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tivement à l'avantage public que l'Etat doit retirer des Corps eux-mêmes.

La France ayant une immense population est intéressée à étendre, autant qu'il est possible, la distribution des propriétés particulieres, afin de diminuer le nombre des individus qui ne possédant rien, tiennent moins par cette raison à la chose publique, et sont dangereux dans les temps de calamité ou de fermentation. La faculté accordée aux Corps de posséder des propriétés foncières, contrarie cette premiere vue politique, puisque les proprietes qu'ils detiennent sont enlevées aux familles et aux individus, et qu'entrées une fois dans leurs mains, elles cessent d'être dans le commerce et dans la distribution générale.

La France étant principalement agricole, doit tourner toutes ses vues vers l'accroisse, ment du produit de son sol, la plus grande source de ses richesses. Il lui importe done de donner à ses terres des propriétaires réels, qui portent sur tous les points de sa surface ce zèle et cet attachement de la propriété que rien ne supplée, au lieu de laisser de grandes et nombreuses possessions à des proprietaires fictifs, remplacés sans cesse par des usufruitiers, ennemis naturels de la proprieté, ou par des Administrateurs qui s'y interessent peu.

Non-seulement l'Etat tirera un meilleur parti des fonds de terre, en révoquant la aculte impolitiquement accordée aux Corps de les posseder; mais il rendra par ce moyen les Corps eux-mêmes plus utiles au Public.

Ce dernier mot est le seul décisif en tout ce qui concerne le régime des Corps. Ils n'ont pu être introduits, et ils ne peuvent

être conservés qu'à raison de leur utilité pu blique. Si nous examinons tous les établissemens de ce genre, il n'y en a pas un qui n'ait eu pour motif, certain ou présumé, un service et des fonctions destinées à l'utilité générale. La faculté de posseder des biens-fonds ne leur a été accordée que comme un moyen productif des valeurs nécessaires pour payer le service, ou pour remplir les objets utiles de leur institution; cependant leur dotation, en propriétés de cette espece, est la principale cause qui diminue aujour d'hui l'étendue de leur utilité.

Parmi ces établissemens, il y en a un grand nombre, tels que les Hopitaux, les Seminaires, les Colleges, les Hotels-de-Ville, dont il est nécessaire de soutenir l'existence, et dont il seroit même important d'étendre les ressources. Les moyens de la plupart sont insuffisans pour leurs besoins ; quelquesuns même sont à charge au Trésor public. Cela vient de ce que leurs dépenses sont augmentées, pendant que leurs revenus. fonciers n'ont pas reçu un accroissement proportionnel; on ne doit plus même espérer que l'augmentation naturelle des produits territoriaux rétablisse janrais leurs recettes au niveau de leurs besoins. Le moyen nonseulement de leur subvenir, mais d'augmenter beaucoup l'efficacite de leurs services publics, est d'aneantir le droit qu'ils ont eu de posséder des biens-fonds, de convertir la vente ceux dont ils jouissent en capiet de substituer à leurs revenus fonciers l'intérêt de ces capitaux.

par

taux 2

Il y a une autre classe d'établissemens que leur dotation en foads de terre, ou trop abondante originairement, ou excessivement

accrue en même-temps que leur utilité publique a diminué, éloigne par l'abus des richesses de l'esprit de leur institution. Tels sont, dans le Clergé, plusieurs Ordres Regieux, les Prieurés et les Abbayes dénaturées par la commende, et cette foule de bénéfices simples qui n'imposent aux Titulaires aucune obligation utile, pas même celle de résider. L'excès du désordre, en ce genre, est de voir de gros revenus attaches à des titres vains, qui ne produisent aucun service.

