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pays, elles possèdent en dépôt, prête à être mobilisée en cas de mobilisation, une grande quantité de matériel placé en temps de paix sous l'inspection officielle. En cas de mobilisation, elles occupent, si je ne me trompe, par exemple en Autriche, les casernes des troupes et y installent des hôpitaux auxiliaires de réserve. De même, en France, elles ont le service des infirmeries des gares et une multitude de services militaires qui représentent des éléments du service de santé. Dans mon pays, ces services constitueraient, en temps de guerre, de purs et simples services de l'Etat, parce que nous ne possédons pas une Société de secours organisée comme celles des autres pays pour secourir l'Etat.

Dès lors, pour les buts de guerre, ces Sociétés deviennent une organisation officielle et il me semble qu'il n'est ni opportun, ni juste, de leur accorder, de par la Convention, une protection autre que celle accordée aux formations sanitaires militaires. Si la Commission en décide autrement, j'estime que plutôt que de faire une Convention destinée à améliorer le sort des blessés et des malades, nous ferions une Convention destinée à améliorer le sort des Sociétés de secours. Au surplus, on incitera les autorités d'Etat à se décharger des dépenses du matériel de leur service des formations immobiles, pour les rejeter sur les Sociétés de secours, afin que ce matériel devienne exempt de capture.

Nul plus que moi n'admire les Sociétés de la Croix-Rouge et tous leurs actes généreux en faveur des blessés malheureux, ainsi que l'organisation puissante et bien combinée qu'elles ont su se donner pour secourir efficacement le service sanitaire, mais je vous prie de réfléchir sérieusement sur cette question, et d'écarter de notre Convention les difficultés, les complications et les abus que je prévois. »

M. Villaret demande que la proposition de la Grande-Bretagne soit mise en discussion par préférence au texte du Questionnaire no 11 du Conseil fédéral.

M. Goutchkoff fait observer qu'il y a deux propositions sur ce sujet : l'article c de la proposition française et la proposition de la GrandeBretagne.

La discussion est ouverte sur ces deux propositions.

M. de Martens, afin de déblayer le terrain de la discussion, met en lumière les points déjà adoptés par la Convention de La Haye. Il appelle l'attention de la Commission sur la section III de cette Convention et notamment sur les articles 55 et 56. En vertu de ces principes, l'occupant n'a qu'un droit d'usage, mais non le droit de confiscation.

L'orateur, sans avoir aucune proposition à faire, estime qu'il y a lieu de tenir compte des limites qui ont déjà été fixées par la Convention de I a Haye.

M. Holland est d'avis que la question actuellement soumise à la discussion de la Commission est toute différente de celle qui a fait l'objet de la Convention de La Haye. Les Sociétés de secours ne sont en aucune façon visées par cette dernière Convention. En leur qualité d'unités incorporées au service militaire de l'armée, les propriétés de

ces sociétés doivent demeurer soumises aux lois de la guerre, tout au moins en temps qu'installations fixes.

M. Macpherson expose que les Sociétés de secours ont, dans beaucoup de pays, des attaches officielles.

M. Renault attire, à son tour, l'attention de la Commission sur l'article 53 de la Convention de La Haye. Cet article prouve que ce sont les seuls biens mobiliers de l'Etat qui ont été visés par cet acte diplomatique comme étant de bonne prise quand ils sont destinés à la guerre, mais que ceux des personnes et sociétés privées sont respectés.

M. Renault expose que, d'une manière générale, les propriétés des Sociétés de secours sont des propriétés privées et doivent être traitées comme telles. A moins de raison décisive, il faut s'en tenir aux principes de la Convention de La Haye. La propriété privée a, du reste, ses restrictions en temps de guerre et, par conséquent, même si on décidait que le matériel des Sociétés de secours doit être considéré en toutes circonstances comme propriété privée, il n'en résulterait pas la conséquence que ce matériel est inutilisable de la part de l'occupant. De même qu'on peut exiger des habitants par voie de réquisition les objets mobiliers ou les fournitures nécessaires pour l'entretien de l'armée, de même on pourrait, par voie de réquisition, conserver le matériel des Sociétés de secours autant que cela serait nécessaire. Il y a donc une conciliation possible, au point de vue des faits, entre la proposition formulée par M. Macpherson et la proclamation que le matériel des Sociétés de secours demeure propriété privée.

