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DIVISION DES MATIÈRES.

18. On distingue la procédure proprement dite ou contentieuse, comprenant l'ensemble des règles qu'il faut suivre pour faire valoir devant les tribunaux un droit contesté; et la procédure gracieuse ou volontaire (1), qui détermine les formalités à suivre en dehors de tout litige pour faire certains actes sous la direction de la justice, ou du moins d'officiers ministériels. Cette distinction a servi de base à la division du Code; il traite de la procédure devant les tribunaux dans une première partie, et des procédures diverses dans une seconde, qui, cependant, nous allons le voir, ne correspond pas bien exactement à ce qui est du domaine de la juridiction gracieuse.

19. La procédure contentieuse est appelée assez improprement par le législateur procédure devant les tribunaux, car elle comprend l'exécution des jugements qui a lieu le plus souvent, non devant les tribunaux, mais sous la direction d'officiers ministériels, sauf à s'adresser au juge s'il survient quelque litige. La première partie du Code, consacrée à cette procédure, renferme cinq livres :

Le premier traite de la justice de paix, et reproduit, avec quelques modifications, les principes assez simples (n° 10) établis par la loi du 26 octobre 1790. Le second, intitulé Des tribunaux inférieurs, développe la marche de la procédure ordinaire, puis indique les modifications que doit subir cette marche, soit en matière sommaire, soit devant les tribunaux de commerce. La troisième s'occupe de l'appel. Il régit toutes les juridictions d'appel, ainsi que l'indique la rubrique primitive Des tribunaux d'appel, mal à propos modifiée en 1816. Les voies extraordinaires pour attaquer les jugements sont l'objet du quatrième livre. Enfin le cinquième embrasse tout ce qui est relatif à l'exécution des juge

ments.

20. La procédure gracieuse ou volontaire est l'objet des deux premiers livres de la seconde partic, intitulée Procédures diverses. Le premier livre de cette partie du Code s'occupe des divers cas où une partie s'adresse à un tribunal par voie de requête, pour obtenir certaines mesures. Le second a pour objet spécial les procédures relatives à l'ouverture d'une succession. Mais le troi

(1) Nous ne l'appellerons pas, avec quelques auteurs, procédure extrajudiciaire, parcequ'il y a beaucoup d'actes de juridiction non contentieuse où intervient cependant l'action des tribunaux.

sième, qui traite des arbitrages, rentre évidemment dans la procédure contentieuse.

21. Nous suivrons généralement cet ordre, presque entièrement emprunté au Traité de la procédure civile de Pothier. Les changements les plus importants que nous y apporterons, consisteront, en premier lieu, à commencer par la procédure ordinaire, les formes de la justice de paix devant être rapprochées de celles qui sont usitées dans les affaires sommaires et devant les tribunaux de commerce; en second lieu, à rapprocher des autres procédures spéciales celle des référés et celle des arbitrages, dont l'une se trouve placée dans le Code à la suite des voies d'exécution, et dont l'autre est confondue, sous la rubrique de procédures diverses, avec les actes de juridiction gracieuse. Ces deux changements ne sont, du reste, qu'un retour à la marche suivie par Pothier.

PREMIÈRE PARTIE.

PROCÉDURE CONTENTIEUSE.

22. L'objet de la procédure contentieuse est, suivant la définition donnée par Pothier dans son Traité de la procédure civile, l'examen des formes à suivre pour intenter une demande en justice, y défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les faire exécuter.

On peut dès lors diviser cette partie de la procédure en trois grandes phases :

1° Procédure en première instance;

2o Voies de recours contre les jugements;

3o Exécution des jugements.

PREMIERE PHASE.

PROCÉDURE EN PREMIÈRE INSTANCE.

(Code de procédure, Ire partie, liv. I et II; liv V, tit. XVI; II partie, liv. III.)

