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pareil système aurait besoin d'être consacré par un texte. Or, tel ne paraît point être l'esprit du Code de procédure, qui prescrit formellement l'énonciation de la somme pour laquelle est faite la saisie (art. 559), ni du Code civil (art. 1242), qui ne déclare nul que le payement fait au préjudice des saisissants; comment le payement serait-il fait au préjudice de saisissants qui ne se sont point encore fait connaître? Nous pensons dès lors que les saisies ultérieures viennent seulement en concurrence sur les sommes demeurées libres, et que le premier saisissant seul est fondé à recourir, dans l'espèce, contre le tiers-saisi.

1399. Nous résoudrons de la même manière les questions qui s'élèvent au cas de transport de la créance cédée, postérieure à la date de la saisie-arrêt; car, si le transport avait été signifié ou accepté antérieurement à cette date, la saisie serait arrivée trop tard (Cod. Nap., art. 1690). Le transport postérieur à la saisie-arrêt affecte d'abord incontestablement tout ce qui excède les causes de la saisie; en cas d'insuffisance, il faut reconnaitre que le transport vaut au moins opposition, et que le cessionnaire concourt avec le saisissant pour ce qui lui reste dù. Que si une seconde saisie est pratiquée après la signification du transport, il est évident que cette saisie ne peut nuire au cessionnaire; mais il nous semble également évident que le second saisissant doit venir par contribution avec le premier sur la part afférente à celui-ci (1). Reste à savoir qui supportera définitivement le préjudice occasionné par ce concours. Ce n'est point le tiers-saisi, qui joue dans l'espèce un rôle purement passif; mais, suivant une opinion assez répandue, le premier saisissant est fondé à exercer un recours en garantie contre le cessionnaire. C'est ce que nous avons peine à admettre; car, si l'on avoue que le transport vaut au moins opposition, on ne voit pas à quel titre un second opposant serait passible d'une action en recours à raison du préjudice occasionné au premier par une troisième saisie-arrêt. Nous ne pensons point dès lors que, dans l'espèce, le premier saisissant soit fondé à exercer aucun re

cours.

1400. Demandons-nous enfin quelle est l'époque où cesseront ces graves difficultés, et où s'arrêtera la faculté de signifier de nouveaux transports ou de nouvelles saisies. Lorsqu'il s'agit d'effets sur lesquels le droit des saisissants ne se trouve consolidé que par la distribution du prix de la vente, les créanciers ne sont point fondés à s'attribuer la propriété du mobilier de leur débiteur, mais seulement à la faire vendre en justice (Cod. Nap., art. 2078). Quand la saisie, au contraire, porte sur des deniers, on est assez d'accord pour reconnaître que le jugement de validité, du moins s'il est en dernier ressort et passé en force de chose jugée (ib., art. 1262, 1263),

(1) Ce point a été contesté, mais mal à propos suivant nous. Comment le fait du transport postérieur constituerait-il un privilége au profit du premier saisissant?

vaut transport judiciaire de la créance pour les créanciers au profit desquels il intervient. On comprend combien il est utile de couper court le plus tôt possible aux complications que fait naître la survenance de nouveaux intéressés.

CHAPITRE VII.

DISTRIBUTION PAR CONTRIBUTION.

1401. Toute poursuite de la part de créanciers tendant en définitive au payement, il y a lieu à répartir entre les ayants-droit, soit le prix des meubles vendus par suite d'une saisie-exécution ou de toute autre saisie immobilière, soit les deniers frappés de saisie-arrêt. Cette répartition est appelée distribution par contribution, parce qu'à part l'hypothèse de créances privilégiées, les créanciers, en cas d'insuffisance des valeurs saisies, obtiennent une collocation proportionnée à l'importance de leurs droits. La distribution par contribution s'applique aussi, mais plus rarement, en ce qui concerne le prix des immeubles il faut supposer pour cela qu'il n'y a point de privilége ou d'hypothèque sur l'immeuble saisi, ou bien qu'il reste encore quelque chose à distribuer après que les créanciers privilégiés ou hypothécaires ont été satisfaits; car autrement, il faudrait recourir à une procédure beaucoup plus compliquée, il y aurait lieu à l'ouverture d'un ordre.

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1402. L'ordonnance de 1667 avait gardé le silence sur la marche à suivre pour procéder à cette distribution. Aussi y avait-il à cet égard une foule d'usages divergents; à Paris même, la pratique du parlement différait de celle du Châtelet. Le Code établit une marche simple et uniforme.

