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de charges plus ou moins considérables, qu'ils aient ete donnés purement et simplement, ou sous condition, rien n'est plus étranger à la question.

Le propriétaire des possessions du Clergé, quel qu'il puisse être, doit acquitter toutes les charges legitimes dont elles sont grevees; les Fondateurs et les créanciers ne peuvent donc avoir iei aucune espèce d'intérêt de quelque maniere qu'on décide, leurs droits, s'ils en ont, doivent être sacrés.

Les calculs sur les possessions ecclésiastiques ne sont pas moins indifferens; quelqu'avantage qu'on pút trouver à envahir ces possessions, la Nation ne pourroit en disposer sans injustice, si elle n'en est pas propriétaire; et si au contraire la propriété lui en appartient, il faut déclarer cette rérité, même quand on supposeroit que les possessions ecclésiastiques n'excèdent pas ce qui est rigoureusement nécessaire pour le Culte Divin.

Peu importe aussi, dans ce moment, l'usage que le Clergé a pu faire de ses revenus; s'il en a mal usé, il faut réprimer l'abus; mais cet abus ne fourniroit pas un argument solide contre sa propriété, comme la sagesse de l'emploi ne suffiroit pas pour la lui acquérir. Ecartons toutes ces considérations et une foule d'autres, que les Partisans et les Adversaires de la propriété du Clergé ont pu respectivement opposer: ce n'est pas par des considerations pareilles qu'une question de cette nature peut se décider.

Pour la traiter avec méthode, il faut. avant tout, bien déterminer ce qu'on entend par le mot Propriété. Les Lois le définissent

le droit d'user et d'abuser. On dit d'abuser, et ce n'est pas sans motif que la Loi a employé cette expression; c'est elle précisément qui distingue le simple possesseur du propriétaire. Le premier peut user, mais sans détruire, sans détériorer le fonds; il ne peut donc pas abuser: le propriétaire seul a le droit de se jouer de la chose.

Ce n'est pas que l'exercice du droit de propriété ne puisse quelquefois être momentanément suspendu dans la main du propriétaire; on a cité l'exemple du mineur, qui ne peut pas disposer, parce que pour disposer il faut consentir, et que pour consentir il faut des connoissances que la Loi ne suppose pas avant un certain age; mais cette suspension accidentelle de Fexercice d'une partie des droits de la propriété, ne prouve rien contre la définition qu'on a donnée : la propriété n'en est pas moins le droit d'user et d'abuser.

Le Clergé a-t-il le droit d'user et d'abuser des biens qu'il possède?

Le Clergé a acquis; il jouit, il aliène. Mais pour acquérir, il a eu besoin d'une habilitation particulière: il ne peut mettre hors de ses mains qu'en vertu d'une permission expresse, et avec des formes très-rigoureuses; sa jouissance même est restreinte et modifiée par une foule de Réglemens: il n'a donc pas le droit d'user et d'abuser; il n'est donc pas véritablement propriétaire.

Pourquoi le Clergé n'a-t-il pas le droit de disposer? C'est dans la nature même des choses qu'il faut en chercher la raison.

Qu'est-ce que le Clergé? C'est un être moral, composé d'individus voués au culte divin. Mais une Société peut exister sans au

cune corporation particulière; elle peut à son gré admettre ou rejeter ces êtres moraux; elle peut leur permettre ou leur défendre dé posséder des immeubles; elle peut suspendre, modifier, révoquer ces permissions; elle peut en un mot, pour employer l'expression énergique d'un auteur moderne; elle peut, sans injustice et légalement, tuer la personne de la corporation; elle peut donc, et à bien plus forte raison, en tuer les accessoires. Les corporations particulières ne sont donc pas, en général, et à proprement parler, propriétaires, puisque la Nation' toujours, et peut seule, disposer de

feurs possessions.