A cela se joint une considération d'ordre pratique. Si on porte atteinte au principe que le matériel des Sociétés de secours est exempt de capture, on risque de tarir la source des générosités à l'aide desquelles ces sociétés constituent leur matériel; l'adoption de la proposition de M. Macpherson serait de nature à entraver singulièrement dans tous les pays le développement de ces Sociétés.

M. Renault propose donc à la Conférence de se rattacher à la proposition de la Délégation française, mais en réservant expressément le droit de réquisition, afin de calmer les susceptibilités des militaires.

M. Kebedgy croit, à son tour, qu'il ne serait ni logique en droit ni pratique en fait de faire table rase des principes de la Convention de La Haye et de compromettre l'élan des Sociétés volontaires de secours aux blessés.

M. Owtchinnikoff tient à bien préciser que la propriété privée restera toujours soumise aux restrictions séculaires des lois et des exigences de la guerre; il rappelle à ce propos la règle posée à l'article 23, lettre g de la Convention de La Haye.

M. den Beer Poortugael se rallie à l'opinion de MM. de Martens et Renault.

M. Schücking explique qu'en Autriche, la Société de la Croix-Rouge a des attaches officielles. Il demande donc qu'on traite le matériel des Sociétés de secours comme celui de l'Etat, c'est-à-dire que le matériel mobile sera exempt de capture et que le matériel fixe pourra être capturé; c'est la proposition de M. Macpherson.

M. de Martens fait observer, à son tour, les grands services rendus par les Sociétés de secours volontaires. Toutes les sympathies doivent leur rester acquises, et il ne faut pas ruiner leurs ressources; laissezleur donc la faculté de développer leur activité sans compromettre les nécessités militaires, puisque les commandants peuvent s'emparer de leur matériel, mais il sera bien entendu que ce ne sera pas à titre de confiscation.

M. Holland persiste à penser que la propriété privée, visée dans la Convention de La Haye, ne saurait en aucune façon être assimilée à une propriété privée, incorporée au service sanitaire de l'armée.

M. Goutchkoff tient à donner quelques explications tirées de la vie réelle. Il rappelle que, pendant la guerre anglo-boër, un hôpital allemand de la Croix-Rouge fut pris sept fois par les Anglais et restitué sept fois.

Pendant la dernière guerre russo-japonaise, alors que l'hôpital militaire fixe no 3 est resté entre les mains des Japonais, les cinq hôpitaux fixes de la Croix-Rouge, au contraire, ont conservé leur matériel et les Japonais en ont délivré des reçus. Il résulte de ces exemples que les propositions de la Délégation française ne font, en somme, que sanctionner ce qui s'est passé dans les dernières guerres.

M. Akashi déclare que si la Convention accorde plus de privilèges aux Sociétés privées qu'à l'Etat belligérant, celles-ci envahiront peu à peu tous les services sanitaires de l'armée et il n'y aura plus de formations sanitaires purement militaires. Cela risque de créer un grand embarras pour les autorités militaires. L'orateur se rallie donc entièrement à la proposition britannique.

M. le Président met aux voix la proposition de la Grande-Bretagne, qui se confond avec celle de l'Autriche-Hongrie.

Cette proposition est rejetée par 15 Délégations; 11 Délégations l'acceptent; une s'abstient.

Le principe de l'article c de la proposition française est mis aux voix

en ces termes :

« Y a-t-il lieu de déclarer que le matériel des Sociétés civiles de secours doit être considéré en toutes circonstances comme propriété privée ? »

Sur une observation de M. Yermoloff, M. Renault affirme, pour bien préciser le sens du vote, que le droit de réquisition reste réservé et qu'il y aura là une rédaction à trouver.

La proposition française est adoptée par 20 voix contre 2; il y a 5 abstentions.

Une discussion ultérieure du principe du Questionnaire no 10 du Conseil fédéral qui se retrouve dans l'article d de la proposition française n'est pas considérée comme nécessaire par la Commission, le principe ayant déjà été adopté.

La Délégation anglaise appelle l'attention du Bureau, lorsqu'il étudiera les questions de rédaction, sur l'article 7 du projet qu'elle a déposé, en ce qui concerne les convois d'évacuation (v. p. 96).

