Page images
PDF
EPUB

Quel eft donc le pouvoir qui gouverne les homines,
Et quel cft notre fort fur la terre où nous fommes ?
Fantômes paffagers, fortis pour un instant
Des gouffres du néant,

Quels glaives font encor fufpendus fur nos têtes,
Et quand peut-on fe dire à l'abri des tempêtes ?
Voyez cette beauté dont l'afpect gracieux

Attiroit tous les yeux,

Qui faifoit envier for bonheur & fes charmes,
Soudain ne pré enter qu'un trifte objet de larmes
Pour le bandeau mortel détacher fes atours,
Et mourir innocente au printemps de fes jours.
Plus on quitte, en mourant, de biens, de jou fances,
Plus le coup qui nous perd eft fenfible à nos cœurs;
Mais la mort qui détruit toutes nos efpérances,

Détruit auffi tous nos malheurs.

avec

Nous croyons que la mafi que n'a rien à faire av ces maximes philofophiques, & que dans le Drame lyrique, tout doit être en action, tout doit être pa Eonné.

Les deux reconnoiffances de Métaflafe, qu'il étoit fi difficile d'expliquer fur notre Théatre d'une manière claire, font ce qui avoit toujours éloigné nos Poëtes de ce fujet. M. Dériaux les a préfentées affez rapidement. Narba!, prétendu père de ircée, a reçu de la feue Reine une lettre à l'inftant de fa mort, & c'eft lui qui découvre que cette Princeffe eft fille du Roi.

Votre mère, en mourant, me remit cette lettre,
En me faifant jurer de ne jamais l'ouvrir,
A moins que le Deftin, qui peut tout fe permettre,
N'exposât Dircée à périr.

[ocr errors]

C'eft Diane elle-même qui defcend du Ciel pour apprendre que Tinante eft le fils de Narbal. Ames Nous ne prononcerons point fur le mérite de ce Poëme; nous ne dirons rien non plus du style : cc que nous avons cité fuffit pour en donner une

[ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors]

idée.

Nous nous tairons également fur la mufique; non pas que nous n'ayons du bien à en dire fous plufieurs rapports; mais nous avouons que le fyftême mufical adopté par l'Auteur ne nous paroît pas celui qui convient au genre dramatique, ou tout doit être clair & fimple, où l'harmonic doit être naturel'e la mélodie exprtive, mais fans bizarrerie & fans effort, les modulations faciles à faifir; où rien, en un mot, ne doit détourner les Spectateurs de l'attention qu'ils doivent à la marche dramatique & à la fituation des perfonnages. Les recherches d'harmonie qu'on peut quelquefois employer à produire des effets inattendus, n'en font plus lorfqu'on en abufe, & qu'on les multiple à l'infini. On trouve fans doute dans cet Opéra des more aux très énergiques, notamment deux a'rs de M. Lainz, qui doivent encore une grande partie de leurs fuccès à la chaleur avec laquelle il les rend; mais ces morceaux reffo tiroien: bien davantage, fi tout le refte, fans être de la même forc:, 'cffioit pas le même faire, ce qui fiait par être fatiguent.

Cependant, comme ce fyflême a encore des partifans nombreux, nous ne prétenus pas l'atraquer. Nous expofens fuleert nos opinions particulières, en laifiant au Public à les apprécier.

L'ouverture, qui renferme plufieurs traits de tromboni peu communs, a fait beaucoup d'effet, & on l'a répétée deux fois. Le divertiffement de la fin, exécuté par les meilleurs fujets de la danfe, a fait un plaifir infini; c'eft le fort ordinaire de tous les Ballets où fe trouvent MM. Veftris &

Gardel. La mufique de ces Bakts eft très-bien chofie. On y entend deux Andanté d'Haydn, écrits d'un fiyle qui contrafte un peu avec celui de l'Opéra.

COMÉDIE FRANÇOISE.

UNE indifpofition de M. Saint-Fal ayant retarde

la feconde reéfentation de Marie de Brabant, nous avons été forcés de retarder auffi le compte que nous avons promis de cette Tragédie. Voici le trait hiftorique, d'après le Père Daniel.

