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1o Les demandes qui intéressent l'Etat et le domaine, les communes, les établissements publics, les mineurs, les interdits, les curateurs aux successions vacantes.

En dehors de cette énumération, on s'est demandé s'il faut ou non soumettre au préliminaire les causes des incapables non mentionnées par l'article 49 : des femmes mariées, des envoyés en possession provisoire des biens d'un absent, des syndics d'une faillite, etc. Le doute à cet égard pourrait être fondé, s'il fallait voir une dispense dans la disposition de la loi relative à l'Etat, au domaine, etc. Mais, puisque ce n'est que l'application du principe général suivant lequel les parties doivent être capables de transiger, il n'y a point à se préoccuper d'une énumération qui ne saurait être limitative, et il faut étendre sans hésiter la même règle à tous ceux qui sont incapables de transiger. En sens inverse, on doit citer en conciliation les mineurs émancipés, bien que compris dans la disposition de l'article 49, 1°, lorsqu'ils ont la capacité requise pour transiger, par exemple, lorsqu'il s'agit de leurs re

venus.

34. Quant aux objets susceptibles de transaction, l'article 49 semble également affaiblir la portée du principe posé par l'article 48, lorsqu'il mentionne :

70... Les demandes en désaveu, en règlement de juges, en renvoi, en prise à partie,... sur les séparations de biens, sur les tutelles et curatelles.

Il est vrai que le désaveu, par lequel une partie attaque l'honneur d'un officier ministériel, en soutenant qu'il a agi pour elle sans mandat, ne saurait être étouffé par une transaction; il est vrai qu'on ne saurait transiger sur les principes fondamentaux de l'ordre judiciaire (1), ni sur les séparations de biens ou sur les tutelles ou curatelles, puisque ce sont des matières qui se rattachent à l'état des personnes. Mais ce n'est là qu'une énumération bien incomplète, et où l'on a omis quelques-uns des cas les plus saillants les séparations de corps, les nullités de mariage, etc. Il faut donc se référer purement et simplement aux principes du droit civil en ce qui touche la possibilité légale d'une transaction.

:

35. Examinons maintenant les cas où il y a véritablement dispense, c'est-à-dire où une affaire introductive d'instance, et sur laquelle la transaction est possible, peut cependant être entamée sans citation préalable en conciliation. Deux motifs peuvent justifier cette dérogation à la règle ordinaire : le besoin de célérité, et l'absence d'un espoir sérieux de conciliation à raison du nombre des plaideurs.

36. Voici quelles sont les dispositions de l'article 49 qui s'expliquent par le premier de ces motifs.

(1) Nous verrous ce que c'est qu'un règlement de juges, un renvoi, une prise à partic, dans les chapitres qui concernent ces matières.

Sont dispensées du préliminaire de la conciliation: 2o Les demandes qui requièrent célérité;

4° Les demandes en matière de commerce;

5o Les demandes de mise en liberté, celles en main-levée de saisie ou opposition, en payement de loyers, fermages ou arréde rentes; celles des avoués en payement de frais;

rages

7° Les demandes en vérification d'écritures,... les demandes contre un tiers saisi, et en général sur les saisies, sur les offres réelles, sur la remise des titres, sur leur communication.

On voit que la loi commence par dispenser du préliminaire les causes qui requièrent célérité, puisqu'elle énumère les plus importantes de ces causes : énumération qu'on ne saurait blâmer; car le besoin de célérité étant quelque chose d'assez élastique, il était utile, pour éviter l'arbitraire, de spécifier les hypothèses les plus usuelles.

Les prévisions de l'article 49 sont d'ailleurs faciles à justifier. Ainsi, les affaires commerciales ne doivent point être traînées en longueur, à cause de l'immense intérêt qu'ont les négociants à la promptitude des recouvrements. La dispense s'applique du reste aux matières, et non pas seulement aux tribunaux de commerce: elle concerne donc également les tribunaux civils lorsqu'ils sont appelés à exercer la juridiction commerciale (Cod. de comm., art. 640 et 641). Ainsi, la mise en liberté est essentiellement urgente. Il en est de même du payement des revenus sur lesquels on compte pour vivre, des frais réclamés par les avoués, etc.

A part ces diverses hypothèses, c'est à l'autorité judiciaire à apprécier dans sa sagesse si la matière requiert ou non célérité; mais il convient que cet examen ait lieu préalablement, afin que le demandeur sache à quoi s'en tenir et ne s'expose pas à faire fausse voie. Or, le président du tribunal est précisément chargé d'examiner quels sont les cas qui requièrent célérité, afin d'autoriser alors l'assignation à bref délai (art. 72), et il n'est pas douteux que cette autorisation ne vaille pour le demandeur dispense de citer en conciliation la partie adverse. Sans doute, le tribunal aurait toujours le droit de reconnaître après coup que la demande ne devait point être soumise au préliminaire; mais il est plus sûr pour la partie de régulariser dès l'abord sa position par une requête en abréviation de délai adressée au président.

