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qu'ils sont dans l'impossibilité de s'employer auprès de leurs gouvernements, ainsi que le désirerait la Sublime Porte, pour obtenir de ceux-ci le retrait de la décision d'augmenter le nombre des officiers, ainsi que l'envoi subséquent de sous-officiers dans leurs circonscriptions respectives (Livre bleu no 55, n° 2). Réponse de la Porte le 24 octobre protestant contre les prétentions des puissances contraires au programme. de Mürzsteg. (Livre bleu no 55, no 3).

Le 15 novembre, (Livre bleu no 95) notification à la Porte des noms des nouveaux officiers Russes et Autrichiens. Le 6 décembre nouvelles protestations du gouvernement ture: «. La Sublime Porte est convaincue qu'une telle proposition, qui ne se concilie ni avec ses droits légitimes et fondamentaux, ni avec les sentiments de sincère amitié que les deux Gouvernements ont bien voulu de tout temps lui témoigner, ne lui sera pas renouvelée... » (Livre bleu no 110).

Le 18 décembre 1904 (Livre bleu no 117) les puissances pour vaincre les dernières hésitations du gouvernement Ture lui envoie une note collective: « Les Ambassadeurs d'Autriche-Hongrie, de France, d'Italie et de Russie, et le chargé d'affaires de la Grande-Bretagne ont ordre de leurs Gouvernements respectifs d'insister auprès du Gouvernement Ottoman pour qu'il sanctionne sans retard leur décision d'augmenter de vingt-trois le nombre de leurs officiers chargés de réorganiser la gendarmerie dans les districts auxquels s'applique le programme de Mürzsteg.

Cette décision, prise en conformité d'un avis formulé à Salonique en septembre dernier par les Délégués militaires des Puissances siégeant sous la présidence du Général de Giorgis Pacha, reste largement en deçà du chiffre de soixante, auquel la Commission technique réunie à Constantinople l'hiver dernier avait fixé le nombre des officiers à faire venir en vue de la réorganisation de la gendarmerie macédonienne. Les récents attentats qui se sont produits en Macédoine fournissent un motif de plus pour justifier le renforcement de cette gendarmerie par des officiers européens.

En présence de ces diverses circonstances, les Ambassadeurs d'Autriche-Hongrie, de France, d'Italie et de Russie, et le chargé d'affaires de Grande-Bretagne, sont chargés par leurs Gouvernements respectifs d'insister conjointement et solidairement auprès du Gouvernement Ottoman pour qu'il admette sans relard à son service et à sa solde es divers officiers. »

Le 29 décembre, la Porte donnait enfin satisfaction aux vœux des puissances: « ... Leurs Excellences MM. les Représentants des Puissances voudront bien reconnaître dans leurs sentiments de justice que, dès le début de la crise actuelle, le Gouvernement Impérial, se rendant à leurs conseils amicaux, a adopté toutes les dispositions qui lui étaient suggérées, en vue de remédier à un état de choses dont il est le premier à souffrir. Et, bien qu'il ait toujours limité à vingt-cinq le nombre des officiers étrangers à engager pour la réorganisation de la gendarmerie des dits vilayets, il serait aujourd'hui disposé pour donner une nouvelle preuve de sa déférence envers les Grandes Puissances, et assumant un fourd sacrifice, à admettre encore à son service les vingttrois autres officiers proposés, à la condition formelle que, pour quelque raison et sous quelque prétexte que ce soit, ce nombre ne soit plus

dépassé et la mission des nouveaux officiers ne puisse aller au delà du terme déjà fixé, c'est-à-dire qu'elle preune fin en même temps que celle des vingt-cinq officiers précédemment engagés, que leur tâche soit limitée à la réorganisation sans qu'elle puisse les faire participer au commandement, et que les cabinets veuillent bien s'engager d'une façon catégorique à exercer sur les pays d'où viennent les éléments de trouble et les fauteurs de désordres une pression efficace propre à mettre absolument un terme aux encouragements et à l'appui qu'ils ne cessent de fournir à l'agitation. » (Livre bleu no 128) (1).

La réorganisation de la gendarmerie ne fut pas le but unique poursuivi par les puissances pendant cette année 1904. Le livre bleu nous montre, à chaque instant, les efforts persistants du Gouvernement Anglais et des autres puissances pour faire exécuter l'arrangement Turco-Bulgare, mettre fin aux luttes de race et religieuses en Macédoine et amorcer le programme des réformes financières et judiciaires. Sur le retard mis par la Porte à exécuter ses engagements vis-à vis du Gouvernement Bulgare (2), le Foreign office ne cesse d'insister. Une dépêche du Marquis de Lansdowne à M. Townley (Livre bleu no 90) fait ressortir le but poursuivi par les puissances: « Vous ferez remarquer que les demandes du Gouvernement Bulgare sont fondées sur des traités conclus par La Porte, et vous ferez comprendre que la violation par le Gouvernement Turc de ses engagements vis-à-vis du Gouvernement Bulgare, en ce qui concerne le rapatriement des réfugiés, cause au Gouvernement de Sa Majesté beaucoup de crainte et peut amener des troubles graves. Il va de soi que le droit pour la Turquie, tout en accomplissant ses obligations, de prendre des précautions raisonnables pour la bonne conduite des réfugiés rapatriés est mis hors de doute par le Gouvernement de Sa Majesté... » Mise en demeure d'agir, la Porte se décide enfin à faire droit aux réclamations du Gouvernement Bulgare ainsi que le constate une dépêche de M. Townley au Marquis de Lansdowne le 10 janvier 1905 (Livre bleu no 138): «Je suis informé par M. Natchovits, que le Sultan a autorisé par un décret impérial le retour des familles, séjournant encore en Bulgarie, dans leurs anciennes demeures. »

