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soumis à la contrainte par corps les administrateurs d'établissements publics, pour le reliquat de leurs comptes. La contrainte est devenue légale pour ces administrateurs; elle est demeurée facultative pour les tuteurs, curateurs, etc., qui ne sont point comptables de deniers publics.

314. Lorsqu'il s'agit de rendre un compte, ou bien de restituer des pièces, la créance, ayant une valeur indéfinie, n'est point susceptible de liquidation (art. 552), et la contrainte a lieu, par cela seul que la partie condamnée ne satisfait point à ce qui lui est prescrit, sans qu'on doive évaluer à un chiffre précis l'objet de la demande. Il n'en est point de même lorsqu'il s'agit du payement des sommes dont le comptable est reliquataire. Le chiffre de la dette doit alors excéder 300 fr. La rédaction vicieuse de la loi, qui semble n'appliquer cette limitation qu'aux dommages-intérêts, s'explique, si l'on compare le texte actuel au projet, lequel, calqué sur l'ordonnance, portait 200 fr. quant aux dommages et intérêts, et n'établissait aucune limitation en ce qui concernait les reliquats de comptes. Lorsqu'on a rétabli le chiffre de 300 fr. pour mettre le Code de procédure en harmonie avec les prescriptions du Code civil (art. 2065) (1), on a oublié de modifier dans le même sens la seconde partie de l'article. Si quelques doutes pouvaient exister sur ce point, ils se trouveraient levés aujourd'hui par l'article 13 de la loi de 1832, suivant lequel, à l'égard même des comptables de deniers publics, pour qui la contrainte est devenue légale, de facultative qu'elle était auparavant, elle ne doit néanmoins avoir jamais lieu que pour une somme excédant 300 fr.

315. Plus cette voie était rigoureuse, plus il convenait de permettre au juge d'ordonner un sursis à l'exécution de la contrainte (2); mais alors, pour éviter les lenteurs et les frais d'un second jugement, on déclare à l'avance que la contrainte sera exercée, sans nouvelle décision du juge, à l'expiration du délai accordé.

Pourront les juges, dit l'article 127, dans les cas énoncés en l'article précédent, ordonner qu'il sera sursis à l'exécution de la contrainte par corps, pendant le temps qu'ils fixeront; après lequel elle sera exercée sans nouveau jugement. Ce sursis ne pourra être accordé que par le jugement qui statuera sur la contestation, et qui énoncera les motifs du délai.

En exigeant que le sursis soit accordé par le jugement même qui statuera sur la contestation, la loi ne fait qu'appliquer les principes généraux sur le délai de grâce (art. 122).

Il faut, suivant nous, se référer également à ces principes généraux, en ce qui concerne la faculté même d'accorder des délais,

(1) Remarquons toutefois que cet article défend de prononcer la contrainte pour une somme moindre de 300 fr.; tandis que dans les cas prévus par le Code de procédure, elle ne peut être prononcée si la somme ne dépasse pas 300 fr.

(2) Un sursis de quinzaine est de droit lorsqu'il s'agit de la restitution d'un immeuble (Cod. Nap., art 2061).

faculté que certains auteurs, s'attachant à la lettre de la loi, dans les cas énoncés en l'article précédent, veulent restreindre à la dette de dommages et intérêts ou d'un reliquat de compte. Il nous semble que, dans tous les cas où la contrainte n'est que facultative, il n'y a aucun motif raisonnable pour refuser au tribunal le droit de tempérer l'application d'une mesure, dont il pourrait s'abstenir complétement, s'il le jugeait convenable. En signalant les cas où s'applique le plus fréquemment la contrainte facultative, le lėgislateur a seulement entendu exclure les hypothèses où la contrainte serait légale ou conventionnelle; alors les juges, ne faisant qu'exécuter une mesure prescrite par la loi ou établie par une convention formelle, n'ont point qualité pour en adoucir la rigueur.

30 Exécution provisoire nonobstant appel.

316. La troisième espèce de disposition que peut contenir un jugement en ce qui concerne son exécution, c'est celle qui met obstacle à l'effet suspensif de l'appel, dont sont passibles les décisions rendues en premier ressort. Si la règle, empruntée au droit romain, nihil innovari appellatione interposità, est extrêmement précieuse pour la partie condamnée, qui habituellement est fondée à se soustraire, tant que son appel ne soit jugé, à l'exécution de la sentence; on conçoit qu'en sens inverse, la partie qui a obtenu gain de cause, puisse être fondée à invoquer soit la probabilité de son droit, soit des considérations d'urgence, pour obtenir le notable avantage de l'exécution provisoire. Quelquefois cette exécution est de droit, c'est-à-dire établie par la loi, sans qu'il soit besoin de la prononcer; le plus souvent elle est ordonnée par le juge, tantôt en vertu de la disposition impérative du législateur, tantôt d'une manière purement facultative.

