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serait violer la règle qui défend de déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public (Cod. Nap., art. 6). 1000. Le refus des arbitres désignés est parfaitement licite, lorsque les choses sont encore entières; nul n'est tenu d'accepter un mandat.

Il en est autrement du déport, qui suppose l'acceptation des fonctions d'arbitre.

Les arbitres ne pourront se déporter, dit l'article 1014, si leurs opérations sont commencées.

Si les opérations ne sont pas commencées, on applique les principes généraux du mandat, suivant lesquels la renonciation du mandataire est encore permise à cette époque (Cod. Nap., art. 2007). Dans le cas contraire, les arbitres ne peuvent plus renoncer au mandat, en ce sens du moins qu'ils sont passibles de dommages-intérêts (ib., ib.) : mais il n'y en a pas moins extinction du compromis, puisqu'on ne saurait contraindre les arbitres désignés à instruire et à juger l'affaire.

1001. La récusation d'un arbitre, si on n'est pas d'accord pour le remplacer, met également fin au compromis. Les arbitres sont, en effet, récusables pour les mêmes motifs que les juges; mais, choisis par les parties, ils ne peuvent être écartés que pour des causes postérieures à leur nomination (art. 1014).

1002. A la différence de la récusation, qui émane de l'une des des parties, la révocation, qui n'est point fondée sur un motif légal, mais sur un simple changement de volonté, exige le concours des deux plaideurs (art. 1008). Le même accord qui a donné naissance au mandat, est nécessaire pour en faire cesser les effets. Si la révocation porte sur quelques-uns des arbitres, elle doit être expresse; celle de tous les arbitres peut s'induire d'actes emportant renonciation au compromis, notamment d'une transaction intervenue sur les points mêmes qui devaient être l'objet de la sentence arbitrale.

1003. Indépendamment de tout changement dans la personne des arbitres, le compromis peut s'éteindre (art. 1012)

Par l'expiration du délai stipulé, ou de celui de trois mois s'il n'en a pas été réglé.

Les rédacteurs du Code n'ont point pensé que la fixation d'un délai conventionnel fût indispensable, comme on le décidait autrefois; mais ils ont établi, pour stimuler le zèle des particuliers appelés à vider le litige, un délai légal de trois mois, au delà duquel le compromis expire de droit, sans aucune signification : le système ancien avait pour résultat de mettre les parties dans une position fausse, et d'éterniser les arbitrages.

Le compromis sera valable, dit l'article 1007, encore qu'il ne fixe pas de délai; et, en ce cas, la mission des arbitres ne durera que trois mois, du jour du compromis.

Le point de départ du délai légal est, on le voit, le jour même

du compromis le texte est trop positif pour qu'il soit permis de s'attacher, avec certains auteurs, au moment de la remise des pièces, ou à celui de la comparution des parties devant les arbitres.

Les parties peuvent, du reste, proroger les délais, mais il faut que leur volonté apparaisse d'une manière bien manifeste; le seul fait de s'être présenté devant les arbitres après les trois mois ne suffirait nullement pour établir une prorogation régulière.

1004. Enfin le compromis finit (art. 1013)

Par le partage, si les arbitres n'ont pas le pouvoir de prendre un tiers arbitre.

Nous avons signalé, dans nos Eléments d'organisation judiciaire (no 228), les inconvénients de la faculté laissée aux plaideurs de nommer des arbitres en nombre pair: ce qui rend trop fréquent le partage, lequel met fin au compromis, ou du moins entraine une complication fâcheuse, au cas où la nomination d'un tiers arbitre est autorisée. On éviterait le plus souvent (1) cet inconvénient, en prescrivant pour les arbitres, comme pour les experts (art. 303), qu'ils fussent en nombre impair. Si la volonté des parties doit être respectée, c'est à condition de n'être pas déraisonnable.

II. PROCÉDURE DEVANT LES ARBITRES.

1005. Le législateur commence par poser un principe général, qui domine toute cette procédure (art. 1009) :

Les parties et les arbitres suivront, dans la procédure, les délais et les formes établies pour les tribunaux, si les parties

n'en sont autrement convenues.

Cette règle ne doit pas s'entendre d'une manière absolue. Il y a des formes et des délais qui supposent le ministère d'avoués, notamment tout ce qui se rattache aux défenses respectivement signifiées dans la procédure ordinaire. Ce n'est point à des prescriptions de cette nature que le Code fait allusion. Il appartient aux arbitres de fixer ex bono et æquo le temps qu'il convient de donner aux parties pour la remise des pièces, pour la rédaction des mémoires; de prononcer sur la manière dont la cause devra être exposée, soit verbalement, soit par écrit, etc.