:

23. Bien que l'expression tribunal de première instance soit habituellement réservée au tribunal civil, elle s'applique aussi exactement à toute juridiction qui ne statue qu'en premier ressort, du moins au delà d'une certaine valeur à la justice de paix, au tribunal de commerce, etc. Nous devons donc comprendre dans cette partie de nos développements la procédure des juridictions spéciales, comme celle de la justice ordinaire. Nous trailerons, en premier lieu, de la procédure ordinaire, à laquelle il faut toujours se référer dans les autres procédures, toutes les fois qu'il n'y a pas de dérogation évidente à ses règles. Puis nous verrons jusqu'à quel point les procédures spéciales s'écartent des formes ordinaires. Cette marche est identique avec celle que nous avons suivie dans nos développements sur l'organisation judiciaire.

PREMIÈRE SECTION.

PROCÉDURE ORDINAIRE.

(Ire partie, liv II, tit. I XXIII.)

24. Pour analyser les diverses parties de la procédure ordinaire, le Code suit un plan fort simple. Il présente d'abord la manière dont se déroulent les actes de la procédure, abstraction faite de tout incident, puis il développe les régles particulières aux incidents. Nous ne pouvons mieux faire que de suivre ce plan, essentiellement adapté aux besoins de l'enseignement élémentaire.

Dans une première subdivision, nous suivrons, depuis la demande jusqu'au jugement, une procédure contradictoire dégagée d'incidents; une seconde subdivision sera consacrée aux jugements par défaut et à l'opposition; une troisième aux nombrenx incidents qui peuvent survenir dans un procès.

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25. La demande, l'instruction et le jugement, voilà les trois éléments essentiels de toute procédure.

La demande doit être portée devant un tribunal déterminé, et revêtue de certaines formes. Mais, outre les règles sur la compétence et sur la forme des ajournements, il y a lieu de plus, dans le droit actuel, à traiter du préliminaire de conciliation, qui doit généralement précéder toute action en justice.

L'instruction se compose de deux parties: la première comprend les écritures signifiées entre les avoués; la seconde les conclusions et plaidoiries devant le tribunal. Dans des cas assez rares, l'instruction, même devant le juge, a lieu par écrit. Les procès civils se poursuivent habituellement entre les parties privées, et l'intervention du ministère public y est purement facultative : mais cette intervention devient nécessaire dans les causes qui intéressent l'ordre public. Enfin la formation, la rédaction et l'expédition du jugement terminent la procédure.

26. Entrant maintenant en matière, nous devons commencer par examiner la première démarche à laquelle est astreint le plaideur, la tentative de conciliation (1). Certains auteurs ont vu dans ce préliminaire une procédure préparatoire, expression inexacte, si l'on entend par là une véritable instance, une procédure contentieuse, mais qui n'a rien que de juste, si on prend le mot procédure dans le sens le plus large, qui embrasse tous les actes de la juridiction, tant volontaire que contentieuse.

(1) Nous n'avons pas à nous occuper des formalités préalables auxquelles peut être soumise la demande en matière administrative, le Code de procédure (art. 1033) renvoie à cet égard à la législation spéciale.

CHAPITRE PREMIER.

PRELIMINAIRE DE CONCILIATION.

27. Déjà usitée en Hollande, et préconisée par la philosophie du XVIIIe siècle, l'idée de prévenir les procès par une tentative de conciliation a été (Org. jud., no 64) accueillie avec une extrême faveur par l'Assemblée constituante. D'après la loi du 24 août 1790 (tit. X, art. 1 et 14), dans toutes les matières qui excédaient la compétence du juge de paix, ce juge et deux assesseurs devaient former un bureau de paix et de conciliation. Ce magistrat siége aujourd'hui seul, ou du moins assisté de son greffier, depuis que la loi du 29 ventòse an IX a supprimé les assesseurs. Toutefois, l'expression de bureau de paix se retrouve encore dans le Code Napoléon (art. 2245); et elle semble assez convenable pour désigner l'audience du juge de paix siégeant comme conciliateur, par opposition à sa juridiction contentieuse le mot bureau n'implique pas nécessairement une réunion de plusieurs per

sonnes.

