Page images
PDF
EPUB

« Ce jour, le procureur général du roi est entré et a dit: Que le commerce des Chevaux étant une branche de commerce interieur, d'autant plus essentielle qu'elle vivifie les autres et qu'elle concourt au produit de l'agriculture, à la formation, à l'entretien des troupes, à la subsistance des armées, sa majesté, à l'exemple des rois ses prédécesseurs, lui a toujours accordé une protection particuliére.

» L'exécution des principales ordonnances données sur ce sujet, ayant été confiée à la cour, dans l'étendue de son ressort, et en première instance aux juges des traites, pri vativement à toutes autres cours et juges, elle se rappelle quelles furent en général les vues du législateur, et qu'en particulier, les dispositions de l'ordonnance des fermes, du mois de février 1687, titre des marchandises de contrebande, et de celles dont la sortie ou l'entrée du royaume est défendue, semblaient ne laisser aucune ressource à la fraude, ni aucun prétexte aux fraudeurs. Quelle va être la surprise de la cour, en apprenant des faits que le ministère public ne peut dissimuler. » La dépopulation, occasionée principalement par la sortie du royaume, des jumens et pouliches, a tellement diminué ce commerce dans la province de Guyenne, que ses habitans sont obligés d'aller ailleurs chercher des Chevaux pour leurs différens usages; et, ce qui mérite la plus grande attention, la plus grande partie du ressort de la cour, dans laquelle les troupes légères de sa majesté faisaient ci-devant les plus belles remontes avec beaucoup de facilité, ne fournit presque plus de Chevaux qui soient propres pour le service du roi.

[ocr errors]

» Si la cour voit d'avance la nécessité d'arrêter les progrès de ces contraventions, elle lui paraîtra plus instante encore par le compte qui reste à lui rendre.

» Par une double erreur (bien manifeste, si elle n'est pas volontaire), les marchands de Chevaux prétendent que les jumens ni les pouliches ne sont point comprises dans la défense générale portée par l'ordonnance de 1687, contre la sortie des Chevaux hors du royaume; que du moins le fermier de sa majesté, ses gardes, commis ou préposés seraient sans droit et sans commission pour saisir, au préjudice des marchands de Chevaux, de leurs valets ou agens, les jumens et pouliches sur lesquelles ils seront montes, pourvu qu'ils déclarassent qu'ils étaient voyageurs, que c'était pour leur usage et commodité qu'ils emmenaient leurs montures dans un autre royaume, et non pas pour les y vendre.

>> Interprétation évidemment absurde, aussi contraire aux premieres notions qu'à l'esprit et à la lettre de la loi ; systéme insoutenable : plus il tend à ouvrir de nouvelles voies à la fraude, et encourager les fraudeurs par l'espoir de l'impunité, plus la cour y trouvera des motifs puissans pour se hâter de faire connaître aux peuples de son ressort les intentions de sa majesté, de rappeler les dispositions de l'ordonnance de 1687, et d'en ordonner l'exécution ».

Sur cet exposé, arrêt qui contient les articles suivans:

« 1. Les jumens et pouliches sont déclarées marchandises de contrebande à la sortie du d'en emmener hors du royaume, à peine de royaume ; et il est fait inhibitions et défenses

confiscation et de 500 liv. d'amende.

» 2. Pourront les commis, gardes ou préposés du fermier de sa majesté, saisir, à la sortie du royaume, les jumens et pouliches, même dans le cas où les conducteurs leur

presenteraient des permissions, si elles ne sont contre-signées de l'un des secrétaires general des finances. d'état de sa majesté, ou visées du contrôleur

» 3. Il en sera usé comme par le passé, à l'égard des voyageurs: néanmoins, ladite cour a permis et permet aux gardes et commis du fermier, de saisir, à la sortie du royaume, les jumens et pouliches sur lesquelles (sous prétexte de voyage), seront montés des marchands de Chevaux, leurs valets ou agens, ou des personnes qui, sans avoir la qualité de marchands, élèvent des Chevaux et en font trafic.

