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1233. Il nous reste à savoir par qui peuvent être poursuivis les empiétements et les usurpations commis sur les chemins vicinaux. Nul doute que chaque habitant ne puisse les dénoncer au maire ou au préfet, mais l'un et l'autre ne sont pas forcés d'agir; s'ils ne le font pas, les individus qui souffrent un préjudice peuventils, sans attendre l'intervention de l'administration, agir en leur propre nom? On admettait, avant la loi du 18 juillet 1837 sur les attributions municipales, que chaque habitant, ayant un droit personnel à la jouissance des biens communaux, pouvait intenter en son nom les actions relatives à l'exercice de ce droit; mais que les actions concernant la propriété, appartenant non à chaque individu en particulier, mais à la commune en corps, ne pouvaient être intentées que par les administrateurs chargés de veiller aux intérêts des communes (1). Le premier principe nous semble tout à fait applicable aux chemins vicinaux; c'est surtout quand il s'agit d'une propriété particulièrement consacrée au public qu'il faut donner à chaque individu les moyens de faire entendre ses réclamations. Ainsi, quand un chemin est reconnu comme vicinal, les différents habitants, agissant dans leur intérêt privé, ut singuli, peuvent en demander la jouissance, et réclamer l'enlèvement des obstacles que les riverains apportent à la circulation, etc.

Le Conseil d'Etat cependant ne paraît pas reconnaître le droit des particuliers; il a jugé, le 5 septembre 1836, qu'il n'appartient qu'à la commune, par l'organe de son maire, de poursuivre sur un procès-verbal régulier

paix, et qu'il appartient à l'autorité administrative de maintenir le public en jouissance desdits chemins. Ces principes sont incontestables; mais ils ne sont pas inconciliables avec la théorie que nous exposons ici.

(1) V. décret du 9 brum. an XIII; arrêt du Conseil du 27 nov. 1814.

la répression d'une usurpation, et qu'un particulier n'a dans ce cas d'autre faculté que de porter plainte devant l'administration. Mais la Cour de cassation a décidé, le 12 février 1834, sous l'empire de la loi du 29 vendémiaire an v, qui n'accordait les actions des communes qu'à leurs agents, que nul individu ne pouvait se permettre de barrer un chemin public, et que le riverain qu'on voulait empêcher de passer avait le droit individuel de se faire ouvrir le passage qui est à l'usage de tous. Le droit communal, disait la Cour, n'est pas mis en question; les droits de la commune et des particuliers n'en reçoivent au fond aucune atteinte, et sont réservés (1). Aujourd'hui, d'après les articles 49, 50 et 51 de la loi du 18 juillet 1837, le droit communal luimême pourrait être mis en question, en cas de refus du conseil municipal, par un contribuable de la commune, avec l'autorisation du conseil de préfecture.

La Cour de cassation a même décidé, par un arrêt du 6 octobre 1837, qu'un tribunal de police avait statué compétemment sur une contravention aux règlements de la voirie, dont il avait été saisi par citation donnée au contrevenant, par la partie lésée, en réparation civile et en cessation de trouble, s'il ne l'avait fait qu'après avoir entendu les réquisitions du ministère public. Dans l'espèce, le plaignant avait conclu à la cessation du trouble et à des dommages-intérêts, et le tribunal avait prononcé la cessation du trouble et une amende.

La jurisprudence de la Cour de cassation nous paraît, sur ce point, préférable à celle du Conseil d'État. Il ne peut dépendre en effet du mauvais vouloir ou de la

(1) Le défendeur à une action possessoire en complainte formée contre lui pour fait de passage sur un chemin dont le complaignant se dit propriétaire, peut valablement opposer que ce chemin est communal non classé, sans avoir besoin de mettre en cause le maire de la commune. (Cour de cass. 24 février 1841.)

négligence d'un maire de priver les citoyens de l'usage d'un chemin reconnu public; ceux-ci doivent avoir toujours le droit de se pourvoir devant les tribunaux, non pour demander dans l'intérêt général la répression d'une contravention, mais pour réclamer la jouissance d'un droit qui leur appartient et la réparation du dommage dont ils souffrent; et ils peuvent le faire sans obtenir l'autorisation du conseil de préfecture, parce qu'ils n'agissent pas au nom de la commune, mais en leur nom particulier et dans leur

propre

intérêt.

CHAPITRE VI.

DES RUES DES VILLES, BOURGS ET VILLAGES.

SOMMAIRE.

1234. Ce qu'on entend par voirie urbaine.

1235. Propriété des rues, quais, places et promenades, et des arbres qui y sont plantés.

1236. Ouverture des rues, quais, places et promenades.

1237. Nom des rues, quais, etc.

1238. Alignement en matière de voirie urbaine. - Droit des maires à cet egard. - Discussion.

1239. Préparation et approbation du plan d'alignement général. 1240. Dans quelles communes doit-on faire des plans généraux d'alignement?

