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avec eux, ont employé à la représenter comme une loi d'action contre le cléricalisme, affirmait l'un, contre le catholicisme, disaient les autres, et tous contre quelqu'un ou quelque chose, et non pas seulement pour la liberté.

Ce ressort d'hostilité et de combat a manqué au projet de loi des retraites ouvrières. Du moment qu'il ne s'agissait plus d'exclure quelqu'un des bénéfices qu'elle se promettait d'apporter à un grand nombre de Français et qu'il ne pouvait être question que de l'aménager de manière à lui faire produire, à moins de frais, le maximum d'effet utile, elle a cessé de paraître intéressante à tous les sectaires et à tous les violents.

Tombée au rang de loi d'affaires, elle a été discutée comme telle. Il convient d'ailleurs de s'en féliciter, car, à la faveur de ce nouvel aspect, elle a été examinée avec plus de sang-froid et, pour ainsi dire, en elle-même. Ses inconvénients ont été signalés et mis en relief, sans que des clameurs, des menaces ou d'impérieux mots d'ordre soient venus stériliser l'effet des démonstrations décisives plusieurs fois fournies, et la Chambre, en renvoyant l'examen du projet de loi au referendum des intéressés, a permis à ceux-ci d'indiquer les dangers et les abus d'un système qui faisait trop bon marché de la liberté de l'épargne et qui établissait, pour des résultats parfois bien aléatoires, une sorte d'enrôlement fiscal des salaires ouvriers.

De même, le jour où le projet d'impôt sur le revenu aura été dépouillé, si cela est possible, de son caractère d'hostilité ou de menace contre un certain nombre de Français, il aura perdu, aux yeux des hommes politiques qui le soutiennent

aujourd'hui avec passion, la plupart des avantages qu'ils prétendent lui découvrir.

Si l'action législative du ministère n'a pas été, pour les raisons que nous venons de dire, bien considérable, au contraire, son action politique a été incessante.

M. Waldeck-Rousseau n'a pas essayé, comme certains de ses anciens amis politiques, demeurés ses amis personnels, l'espéraient et l'affirmaient, de revenir à une politique plus modérée. Il est resté, tout en étant nominalement son chef, le collaborateur intime de M. Millerand. Il a apporté autant de netteté à se solidariser avec lui dans les Chambres que de calme résolution à le laisser agir à sa guise quand il ne le secondait pas.

L'histoire des élections aux Conseils du travail en est l'irrécusable preuve.

C'est en vain que les anciens amis politiques de M. le Président du Conseil, les industriels et les négociants dont il avait été jadis l'éloquent organe, se sont efforcés de l'avertir du caractère, à la fois oppressif et vain, de la réglementation adoptée pour les élections aux Conseils du travail.

M. Waldeck-Rousseau est resté sourd à leurs instances. Les élections aux Conseils du travail se sont faites suivant les prescriptions du décret Millerand; elles n'ont donné, comme cela était à prévoir, qu'une ombre de représentation et, par suite, l'institution elle-même n'a tiré aucun profit et aucune force d'une pareille consultation électorale. Du moins l'amour-propre du ministre socialiste du commerce n'a souffert aucun dommage.

Le même concours a été prêté par le chef du Gouvernement à l'œuvre du général André. Sup

primer toutes les garanties résultant pour l'avancement des officiers du choix des commissions de classement, en supprimant les commissions de classement elles-mêmes, remettre au ministre seul, ou à des officiers subalternes de son cabinet les droits exercés jusque-là par l'ensemble des officiers généraux parvenus aux plus hauts grades de l'armée, voilà pourtant une œuvre qui passera difficilement pour une œuvre républicaine, quand on se rappelle que la tradition constante du parti républicain a été d'arracher à la faveur pour les donner au mérite les fonctions et les emplois.

Mais la triste conception du général André sert un certain nombre de basses rancunes et de vilaines passions. Là est le secret de son succès qu'il faut souhaiter éphémère.

L'année 1901 s'est terminée au milieu des préoccupations que cause la situation financière. Le déficit officiellement constaté de l'exercice 1901 est de 175 millions de francs.

C'est la première fois, depuis la terrible catastrophe de 1870, que nos finances accusent un tel désarroi. On fera difficilement croire, à tout homme de bonne foi, que la politique courante n'y ait aucune part.

Espérons que la vitalité de la France triomphera des angoisses de l'heure présente et attendons pour notre cher pays, en les préparant par nos efforts, les réparations de l'avenir !

Février 1902.

L'ANNÉE POLITIQUE

1901

JANVIER ⠀⠀ ⠀FORNIA

Rentrée des Chambres.

Ouverture de la session ordinaire de

1901. Elections des bureaux du Sénat et de la Chambre des Députés. — Discours des présidents Paul Deschanel et Fallières. SENAT: Discussion et vote du projet de loi modifiant le régime fiscal des successions.

Interpellation Le Provost de Launay au ministre de l'Instruction publique sur les actes de fonctionnaires de son administration.Ouverture de la discussion du budget de 1901.

CHAMBRE Interpellation Morel sur la crise du tissage des soies et les moyens d'y remédier.

Interpellation Sembat sur une lettre adressée par le pape Léon XIII à l'archevêque de Paris.

Discussion du projet de loi relatif au contrat d'association. Communication du Gouvernement aux Chambres au sujet de la mort de la reine d'Angleterre Victoria.

Elections sénatoriales et législatives partielles.

L'ouverture de la session parlementaire ordinaire de 1901 (la première du vingtième siècle) eut lieu le mardi 8 janvier.

M. Wallon, doyen d'âge, la présida au Sénat. Il donna à ses collègues quelques conseils aimablement tournés et

salués par le Sénat de vifs applaudissements, qui étaient comme un hommage respectueux à la verte vieillesse du célèbre auteur de la Constitution de 1875.

L'élection du bureau du Sénat fut, suivant l'usage, fixée à la seconde séance, c'est-à-dire au 10 janvier.

M. Fallières fut, ce jour-là, réélu Président du Sénat par 175 voix contre 30 bulletins blancs et 6 voix diverses

sur 211 votants.

Furent ensuite élus vice-présidents: M. Barbey, sénateur républicain du Tarn (171 voix); M. Demôle, séna*teur républicain de Saône-et-Loire (165 voix); M. de Verninac, sénateur radical du Lot (159 voix); M. FranckChauveau, sénateur républicain libéral de l'Oise (145 voix).

Les secrétaires élus furent : M. Francoz, sénateur républicain de la Savoie (185 voix); M. Bougeat, sénateur républicain du Tarn-et-Garonne (184 voix); M. Rambourgt, sénateur républicain de l'Aube (184 voix); M. Teisserenc de Bort, sénateur républicain de la HauteVienne (177 voix); M. Darbot, sénateur radical de la Haute-Marne (174 voix); M. Denoix, sénateur républicain radical de la Dordogne (174 voix); M. Leydet, sénateur radical-socialiste des Bouches-du-Rhône (164 voix); M. Le Cour-Grandmaison, sénateur monarchiste de la Loire-Inférieure (155 voix).

MM. Gayot, sénateur républicain libéral de l'Aube; Dusolier, sénateur républicain de la Dordogne et Cazot, sénateur inamovible, républicain, furent respectivement réélus questeurs par 172, 170 et 156 suffrages.

Dans le bref discours de remerciements qu'il prononça à la séance du 11 janvier, M. le Président Fallières fit l'éloge « de la République parlementaire qui se prête <«< sans secousse aux améliorations et aux réformes que << la loi du progrès impose à ceux qui la gouvernent ».

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