A l'époque des fondations, la dotation. fut déterminée par des motifs dont l'état actuel de la Nation fait disparoître l'impor tance: elle fut proportionnée, dans le principe, aux avantages ecclésiastiques et civils dont les fondateurs se promettoient la durée sa valeur s'est augmentée sans cesse, et les avantages n'existent plus. Quand la révolution du temps, des mœurs et des opinions a changé dans l'Eglise et dans F'Etat tout ce que les fondateurs avoient en vue, peut-on, de bonne foi, objecter le respect dû à leurs intentions? Ne les violet-on pas réellement par la manière même dont on prétend les observer? Que diroient les fondateurs morts il y a six ou sept siècles, eux dont la loyauté ne pouvoit pas prévoir la subtile invention de nos commendes actuelles, s'ils voyoient leurs Monastères dépouillés d'une grande partie de leurs revenus par des Séculiers, et les titres d'Abbé et de Prieur conservés, pour l'enchérissement des Commendataires, à des lieux où il n'existe plus ni Religieux, ni Maison conventuelle?

Nous ne serions pas dignes de notre mission si nous laissions plus long-temps une

partie des biens-fonds du Royaume, dé-
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tournés de leur destination naturelle et
politique, pour l'entretien d'un si grand abus.

Quant aux bénéfices véritablement nécessaires pour le service du culte, les seuls qui doivent être conservés, ceux qui sont dotés en biens-fonds ne peuvent pas davantage être maintenus dans ces propriétés. Le Clergé doit, à cet égard, subir la Loi commune à tous les Corps. Sans anéantir-les Ecclésiastiques, la Loi pourroit détruire le Corps du Clergé, en ce sens, qu'elle pourroit cesser de reconnoitre les Ecclésiastiques comme formant un Corps. Le Clergé a déja cessé d'être un Corps politique; il dépend encore de la Loi qu'il cesse d'être un Corps civil, mais en continuant de le reconnoître comme Corps, c'est par cela même que la modification de son existence et de ses droits est sans cesse sous l'empire absolu de la Loi. Lorsque le Clergé a subi l'interdiction d'acquérir des immeubles, il n'y a point eu , par rapport à lui, de violation des droits naturels, comme il y en auroit dans une Loi semblable qui auroit été portée contre les particuliers. De même, en lui défendant de continuer à posséder des biens-fonds, il n'y aura pas d'injustice et d'oppression, comme si on exproprioit des particuliers.

A l'égard des individus Ecclésiastiques actuellement Titulaires des bénéfices, ils n'ont droit qu'à la jouissance propriété, qui ne réside pas sur leurs têtes;. non à la ils n'ont pas même droit, par les titres de fondation et par les Lois, à la jouissance da total revenu, mais seulement à une portion suffisante pour leur honnête subsistance.. Le reste este est destiné à des emplois d'u

tilité publique, tels que l'entretien des Eglises et le soulagement des pauvres, dout la Nation peut se charger directement.

Enfin, Messieurs, pour rassembler sous un même point de vue tous les objets analogues par la naturee des choses, et par principes, j'ajoute que les biens improprement appelés les Domaines du Roi ou de la Couronn, sont véritablement les biens de la Nation, et que cette vérité est sur-tout incontestable lorsque la Nation se charge de pourvoir par des subsides, non-seulement aux dépenses du service public, et aux dettes du Gouvernement, mais encore aux frais de la Liste civile pour la personne du Roi et pour sa Maison.

Je propose moins de décréter aujourd'hui la vente des biens-fonds retirés sur les Corps, et celle des Domaines, que de consacref et d'assurer le principe par lequel tous ces biens seront desormais à la disposition de la Nation La jouissance peut être provisoirement conservée aux possesseurs actuels, jusqu'à ce que le moment opportun des alienations arrive; et l'administration des Domaines seroit utilement confiée pendant quelques temps aux Assemblées Provinciales.

(Nous donnerons la semaine prochaine le Projet de Décret proposé par M. THOURET.) Opinion de M. TRHEILHARD, sur la Propriété des possessions du Clergé.

Le Clergé est-il proprietaire des biens qu'il possede ? Il suffit d'annoncer cette question pour en faire sentir l'importance.

Que le Clergé possède plus ou moins d'immeubles, que ces immeubles soient grevés

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