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à Lyon, n'importe où, et se défendre comme s'étaient défendus les Espagnols et les Russes. -Il ne fallait pas moins que la réussite de ces grandes mesures pour absoudre les chambres; et encore la délivrance de la patrie ne pouvait les soustraire à la nécessité de soumettre leur audace au jugement du peuple, et d'obtenir de ce maître suprême un bill d'indemnité.

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C'est là ce que firent les hommes de brumaire, qui, après avoir sauvé la patrie, se soumirent à la votation individuelle des citoyens; votation qui consacra leur ouvrage de telle sorte, que quiconque peut les condamner encore, malgré le jugement populaire, prouve par cela seul ou qu'il ignore ce dont il parle, ou qu'il n'a point de foi dans le dogme politique qu'il proclame d'une bouche hypocrite. Et en effet, sous le voile saint du dogme religieux, que de fois le vice et le crime n'ont-ils pas caché leur hideuse figure? et combien de lâches intérêts ne se sont-ils pas également cachés sous le voile de la souveraineté populaire? Pour combien d'hommes égarés ou coupables ce grand nom de peuple souverain ne signifie-t-il que le moi souverain d'un parti? Malgré le vote du maître dont

ils proclament la souveraineté dérisoire, quelques hommes continuent de condamner ce qui est devenu plus sacré que la chose jugée; car, qu'est-ce que l'arrêt d'un tribunal comparé à l'arrêt d'un peuple entier?.... Et tout en blasphémant ce que le vote public d'il y a trente ans a consacré, ces mêmes hommes frustrent le peuple d'aujourd'hui du droit de voter! ils parlent sans mandat au nom du public, et substituent leur volonté à la volonté de tous les citoyens, qu'ils évitent de consulter, même après la victoire!

Les chambres usurpatrices s'insurgèrent contre Napoléon, à la voix de cet ami de Washington (1) dont l'intention fut toujours

(1) Le général Lafayette s'exprima ainsi : « Messieurs, lorsque, pour la première fois depuis bien des années, j'élève une voix que les vieux amis de la liberté reconnaîtront encore, je me sens appelé à vous parler des dangers de la patrie que vous seuls à présent avez le pouvoir de sauver.

« Des bruits sinistres s'étaient répandus; ils sont malheureusement confirmés. Voici le moment de nous rallier autour du vieux étendard tricolore, celui de 89, celui de la liberté, de l'égalité et de l'ordre public; c'est celui-là seul que nous avons à défendre contre les prétentions étrangères et contre les tentatives intérieu

droite, mais dont l'influence fut bien funeste. Quel fut en effet le résultat de cet étrange appel au patriotisme de 1789?.... Une députa

res. Permettez, Messieurs, à un vétéran de cette cause sacrée, qui fut toujours étranger à l'esprit de faction, de vous soumettre quelques résolutions préalables dont vous apprécierez, j'espère, la nécessité.

«Art. Ier. La chambre des représentans déclare que l'indépendance de la nation est menacée.

« Art. II. La chambre se déclare en permanence. Toute tentative pour la dissoudre est un crime de haute trahison; quiconque se rendrait coupable de cette tentative sera traître à la patrie et sur-le-champ jugé comme tel.

« Art. III. L'armée de ligne et les gardes nationales qui ont combattu et qui combattent encore pour défendre la liberté, l'indépendance et le territoire de la France, ont bien mérité de la patrie

« Art. IV. Le ministre de l'intérieur est invité à réunir l'état-major-général, les commandans et majors de légion de la garde nationale parisienne, afin d'aviser aux moyens de lui donner des armes et de porter au plus grand complet cette garde citoyenne, dont le patriotisme et le zèle éprouvé depuis vingt-six ans offrent une sûre garantie à la liberté, aux propriétés, à la tranquillité de la capitale, et à l'inviolabilité des représentans de la nation.

« Art. V. Les ministres de la guerre, des relations extérieures, de la police et de l'intérieur, sont invités à se rendre sur-le-champ dans le sein de l'assemblée.

tion honteuse au camp des alliés.... l'héroïque armée de la Loire licenciée.... l'enthousiasme des soldats et du peuple réprimé.... enfin les Bourbons imposés pour la seconde fois! Ah! ce n'était pas la route où se précipitèrent les hommes de 89; ce n'était pas le drapeau de 89.... Il y a loin de l'immortalité glorieuse du cri marseillais, à l'inexorable immortalité de ce cri nos amis les ennemis!

Ne nous étonnons plus que des chambres coupables n'aient pas osé consulter le peuple, pour lui soumettre leur conduite.... Qu'eussent-elles recueilli d'une votation nationale?.. Depuis les trois votations du Consulat, de l'Empire et de l'acte additionnel, le peuple français, que vous appelez encore souverain, n'a plus été consulté. Sans votation populaire, il ne peut y avoir de légitimité populaire. Ou vous reconnaissez le principe de la souveraineté absolue, et Henri V est votre maître; ou vous reconnaissez le principe de la souveraineté populaire, et vous êtes renégats de votre foi politique, si vous ne consultez pas le peuple d'aujourd'hui sur le pouvoir que vous avez substitué de fait aux pouvoirs votés par le

peuple d'hier. Devant cette vérité, que peuvent les mille sophismes de la doctrine?

« Ah! pourquoi un de nos députés ne monta-t-il pas « à la tribune pour dissiper d'injustes préventions, « pour forcer tous les partis à se réunir contre les << baïonnettes étrangères, pour rappeler à l'assemblée l'exemple du sénat romain allant en corps au devant de Varron, vaincu à Cannes par sa propre impru«dence? Un pareil mouvement imprimé à la nation « l'eût préservée du joug; ou du moins, s'il était dans << notre destinée de succomber, nous serions tombés avec gloire, nous ne serions pas tombés sans ven« geance. »

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Tout cela a été dit : c'est précisément le fond, et presque la forme du discours que j'adressai aux deux chambres, comme commissaire extraordinaire de l'Empereur. Je montrai, sans détour, la France se perdant par ses dissensions et descendant au dernier rang de l'échelle politique. Je parlai, non-seulement de Varron, mais de Saragosse et de Moscou, qui étaient plus près de nous ; je dis enfin tout ce qu'écrit Lamarque.... Tout fut inutile: céder aux ennemis, c'était refaire 89!!! tant était complet le bouleversement des idées !

Comment expliquer ce bouleversement

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