37. Le second motif, le peu de probabilité d'un accommodement, fait dispenser du préliminaire :

6° Les demandes formées contre plus de deux parties, encore qu'elles aient le même intérêt.

Le mari et la femme doivent-ils être considérés comme ne faisant qu'un être moral, de telle sorte qu'il soit nécessaire de les citer en conciliation, s'ils sont assignés conjointement avec un autre défendeur? Oui, s'il s'agit d'intérêts collectifs dont le mari est le représentant, comme lorsqu'il procède en qualité de chef de la

communauté; non, si la femme est personnellement en cause. 38. L'article 49 ajoute en terminant:

Et enfin toutes les causes exceptées par les lois.

Au surplus, ces cas, présentés comme exceptionnels, ne sont guère que des applications, soit du principe suivant lequel la demande doit être introductive d'instance et porter sur des objets susceptibles de transaction (art. 345, 856), soit de la dispense motivée par le besoin de célérité (art. 320).

Quand la loi n'exige point le préliminaire, il est toujours loisible aux parties de se présenter volontairement devant le juge de paix, qui doit alors les entendre et s'efforcer de les concilier. Il n'en saurait être ainsi toutefois qu'autant que la matière est susceptible de transaction. S'il s'agissait d'une question qui dût nécessairement être vidée en justice, par exemple, d'une demande en séparation de corps, le juge de paix devrait refuser audience aux parties, puisque, là où la transaction est impossible, l'essai de conciliation est évidemment frustratoire.

II. Citation en conciliation : son importance et ses effets.

39. Quelle que soit la nature de l'action à intenter, c'est toujours au juge de paix du domicile du défendeur qu'il faut s'adresser. « Le défendeur, » dit M. Faure, l'orateur du tribunat, « doit naturellement avoir plus de confiance dans le magistrat qu'il connaît que dans celui qui lui est étranger, et en matière de conciliation, tout repose sur la confiance. »

Le défendeur, dit l'article 50, sera cité en conciliation:

1o En matière personnelle et réelle, devant le juge de paix de son domicile, s'il y a deux défendeurs, devant le juge de l'un d'eux, au choix du demandeur.

Il était naturel, dans ce dernier cas, de permettre au demandeur de choisir entre les juges de paix des deux cantons. S'il y avait trois défendeurs, l'essai de conciliation ne serait plus exigé (art. 49, 6o).

Afin de se conformer à l'esprit de la loi, il faut s'attacher, pour le préliminaire, au domicile réel, et non à celui qui est élu pour l'exécution d'un acte (Cod. Nap., art. 110); le juge de paix de ce dernier domicile ne saurait avoir avec le défendeur ces relations de bon voisinage qui peuvent faire espérer un accommodement par son entremise.

40. L'article 50 ajoute :

2o En matière de société autre que celle de commerce, tant qu'elle existe, devant le juge du lieu où elle est établie;

3o En matière de succession, sur les demandes entre héritiers, jusqu'au partage inclusivement; sur les demandes qui seraient intentées par les successeurs du défunt, avant le partage; sur les demandes relatives à l'exécution des dispositions à cause de

mort, jusqu'au jugement définitif devant le juge de paix du lieu où la succession est ouverte.

« Ces exceptions, » dit encore M. Faure, « sont fondées sur ce que le juge du lieu se trouve plus à portée de connaître le véritable état des choses, et dans le même lieu il est aussi plus facile aux parties de faire entre elles, aux moindres frais possibles, les recherches qui peuvent être nécessaires pour les concilier. >>

Nous expliquerons, en parlant de la compétence des tribunaux civils, ces deux paragraphes, qui se trouvent presque textuellement reproduits par l'article 59. Nous devons cependant faire une observation importante. On étend généralement, en matière ordinaire, la compétence du tribunal de l'ouverture de la succession ou du siège de la société aux demandes formées après le partage définitif, mais se rattachant au partage, telles que celles en rescision, en garantie, etc. Mais les motifs qui peuvent faire désirer l'attribution à un même tribunal du jugement de toutes les contestations relatives à une société ou à une succession, sont loin d'être aussi puissants, lorsqu'il s'agit seulement d'une citation en conciliation. Obliger le défendeur à comparaitre, longtemps après le partage, devant le juge du canton où la succession s'était ouverte, ou bien où la société s'était établie, ce serait l'obliger à un déplacement souvent fort onéreux, et s'exposer à rencontrer un juge de paix n'ayant aucune influence sur les parties, parce qu'il n'aurait jamais eu aucune relation avec elles. Il convient donc d'en revenir, dans ce cas, à la règle générale, et de s'attacher au domicile du défendeur.

