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REPUBLICAINES,

CHANSONS POPULAIRES.

RÉVOLUTION DE 1789 A 1792.

LES ROIS.

1790.

Si l'homme dut avoir un maître, Le seul qui fut digne de l'être, Le seul qui mérita de seconder les dieux, C'est un sage, roi de lui-même, Et qui de tout l'éclat dont il brille à nos yeux N'emprunte rien au diadėme.

Mais ce mortel sublime et juste, Ce monarque vraiment auguste, efusa d'un vain rang le dangereux honneur; Et sa gloire serait flétrie

'il eût pu consentir au funeste bonheur; De commander à sa patrie.

Ainsi la force aux mains sanglantes,
L'orgueil aux brigues insolentes,

Conquérans de la terre en devinrent les rois ;
Ainsi leur race criminelle,

A son trône de fer sut enchaîner des lois
Qui n'auraient tonné que sur elle.

De là ces publiques furies,
Ces prodiges de barbaries,

Néron, Caligula, ces monstres couronnés,
Dont la rage en crimes féconde,
Pour frapper d'un seul coup les peuples consternés,
N eût voulu qu'une tête au monde.

Possesseur aveugle et bizarre

Du champ public dont il s'empare, Au lieu de cultiver, le despote détruit; C'est le Canadien sauvage;

II

coupe l'arbre au pied pour en cueillir le fruit: Sa jouissance est le ravage.

Mais si l'encensoir fanatique
Joint à la hache despotique
Jure de l'Univers l'esclavage éternel;
C'est alors que la race humaine,
Sous le poids écrasant du trône et de l'autel,
Rampe et meurt en baisant sa chaîne.

Tel on voit l'animal utile,

Qui, traçant un sillon fertile

Engraisse à ses dépens son maître et son bourreau, Sous le joug il use sa vie ;

Et pour prix de sa peine il meurt sous le couteau, Et de la main qu'il a nourrie.

O toi que la pourpre environne !
Ne vante point l'éclat du t: ône,
Si tu le dois au sang d'aïeux usurpateurs ;
Mais si par un libre suffrage,

Les peuples l'ont donné, ces peuples bienfaiteurs
Devaient-ils craindre leur ouvrage ?

Rois, déposez votre tonnerre:
Implorez l'amour de la terre:
Renversez, détruisez ces exécrable tours,
Ces repaires du despotisme,
Et sur leurs noirs débris elevez pour toujours
Un autel au patriotisme.

Voulez-vous mériter l'empire?

De l'humanité qui soupire,

Calmez, séchez vos pleurs : craignez de perdre un

Condamnés à l'orgueil du trône,
A force de vertus, et de soins et d'amour,
Rois, expiez votre couronne.

Malheur au roc inaccessible

Dont la cime aride et terrible,

De sa hauteur stérile épouvante les yeux!

jour!

Gloire à ces montagnes fécondes

Qui semblent n'élever leurs têtes dans les cieus, Que pour mieux prodiguer leurs ondes !

Loin des oreilles souveraines,

O vous, dangereuses syrènes,

Vous qui les chatouillez de sons adulateurs!
Et toi, vérité noblé et sainte,

Perce à travers la foule et l'encens des flatteurs;
Parle sans détours et sans crainte.

Qu'à ta voix frissonne et pâlisse
Ce lâche et perfide Narcisse,
Des passions du maître esclave sans pudear,
Qui de sa couronne éclipsée
Emprunte effrontément une vile splendeur,
Prix infâme du caducée.

Brise les cachets tyranniques De ces oppresseurs politiques, Du pâle citoyen nocturnes ennemis !

Si leur vengeance est légitime, Qu'à la sainte clarté du flambeau de Thémis Elle ose frapper sa victime.

Eteins les guerres homicides,
Que le souffle des Euménides

Ne fasse plus rugir les bronzes enflammés !

Ferme ces bouches effrayantes
Qui lançaient le courroux des citoyens armés
Et leurs réponses foudroyantes!

Il est de ces vainqueurs sauvages Dont le char traîne les ravages, Rois dévorant leur peuple au milieu des combats: Mais il en est dont la faiblesse Laisse à pas indolens descendre leurs états Dans le tombeau de la molesse.

Au sein des nymphes d'Amathonte,
Voyez-les endormis sans honte,
Sacrifier leur gloire aux lâches voluptés
Et d'amour esclaves suprêmes,
Sur le front insolent des plus viles beautés
Humilier leurs diadèmes.

Le trône n'a pu les absoudre :
Ils avaient usurpé la foudre,

Et de l'encens des dieux enivré leur orgueil :
Mais frappés d'une mort impure,

Ils vont au lieu funèbre où le ver du cercueil
Attend sa royale pâture.

Tyrans! les nations sommeillent....
Ah! si jamais ils se réveillent

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