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TROISIÈME PARTIE.

PRÉCÉDENTS DU CONSEIL

DE L'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR IMPÉRIALE DE PARIS.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.

1. Cette troisième et dernière partie de notre ouvrage n'est pas simplement une collection chronologique et littérale des délibérations du Conseil de l'Ordre; nous avons voulu présenter, à la suite de nos Règles et de nos commentaires, un exposé méthodique de ses opinions telles qu'elles résultent de ses arrêtés administratifs ou disciplinaires, du procèsverbal de ses séances, de sa correspondance avec les autres barreaux ou même avec les magistrats, de ses usages ou procédés justifiés par les faits anciens. Et nous avons dû ajouter à ce travail complémentaire nos réflexions personnelles, lorsqu'elles nous ont semblé utiles, pour uniformiser et bien fixer les doctrines du Barreau.

II. Les Précédents, augmentés de tous ceux qui ont suivi notre première édition, comprendront une

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période de près de soixante années depuis le rétablissement de l'Ordre, et ils retraceront en quelque sorte son histoire contemporaine : c'est pour cela que nous avons cru devoir maintenir ceux même (en petit nombre), qui seraient aujourd'hui inapplicables par l'effet des modifications survenues dans les Règlements posterieurs.

Les Précédents seront reproduits dans leur texte entier. ou par un extrait très-exact, s'il est besoin d'éviter les longueurs inutiles.

III. Il arrive assez souvent que le Conseil déclare statuer, comme Précédent. Cette manière de prononcer indique qu'il entend, par là, poser un principe géné ral applicable à tous les cas analogues. Nous ne manquerons pas, d'ailleurs, de faire ressortir, dans ses autres arrêtés, les motifs qui, sans exprimer la formule, rappellent et confirment nos Règles professionnelles.

On comprend donc que les arrêtés de principe sont ceux qu'il importe surtout de méditer. Quant aux décisions, motivées en fait, les espèces varient presque toujours, plus ou moins.

IV. Dans leur ensemble, les Précédents embrassent, à partir de 1810, date de la reconstitution de l'Ordre, quatre grandes époques qu'il importe de signaler, parce que chacune d'elles a son caractère propre qui n'a pas été sans influence sur quelques décisions rendues : le premier Empire, la Restauration, la Royauté qui a suivi, le Gouvernement actuel. Si ces arrêtés, très-rares, peuvent motiver des observations spéciales, on verra qu'ils ne portent que sur des faits accidentels, et par là même, qu'ils ne constituent pas des Exemples légaux; car, pour obtenir une complète autorité, les Exemples, en ou

tre de l'ancienneté de leur date, doivent être pris dans les temps de paix et de modération'.

Je puis dire aussi, sans affaiblir leur valeur, qu'à aucune époque nous ne trouverons, dans les arrêtés du Conseil, cette sévérité de principes qui doit servir de base à la jurisprudence des tribunaux ordinaires. Toujours fidèle aux anciennes traditions, en observant avec exactitude les nouveaux règlements, le Conseil a toujours eu pour maxime de maintenir la discipline par les voies les plus douces. Pouvoir essentiellement paternel, il statue sur les questions disciplinaires avec fermeté, mais avec la prudence et la mesure qui protégent plus sûrement la famille.

V. La période qui concerne l'Empire a été courte, et ne renferme qu'un petit nombre d'arrêtés. On est heureux de retrouver, à la tête de l'Ordre récemment réorganisé, une partie des vétérans qui avaient figuré sur le dernier tableau de 1789. Ils viennent au nouveau Conseil avec leurs souvenirs, leur expérience, et plusieurs y apportent la célébrité qu'ils avaient su conquérir sous une autre dénomination, depuis que la justice régulière avait repris son cours. Ils sont bien forcés d'obéir au décret de 1810, qui n'a rétabli l'Ordre qu'à des conditions rigoureuses; mais la politique s'arrête à la porte de leur sanctuaire. Ils retracent et maintiennent nos antiques Règles. L'Empereur n'avait pas pu juger encore les avocats, lorsqu'il écrivit à Cambacérès, après la publication du décret, la lettre que nous avons transcrite Ier vol. p. 272.

1. Le chancelier Bacon, de la Justice universelle, que nous avons cité sur l'autorité des Exemples, Voir suprà, p. 182, Ier vol.

VI. Sous la restauration, la situation change. Le Gouvernement qui s'établissait par un revirement de fortune extraordinaire, avait besoin d'appui. Aussi le voit-on, dès sa naissance, chercher des auxiliaires dans le Barreau dont les chefs l'avaient accueilli avec une sorte d'enthousiasme. Il élève les uns aux fonctions les plus hautes de la magistrature, et avec le décret lui-même, il place les autres au Conseil de l'Ordre. Qu'il ait rencontré dans ceux-ci une vive sympathie et un entier concours, il ne faut pas s'en étonner; en se dévouant à lui, ils le faisaient avec conscience; ils avaient connu et aimé l'ancien régime sous lequel leur profession avait été si longtemps honorée; ils s'appliquèrent aussi à la faire respecter. Mais, je le dis à regret parce qu'ils ont acquis en ce point des droits sacrés à notre reconnaissance et à notre vénération, la politique ne leur laissa pas toujours le calme qui assure l'impartialité des délibérations. Leur principe dominant était : « de ne << rien permettre qui s'écarte de l'attachement invio«lable que le barreau de Paris avait de tout temps voué « à la cause de la monarchie » (V. inf. no 370). Et c'est par suite de cette maxime dont leur zèle exagéra quelquefois les conséquences, que nous les verrons condamner, dans la défense de Cambronne, l'honneur rendu à la gloire militaire ; dans le fils adoptif d'un défunt, l'éloge d'un passé historique; dans personne de Manuel et celle de Charles Comte, l'indépendance des opinions libérales.

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VII. Quant aux arrêtés qui regardent la période de 1830 à 1848, il serait difficile de leur adresser avec justice un pareil reproche: aucune décision réactive contre les personnes, respect pour toutes

les opinions politiques, même observation des Règles fondamentales de l'Ordre. Sans doute, les temps ont été meilleurs. Si les émeutes de la rue ont été plus fréquentes que sous la Restauration, les procès politiques l'ont été beaucoup moins. Les lois nouvelles ayant élargi le cercle des discussions, les points de ré · sistance ont dû s'éloigner aussi. D'autre part, l'Ordre avait obtenu, dès les premiers jours, une immense satisfaction; ses élections directes, vainement sollicitées depuis trente ans, lui avaient été rendues par l'ordonnance de 1830, et les membres élus au nouveau Conseil ont pu y apporter plus de calme et de modération.

VIII. Enfin sous le Gouvernement actuel, même liberté de conscience pour le conseil de l'Ordre, même respect de sa part pour les Règles professionnelles, même sagesse dans ses délibérations. Toutes les améliorations réglementaires que l'Ordre réclamait, ne lui ont pas encore été accordées; mais, nous le répéterous, il ne se découragera pas : c'est en continuant d'observer sa discipline avec la ponctualité la plus scrupuleuse, qu'il finira par vaincre les doutes et qu'il obtiendra une satisfaction complète.

IX. A part ces nuances légères qui caractérisent les quatre époques, il est certain qu'au point de vue des Règles, le même esprit se retrouve partout dans les décisions du Conseil : enseignement éclairé des principes de la profession; volonté ferme de les maintenir; rigueur pour les fautes d'habitude et de calcul; indulgence pour les fautes d'inexpérience et de jeunesse '; protection des droits généraux et par

1. Voir un exemple remarquable de cette indulgence dans l'arrêté du 17 juillet 1828, no 553.

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