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est-ce qui a donne, qui est-ce qui a reçu, qui est-ce qui possède. Je trouve des Fondateurs qui instituent, des Eglises qui reçoivent, des Ecclesiastiques qui possèdent sous la protection de la Loi. Je trouve que le droit du Donateur n'est point contesté, qu'il a stipulé les conditions de sa donation avec une partie contractant l'engagement de les remplir; que toutes ces transactions ont reçu le sceau de la Loi, et qu'il en ré:sulte diverses dotations assignées aux frais du Culte, à l'entretien de ses Ministres, et au soulagement des pauvres."

Je trouve alors que ces biens sont une proprieté nationale,ence qu'ils appartiennent collectivement au Culte et aux pauvres de la Nation."

"

Mais chaque Bénéficier n'en est pas moins possesseur légitime, en acquittant les charges et conditions de la fondation."

"

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Or, la possession, la disposition des revenus, est la seule espece de propriété qui puisse appartenir au Sacerdoce, c'est la seule qu'il ait jamais réclamée. Celle qui donne droit à l'aliénation, à la transmission du fonds pour heritage ou autrement, ne sauroit lui convenir, en ce qu'elle seroit destructive des dotations de l'Eglise, et parce qu'elle a des propriétés effectives, il falloit bien qu'elles fussent inalienables pour qu'elles ne devinssent pas excessives, il falloit bien en limiter l'étendue; mais comme l'incapacité d'acquérir n'est pas celle de posseder, Edit de 1749 ne peut influer sur la solution de la question présente; et j'avoue qu'il me paroit extraordinaire qu'on emploie coutre le Clergé les titres même conservateurs de ses propriétés, ainsi que toutes les raisons,

tous

tous les motifs qui en composent le caractere legal."

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Un des Préopinans a dit que les Corps étoient aptes à acquerir, à conserver des proprietes, mais qu'elles disparoissent avec leur existence; qu'ainsi le Clergé ne formant plus un Ordre dans l'Etat, ne pouvoit être aujourd'hui considere comme Proprietaire.

Mais il ne s'agit point ici de biens donnés à un Corps: les proprietes de l'Eglise sont subdivisces en autant de dotations distinctes que ses Ministres ont de services à remplir. Ainsi, lors même qu'il n'y auroit plus d'Assemblée du Clergé, tani qu'il y aura des Paroisses, des Evêches, des Monasteres, chacun de ces établissemens a une dotation: propre, qui peut être modifiee par la Loi, mais non detruite autrement qu'en detruisant l'établissement. "

"

« C'est ici le lieu de remarquer que plusieurs des Preopinans établissent des principes contradictoires, en tirant neanmoins les mêmes consequences. Tantót, en considerant le Clergé comme un être moral, on a dit: Les Corps n'ont aucun droit réel par leur nature, puisqu'ils n'ont pas même de nature propre; ainsi le Clerge ne sauroit être Proprietaire. Tantát on le considere comme dissous, en qualité de Corps, et on dit qu'il ne peut plus posseder aujourd'hui de la même maniere qu'il possédoit pendant son existence politique, qui lui donnoit droit à la propriete. Enfin, un troisieme Opinant a dit dans une suite de faits, que le Clergé n'a jamais possede comme Corps; que chaque fondation avoit eu pour objet un etablissement et un service particulier, et cetie assertion est exacte Mais je demande si l'on No. 45. 7 Novembre 1789. D

peut en conclure qu'il soit juste et utile que cet établissement, ce service et ceux qui le remplissent, soient dépouillés de leur dotation? Or, c'est la véritable et la seule question qu'il falloit présenter, car celle de la propriété poar les usufruitiers, n'est point problématique. Le Clergé possède : voilà le fait. Ses titres sont sous la protection, sous la garde et la disposition de la Nation; car elle dispose de tous les établissemens publics, par le droit qu'elle a sur sa propre Législation, et sur le Culte même qu'il lui plaît d'adopter; mais la Nation n'exerce par ellemême, ni ses droits de propriété, ni ceux de Souveraineté; et de même que ses Représentans ne pourroient disposer de la Couronne, qui lui appartient, mais seulement régler l'exercice de l'autorité et des prérogatives Royales; de même aussi ils ne pourroient, sans un mandat spécial, anéantir le Culte public et les dotations qui lui sont assignées, mais seulement en regler mieux l'emploi, en réformer les abus, et disposer pour les besoins publics, de tout ce qui se trouveroit excédant au service des autels et au soulagement des pauvres."