1006. Il n'y a qu'un point sur lequel le législateur ait cru devoir statuer, quant à la marche générale de l'instruction : c'est la fixation d'un terme, à l'expiration duquel les plaideurs devront avoir produit leurs pièces.

Chacune des parties, dit l'article 1016, sera tenue de produire ses défenses et pièces, quinzaine au moins avant l'expiration du délai du compromis; et seront tenus les arbitres de juger sur ce qui aura été produit.

(1) On se rappelle qu'il peut y avoir quelquefois partage parmi des opinants en nombre impair {no 258).

On voit que cette limitation elle-mème n'est point établie à peine de déchéance; les arbitres peuvent toujours tenir compte, si la sentence n'est pas encore rendue, d'une production tardive. A tous autres égards, ils ont plein pouvoir pour régler ce qui concerne la défense des parties.

1007. En parlant des délais et des formes établies pour les tribunaux, la loi a surtout en vue la marche tracée pour les diverses voies d'instruction, les enquêtes, les descentes sur les lieux, etc. Toutefois, même sous ce rapport, il n'y a pas lieu à se conformer en tout point aux règles de la procédure ordinaire. Il faut combiner avec le principe posé dans l'article 1009, cet autre principe essentiel, que les fonctions des arbitres sont indivisibles (art. 1011).

Les actes de l'instruction et les procès-verbaux du ministère des arbitres, seront faits par tous les arbitres, si le compromis ne les autorise à commettre l'un d'eux.

En conséquence, s'ils ne sont spécialement autorisés à procéder séparément, les arbitres, étant investis en masse, et non pas individuellement, de la confiance des parties, n'ont point qualité pour déléguer à l'un d'eux le soin de diriger une opération, telle qu'une enquête. Mais il ne leur est point interdit de donner, s'il le faut, une commission rogatoire à un juge de paix, par exemple: car, en définitive, les commissions rogatoires partent du même principe que l'expertise, dont il est impossible de contester la légalité dans une procédure arbitrale.

1008. La volonté des parties, tendant à affranchir les arbitres de l'observation des formes ordinaires, peut s'induire de la manière même dont a été conçu le compromis. Ainsi, lorsqu'ils sont autorisés à prononcer comme amiables compositeurs (art. 1019), par cela seul qu'ils ne sont pas astreints à décider d'après les règles du droit, il est assez naturel de penser qu'ils ne sont pas assujettis aux délais et formes observés devant les tribunaux (1). Au surplus, la dispense, quelle qu'elle soit, ne s'applique qu'aux formalités qui ne sont pas substantielles rien ne saurait justifier la violation de certains principes fondamentaux, tels que celui qui défend de condamner un plaideur sans l'avoir entendu.

1009. Les arbitres, n'ayant d'autres pouvoirs que ceux que leur confère le compromis, ne peuvent point connaitre des demandes incidentes qui ne se rattachent pas directement à l'objet de leur mission. Ainsi, il leur est interdit de prononcer sur une demande reconventionnelle, à moins qu'elle ne soit une dépendance nécessaire de la demande principale, et à plus forte raison, sur une question de garantie ou d'intervention, concernant un tiers placé en dehors du compromis. Il en est autrement s'il s'agit uniquement de se prévaloir d'une défense, par exemple de la

(1) Voy. Ferrières, Dict. de droit, vo Compromis.

compensation tout juge appelé à statuer sur une demande, est appelé virtuellement à statuer sur tous les moyens qui peuvent la combattre.

1010. Dans l'instruction même de la cause principale, il peut surgir des incidents qu'il convienne de renvoyer devant la justice ordinaire. C'est ce qui arrive d'abord incontestablement, toutes les fois que l'objet du litige exige la communication au ministère public, comme s'il s'agit d'une question d'état (art. 1004). Le législateur applique ce principe à l'inscription de faux; il va plus loin, il défend également aux arbitres de connaître de tout incident criminel: ce qui ne doit pas s'entendre seulement de l'action publique, complètement étrangère à la juridiction civile, mais même de l'action civile, sur laquelle, en principe, il n'est point interdit de compromettre. On n'a pas voulu qu'il fût permis de soustraire à la surveillance du ministère public un procès qui peut mettre sur les traces d'une infraction à la loi pénale (art. 1015).

S'il est formé inscription de faux, même purement civile (1), ou s'il s'élève quelque incident criminel, les arbitres délaisseront les parties à se pourvoir, et les délais de l'arbitrage continueront à courir du jour du jugement de l'incident.

