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les finances en ont reçus depuis quelque temps, ont été aussi importans que néces saires. Il n'en résulteroit aucun inconvénient pour la Caisse d'Escompte, si l'Etat avoit des moyens suffisans pour la rembourser aux époques convenues; mais un grand discrédit ayant pris la place des ressources dont un nouvel ordre de choses avoit donné l'espérance, il devient impossible, sans de nouveaux moyens, de remplir les engagemensco tractés aveclaCaisse d'Escompte,engagemens qui font partie des besoins de cette année.'

La situation de la Caisse d'Escompte n'est pas seulement critique en raison des avances qu'elles a faites au Gouvernement ; elle participe comme le Trésor royal, comme tout le commerce comme la France entière, aux inconvéniens majeurs qui résultent de Ja rareté excessive du numéraire effectif. - Je dois répéter ici ce que j'ai dit dans une autre occasion, sur les causes de cette ra reté. Et d'abord, elle a toujours été éprouvée dans les temps d'alarmes et dans les importantes crises des empires. Chacun, incertain des résultats d'un grand trouble, ou simplement d'une révolution majeure, serre son argent, et attend pour en disposer, que les évenemens se calment ou s'éclaircissent. Il y a de plus aujourd'hui des circonstances particulieres, qui concourent à la rareté du numéraire. Notre ancienne balance de commerce avec les pays étrangers, balance toujours favorable à la France, est dérangée par diverses causes. Nous avons importé cette année des quantités immenses de blés, et nous demandons en ore aux pays étrangers de nouveaux secours. Notre traité de commerce avée l'Angleterre, nous rend

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débiteurs envers ce royaume, d'une somme de marchandises manufacturées que nos propres fabriques fournissoient autrefois. Les étrangers intimidés par nos circonstances, s'éloignent de nos fonds publics; et au lieu d'y employer annuellement une portion de leurs capitaux, plusieurs, depuis quelque temps, cherchent à s'en défaire, et tout au moins ils n'y replacent pas les intérêts que nous leur payons, et nous sommes obligés de leur en remettre les fonds en entier. Les voyageurs étrangers sont détournés, par nos troubles intérieurs, de venir en France, et nous avons perdu pour un temps l'introduction du numéraire que leurs grandes dépenses dans le royaume occasionnoient.

Enfin, ce que peut-être on n'a jamais vu, même aux époques les plus fatales de la Monarchie, une émigration prodigieuse, toute composée de gens riches ou aisés, at tire dans l'étranger, non-seulement des fonds proportionnés aux dépenses des Citoyens qui nous quittent, mais encore une partie de leurs capitaux disponibles.

Je dois citer encore une cause de la rareté de l'argent, non pas dans le royaume, mais dans la circulation; c'est le retard du payement des impôts, retard qui retient sans frait dans une multitude de mains, les espèces qui doivent servir aux dépenses publiques, et se diviser ensuite de nouveau par les consommations.

Enfin, les temps de divisions, les temps où l'esprit de parti se déploie avec une grande force, donnent lieu quelquefois au sequestre de l'argent, par le seul désir de gêner la circu lation, et de produire un embarras qui amène. un surcroît de confusion propre à changer la

situation des affaires et la scène des évènemens. Il existe donc une grande diversité de causes particulières, qui, avec les causes générales, concourent à la rareté du numéraire; rareté qui s'accroît ensuite par ellemême, parce que la crainte de manquer d'argent, comme la crainte de manquer d'une denrée nécessaire, engage ceux qui en ont à se ménager une double provision.

Faisons maintenant le résumé précis des effrayantes difficultés que nous avons encore à vaincre.