Cette observation générale s'applique au Clergé bien plus directement qu'à toute autre corporation s'il a fait un Corps dans l'Etat, ce n'est pas pour l'intérêt particu lier des Membres qui le composent ; ce n'est pas même pour leur intérêt collectif: les Ministres de la Religion existent pour l'intérêt de l'Eglise et de l'Etat; c'est par conséquent sur l'universalité des Fidèles qu'a du tomber la charge du salaire de ces Ministres; mais il n'est pas nécessaire qu'ils forment un corps particulier, et le soin du culte peut être confié à des individus qui n'auront entre eux d'autre rapport que celui d'un devoir commun.

L'idée d'une substitution perpétuelle des biens da Clergé en faveur des titulaires de bénéfices qui pourront se succéder, est, sans contredit, une idée fort ingénieuse, mais elle manque absolument de justessse. Qu'estce qu'un grevé de substitution? C'est un donataire chargé de rendre à des personnes désignées; il est chargé de rendre, mais il

n'en est pas moins un véritable donataire; il est propriétaire par conséquent, et si bien propriétaire qu'il aliene valablement; l'aliénation par lui faite peut seulement être révoquée, s'il existe à son décès quelque personne appelée à la substitution."

Oseroit-on dire qu'un titulaire de bénéfice est aussi propriétaire, et que les aliénations par lui faites ne sont pas nulles de plein droit? Il n'y a donc aucune espèce d'analogie entre le bénéficier et le grevé de substitution.

Lorsque les Etats du royaume ont demandé en différentes occasions que partie des biens du Clergé fût employée à récompenser les loyaux serviteurs, à soulager d'au tant le pauvre Peuple de tailles, ou à racheter le Domaine, ne supposoient-ils pas évidemment qu'à la Nation seule appartenoit la proprieté des biens du Clergé?

Lorsque le Clergé, pressé par ces demandes, se soumit, en 1561, à racheter les Aides, les Gabelles et les Domaines engagés pour des sommes considérables, ne reconnoissoit-il pas que la Nation avoit le droit de disposer de ses possessions?\

Lorsque dans vingt Ordonnances, des 13, et 14. siecles, nos Rois, en révoquant les anciennes donations des Domaines de la Couronne, exceptoient très- expressément les donations par eux faites à Dieu et à sa Sainte Eglise, n'est-il pas évident qu'ils supposoient à la puissance publique, le droit de disposer toujours de ces objets?

Lors done qu'on déclarera qu'à la Nation appartient la propriété des biens du Clergé on ne fera que rendre hommage à une vérité incontestable.

Parcourons au surplus les objections des tisans de la propriété du Clergé.

Le Clergé, dit-on, peut aliéner; donc il est propriétaire.

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Le Clergé n'a jamais eu le droit d'aliéner; cette faculté lui a toujours été interdité par les Conciles et par les Lois de l'Etat ; donc il n'est pas propriétaire.

"Le Clergé, ajoute-t-on, a payé des subsides; donc il est propriétaire.

"

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Tout usufruitier paye des subsides; done l'acquit des subsides ne prouve pas la propriété. Lorsque le Clergé a été foreé d'aliéner pour ses subventions, il a été libre de mettre hors de ses mains celles de ses possessions qui lui ont paru les moins avantageuses; done il est propriétaire. "

"

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Il étoit indifférent que l'aliénation tombât sur un immeuble plutôt que sur un autre, pourvu que la subvention fút payée. Que diriez-vous, d'un Seigneur de Paroisse qui, pressé par s'écrie-t-on encore ses Créanciers, les rassembleroit pour leur dire: Mes aïeux ont doté la Cure de ma Paroisse; prenez-en les fonds, et soyons quittes.

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Ce que nous dirions? nous dirions que ce Seigneur seroit déraisonnable et injuste: déraisonnable, en ce qu'il voudroit disposer d'un bien qui ne lui appartient pas ; injuste, en ce qu'il voudroit dépouiller un possesseur pour revêtir un étranger auquel le possesseur ne doit rien. En quoi donc la Nation ressemblera-t-elle à ce seigneur, quand elle déclarera sa propriété sur les biens du Clergé.

Le Clergé a toujours soutenu que les biens ecclésiastiques avoient été donnés à l'Eglise, à Dieu et à Sainte Eglise, pour employer les expressions d'Ordonnances et de Chartes anciennes.

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