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ils ont multiplié les exemples et examiné de nombreuses espèces; mais ils n'ont point posé, avec franchise et clarté, une règle générale de laquelle dérivent toutes leurs solutions. Je m'efforcerai de mieux indiquer qu'ils ne l'ont fait, la base, le but et les élémens constitutifs des sociétés; de manière à prévenir toute confusion, entre ce contrat et les conventions qui ont avec lui de l'analogie.

3. Le premier chapitre sera consacré à cette partie si importante de la tâche que j'entreprends, et dans laquelle je n'espère, au surplus, réussir qu'à l'aide des travaux de mes devanciers.

Selon que les associés embrassent, dans leurs stipulations, tout ou partie de leurs biens, la société reçoit une qualification différente, et se trouve sou· mise à quelques règles particulières, J'indiquerai, dans le chapitre II, en quoi consistent ces modifications...

Après avoir ainsi exposé les principes généraux, et montré les variétés que présente le contrat de société, je rechercherai quelle est la nature du -lien qui unit les associés, quels sont leurs droits réciproques, leurs obligations respectives; considérant ensuite tous les associés réunis, comme une unité, j'étudierai les rapports de cette personne morale, formée de la réunion de plusieurs, avec les tiers. Tel sera l'objet du chapitre III.

L'ordre naturel des idées, aussi bien que la suite nécessaire des évènemens, a dû faire placer dans le dernier chapitre tout ce qui est relatif à la dissolution de la société, aux causes qui l'entraînent et aux opérations qui la suivent.

Les sociétés civiles sont rares; chaque jour au contraire voit naître de nombreuses sociétés de commerce. Il ne faut point s'en étonner le but que se proposent les commerçans étant de se procurer des bénéfices par l'exploitation de leurs capitaux, et par l'exercice de leur industrie; l'association, moyen puissant d'arriver à ce résultat, doit être fréquernment employé par eux. Les hommes étrangers au commerce, se contentant des revenus presque spontanés de leurs biens, ne songent pas à former des sociétés pour les augmenter; ils sont plus touchés des plaisirs d'une jouissance exclusive, que sensibles à l'avantage d'un accroissement de produits. Tel a été, du moins pendant long-temps, le sentiment qui a dominé dans cette classe. De nouvelles idées semblent aujourd'hui s'y introduire et tout fait présager qu'elles s'y développeront rapidement. Mais alors même que les sociétés civiles deviendraient aussi nombreuses que les sociétés de commerce, elles n'en seront pas moins distinctes et séparées. Je placerai dans un chapitre supplémentaire quelques observations, touchant le caractère particulier de chacune d'elles et l'influence que les principes généraux du droit civil doivent exercer sur les sociétés commerciales.

4. Au surplus, mon travail a été conçu et exécuté sous l'influence de quelques idées, dont je crois devoir rendre compte ici.

Ce serait une étude stérile que de rechercher l'ordre dans lequel les relations des hommes ont fait naître les différens contrats.

On interrogerait inutilement, sous ce rapport, les monumens historiques, et l'on consulterait sans fruit les divers systèmes de législation; ni les uns et ni les autres ne fourniraient d'explications satisfaisantes et utiles. Mais, si l'origine de chaque sorte de conventions reste ainsi couverte d'un voile impénétrable, on peut espérer de saisir, et il est intéressant de connaître la loi, d'après lar quelle leurs progrès se sont opérés.

En effet, lorsque l'observation, ou une vue priori nous a révélé la tendance d'une institution, d'un contrat, d'un fait social quelconque, nous comprenons sans peine les règles auxquelles il a été soumis, et nous voyons distinctement celles qu'il est convenable de lui imposer. Les obstacles qu'il a rencontrés, les causes qui ont hâté son développement, nous apparaissent avec un caractère de précision et de certitude, qui rend facile le choix des moyens propres à détruire les uns et à seconder les autres.

