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jourd'hui les fruits de la politique qu'il avait inaugurée en appelant les socialistes au pouvoir.

432 voix contre 60 se prononcèrent pour le passage à la discussion des articles.

M. le Président du Conseil étant absent pour cause de maladie, M. Caillaux, ministre des finances, se décida alors à faire connaître son opinion et celle du Gouvernement sur le fond de la proposition Klotz.

Il faut bien avouer que c'était là une tâche embarrassante. Il était nécessaire, en effet, après avoir légitimé la progressivité de l'impôt pour les petites et moyennes successions, de se refuser à l'admettre pour les grosses. Comment y parvenir ?

M. le ministre des finances défendit d'abord contre M. Denys Cochin la justesse de conception des taxes progressives qui avaient pour but de « corriger la pro<«<gression des impôts indirects qui étaient impropor<«<tionnels et progressifs à rebours ». Or, comme les États modernes étaient condamnés, d'après l'avis du ministre, à des dépenses sans cesse grandissantes et qu'ils ne pouvaient trouver les ressources nécessitées par ces dépenses que dans les contributions indirectes, il était de toute justice de corriger par des taxes progressives, dans certains impôts directs, l'iniquité de répartition de ces contributions indirectes, sans cesse croissantes.

Il semblait que ce langage fût de nature à conduire à cette conclusion que la proposition Klotz devait être adoptée.

Tout au contraire, le ministre conclut que cette proposition rompait avec « l'harmonie générale du projet << du Gouvernement, que d'ailleurs, en matière fiscale, les << innovations étaient dangereuses », enfin qu'après le vote de cette « réforme considérable » des droits de succes

sion, il ne fallait pas voter de nouvelles dispositions << qui ne pourraient que la compliquer ».

M. Gauthier (de Clagny), député nationaliste de Seine-et-Oise, répliqua au ministre que la réforme des droits de succession venant d'aboutir, et le Sénat ayant accepté la progression sur les instances persuasives du Président du Conseil, il convenait de l'étendre, car si la progression était acceptable en soi, pourquoi, « quand <«< on avait atteint le chiffre d'un million, s'arrêtait-elle <«<et devenait-elle un danger »?

Il demanda à la Chambre si, comme il le pensait, elle adoptait la proposition Klotz, de voter ensuite la proposition de résolution suivante: « La Chambre, comp<< tant sur le Gouvernement pour défendre devant le << Sénat la proposition de loi qu'elle vient de voter, passe à l'ordre du jour. »

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La proposition Klotz fut adoptée par 388 voix contre 103. Puis la Chambre, revenant à la discussion du budget modifié par le Sénat, en termina l'examen et en vota l'ensemble. Enfin, dans une seconde séance qu'elle tint le même jour (22 février), la Chambre vota, par 373 contre 44, la proposition de résolution de M. Gauthier (de Clagny), sans que le ministre des finances émît à ce sujet aucune opinion.

Le budget retourna au Sénat, où il fut voté le 23 février avec une seule modification concernant le budget de la justice. La Chambre maintint ses premiers votes sur ce point le 25 février, et dans la séance du même jour (25 février) le Sénat céda. Le budget de 1901 était définitivement voté.

Le Sénat discuta, pendant les séances des 21 et 22 février, le projet de loi relatif à l'outillage des ports, rapporté par M. Cuvinot, sénateur républicain de l'Oise.

Ce projet de loi fut adopté, à la séance du 22 février, à l'unanimité des 278 sénateurs ayant pris part au vote. Le 28 février, le Sénat commença la discussion du projet de loi sur les bons d'importation. Nous analyserons cette discussion dans le compte-rendu du mois de mars, au cours duquel elle fut continuée et achevée.

Le mois de février fut attristé par d'importantes grèves sur les points les plus opposés du territoire.

Dans les premiers jours du mois de février, la grève éclata aux mines de Montceau (Saône-et-Loire). Elle eut pour prétexte sinon pour cause la différence des salaires payés par la Compagnie aux ouvriers qui travaillaient à la surface de la mine et à ceux qui travaillaient dans les puits grisouteux. La compagnie donnait à ces derniers, à raison du caractère plus pénible de leurs travaux, un salaire plus élevé. Le syndicat des mineurs formula diverses revendications dont la plus importante comportait l'égalité des salaires entre tous les mineurs sur la base des salaires les plus élevés.