La Broffe, de Chirurgien de Louis IX, étoit devenu Favori & Chambellan de Philippe III. Il s'étoit abfolument emparé de l'efprit de fon Maitre, lorfque le Roi perdit Ilabelle d'Aragon, fa première femme, ércufa Marie de Brabant, & vit moarir Louis, fon fils alé du premer lit, que Jon fourgonna mort du poifen. Ic Favori, qui redoutoit dans la Reine, femme aimable & fpirituelle, une rivale de la faveur, réfolut de la perdre en la fa fint accufer d'avoir attenté aux jours du jeune Prince, & en fortifiant l'accufation. Il y avoit dans ce temps-là à Nivelle une Beguine qui paffoit pour illuminée. Pailippe dépêcha auprès d'elle l'Abbé de Saint-Denis & l'Evêque de Bayeux. L'Evêque, qui étoit parent de La Broffe, prit les devants, & entendit la Beguine en corfeffion, ce qui le réduifcit au filence. Quand l'Abbé arriva, elle ne lui voulut rien dire. Le Roi y renvoya l'Evêque de Dol, auquel elle répondit que le Roi ne devoit fufpecter la fidélité de Marie pour lui ni pour les fiens. Cette réponse ouvrit les yeux du Roi. A cette époque, Philippe

fr la guerre au Roi de Caftille, & l'on eut la , preuve que les Cafillans avoient des intelligen ces en France. Enfin une boîte interceptée, rem plie de lettres chiffrées & fcellées du cachet de La Broffe, découvrit le criminel, qui fut arrêté - & mis en prifon. Le Duc de Brabant, qui avoit craint d'attaquer le Chambellan pendant qu'il étoit en faveur, ne le vit pas plus tôt difgracié, qu'il vit en demander juftice, & propoler l'épreuve du combat contre quiconque oferoit foutenir l'accufation. Perfonne ne fe préfenta; la Reine fut juftifiée, & La Broffe fat pendu.

M. Imbert a pris de cette Anecdote tout ce qu'il en pouvoit prcadre Aux motifs de la haine que La Broffe porte à la Reine, il en a ajouté un de ver cance. Un fils de La Brofle, coupable d'un crime capital, eft mort fur un échafaud; la Reine auroit pu le fauver, & elle ne l'a point fait. On fuberne un ténois qui accufe la Reine, & qui meurt après la dépofition. Le Duc de 3rabant veut jafifier fa four, prapofe le combat que La Broffe a la ténérité d'accepter, & où il a le bonheur de vaincre. Dans ces temps de fureifition, la vistoire étcit une preuve irréprochable pour l'accufateur; tout fe réunit donc contre l'infortunée Princeffe. Cependant ce n'eft pas pour lui feul que la Drofie a des vies ambiticu fes, il veut en faire partager le fruit à fon neveu d'Armery; en conféquence il l'interroge avec adreffe, & la vertu du jeune homme eft un arrêt de réprobation pour fon oncle. D'Armery veut effayer de fauver la Reine; il lui fait demander un entretien : le billet par lequel la Reine répond, eft intercepté par La Broffe, qui fe promet de s'en fervir pour ajouter à fes précédentes accufations, celle de l'adultère. L'infame fe trouve au rendez-vous, affafline fon neveu:

mais d'Armery ne reçoit qu'une bleffure légère ; & quand on l'amène devant Philippe, il remet à ce Prince une lettre de l'Ambaffadeur d'Angleterre, qui convainc La Brofle du crime de haute trahilon. La Reine eft juftitiće, & le Chambellan eft condamné au fupplice.

La feconde repréfentation de cette Tragédie a eu un fuccès plus affuré que la première, & la troisième a été mieux accueillie encore que la feconde. La fituation de Philipe auprès de la Reine qu'il aime & dont il eft adoré, que la politique femble accufer & que fa vertu juftifie, eft extrêmement touchante, & l'Auteur l'a traitée habilement. On avoit remarqué d'abord quelques développemens un peu longs; l'Auteur les a fait difparoître; il a même fupprimé, à la 3e. repréfentation, les adieux de la Reine à fes enfans. Cette fcène, dont les détails étoient trop étendus, retardoit la marche de l'Ouvrage. Le re. Acte, qui eft plein d'action, réunit le double intérêt de parler à l'ame, & de tenir jufqu'à la fin la curiofité fufpendue. I eft évident que M. Imbert a beaucoup travaillé le rôle de La Brofe; mais ce caractère a de la fierté, de la nobleffe, du courage, une grande énergie, & fon iadomptable adreffe en fauve toujours l'atrocité. Le ftyle nous a paru généralement noble, élégant & facile. Nous croyons feulement que M. Imbert pourroit y revoir, pour l'impreffion, quelques détails que nous avons trouvés peu foignés, & où l'on trouve' quelquefois de cet efprit qui ne convient point à l'éloquence tragique.

Le Mardi 22 Septembre, on a donné la première repréfentation de Raymond, Comte de Touloufe, où le Troubadour, Comédie en cinq Actes

« PreviousContinue »