5. De tout temps, on a considéré comme le caractère distinctif du contrat de société, l'intention des parties d'obtenir par leur union un bénéfice, qu'isolées, elles ne pourraient se procurer; mais cette condition essentielle n'a pas toujours été placée par les législateurs et par les jurisconsultes au rang qui lui appartient. On ne trouve dans le droit romain aucun texte qui ait pour but spécial et direct de la mettre en évidence; c'est toujours incidemment qu'elle est indiquée. D'ailleurs, long-temps on a ignoré toute la puissance de production qu'acquièrent les capitaux en s'unis

sant. La plupart des exemples que fournissent les lois romaines et que citent les jurisconsultes, même ceux qui ont écrit à une époque rapprochée, sont empruntés à l'industrie agricole et ne rappellent que des combinaisons sans importance, sans étendue, inspirées par la nécessité, et plutôt faites pour prévenir des pertes, que pour procurer des gains. Ainsi, Despeisses, Pothier, Domat, nous parlent souvent de laboureurs qui mettent leurs chevaux ou leurs boeufs en commun; de voisines qui apportent, chacune, une vache dans la société. Sans doute les principes sont indépendans des choses qui forment les mises sociales; cependant, on conviendra que leur application à des matières et à des faits entièrement étrangers à l'activité commerciale, n'était pas propre à rendre familière et sensible cette vérité importante; que toute société a pour but de créer des bénéfices, par la communication d'objets qui, séparés, seraient moins productifs, ou même absolument stériles.

Aussi voyons-nous qu'autrefois la communauté et la société étaient à-peu-près confondues. Là, où l'on trouvait la première établie, on supposait que la seconde avait été contractée. Dans la plupart des coutumes, un père et un fils, des frères, quelquefois même des étrangers, vi. vant en commun, étaient tenus pour associés (1). La distinction entre des rapports de parenté ou d'affection, et des relations formées dans des vues in

(1) Coutumes du Bourbonnais, art. 267 et 268; Poitou, 231 et 232; Touraine, 231; Angoumois, 41, Nivernais, chap. 22, art. I

téressées était sinon méconnue, du moins rarement et faiblement appliquée. On ne comprenait pas assez que les sociétés proprement dites sont constituées, moins par l'union des personnes que par celle des biens. La doctrine et la législation avaient un ton plus sentimental que scientifique; elles s'attachaient au moins autant à donner de sages conseils sur les procédés et les égards que se doivent mutuellement les associés, qu'à formuler les règles relatives à l'administration du fonds social. 6. A mesure que l'industrie et le commerce ont pris du développement, des sommes plus consiTarbing

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et 2; Dreux, art. 52; Sainctonge, tit. 7, art. 58; Châteauneuf, cli. 9, article 70; Chartres, ch. 10, art. 61; Sens, art. 281. Auxerre, article 202; Bar, tit. 7, art, 88; Troyes, art, 102. Voici comment s'exprime Auroux des Pommiers, sur l'art. 267 de la coutume de Bourbonnais, Anciennement dans cette province, la communauté coutumière des meubles conquêts s'acquérait entre toutes sortes de la personnes, par mixtion des biens et demeure commune d'anı et jour, pourvu qu'elles fussent âgées, savoir, les mâles de quatorze ans, et les filles de douze ans, et qu'elles fussent sui juris : c'est ce qui se justifie par procès-verbal de la coutume sur le présent article, et par l'art. 1 du titre 7 de l'ancienne coutume; mais dans la rédaction de la nouvelle coutume, la disposition de l'ancienne a été bornée et limitée aux seuls frères; de manière que la communauté ou société tacite n'a lieu présentement qu'entre frères. » of sup #czoqqnë. el Nous voyons, dit Vigier, sur l'art. 41 de la coutume d'Angou mois,

le

s, de ces communautés continuées nées par des siècles entiers entre les gens des champs, principalement entre les métayers perpétuels, où les descendans des pères de famille, les gendres et brus venus en la maison, demeurent souvent ensemble sans partage l'espace de cent ans, ne rompent jamais leur société qu'avec de grands désor dres et différends. »

Cæterùm universalem omnium bonorum tam futurorum quàm præsentium societatem jam olim in Hollandiâ fuisse reprobatam, a Gro Grotio notatum est. Manud. ad jurisp. holl. lib. 3. cap. 21 nis 5 et 6.-Voët qd Pand. lib. XVII, tit. 11, n. 4. in fin.

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