose la situation de la tannerie à Genève, et, en raison de l'état de crise de cette industrie, il ne pense pas que cette question ait une importance décisive pour les tanneurs génevois.

Sur la demande de la Délégation suisse, M. JAGERSCHMIDT précise, ainsi qu'il suit, les facilités douanières réclamées par la Haute-Savoie :

1° Franchise de droit pour un crédit de 10,000 hectolitres;

litres;

Admission à moitié du droit d'entrée fédéral pour 5,000 autres hecto

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