317. L'exécution provisoire a lieu de droit, dans certaines circonstances où le législateur a pensé que des considérations d'ordre. public exigent l'exécution immédiate de la décision de la justice (Voy. art. 90, 263, 439).

318. En second lieu, cette exécution provisoire doit être ordonnée, sur la demande de la partie intéressée, mais sans que le juge puisse s'abstenir de la prononcer, lorsque celui qui obtient le jugement, ayant déjà en sa faveur une preuve régulière de son droit, que la décision judiciaire ne fait que consolider, invoque le principe suivant lequel provision est due au titre. Déjà l'ordonnance de 1667 (tit. XVII, art. 15) avait consacré ce bénéfice important, mais elle ne permettait de l'obtenir qu'à charge de donner caution restriction que les rédacteurs du Code ont trouvée trop rigoureuse.

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L'exécution provisoire sans caution, dit l'article 135, sera ordonnée s'il y a titre authentique, promesse reconnue, ou condamnation précédente par jugement dont il n'y ait point d'appel.

319. Le titre authentique sur lequel on peut se fonder, s'entend non-seulement d'un acte rédigé en bonne forme devant un officier public compétent (Cod. Nap., art. 1319), mais du fait même qu'une qualité serait tenue pour constante par exemple, celle de fils dans un procès qui porterait sur la succession paternelle. Il y aura titre authentique dans l'esprit de la loi lorsqu'un fils obtiendra gain de cause, en faisant reconnaître les conséquences légales d'un état que nous supposons à l'abri de toute contestation. Mais, le plus souvent, le titre sera un acte rédigé par un officier public. Cet acte ne doit pas être nécessairement susceptible d'exécution forcée, comme ceux qui sont reçus devant notaire. Ainsi, un procès-verbal de conciliation est, nous l'avons reconnu, authentique, bien qu'on puisse le comparer, sous le rapport de l'exécution forcée, à un acte sous seing privé le jugement rendu en vertu des aveux que contiendrait ce procès-verbal, serait exécutoire par provision.

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Il s'élève une question fort délicate lorsque le litige a porté précisément sur l'authenticité même. C'est, dit-on, faire une véritable pétition de principe que de se prévaloir en ce cas de l'authenticité, puisque c'est cette authenticité qui a été l'objet du litige. On invoque en ce sens l'article 439, relatif aux tribunaux de commerce, qui suppose un titre non attaqué, d'où l'on conclut que, pour ne point s'écarter de l'esprit de la loi, il faut se placer dans l'hypothèse où la difficulté n'a point porté sur la sincérité, mais uniquement sur l'interprétation de l'acte. Ce qui nous empêche d'admettre cette opinion, c'est qu'elle conduit à cette fâcheuse conséquence qu'il suffirait au défendeur de s'inscrire en faux, même sans que sa prétention eût le moindre degré de fondement, pour paralyser l'exécution du titre le plus irrefragable. Ou bien, si l'on veut laisser sur ce point un pouvoir discrétionnaire au juge, on tombe forcément dans l'arbitraire, contre la volonté manifeste du légisFateur, qui a voulu assurer des garanties aux intérêts les plus respectables. Le faux est assez rare et assez sévèrement puni pour qu'il ne faille pas le présumer facilement, et pour qu'on puisse exécuter avec quelque confiance, lorsque le juge a déclaré dénuées de fondement les allégations par lesquelles on prétendait

l'établir.

320. La promesse reconnue, dont parle la loi, sera le plus souvent un acte sous seing privé reconnu par la partie à laquelle on l'oppose. Cette reconnaissance peut être expresse, ou même tacite, si l'acte a été employé sans aucune réclamation pendant tout le cours de l'instance (1). On doit aussi considérer comme promesse reconnue une promesse verbale antérieure à l'instance, et qui

(1) Il n'en serait point de même si l'écrit avait seulement été tenu pour reconnu dans le silence du défendeur, puisque la loi elle-même se défie de cet écrit, en ne permettant pas de l'employer comme pièce de comparaison dans une vérification d'écriture (art. 200).

est ensuite avouée à la barre du tribunal. Si cet aveu avait eu lien devant un officier public, on retomberait dans le cas du titre authentique.

321. Enfin la partie gagnante peut invoquer une condamnation précédente par jugement dont il n'y ait point d'appel. Il faut supposer que le litige a porté sur l'interprétation ou sur l'exécution du premier jugement. Il existe alors, on le conçoit, une grave présomption contre le défendeur, puisqu'il a, pour ainsi dire, succombé deux fois dans la même affaire.

