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DES TABLEAUX DES ARTISTES VIVANTS.

(SALON DE 1852.)

D'importantes innovations ont signalé le salon de 1852 : le jury d'admission a cessé d'être entièrement électif; il a été composé moitié de membres choisis par l'administration, moitié de membres élus. Les artistes déposants ayant eu des ouvrages admis aux expositions précédentes (excepté celle de 1848), ont eu seuls le droit de prendre part à l'élection du jury. Le privilége d'avoir leurs ouvrages reçus sans examen, accordé précédemment aux premiers grands prix de Rome et aux médailles, leur a été retiré, et a été exclusivement réservé aux membres de l'Institut et aux artistes décorés. Pour restreindre le nombre toujours croissant des objets envoyés, on a décidé que chaque artiste ne pourrait présenter plus de trois ouvrages. Les tableaux de chaque artiste, au lieu d'être disséminés çà et là dans les diverses salles et aux différents étages du bâtiment de l'exposition, ont été réunis, et, autant que possible, mis les uns à côté des autres. Le livret du salon indique, au nom de chaque artiste, le lieu de sa naissance, les écoles d'où il est sorti, les dates des médailles qu'il a obtenues, des prix ou des récompenses honorifiques qui lui ont été décernés.

Enfin certains jours ont été consacrés au prélèvement d'un droit d'entrée dont le produit a été affecté à l'acquisition de plusieurs des ouvrages les plus importants admis à l'exposition.

M. de Nieuwerkerke, dans un discours prononcé le jour de la distribution des récompenses, a donné les raisons suivantes à l'appui de ces nouvelles mesures : «Les expositions annuelles, a-t-il dit, ne doivent pas être un lieu de dépôt institué pour faciliter le placement de tous les produits de l'art moderne, ou consacré à recevoir le trop plein des ateliers.

» En restreignant pour chaque artiste la faculté de faire admettre aux expositions un nombre illimité d'ouvrages d'art, l'administration a voulu leur faire bien comprendre qu'ils devaient être représentés par leurs œuvres les plus complètes, et non par des esquisses ou des ébauches indignes de figurer dans un grand concours ouvert par l'État.

» Les médailles sont des récompenses accordées à des efforts couronnés de succès. Elles sont des encouragements à persévérer dans ces efforts... Elles sont un degré conquis dans la hiérarchie des récompenses; mais elles ne couronnent pas la vie tout entière d'un artiste... Un médailliste est en marche ; il n'est pas arrivé; il peut être discuté... Il doit être protégé contre ses propres entraînements et contre les jugements du public par la sévérité d'un jury d'examen. »

Le Salon de 1852 n'a point offert de ces œuvres hors ligne qui arrêtent forcément tous les regards et unissent toutes les écoles dans un sentiment unanime d'admiration; mais, quoique bien inférieur en nombre à ceux des années précédentes, il ne s'est pas montré moins riche en toiles intéressantes, et les suffrages du public se sont du moins répartis sur une certaine quantité de morceaux recommandables à plus d'un titre.

Nous placerons en première ligne le Siége de Rome, page immense de M. Horace Vernet, qui n'est, à proprement parler, qu'un bulletin de l'armée, mais qui est un magnifique bulletin; et les Femmes gauloises, épisode de l'invasion romaine, dans lequel M. Glaize, abordant un sujet nerveux et sévère, a prouvé qu'il savait faire autre chose que de l'élégance et de la grâce.

Renfermé dans des limites trop étroites pour nous livrer à une appréciation raisonnée de chaque tableau, nous nous bornerons à une revue rapide, ne signalant que les ouvrages distingués par le public lui-même; ainsi nous dirons que parmi les tableaux du genre historique, ceux qui ont principalement attiré l'attention de ce juge suprême sont : la Fin du monde, par Abel de Pujol, allégorie savamment dessinée et qui rappelle l'école de David; - Satan foudroyé, par M. Lefebvre, dessiné hardiment et pittoresquement agencé; t'Ange déchu, même sujet traité par M. Yvon avec une grande fermeté de dessin ; les Derniers honneurs rendus aux comtes d'Egmont et de Horn, page importante de M. Gallait, qui avait figuré déjà à l'exposition de Bruxelles, le Départ de Protésilas, par M. Benouville; la Mort de Moïse, œuvre élégante de M. Cabanel; Saint Bonaventure recevant les insignes du cardinalat, tableau de M. Claudius Jacquand de Lyon, qu'on prendrait pour une œuvre belge à son exécution fluide, lisse et polie. Le Sermon sur la montagne, par M. Hesse; —la Fiancée de Corinthe, œuvre sévère de M. Jobbé-Duval ; Tout passe, par M. Omer-Charlet, composition facile et d'un aspect agréable; la Résurrection de la fille de Jaïre, par M. Timbal, composition savante et sévère; - Abraham, par M. A. Arago, d'une bonne facture, quoique trop égale.

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Les tableaux de genre ont encore été cette année, comme depuis longtemps, en grande majorité; nous ne voulons pas y voir, comme certains esprits chagrins, un signe évident de la décadence de l'art; il est sans doute à regretter que la grande peinture n'ait pas un plus grand nombre de dignes représentants; mais enfin l'art, parce qu'il se réfugie sur une petite toile et qu'il ne chausse point le cothurne, ne cesse pas pour cela d'être l'art, et la perfection, quel que soit son cadre, aura toujours des droits légitimes à l'admiration et aux applaudissements.