1403. Le vœu de la loi est que les créanciers conviennent d'une distribution amiable. Il leur est donné, à cet effet, un mois à partir de la dernière séance du procès-verbal de vente, si les deniers proviennent d'une vente publique; et s'il s'agit d'une saisie-arrêt, à partir de la signification au tiers-saisi du jugement qui fixe ce qu'il doit verser (art. 656; ord. du 3 juillet 1816, art. 8).

1404. A défaut de distribution amiable dans le délai, l'officier chargé de la vente et tous autres détenteurs de deniers (même ord., art. 2 et 8) doivent, dans la huitaine suivante, consigner les espèces à la charge de toutes les oppositions. Toutefois cet officier a un droit fort important à exercer : il est autorisé à déduire du produit de la vente ses frais, taxés par le juge sur la minute du procès-verbal, ce qui lui assure un remboursement immédiat sans avancer aucuns déboursés.

1405. Il est procédé alors à la distribution judiciaire. A cet effet, l'avoué le plus diligent fait nommer un juge-commissaire.

Cette nomination est portée sur un registre tenu au greffe. En vertu d'une ordonnance rendue par ce juge, le poursuivant somme les créanciers opposants de produire leurs titres, et la partie saisie d'en prendre communication. La sommation se fait par acte d'avoué, si l'opposant a fait constitution d'avoué, sinon, par exploit. Les créanciers doivent, à peine de forclusion, dans le mois de la sommation, produire leurs titres, avec acte contenant demande en collocation et constitution d'avoué (art. 658, 660). Quant aux créanciers non opposants, comme ils ne reçoivent point de sommation et ne sont avertis que par l'ouverture du procès-verbal de contribution, ils sont admis à se présenter jusqu'à la clôture du règlement provisoire.

1406. Les créanciers privilégiés sont également tenus de produire, sauf à former leur demande à fin de privilége. Et néanmoins le locateur, venant généralement en première ligne, est autorisé à faire régler en référé (1) sa collocation privilégiée, contradictoirement avec le saisi et l'avoué le plus ancien, représentant la masse des créanciers (art. 661). Quant aux frais de poursuite, c'est-à-dire aux frais de la contribution, ils ne viennent qu'après la créance du locateur (art. 662), puisqu'ils ne le concernent point à raison de sa position toute spéciale. Il en serait autrement des frais de justice faits dans l'intérêt de tous les créanciers indistinctement, par exemple de ceux qui ont été nécessaires pour effectuer la vente du mobilier. On doit appliquer à ces frais l'article 2101 du Code Napoléon, qui met en première ligne les frais de justice.

1407. Le délai pour les productions expiré, ou bien quand tous les créanciers opposants ont produit, le juge-commissaire dresse, à la suite de son procès-verbal, l'état provisoire de distribution sur les pièces produites. Le poursuivant dénonce alors la clôture du procèsverbal aux créanciers produisants et au saisi, avec sommation d'en prendre communication dans la quinzaine, et de contredire, s'il y a lieu. Faute par eux de le faire dans la quinzaine, ils demeurent forclos, sans sommation ni jugement, du droit d'élever aucune contestation. Alors le règlement provisoire devient définitif, le juge arrête la distribution des deniers, et ordonne au greffier de délivrer aux créanciers un mandement (2), à la charge par eux d'affirmer la sincérité de leurs créances (art. 663-665).

1408. Mais il peut s'élever des contestations, soit sur les priviléges réclamés, soit sur la validité et sur l'importance des créances ordinaires. Le juge commis renvoie, en ce cas, à l'audience, qui est poursuivie par un simple acte d'avoué. Afin de simplifier la procédure, le Code n'autorise à mettre en cause que le créancier

(1) Le texte dit qu'on statuera préliminairement, c'est-à-dire avant la contribution, mais ce n'est toujours qu'une décision provisoire; et s'il s'élève une difficulté sérieuse, on doit saisir le tribunal. (2) Ce mandement ou bordereau de collocation est un extrait du procès-verbal, revêtu de la formu'e exécutoire.

contestant, le créancier contesté, le saisi et l'avoué le plus ancien des opposants; le poursuivant même n'est pas appelé, s'il ne figure dans la contestation. Le jugement est rendu, sur le rapport du juge-commissaire, après plaidoiries et le ministère public entendu (art. 666-668).

1409 Les créanciers qui ne se présentent pas à l'audience encourent forclusion, et dès lors ne peuvent former opposition au jugement. Mais l'appel est admissible (1); seulement, le Code en a beaucoup simplifié la marche, puisqu'il ne donne pour interjeter appel que dix jours à partir de la signification à avoué, et qu'il prescrit la signification de l'appel au domicile de l'avoué (2). L'instruction de l'appel se fait sommairement, on n'y reçoit que les parties autorisées à figurer dans la contestation en première instance (art. 669).