41. Lorsque la partie citée devant le juge de paix prétend que ce juge est incompétent, il n'y a point lieu de dresser un procèsverbal de non-conciliation. De deux choses l'une ou le : juge de paix croit avoir qualité pour procéder à la conciliation, et alors il doit passer outre, sous la réserve des droits du tribunal; ou il ne se croit pas qualité, et alors il n'a aucun procès-verbal à dresser, il doit purement et simplement s'abstenir. L'incompétence se couvre, du reste, par le consentement exprès ou tacite des parties. 42. La citation en conciliation, soumise aux règles sur les citations en justice de paix, dont nous parlerons plus loin, doit être donnée par un huissier du canton où est domicilié le défendeur (1). La citation doit habituellement (art. 1er et 61,3°) énoncer l'objet et les moyens de la demande. Ici le législateur dit seulement (art. 52):

Elle énoncera sommairement l'objet de la conciliation.

Et en effet, l'indication des moyens peut être utile, mais elle n'est pas indispensable: la demande n'étant pas encore formulée

(1) L'article 52 portait. Un huissier de la justice de paix du défendeur. Mais le privilege des huissiers ordinaires près les justices de paix a été aboli par l'article 16 de la loi du 25 mai 1838 (Org. jud,, no 360).

par l'exploit introductif d'instance, le demandeur a le droit de se réserver toute latitude quant aux moyens qu'il emploiera. 43. La loi ajoute :

Le délai de la citation sera de trois jours au moins.

L'article 51 établit ainsi, à raison de l'importance des affaires soumises à la conciliation, un délai triple de celui qui est établi ordinairement pour les citations en justice de paix (art. 5). De plus, la comparution au bureau de paix étant essentiellement personnelle, le bon sens veut qu'on accorde au défendeur un délai supplémentaire à raison des distances, suivant les bases que nous indiquerons ultérieurement (art. 5, 73, 1033). Si la comparution n'était point possible en fait, mieux vaudrait ne point l'exiger.

44. Mais quelle est la sanction de la prescription légale qui oblige le demandeur à citer en conciliation la partie adverse? Suivant les expressions de l'article 48, aucune demande ne doit être reçue dans les tribunaux de première instance, s'il n'y a eu citation en conciliation, ou du moins comparution volontaire. Des esprits dominés par une logique étroite plutôt que par le sentiment des nécessités pratiques ont conclu de ces expressions qu'à défaut du préliminaire de conciliation, la demande se trouve frappée d'une nullité substantielle, radicale, dont il est permis de se prévaloir en tout état de cause, même en appel, et devant la cour de cassation. Mais une pareille interprétation aurait trop souvent pour résultat d'éterniser les procès, sous prétexte de les prévenir. Sans doute, le préliminaire a été établi dans un intérêt d'ordre public, et son absence ne saurait constituer une simple nullité d'exploit, dont la partie adverse aurait seule qualité pour se prévaloir. C'est aux juges que le législateur s'adresse lorsqu'il défend de recevoir la demande non précédée de la formalité prescrite; il leur appartient donc de renvoyer d'office les parties devant le juge de paix. C'est pour cela qu'il est donné, avec l'exploit (art. 65), copie du procès-verbal de non-conciliation, ou de la mention de noncomparution, afin qu'on puisse s'assurer s'il a été satisfait au vœu de la loi. Mais faut-il voir là, dans le silence du Code, une nullité absolue, au risque de mettre au néant une instance longue et coûteuse, pour l'inaccomplissement d'une formalité précieuse, à la vérité, mais qui n'est point de l'essence de la procédure? Ne faut-il pas considérer plutôt la défense de recevoir la demande comme une mesure simplement prohibitive, ayant pour sanction, d'une part, l'intérêt personnel du défendeur, et, d'autre part, la vigilance des magistrats? C'est ce qu'on décide sans difficulté au cas de noncomparution du défendeur, cas où toute audience lui est refusée jusqu'à ce qu'il ait justifié du payement d'une amende (art. 56) : ce qu'on n'a jamais entendu en ce sens que toute procédure ultérieure serait frappée de nullité, faute de justification préalable de ce payement, mais en ce sens seulement que les juges sont autorisés à ne point écouter le non-comparant. La jurisprudence la plus récente

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