"Ainsi, Messieurs, l'aven du principe que les biens du Clergé sont une propriété nationale, n'établit point les conséquences qu'on en voudroit tirer. Et comme il ne s'agit point ici d'établir une vaine théorie; mais une doctrine pratique sur les biens Ecclésiastiques, c'est sur ce principe même que je fonde mon opinion, et un plan d'opé rations différent de celui qui vous est pré

senté.

Le premier apereu de la Motion de M.J'Evêque d'Autun, m'a montré plus d'avan

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tages que d'inconvéniens: j'avoue que dans l'embarras où nous sommes, dix-huit cents millions disponibles au profit de l'Etat m'ont séduit; mais un examen plus refléchi m'a fait voir à côté d'une ressource fort exagérée, des inconvéniens graves, des injustices inévitables; et lorsque je me suis rappelé le jour mémorable où nous adjurâmes, au nom du Dieu de paix, les Membres du Clergé de s'unir à nous comme nos frères, de se confier à notre foi, j'ai frémi du sentiment douloureux qu'ils pouvoient éprouver et transmettre à leurs successeurs en se voyant dépouiller de leurs biens par un Décret auquel ils n'auroient pas consenti. »

Que cette considération, Messieurs dans les temps orageux où nous sommes soit auprès de vous de quelque poids. C'est précisément parce qu'on entend dire d'un ton menaçant: Il faut prendre les biens du Clergé, que nous devons être plus disposés à les défendre, plus circonspects dans nos décisions. Ne souffrons pas qu'on impute quelque jour à la terreur, à la violence, des opérations qu'une justice exacte peut légitimer, si nous leur en imprimons le caractère, et qui seront plus profitables à l'Etat, si nous substituons la réforme à l'invasion, et les calculs de l'expérience à des spéculafions incertaines. "

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La Nation, Messieurs, en nous donnant ses pouvoirs, nous a ordonné de lui conserver sa Religion et son Roi; il ne dependroit pas plus de nous d'abolir le Cathelicisme en France, que le Gouvernemert Monarchique; mais la Nation peut, s'il lui plaît, détruire l'un et l'autre, nor par des

insurrections partielles, mais par un vœu unaine, legal, solennel, exprime dans toutes les subdivisions territoriales du Royaume. Alors les Representans, organes. de cette volonté, peuvent la mettre a exe

cution.

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« Cette volonté générale ne s'est point manifestee sur l'invasion des biens du Clergé: devons-nous la supposer, la prevenir? Pou vons-nous resister à une volonte contraire, de ne pas ebranler les fondemens du Culte public? pouvons-nous tout ce que peut la Nation, et plus qu'elle ne pourroit ? »

Je m'arrête à cette derniere proposition, parce qu'en y repondant, je reponds à toutes les autres. "

S'il plaisoit à la Nation de détruire PEglise Catholique en France, et d'y substi tuer une autre Religion, en disposant des biens actuels du Clerge, la Nation, pour être juste, seroit obligee d'avoir egard aux intentions expresses des Donateurs, comme on respecte en toute Societe celle da Testateur; or, ce qui a ete donne à l'Eglise est, par indivis et par substitution, donne aux pauvres aussi, tant qu'il y aura en France des hommes qui out faim et soif, les biens de l'Eglise leur sont substitues par l'inten tion des Testateurs, avant d'être reversibles au Domaine National; ainsi la Nation, en détruisant même le Clerge,et avant de s'empa rer de ses biens pour toute autre destination, doit assurer dans tout son territoire, et par hypotheque speciale sur ses biens, la subsistance des pauvres. "

« Je sais que ce moyen de défense de la part du Clerge, tres-legitime dans le droit, peut être attaqué dans le fait. Tous les

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