M. Renault propose, la question des convois d'évacuation devant

être traitée par la Ire Commission, qu'il soit donné mandat à cette dernière de s'occuper aussi des questions qui concernent le matériel dans les évacuations.

M. de Manteuffel déclare, en sa qualité de président de la Ire Commission, accepter ce mandat.

Afin de voir traiter uniformément la question du personnel et du matériel des convois d'évacuation, la Commission admet la proposition de M. Renault.

La Commission a ainsi achevé l'examen des nos 9, 10 et 11 du Questionnaire (1).

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La séance est ouverte à 10 heures 05, sous la présidence de M. W. C. Sanger.

M. le Président résume les différentes parties du rapport du Bureau de la Commission que MM. les Délégués ont entre les mains. Il explique qu'il se propose de soumettre successivement au vote de la Commission les différents articles de l'avant-projet en suivant l'ordre adopté dans le rapport.

M. le Président met dès lors en discussion le premier numéro de l'avant-projet, ainsi conçu :

1. Les formations sanitaires, soit fixes soit mobiles, seront protégées et respectées par les belligérants.

M. Yermoloff attire l'attention de la Commission sur le sens du mot « protection », qui revient à diverses reprises dans les articles rédigés par le Bureau.

Sur l'observation de M. Maurigi, il est entendu que cette question

(1) V. le résumé de ces travaux, ci-dessous, dans le Coup d'œil, du 22 juin 1906, en annexe au procès-verbal de la cinquième séance de la IV Commission.

sera réservée à la discussion en séance plénière, parce que ce terme se retrouvera fréquemment dans la Convention.

Le n° 1 de l'avant-projet est adopté.

M. le Président met en discussion le n° 2, dont voici la teneur :

2. La protection due aux formations et à leur matériel cesse si l'on en use pour commettre des actes hostiles envers l'ennemi.

Toutefois, le fait d'être protégées par un piquet ou des sentinelles ne prive pas les formations sanitaires de la protection garantie par la Convention. En cas de capture, le piquet et les sentinelles jouissent du même traitement que le personnel sanitaire et ne peuvent, dès lors, être faits prisonniers de guerre.

Au sujet du premier alinéa, M. Daae reprend la proposition de la Délégation de la Norvège, aux termes de laquelle le matériel sanitaire cesserait d'avoir droit à la protection s'il était utilisé autrement que pour le service sanitaire.

M. Daae craint qu'il ne soit difficile de déterminer, suivant les circonstances, ce qui doit être considéré comme un acte hostile, tandis qu'il sera toujours facile de savoir si un matériel sanitaire est utilisé dans un but sanitaire ou non; M. Daae estime pour cette raison que l'expression employée dans sa rédaction est plus claire que la formule adoptée dans l'avant-projet.

MM. Kebedgy et Schücking appuient le texte adopté par le Bureau, parce que celui de la Délégation de Norvège serait trop restrictif. Après cet échange d'observations, le premier alinéa du n° 2 est adopté à l'unanimité.

Le second alinéa est mis en discussion.

M. den Beer Poortugael propose l'élimination des mots « et ne peuvent dès lors être faits prisonniers de guerre », qui lui paraissent superflus.

M. Schücking dépose, au nom de la Délégation d'Autriche-Hongrie, la rédaction suivante :

<< Toutefois, le fait d'être protégées par un piquet ou des sentinelles ne prive pas les formations sanitaires de la protection garantie par la Convention, pourvu que ces sauvegardes ne se servent de leurs armes que pour leur propre défense ou pour la protection des formations sanitaires auxquelles elles sont attachées. En cas de capture, le piquet ou les sentinelles, qui se sont conduits correctement et qui sont munis d'un mandat de leur autorité militaire compétente, jouissent du même traitement que le personnel sanitaire. »

M. Macpherson fait remarquer que la rédaction adoptée par le Bureau correspond exactement à ce qui a été voté. Il propose donc de s'en tenir à cette rédaction, en ce qui concerne la phrase se terminant par les mots faits prisonniers de guerre ». En revanche, la question du mandat dont serait muni le piquet constitue un nouveau principe non encore voté.

M. de Mecenseffy développe la proposition austro-hongroise; il

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