Il faut trouver un secours extraordinaire de cent soixante-dix millions, soit pour les besoins imminens de cette année, soit pour assurer le service de l'année prochaine, et il faut trouver ce secours au milieu d'un discrédit absolu,

Il faut de plus soutenir l'édifice de la Caisse d'Escompte, édifice ébranlé et prêt à tomber; il faut, s'il est possible, lui procurer une nouvelle force; ou si l'on veut abandonner cet établissement, malgré son intime connexité avec les Finances et les affaires publiques, malgré le souvenir des services qu'on en a tirés, il faut se proposer un dessein plus difficile encore à remplir, celui d'être juste envers les actionnaires et envers les porteurs actuels des billets de Caisse.

Il faut encore s'occuper d'accélérer le payement des rentes sur l'Hôtel-de-Ville, et parvenir d'ici à une époque peu éloignée à les remettre au moins assez au courant pour n'avoir plus qu'un semestre en arrière, et pour assurer les payemens à l'avenir de la maniere la plus reguliere.

Enfin, le dernier but qu'on doit avoir en vue, c'est de se préserver, s'il est possible,

des funestes effets de la rareté excessive da numéraire effectif.

Je déclare d'abord, que selon mes lumières, toutes ces entreprises sont impossibles à exécuter sans inconveniens, et qu'ainsi nulle proposition ne peut être jugée parfaitement bonne en elle-même: le merite de celle qui sera préférée, dérivera toujours en partie des objections plus grandes que l'on pourra faire contre tout autre plan. Et pour le dire en passant, le grand malheur des Ministres en des temps si difficiles, c'est d'avoir presque toujours à employer leurs facultés et leurs moyens, non pas à faire un bien complét et manifeste, mais a adoucir les maux, à en prévenir le progrès, et à tirer des circonstances le parti le moins désavantageux. Ce genre de travail, le plus pénible de tous, me procure aucune récompense de la part des hommes, parce qu'ils en comparent le résultat avec les idées de perfection que chacun se forme si facilement, au lieu de le rapprocher des inconvéniens et des dangers qu'on a eu le bonheur d'éviter; mais cette comparaison, ce rapprochement, peu de gens sont tentés de le faire, car on ne prend pas de la peine pour louer autrui.

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Je vais maintenant développer de quelle manière je pense qu'on peut se tirer, au moins passablement, des difficultés actuelles. Vous jugerez, Messieurs, de ce moyen; vous le comparerez avec d'autres; et s'il s'en présente un meilleur, comme il est très-possible, je serai le premier à l'adopter et à le faire valoir. L'amour-propre d'auteur seroit aujourd'hui de tous les sentimens le plus misérable: nous sommes tous sous le poids de circonstances où le desir de sauver la

chose publique est devenu le seul véritable intérêt particulier, en même temps qu'il doit être la seule passion de l'homme d'etat.

Il faut vous rappeler, Messieurs, que les fonds extraordinaires dont vous avez besoin pour cette année et la suivante, sont au moins de cent soixante-dix millions.

J'ai dû d'abord examiner s'il étoit possible de trouver par la voie ordinaire des emprunts, une somme aussi considérable, somme encore susceptible d'accroissement par les motifs dont j'ai fait mention; et il m'a paru qu'en ces momens d'alarmes et de discredit, l'on essaieroit en vain d'y réussir, même en se soumettant à un intérêt usuraire : cependant un tel intérêt obligeroit à augmenter en proportion la somme des impôts, et rendroit plus difficile l'etablissement d'un équilibre entre les revenus et les dépenses fixes, disposition si nécessaire, et sur laquelle l'ordre entier des finances doit constamment reposer.

J'ai réfléchi ensuite sur la manière trèssimple de se tirer de toute espèce d'embarras, et que plusieurs personnes proposent aujourd'hui, celle de créer par forme de papiers-monnoie remboursables ou non remhoursables, une somme de billets d'Etat non seulement proportionnée aux besoins de cette année et de l'année prochaine, mais suffisante encore pour liquider tous les arrérages d'intérêt ou de rente, tous les reliquats dus par les Départemens, tous les effets dont le remboursement a été suspendu, et auxquels on a attribué un intérêt de cinq pour

cent.

On éteindroit encore avec ces billets tous ceux de la Caisse d'Escompte; on s'acquit

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