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L'article 11 du projet de loi fixant la valeur vénale des immeubles fut adopté par le Sénat, dans sa séance du 23 janvier, après le rejet d'un amendement de M. Charles Prévet demandant qu'on étendît à la valeur successorale des immeubles la règle de la déduction de 25 0/0 appliquée à l'assiette de la contribution foncière sur les immeubles,

Les articles 10 à 17 furent adoptés dans la séance du 28 janvier, avec deux amendements, acceptés tous deux par le Gouvernement, l'un sur l'article 10 présenté par M. Dufoussat, sénateur républicain de la Creuse, concernant l'évaluation des fonds de commerce dans les successions; l'autre, de M. Cordelet, tendant à réduire. les droits de donation par contrat de mariage, en vue de favoriser le mariage.

Les autres articles (18, 19, 20, 21 et dernier) furent adoptés dans la séance du 29 janvier.

M. Franck-Chauveau, sénateur républicain progressiste de l'Oise, fit, avant le vote sur l'ensemble du projet de loi, une courte déclaration. Partisan de la déduction des dettes et de la réforme concernant l'usufruit, il se prononça cependant contre la loi, parce qu'il voulait rester fidèle, dit-il, aux traditions de 1789 et aux doctrines des économistes libéraux, de Gambetta, de Léon Say, de Jules Ferry. Il rappela les paroles de ce dernier qualifiant l'impôt progressif « d'idée fausse et d'illusion dangereuse». Tout au contraire, M. Lourties, sénateur républicain des Landes, et ancien ministre du commerce, se prononça pour le projet de loi, bien qu'hostile au système de la progression. C'est qu'à son avis il y avait une différence fondamentale entre l'impôt progressif et la progression limitée en matière successorale. Dans ce domaine spécial, pas d'arbitraire, pas d'inquisition, pas d'obstacle au développement de la fortune publique.

Cette déclaration semblait bien traduire l'état d'esprit de la majorité du Sénat.

L'ensemble du projet de loi sur les successions fut voté par 180 voix contre 69.

Cette importante discussion avait absorbé presque exclusivement, pendant le mois de janvier, l'attention du Sénat. Toutefois, le 17 janvier, une interpellation de M. Le Provost de Launay, sénateur conservateur des Côtes-du-Nord, vint en discussion.

Elle avait pour objet le fait suivant : la lettre qu'un inspecteur d'Académie du département des Côtes-duNord avait adressée à une institutrice pour lui demander des renseignements sur les dernières élections municipales de sa commune et sur le rôle qu'y avait joué son mari.

M. Le Provost de Launay ne manqua point de rappeler que Jules Simon, au Corps législatif de l'Empire, avait, aux applaudissements de l'Assemblée, protesté contre l'acte d'un inspecteur primaire qui avait donné publiquement à un instituteur le conseil de voter pour un candidat officiel. Il manifesta l'espoir que, dans les rangs du parti républicain du Sénat, le fait qu'il dénonçait soulèverait une légitime émotion.

M. Georges Leygues, ministre de l'instruction publique, expliqua au Sénat que le mari de l'institutrice, M. Maillard, élu conseiller municipal républicain de la commune où sa femme exerçait ses fonctions, avait cependant voté pour un maire conservateur. C'est alors que l'inspecteur d'Académie avait écrit à l'institutrice une lettre regrettable. Le ministre déclara qu'il avait pour ce fait infligé à l'inspecteur d'Académie un blâme simple qu'il jugeait suffisant. Quant à l'institutrice, le ministre estimait qu'elle avait commis une faute grave, en faisant ou en laissant parvenir cette lettre à la con

naissance de M. Le Provost de Launay, et, pour ce fait, il avait décidé son déplacement,

M. Le Provost de Launay répliqua qu'il constatait avec surprise qu'après avoir jadis flétri la candidature officielle le parti républicain la pratiquait aujourd'hui cyniquement à son profit. Il déposa un ordre du jour << regrettant l'intervention des fonctionnaires de l'ensei<< gnement primaire dans les élections ». Mais le Sénat adopta, a mains levées, l'ordre du jour pur et simple.

Le 31 janvier, le Sénat commença la discussion du budget de 1901 par une discussion générale qui fut close. après deux discours : l'un de M. Antonin Dubost, sénateur républicain de l'Isère, rapporteur général du budget, l'autre de M. Caillaux, ministre des finances.