Puisque l'action civile n'est placée en dehors du compromis qu'à raison de ses rapports avec l'action publique, si cette dernière se trouve éteinte, il n'y a plus aucun motif pour empêcher les parties de soumettre aux arbitres une contestation purement civile, où l'intérêt social ne se trouve plus ni directement, ni indirectement engagé.

1011. Plusieurs auteurs pensent, malgré le silence de la loi sur ce point, que les arbitres n'ont pas plus qualité que le juge de paix ou le tribunal de commerce (art. 14 et 427) pour connaître d'une vérification d'écritures. C'est là, il nous semble, méconnaître le véritable caractère de l'arbitrage, qui ne se meut pas dans un cercle déterminé, comme les autres juridictions spéciales, mais qui puise sa force dans la volonté des plaideurs: or, cette volonté n'a d'autres limites que celles qui lui ont été tracées par le législateur. Le silence que garde sur ce point le titre des arbitrages, se justifie, si l'on songe que le Code de procédure ne met point la vérification d'écritures sur la même ligne que l'inscription de faux, puisqu'il n'y exige point la communication au ministère public. D'ailleurs, en compromettant sur les questions qui se rattachent à un acte sous seing privé, les parties ont dù choisir des arbitres capables d'apprécier la sincérité de cet acte, soit par eux-mêmes, soit avec le concours de l'expertise.

(1) Ces mots : même purement civile, pourraient faire supposer qu'il existe une inscription de faux en matière criminelle. Mais nous avons vu (no 524) que cette incription de faux a été supprimée par l'ordonnance de 1737. Il ne faut donc tenir aucun compte de ces expressions, qui sont non-seulement inutiles, mais inexactes.

III. JUGEMENT ARBITRAL.

1012. Nous avons à examiner pour les jugements arbitraux, ainsi que nous l'avons fait pour les jugements ordinaires, comment ils se forment, quelles dispositions ils peuvent contenir, enfin comment ils sont mis à exécution.

1013. A Rome et dans l'ancienne jurisprudence, la décision des arbitres était prononcée en présence des parties. Le silence du Code à cet égard fait penser que le législateur moderne n'a pas attaché d'importance à cette formalité, qui ne semble effectivement essentielle que là où il y a publicité. Il suffit donc, pour la validité de la sentence, qu'elle soit rédigée et signée par les arbitres.

Le jugement, dit l'article 1016, sera signé par chacun des arbitres, et dans le cas où il y aurait plus de deux arbitres, si la minorité refusait de le signer, les autres arbitres en feraient mention, et le jugement aura le même effet que s'il avait été signé par chacun des arbitres.

On n'exige point, pour la validité de la sentence, qu'elle soit signée par la minorité, dont le mauvais vouloir ne doit pas pouvoir paralyser la décision rendue par la majorité. Mais il est indispensable de mentionner: 1° que les arbitres dissidents ont assisté et concouru à toutes les opérations; 2° qu'ils ont refusé de signer. Puisque la signature de tous doit avoir lieu en principe, il semble que tous les arbitres doivent savoir signer. Néanmoins, le législateur ayant investi la majorité des arbitres du droit de constater les opérations et de dresser le jugement en cas de dissentiment, on admet volontiers dans la pratique qu'il doit en être de même, à plus forte raison, lorsque la minorité, sans manifester aucun dissentiment, se trouve simplement ne pas savoir signer: les arbitres rédacteurs mentionnent cette impossibilité de signer, comme le ferait un officier public.

On ne saurait non plus, dans le silence de la loi, exiger, à peine de nullité, dans le jugement arbitral, l'énonciation expresse de sa date. Il faut seulement, en définitive, que la date soit établie au moyen de l'enregistrement ou de quelque autre circonstance, telle que le décès de l'un des arbitres (Cod. Nap., art. 1328): autrement, il serait impossible de constater que la sentence a été rendue avant l'expiration du compromis, la preuve testimoniale n'étant point admise pour justifier de la date des actes.

1014. Remarquons, pour n'avoir plus à revenir sur ce point, que, vis-à-vis des parties qui ont souscrit le compromis, les procès-verbaux des arbitres font foi jusqu'à inscription de faux: ce sont, comme les experts, des officiers publics momentanés. Quant aux tiers, ils peuvent, sans avoir besoin de s'inscrire en faux, faire preuve de la fausseté des énonciations contenues dans ces procèsverbaux, puisque le mandat conféré aux arbitres est à leur égard res inter alios acta. Mais, à partir du moment où le jugement est

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