322. Il nous reste à parler des cas où l'exécution provisoire est facultative, c'est lorsque certaines circonstances de fait la rendent plus ou moins urgente. Mais comme cette exécution peut causer, en définitive, un préjudice irréparable à la partie contre qui elle est ordonnée, le tribunal, tout en appréciant l'urgence, apprécie également la position de la partie gagnante si son titre ne lui paraît point irrefragable, ni sa solvabilité à l'abri de tout soupçon, il ne lui permet d'exécuter qu'en fournissant caution.

L'exécution provisoire, dit l'article 135, pourra être ordonnée, avec ou sans caution, lorsqu'il s'agira :

1° D'apposition et levée de scellés, ou confection d'inven

taire.

Rien de plus pressant que de soustraire à la dilapidation les effets d'une succession, d'une société, d'une faillite, etc. La levée des scellés, bien que moins urgente que leur apposition, peut cependant être réclamée pour satisfaire des intérêts qu'il importe de ne point laisser longtemps en souffrance, notamment ceux des

créanciers.

2o De réparations urgentes.

Cette disposition se justifie assez d'elle-même.

30 D'expulsion des lieux lorsqu'il n'y a pas de bail (1), ou que le bail est expiré.

Le locateur a besoin de pouvoir rentrer immédiatement dans la possession de son immeuble, afin de pouvoir en retirer les revenus qui constituent sa fortune.

4 De séquestres, commissaires et gardiens.

On appelle proprement séquestres ceux qui sont chargés par la justice de conserver un bien dont la propriété ou la possession est litigieuse (Cod. Nap., art. 1961, 2o); et gardiens ceux qui sont chargés d'une mission semblable à l'égard des objets saisis (ib., art. 1962). Autrefois, lorsque la saisie portait sur un immeuble, le gardien recevait le nom de commissaire, qui se trouve ici reproduit par inadvertance, puisque le Code ne consacre point cette ancienne dénomination.

sup

(1) En supposant qu'il n'y a pas de bail, la loi emploie ici le langage de la pratique; elle pose qu'il n'y a point de bail écrit, dont puisse se prévaloir le preneur. Sa prétention n'aurait aucune espèce de fondement, s'il était avoué qu'il n'y a pas de bail dans le sens propre du mot, c'est-à-dire de contrat de location.

Du reste, la nomination des séquestres et gardiens a un caractère d'urgence incontestable.

5o De réceptions de cautions et certificateurs.

On appelle certificateur la caution de la caution.

Ce sera au juge à examiner, d'après les circonstances, si la réception de la caution doit être promptement expédiée. Cette promptitude sera nécessaire, par exemple, dans le cas précisément où il faudra donner caution pour obtenir l'exécution provisoire du jugement: le jugement qui ordonnera la réception d'une caution en pareille hypothèse, sera lui-même exécutoire par pro

vision.

6o De nomination de tuteurs, curateurs et autres administratrateurs, et de reddition de compte.

7° De pensions ou provisions alimentaires.

Ce sont là encore des dispositions bien faciles à justifier.

Les provisions diffèrent des pensions en ce qu'elles ne sont point fixées d'une manière générale pour l'avenir, mais seulement à titre provisoire, comme les aliments que l'on accorde, durant l'instance, à la femme qui plaide contre son mari en séparation de corps.

323. Plusieurs auteurs veulent étendre à tous les jugements provisoires ce que la loi dit seulement des provisions alimentaires. Mais alors ils refusent de considérer les cas prévus par l'article 135 comme étant les seuls où puisse être ordonnée l'exécution provisoire, et en cela ils méconnaissent l'intention formelle du législateur, qui a supprimé un paragraphe du projet de Code, ой l'on ajoutait: « Dans tous les autres cas, les juges pourront ordonner l'exécution de leurs jugements, en donnant caution, ou en justifiant d'une solvabilité constante. »>

324. Si le Code a cru devoir ajouter (art. 137):

L'exécution provisoire ne pourra être ordonnée pour les dépens, quand même ils seraient adjugés pour tenir lieu de dommages-intérêts;

C'est qu'il suppose que les dépens se trouvent l'accessoire d'une condamnation, susceptible elle-mème d'exécution provisoire. Cette circonstance ne suffit pas pour que le remboursement en soit véritablement urgent; on peut toujours attendre sans danger la conclusion de l'affaire. Enfin une partie est quelquefois condamnée aux dépens vis-à-vis de son adversaire, non pas positivement comme ayant perdu son procès, mais à titre de dommages-intérêts. Ainsi, les plaideurs auront succombé respectivement sur certains chefs, et il y aurait lieu, en principe, à la compensation des dépens (art. 131); mais l'une d'elles, ayant diffamé l'autre, est condamnée, à titre de réparation, à supporter les dépens de la partie adverse. Même dans cette hypothèse, il ne s'agit jamais que d'un recouvrement de frais, qui ne devient pas plus urgent pour avoir été prononcé sous forme de dommages-intérêts.

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