M. Antonin Dubost affirma qu'il était temps de s'arrêter dans la voie de l'augmentation indéfinie des dépenses et convia le Gouvernement et les Chambres à guérir ces trois plaies: le développement du fonctionnarisme, les primes à certaines industries fournies par l'argent du budget, et les gaspillages dans les établissements gérés par l'administration de la marine et par l'administration de la guerre.

M.le ministre des finances, tout en jugeant avec moins de sévérité que le rapporteur général le projet de budget pour 1901, affirma comme lui la nécessité pour le Gouvernement et les Chambres de s'imposer une discipline sévère afin de ne pas céder à des entraînements momentanés.

Dans cette même séance (31 janvier), le Sénat procéda à l'élection d'un secrétaire en remplacement de M. Le Cour-Grandmaison, sénateur conservateur de la Loire-Inférieure, récemment décédé.

M. Bodinier, sénateur conservateur de Maine-et-Loire, fut élu par 147 voix sur 165 votants.

La Chambre des députés commença, au mois de janvier, la discussion sur le projet de loi relatif au contrat d'association qui ne tarda pas à prendre des développements considérables et à remplir presque toutes ses séan

ces.

Toutefois la Chambre trouva le temps d'adopter, sans débat, il est vrai, une proposition de loi sur la tutelle administrative en matière de dons et legs (séance du 28 janvier), et, dans la même séance, et toujours sans débat, par 425 voix contre 41, le second douzième provisoire le mois de février 1901.

pour

La séance du vendredi ayant été maintenue pour la discussion des questions et interpellations, la Chambre entendit, le 18 janvier, le développement d'une question adressée par M. Firmin Faure, député antisémite d'Algérie, à M. Millerand, ministre du commerce, sur la majoration du tarif du fret des compagnies de navigation entre la France, l'Algérie, la Tunisie et le Maroc.

Ce débat demeura sans conclusion comme celui qui eut lieu le 25 janvier sur l'initiative de M. Ferrette, député nationaliste de la Meuse, qui posa au ministre de la guerre une question sur la société coopérative militaire de Verdun et le préjudice qu'elle causait au commerce local.

La plus grande partie de ces mêmes séances des 18 et 25 janvier fut employée à la discussion d'une interpellation de M. Morel, député républicain de la Loire, « sur « les mesures que compte prendre le Gouvernement « pour mettre un terme à la crise intense du tissage des << soieries pures, remédier à la misère croissante des << ouvriers tisseurs et, d'une manière générale, pour << assurer le relèvement de la sériciculture et des indus<< tries solidaires ».

Soutenu par les députés de la région lyonnaise, spé

cialement intéressée dans les questions relatives au tissage des soies, l'interpellateur affirma que l'industrie du tissage de la soie pure avait été mortellement atteinte par les tarifs douaniers de 1892, qui avaient frappé la matière première d'un droit supérieur à l'objet fabriqué. Aussi, dans l'incapacité de lutter contre une concurrence étrangère plus favorisée, l'industrie du tissage de la soie pure réduisait de jour en jour ses travaux et le nombre de ses ouvriers en chômage variait entre 33 et 50 o/o.

Le remède était dans le relèvement du tarif douanier sur les tissus de soie pure.

M. Krauss, député socialiste du Rhône, soutint, dans un pittoresque langage, une thèse semblable.

Mais ce relèvement de tarif proposé pouvait avoir des conséquences funestes pour d'autres régions. La Suisse, en effet, était la grande importatrice, en France, des tissus de soie pure. Fermer par un droit presque prohibitis les portes de la France à cette importation, c'était risquer de voir dénoncer la convention commerciale francosuisse qui avait assuré à notre commerce, à nos produits, spécialement à nos vins, des avantages importants en Suisse.

Aussi M. Dubief, député radical de Saône-et-Loire, se montra-t-il hostile à un relèvement de tarif sur les tissus de soie pure dont ses mandants, les viticulteurs du Mâconnais, étaient menacés de payer les principaux frais.

M. Millerand, ministre du commerce, qui poursuivait, au nom du Gouvernement, le même but ; maintien du traité de commerce franco-suisse, s'efforça de démontrer le remède du relèvement des tarifs ne guérirait pas que le mal.

En 1899, alors que la production de la région lyonnaise pour les tissus de soie pure avait atteint 149 millions et demi, l'importation n'avait été que de 18 millions.

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