La compagnie entra en négociations avec le syndicat. Vingt fois les pour parlers parurent sur le point d'aboutir, vingt fois ils échouèrent. Un orateur révolutionnaire venu de Paris, M. Maxence Roldes, prononçait d'ailleurs, quotidiennement, du haut du balcon de la mairie ou sur la place publique, des harangues enflammées pour exhorter les ouvriers mineurs à la résistance.

Mais si la grande majorité de ceux-ci (3.000 environ sur 4.000) ne se laissait que trop facilement entraîner à suivre les conseils de grève à outrance qui leur étaient donnés, un millier d'ouvriers mineurs, résolus à travailler, reprirent bientôt le chemin de la mine sous les huées, les menaces et parfois les agressions de la majorité de leurs camarades.

Ces mineurs non grévistes, constitués en syndicat, furent appelés << les jaunes » et leur syndicat « le syndicat jaune », par opposition aux grévistes, « les rou«ges », qui obéissaient au «< syndicat rouge ». Pour donner aux «< rouges » les moyens matériels de résister, des souscriptions furent ouvertes dans les journaux socialistes et des sommes d'argent versées par quelques syndicats ouvriers en vue de permettre la distribution << de soupes populaires », servies quotidiennement aux grévistes dans les rues de Montceau.

Au milieu de cette excitation croissante et en présence de l'irrésolution du Gouvernement, désireux avant tout de ne pas encourir la colère des députés socialistes par l'emploi des mesures d'ordre nécessaires, la grève ne tarda pas à prendre un caractère nettement révolutionnaire.

L'agitation gagna même Châlon-sur-Saône où, le 15 février, des ouvriers grévistes d'une usine de ferblanterie voulurent envahir de vive force, drapeau rouge en ête, des ateliers où ils supposaient que le travail continuait. Repoussés par la troupe et la gendarmerie, sans qu'il y eût eu heureusement d'accident tragique à déplorer, ils serendirent à la Bourse du Travail où de violents discours furent prononcés en faveur de la grève générale.

On put croire un moment que la grève générale, tout au moins des mineurs de France, allait devenir une réalité.

Sur le pressant appel des grévistes de Montceau à la solidarité de leurs camarades des autres bassins miniers de France, le comité fédéral national des mineurs se réunit, en effet, le dimanche 24 février, à Saint-Etienne.

Il vota diverses résolutions. Une d'elles. invitait le Gouvernement à donner satisfaction aux mineurs de Montceau-les-Mines, en imposant à la Compagnie une solution favorable aux revendications des mineurs. Si

la Compagnie s'y refusait, le Gouvernement devait retirer les troupes et reprendre à son compte l'exploitation des mines.

Une autre résolution décidait le principe de la grève générale des mineurs. Enfin une dernière résolution était ainsi conçue :

4e résolution: La fédération demandera au Gouvernement le vote de lois donnant à la corporation minière : 1o la retraite de 2 francs par jour après 25 années de service, sans conditions d'âge et proportionnelle en cas d'invalidité de travail; 2o fixation à 8 heures de la journée de travail, descente et montée comprises; 3° établissement du minimum de salaire fixé par les fédérations syndicales régionales. Elle lui demandera une réponse ferme pour le prochain congrès national de mineurs qui aura lieu dans la première quinzaine de mai.

Quelques jours après ces événements, le 27 février, une autre grève éclatait parmi les ouvriers du port du Marseille. Le motif en était à la fois étrange et douloureux. Un syndicat international d'ouvriers du port s'était formé en opposition au syndicat français d'ouvriers et au syndicat des contremaîtres.

Ce syndicat international, ayant à sa tête M. Flaissière, maire de Marseille, s'en fut trouver le préfet des Bouches-du-Rhône, pour se plaindre que trois contremaîtres des chantiers des Messageries maritimes eussent exclu de l'embauchage ou renvoyé des ateliers un certain nombre d'ouvriers, étrangers pour la plupart et appartenant au syndicat international. Celui-ci menaça de déclarer la grève générale si les trois contremaîtres qui s'étaient permis de préférer des ouvriers français à des ouvriers étrangers, n'étaient pas aussitôt renvoyés par leurs patrons. Ceux-ci s'y refusèrent. Le syndicat international alors déclara la grève et ajouta à sa première

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