:

28. La loi du 24 août avait donné une extension démesurée à l'obligation d'une citation préalable en conciliation, puisqu'elle exigeait cette citation pour toute matière, soit en première instance, soit en appel. L'abus qui s'était introduit dans certains bureaux d'employer vis-à-vis des parties une contrainte morale pour les déterminer à se concilier, contribua également à discréditer l'innovation de 1790. Les rédacteurs du Code ont agi plus sagement en bornant la nécessité du préliminaire aux procès où il y a possibilité de transaction, et où l'affaire n'est pas de nature à exiger une prompte décision. Ainsi ramenée à de justes proportions, cette mesure produit les plus heureux résultats. Ceux qui la critiquent sont préoccupés de ce qui se passe dans les grands centres de population, où trop souvent l'institution n'est pas prise au sérieux. Mais il faut consulter l'expérience de la France entière, et il est facile de s'assurer, en vérifiant les statistiques de la justice civile que, sur cent demandes portées devant les tribunaux de paix, il y en a plus de cinquante terminées par un arrangement amiable. A Paris même, la ville peut-être où les juges de paix ont le moins d'influence, la proportion est encore de vingt pour cent. Il serait donc tout à fait déraisonnable de renoncer à une prescription justifiée par ses résultats pratiques.

29. Nous avons à nous occuper des demandes soumises au préliminaire de conciliation, de la citation en conciliation, de son importance et de ses effets, enfin, en dernier lieu, de la comparution ou de la non-comparution des parties.

I. Demandes soumises au préliminaire de conciliation.

30. Le Code pose en principe que l'essai de conciliation ne doit avoir lieu qu'aux deux conditions suivantes : qu'on soit au début de l'instance, et que la transaction ne soit pas impossible, à raison de la qualité des parties ou de la nature de la cause.

Aucune demande principale introductive d'instance, dit l'article 48, entre parties capables de transiger, et sur des objets qui peuvent être la matière d'une transaction, ne sera reçue dans les tribunaux de première instance, que le défendeur n'ait été préalablement appelé en conciliation devant le juge de paix, ou que les parties n'y aient volontairement comparu.

31. Il faut donc, en premier lieu, que la demande soit introductive d'instance. Il était inutile d'ajouter principale; car toute demande introductive d'instance est nécessairement principale, puisqu'une demande incidente en suppose nécessairement une première, sur laquelle elle vient s'enter. Mais il n'eût pas suffi de dire principale, parce qu'une demande peut fort bien être principale, sans être introductive d'instance, par exemple, la demande en intervention par laquelle un tiers s'introduit dans une instance déjà engagée. Il est vrai que l'art. 49 présente comme dispensées du préliminaire :

3o Les demandes en intervention ou en garantie (1).

Mais c'est là une des nombreuses inexactitudes que renferme cet article, où l'on a confondu les cas qui ne présentent que l'application du principe général posé par l'article précédent, avec les cas véritablement exceptionnels.

32. La prescription de la loi n'est relative qu'aux demandes portées devant les tribunaux de première instance. Ces expressions sont prises ici dans leur sens le plus usuel, pour désigner les tribunaux d'arrondissement, par opposition, soit aux justices de paix, où la mission de concilier rentre dans les pouvoirs ordinaires du juge, soit aux tribunaux de commerce (2), pour lesquels il existe une dispense formelle (art. 49, 4o). Déjà la loi du 26 ventôse an IV avait supprimé le préliminaire en cause d'appel. 33. Il faut, en second lieu, que les parties soient capables de transiger, et que l'affaire soit susceptible de transaction.

Toute personne incapable de transiger sur l'objet du litige ne saurait être citée en conciliation, puisqu'il ne lui serait pas possible de renoncer au procès. Il faut s'en tenir à ce principe bien simple, que la rédaction de l'art. 49 ne fait qu'obscurcir, en signalant spécialement comme dispensées du préliminaire :

(1) Il s'agit ici, comme le prouve la discussion au conseil d'État, de la garantie incidente, à l'égard de laquelle la dispense était encore inutile. Nous traiterons de la garantie principale et incidente, en parlant de l'exception de garantie.

(2) Quant aux prud'hommes envisagés comme conciliateurs, voy. Org, jud., nos 210 et 216.

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