1410. Après l'expiration du délai fixé par l'appel, ou, s'il y a appel, après la signification de l'arrêt au domicile de l'avoué, le règlement de la contribution étant définitivement arrêté, le jugecommissaire clôt son procès-verbal, et huitaine après la clôture, le greffier délivre les mandements aux créanciers (art. 670, 671).

1411. Les créanciers ont droit de se faire colloquer pour les intérêts comme pour le principal jusqu'à la clôture du procèsverbal de distribution, s'il ne s'élève pas de contestation; sinon, jusqu'à la signification du jugement, et en cas d'appel, jusqu'à quinzaine après la signification du jugement sur appel. Après cette époque, les intérêts ne sont plus susceptibles d'être pris sur la masse à distribuer ce qui n'empêche pas le saisi d'en demeurer débiteur jusqu'au payement, sauf le cas de négligence manifeste de la part du créancier.

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DEUXIÈME SUBDIVISION.

SAISIE IMMOBILIÈRE.

(Même liv. V, tit. XII-XIV.)

1412. Une des réformes les plus vivement réclamées à la fin du dernier siècle, était celle de la procédure des saisies de biens immobiliers, appelées autrefois saisies réelles (3). L'ancien législateur, préoccupé exclusivement de la stabilité des propriétés, avait multiplié les formes de manière à rendre interminables les expropriations. Dictée, au contraire, par le désir de faciliter le crédit

(1) Nous examinerons en matière d'ordre quand le jugement, dans des causes semblables, est ou non rendu en dernier ressort.

(2) En substituant ainsi l'avoué à la partie, le législateur ne paraît point admettre l'augmentation de délai à raison des distances, qui est accordée en pareil cas daus la procédure d'ordre (art. 763). (3) Par suite de la confusion que nous avons souvent signalée entre les matières réelles et les matières immobilières.

foncier et la libre circulation des biens, la loi du 11 brumaire an VII sur l'expropriation forcée (1) introduisit un mode d'expropriation très-rapide. Un commandement à trente jours, des affiches non accompagnées d'annonces dans les journaux, la notification dans un délai de cinq jours au saisi et aux créanciers inscrits, l'adjudication dans les vingt jours, et au plus tard dans le mois : voilà à quoi se bornait cette procédure, éminemment dangereuse pour les débiteurs. En revanche, il était facile à la chicane d'éterniser la procédure, en soulevant des incidents, que l'imprévoyance du législateur de brumaire avait laissés sous l'empire du droit commun. Le Code de procédure, en améliorant la législation sur ce dernier point, avait rétabli, quant à la marche générale des saisies, des lenteurs telles qu'elles portaient atteinte au crédit, et devenaient, par conséquent, préjudiciables aux propriétaires mêmes que la loi avait voulu protéger. La loi du 2 juin 1841, dont le texte a été inséré dans le Code, a introduit d'heureuses simplifications en cette matière. Elle a réduit à douze les formalités prescrites, qui étaient au nombre de vingt-trois sous le Code de 1806. La durée de la procédure variait de huit mois à un an; elle n'est plus que de quatre à huit mois. Enfin, les frais d'une saisie dégagée d'incidents, qui étaient d'environ 600 fr., ont été réduits à moitié. Nous signalerons, en traitant de la voie parée, la marche, bien plus expéditive encore, introduite par le décret du 28 février 1852, mais en faveur des sociétés de crèdit foncier seulement.

1413. Les biens susceptibles de saisie immobilière sont (Cod. Nap., art. 2204) 1° les biens immobiliers et leurs accessoires, en tant qu'ils conservent la qualité d'immeubles par destination; 2o l'usufruit des immeubles. Les immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent, autres que l'usufruit (ib., art 526), ne sont point susceptibles de vente forcée. En effet, l'usage et l'habitation sont des droits purement personnels; les servitudes ne présentent d'intérêt que pour un petit nombre de propriétaires voisins; enfin, quant aux actions immobilières, c'est aux créanciers à les exercer en justice au nom de leur débiteur : toute la marche de la saisie immobilière suppose le débiteur en possession de l'héritage saisi, et l'on ne comprendrait pas de longues formalités pour arriver à la cession d'un droit litigieux, qui se trouverait peutêtre, au moment de l'adjudication, n'avoir aucun fondement.

1414. Nous allons examiner quelle est la marche de la saisie immobilière, puis quels incidents peuvent s'élever dans le cours de cette saisie, enfin, comment on procède à l'ordre, c'est-à-dire au règlement des droits des créanciers hypothécaires sur le prix de l'immeuble exproprié.

(1) Nous ne parlons pas de la loi du 9 messidor an III, qui n'a jamais été exécutée.

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