Nous mentionnerons, comme ayant obtenu à des degrés divers les suffrages du public connaisseur la Fontaine du Grand-Figuier, de M. Camille Roqueplan; le Démocrite enfant, par M. Boulanger; l'Amour se désaltérant, composition gracieuse et sage de M. Froment-Delormel; Un Enfant retirant une épine du pied d'un berger, peinture agréable et naïve de M. Caminade; —Silène captif, par M. Belliveaux ;-Suzanne au bain, gracieuse composition de M. Jeanron; deux charmants tableaux du même artiste les Pêcheurs à la traille et les Pêcheurs du Creux-Nazeux; les Demoiselles de village, par M. Courbet, d'une exécution fraîche, vive et pleine de franchise; le Soldat distribuant du pain aux indigents, par M. Pils, épisode rempli de vérité et d'esprit d'observation; - les Pêcheurs naufragés, de M. Duveau, où s'est fait admirer un excellent groupe du marin et du jeune garçon ; le Cierge bénit, du même auteur, qui a réuni tous les suffrages; les Bacchantes, de M. Brune; la Madeleine,

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de M. Gigoux; la Velleda, de M. Cabanel, peinture agréable; - Tibère à l'ile de Caprée, tableau remarquable de M. Gendron; une toile gracieuse du même artiste : des Sylphes voltigeant sur les bois; - le Rêve, par M. Lehmann, composition poétique et sévère; les Béatitudes, par M. Landelle; le Printemps et l'Automne, par M. Schutzenberger; le Découragement de l'artiste, par M. Verdier, sujet bien conçu; - Chefs de tribus arabes se défiant en combat singulier, par M. Chassériau; la Bonne aventure, par M. Hunt; - Don Juan et Une Séance de quatuor, dus au pinceau facile et vrai de M. Hillemacher; la Charité, par M. Bonvin; Le Tasse arrivant chez sa sœur à Sorrente, par M. Jules Naudin; Un Homme choisissant son épée, les Bravi, Un Jeune homme travaillant, trois charmants petits tableaux de M. Meissonnier; Partant pour la ville, de M. Fauvelet; le Déjeuner et Après la collation, deux jolies compositions de M. Plassan;-te Caquet, scène délicieuse par M. Chavet; - A beau mentir qui vient de loin, par M. Billotte, composition empreinte de naturel et de gaieté; Deux jolis tableaux de M. Porion: Un Gitano et Une Gitana; t'Hospitalité, par M. Pezous; Sterne et le Chant d'Antonia, par M. Coulon; la Jeunesse de Lantara, par M. Besson; le Jugement de Pâris, par M. Compte Calix; le Berger breton, de M. Luminais, peinture excellente et solide; trois tableaux vrais et harmonieux de M. Armand Leleux : la Posada, le Guide de Saint-Gothard et un Intérieur de forgerons; - le Tonnelier, de M. Frère, et le Chapelet, ravissant petit tableau du même auteur; t'Éducation du geai, de M. Guillemin; les Approches d'une tempête sur les côtes du Finistère, par M. Penguilly-L'Haridon, tableau d'un effet saisissant; - la Villanella, par M. Jalabert, un des joyaux de l'exposition; — Une Scène de pillage en 1815 et les Plaisirs de l'automne, qui ont été les derniers adieux du si regrettable Tony Johannot.

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Pour être juste, il ne faudrait oublier ni M. Trayer, ni M. Pluyette, ni MM. Appert, Comte, Marchal, Leray, Laugée, Sorieul, Devilly, Bellangé, ni tant d'autres qui ont su par quelque côté mériter les éloges du public.

Parmi les peintres de portraits, ceux dont les ouvrages ont été le plus remarqués sont MM. Couture, Hofer, Hébert, Ricard, Chaplin, Verdier, Amaury Duval, Lehmann, Isambert, Léon Cogniet, ce dernier surtout à qui l'on doit le plus beau portrait et peut-être le morceau capital de l'exposition. Nous citerons encore MM. Edouard Dubufe, Ch. Muller, Landelle, Jollivet, Benouville, Baume, Brémond, Favas, Laemlin, Larivière, Marc, Richaud, Tissier; et, parmi les peintres en miniature, MM. Maxime David, Latour, de Sommayrac, et mesdames Herbelin, Douliot et Mutel.

Les paysagistes ne sont point restés en arrière, et ils n'ont point à se plaindre de la part que leur a faite le public dans ses faveurs; on a généralement admiré le Paysage après la pluie, de M. Rousseau; un Intérieur de la forêt de Fontainebleau, de M. Auguste Bonheur.- MM. Jules Dupré, Cabat, Daubigny, Chantreuil, Anastasi, André, Boulangé, Courdouan, Fontenay, Karl Girardet, Holstein, Lambinet, Lavielle, Legentile, Leroux, Marandon de Montyel, Mozin, Justin Ouvrié, Thuillier, madame Pesme, qui appartiennent

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