1241. Moyens de recours en matière d'alignement.

1242. Fixation de l'indemnité quand un riverain est forcé d'avancer ou de reculer.

1243. Obligations résultant de l'alignement.

1244. Démolition d'un édifice qui menace ruine.

1245. A la charge de qui est le pavage des rues, places, etc.

1246. Suppression des rues.

1247. Poursuite et répression des contraventions. — Compétence.

1234. Les rues, places, promenades, etc., des villes, bourgs et villages, paraissent au premier aspect faire partie des chemins vicinaux, car elles sont établies dans l'intérêt de la commune, souvent même elles ne sont que la continuation de ces chemins. Cependant elles ne sont pas soumises à la même législation, notamment quant à l'ouverture, à l'alignement, au pavé, à la répression des contraventions. Les règles spéciales sur cette matière constituent ce qu'on appelle la voirie urbaine (1).

Il existe cependant plusieurs exceptions à ce principe. A Paris, comme nous l'avons déjà dit, les rues sont soumises au régime de la grande voirie (2); mais l'on considère comme faisant partie de la petite voirie tout ce qui est adhérent et fait saillie au mur de face des maisons donnant sur la voie publique. (Cour de cas. 28 mars 1840.) Le décret du 27 octobre 1808, portant tarif des droits de voirie, contient l'énumération de ce qui rentre dans l'une ou dans l'autre de ces deux catégories. Il résulte de cette distinction que les contraventions commises à l'égard des choses de la première classe sont de la compétence du conseil de préfecture (arrêt du Cons. du 13 août 1823), et que les autres sont de la compétence du tribunal de simple police. (Cour de cas. 28 mars 1840.)

Les rues, places et promenades des villes et villages

(1) La jurisprudence qualifie de voies publiques les rues, places, promenades des villes; et de chemins publics, les chemins vicinaux servant de communication hors des villes et villages (arrêt de la Cour de cass. du 15 février 1821). Cette distinction avait autrefois une importance qu'elle n'a plus aujourd'hui, à cause de la peine encourue par les contraventions commises sur ces chemins. Dans le premier cas elle était de police municipale, et dans le second de police correctionnelle; l'art. 479, § 11 et 12, du Code pénal, revisé en 1832, a fait disparaître cette différence en ne frappant plus les unes et les autres que de peines de simple police.

(2) Déclaration du 10 avril 1783, loi du 19-21 juillet 1791, décret du 27 octobre 1808.

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qui servent de continuation aux grandes routes, font partie de ces grandes routes, et sont sous l'empire des règles de la grande voirie; par conséquent les contraventions sont poursuivies et réprimées suivant les règles que nous avons exposées aux nos 1176 et suivants (1).

Une disposition analogue s'applique aux rues qui sont la continuation des chemins vicinaux de grande communication; ces chemins ayant un intérêt départemental, on ne peut abandonner les rues qui en sont la continuation à l'administration municipale, elles doivent être soumises aux mêmes règles que les chemins eux-mêmes. S'il en était autrement, il pourrait se trouver sur ces grandes lignes autant de lacunes qu'il y aurait de communes intermédiaires, puisque les intérêts particuliers de chacune d'elles ne tendent pas toujours au même but, que souvent même ils sont opposés entre eux et contraires à l'intérêt départemental (2). (Avis du Cons. d'État du 18 janvier 1837.) Cette raison ne peut s'appliquer aux rues qui sont la continuation des chemins vicinaux proprement dits. (Cons. d'État, 27 avril 1825; instr. du 24 juin 1836.)

1235. La question de propriété des rues, places, quais et promenades publiques, ne peut donner lieu aux mèmes difficultés que celle relative aux chemins vicinaux, car elle est formellement résolue en faveur des communes par la loi du 10 juin 1793, art. 5. Quant aux arbres qui y ont été plantés antérieurement

no 1;

Cour

(1) Loi du 15 août 1790, art. 1; loi du 11 frim. an VII, art. 4, de cass., 4 fév. 1825. Quand les rues et places des villes qui servent à établir la continuité des grandes routes ont une largeur trop grande, les préfets doivent déterminer les limites nécessaires, et renvoyer à l'autorité municipale pour fixer l'alignement hors de ces limites. (Cons. d'Et., 23 août 1836.) (2) V. Circulaire du 10 décem. 1839 sur les plans de traverse, dans les communes, des chemins vicinaux de grande communication. (Bull. off. du ministère de l'intérieur, 1839, p. 373.)

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