Le rapport, déjà cité, de l'ambassade impériale de Russie à Constantinople, sur les résultats de l'action réformatrice, faisait constater l'amélioration survenue en Macédoine et citait parmi les principaux facteurs de cette amélioration : « l'instinct paisible de la majorité des populations, fatiguées de la prolongation des troubles, ainsi que le changement d'attitude du Gouvernement de la Bulgarie, qui a pris des mesures énergiques pour que désormais la Principauté ne serve plus de base à l'émeute ».

Le livre bleu nous montre les différentes puissances faisant tous leurs efforts pour obliger le Gouvernement Turc à agir et mettre fin aux

(1) Voir livre bleu no 131. La réponse des puissances prenant acte de l'acceptation de la Porte.

(2) Voir livre bleu no 130, le rapport de l'Agent commercial Bulgare dans le vilayet d'Andrinople rapportant que les Turcs se partageaient les terres abandonnées par les réfugiés Bulgares.

excès des bandes. Les autorités ottomanes, dit un memorandum (Livre bleu N° 18), des Ambassadeurs Russes et Autrichiens, restent inférieures à leur tâche pour la répression des crimes commis par les bandes qui subsistent dans la sphère de leur juridiction, ainsi que par les formations nouvelles, en partie serbes et principalement grecques, qui surgissent ce dernier temps sous l'oeil indifférent de la plupart des autorités locales, appelant une recrudescence de désordre et de violences réciproques ». Réponse de la Porte rejetant la responsabilité de ces faits sur les Gouvernements Grec, Bulgare et Serbe (Livre bleu N° 109): « Si, malgré toutes ces mesures, des méfaits où des crimes isolés se produisent sur certains points, cela ne provient pas de l'indifférence et de la négligence des autorités, mais bien du fait des bandes de diverses nationalités venues du dehors pour fomenter de l'agitation, ainsi que cela ressort de la notice même de Leurs Excellences». Le Gouvernement Ottoman se voyait malgré tout obligé d'agir ainsi que le prouve un memorandum de Décembre (Livre bleu No 116) « Les trois vilayets seront divisés en diverses zones et des détachements militaires en nombre suffisant seront établis dans chacune de ces zones. Les autorités impériales civiles et militaires agiront d'un commun accord et s'empresseront de réprimer toutes bandes qui se livreraient à des actes de brigandages. Les moukhtars et les membres des Conseils des Anciens des villages sis dans les dites zones seront prévenus qu'ils sont obligés d'aviser les autorités locales de tout crime qui viendrait à être perpétré dans leurs villages respectifs et que, dans le cas contraire, ils seront tenus responsables ».

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Les mêmes préoccupations des puissances se font jour pour mettre fin à la lutte entre Grecs et Roumains sur les questions religieuses. Le Gouvernement Anglais d'accord avec les autres Gouvernements, appuient auprès de la Porte la requête du Gouvernement Roumain, demandant que les Koutso-Valaques de Macédoine puissent former des communautés distinctes du Patriarcat. C'est ce que montre la dépêche de M. Townley au Marquis de Lansdowne du 3 janvier 1905 (Livre bleu No 137): « En réponse à la dépêche de Votre Seigneurie du 20 dernier, j ai appris que la plupart des Ambassadeurs à Constantinople avaient, ces derniers mois, par des communications plus ou moins platoniques, appuyé auprès de la Porte la requête du Gouvernement Roumain. Cette requête demande que le Gouvernement Ottoman permette aux populations roumaines de Macédoine de se former en communautés possédant les mêmes privilèges que les autres populations chrétiennes. Ces communautés auraient le droit d'employer la langue roumaine, non seulement dans les églises et les écoles, mais encore pour la rédaction des actes de naissance, de décès et autres documents civils.

J'ai demandé au Ministre des Affaires Etrangères où en était l'affaire. Son Excellence m'a répondu que le Conseil des Ministres avait discuté la question le jour précédent et avait envoyé un Mazbata au Palais recommandant l'acceptation de la requête du Gouvernement Roumain. Mais ce n'est pas là une indication certaine que la question ait été tranchée car précédemment de nombreux Mazbatas ont été envoyés au Palais sur cette question. Le Patriarcat mettra en œuvre toute son influence pour empêcher la promulgation de l'iradé nécessaire et

Tewfick Pacha, au cours de notre conversation d'hier, m'a déclaré que le Gouvernement Roumain ferait bien, si les Koutso-Valaques attachaient de l'importance aux décrets d'excommunications du Patriarche, de se concilier ce dernier, avant de rechercher la sanction du Gouvernement Ottoman. » Une dépêche postérieure du 19 janvier (Livre bleu No 149) constate la reconnaissance de la communauté roumaine par le Gouvernement Ottoman : « J'ai reçu le télégramme suivant, daté d'hier, du consul Anglais à Monastir: La Porte ayant accordé aux Valaques l'autorisation d'ouvrir des églises et d'y célébrer les cérémonies en langue roumaine, les Grecs ont hier et aujourd'hui fermé leurs boutiques en signe de protestation.

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Enfin l'importance des réformes financières et judiciaires est signalée dans ce livre bleu et les rapports consulaires constatent tous la nécessité de faire aboutir ces reformes une fois la réorganisation de la gendarmerie complètement terminée. « Les mesures d'ordre économique, est-il déclaré dans le rapport de l'Ambassade Impériale Russe à Constantinople déjà mentionné, destinées à préparer le terrain à la réforme financière, faisant partie du programme Austro-Russe, n'ont point été négligées non plus. L'essai d'un nouveau système de perception des dîmes présente sous ce rapport une importance spéciale. On connaît les plaintes justifiées que soulevait de tout temps le système existant de l'affermage de cet impôt. C'était une exploitation à plusieurs degrés, l'adjudicataire réaffermant généralement son lot par fractions à d'autres Agents qui se ménageaient également de gros bénéfices. L'Inspecteur Général Hilmi Pacha proposa au printemps dernier un nouveau mode de prélèvement qui écarte les surenchères et confie aux membres élus de la commune elle-même la répartition de la redevance calculée en valeur d'argent sur le rendement moyen des cinq dernières années». Ces idées ne cessent d'être mises en valeur par le Gouvernement Anglais ainsi que le prouve une dépêche du Marquis de Lansdowne à Sir F. Plunkett du 20 décembre 1904 (Livre bleu N° 113) résumant les vues du Gouvernement Britannique sur l'ensemble des questions macédoniennes : « Il est noté dans les deux rapports que, comme mesure préliminaire à d'autres réformes financières, l'on a introduit dans quelques districts une nouvelle méthode concernant l'assiette et la perception de l'impôt. Si cette expérience réussit, ainsi que tout porte à le croire, la nouvelle méthode sera appliquée à l'ensemble des vilayets. Cette mesure est un premier pas dans la voie d'une plus stricte réglementation financière. Mais jusqu'ici rien n'a été fait pour l'application de réformes plus approfondies telles que la création d'un contrôle effectif de l'emploi des deniers publics et l'établissement de budgets réguliers. A la vérité le rapport austro-hongrois fait remarquer que certains points préliminaires ont été tranchés et que des préparatifs ont été faits pour assurer la perception des impôts dans toute la province par les soins de la Banque Ottomane. Maís il n'en est pas moins vrai que la lecture de l'un ou l'autre de ces rapports ne suggère pas l'idée que l'on ait songé à établir les grandes lignes d'un projet général comme le déclare le rapport russe, ce sera l'œuvre de demain ».

Même note de la part du Gouvernement Russe ainsi qu'il ressort d'une dépêche du 29 décembre 1904, relatant une conversation entre

Sir C. Hardinge et le comte Lamsdorff sur les idées exprimées par le Marquis de Lansdowne : « Le point sur lequel le comte Lamsdorff était complètement d'accord avec votre Seigneurie, c'était sur la nécessité d'un système financier régulier et il regrettait que l'on n'ait pas accordé, l'année dernière, plus d'attention à l'établissement d'un projet de contrôle effectif sur l'emploi des deniers publics dans les vilayets. Mais, a-t-il fait observer, le Gouvernement Turc n'a cessé, sous les prétextes les plus futiles, de faire de l'obstruction à tout projet de réforme, pris sur l'initiative des Agents civils; d'où perte de temps au détriment des réformes financières et des autres réformes indispensables. Il m'a déclaré qu'il ferait le nécessaire pour signaler la nécessité de s'occuper immédiatement des projets de réformes financières, d'autant plus qu'au mois de mars les budgets seront établis pour l'année financière à venir (Livre bleu N° 134) ».

La réforme judiciaire est également considérée comme le complément des réformes financières : « Concurremment avec cette réforme, est-il déclaré dans la dépêche du Marquis de Lansdowne à Sir F. Plunkett déjà citée, il paraît absolument urgent de faire des efforts pour améliorer l'administration de la justice dans les vilayets. La nécessité d'appointements suffisants et payés à des dates régulières s'impose aussi bien pour l'organisation judiciaire que pour l'armée et la police. C'est ainsi que dans le Vilayet de Salonique le Gouvernement de Sa Majesté est informé que les juges n'ont touché que la moitié des appointements qui leur sont dus. Il est impossible dans ces conditions qu'ils puissent vivre sans augmenter leurs émoluments par des moyens inavouables ».

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