» 4. Les commis et gardes du fermier qui seront d'intelligence avec les marchands ou conducteurs de jumens et pouliches, pour en favoriser la sortie, seront poursuivis extraordinairement en la juridiction des traites, jusqu'à sentence définitive inclusivement, sauf l'appel en la cour, et condamnés aux peines portées par l'art. 18 du tit. 14 de ladite ordonnance.

5. Le tiers du montant des confiscations sera donné au dénonciateur, après en avoir préalablement distrait les frais et payé les droits du fermier.

» 6. Les procès-verbaux de saisie des jumens et pouliches, à la sortie du royaume, seront affirmés véritables, dans le délai de l'ordonnance, pardevant le juge des traites, dans le département duquel la saisie aura été faite, ordonne ladite cour qu'il connaîtra, privativement à tous autres juges, des contestations qui pourraient naître à l'occasion

desdites saisies; fait défenses aux parties de se pourvoir ailleurs en première instance, à peine de nullité des procédures, dépens, dommages et intérêts, et de 3,000 livres d'amende.

» 7. Enjoint ladite cour aux juges des traites de son ressort, de procéder au jugement, toutes autres affaires quittées sur les procèsverbaux de saisie des jumens et pouliches qui leur seront présentés par les commis et gardes du fermier de sa majesté, en la forme prescrite dans le tit. 11 de la même ordonnance de 1687 ». ]

[[La loi du 1er mars 1793 renouvelle et étend à tous les départemens de la France, la prohibition d'exporter, tant par terre que par mer, les Chevaux et même les mulets, sous peine de confiscation, dont elle accorde

la moitié aux dénonciateurs et aux saisissans.

Cette prohibition est renouvelée, pour les Chevaux, par la loi du 19 thermidor an 4. Mais elle est modifiée, par la même loi, pour les mules et mulets : la sortie de ces animaux, lorsqu'ils sont au-dessous d'un an, est permise pour l'Espagne seulement, moyennant un droit de 5 francs par tête.

L'art. 5 de la loi du 30 avril 1806 va plus loin il permet indéfiniment la sortie des mules et mulets; mais il double le droit établi par la loi précédente.

IV. Les Chevaux sont-ils compris sous le mot Bestiaux, dans l'art. 4 de la loi du 19 vendémiaire an 6, suivant lequel les bestiaux peuvent, lorsqu'ils ne font pas route vers la frontière, circuler sans passavant dans les deux lieues limitrophes de l'étranger.

Le tribunal de première instance de Bayonne avait jugé pour l'affirmative le 13 thermidor an 12, en déclarant nulle une saisie de Chevaux, de mules et de mulets, faisant route d'Espelette à Ilzation, sans être accompagnés d'aucune expédition des douanes. Mais l'administration des douanes s'étant pourvue contre ce jugement, arrêt est intervenu, le 17 juin 1806, par lequel la cour de cassation,

« Vu l'art. 15 du tit. 3 de la loi du mois d'août 1791.... ;

» Attendu que les mules, mulets et Che vaux saisis par le procès-verbal des employés des douanes, étant âgés de plus d'un an, étaient prohibés à la sortie, par la loi du 19 thermidor an 4; que les conducteurs de ces animaux n'étaient porteurs d'aucune expédition des douanes; qu'ainsi, la saisie en a été légitimement faite;

» Attendu que les mules, mulets et Chevaux ne sont pas compris dans l'expression gé

nérique Bestiaux; qu'on en est convaincu, soit en consultant les meilleurs dictionnaires de grammaire, soit en consultant le législateur qui en a fait lui-même la distinction dans les lois des 13 pluviôse an 3 et 25 messidor an 6; d'où il suit que le tribunal de Bayonne a fait une fausse application de l'art. 4 de la loi du 19 vendémiaire an 6, qui ne concerne que les bestiaux et non les mules, mulets et Chevaux ;

» Casse et annulle le jugement du tribunal de l'arrondissement de Bayonne du 13 thermidor an 12, pour contravention à l'art. 15 du tit. 3 de la loi d'août 1791, et pour fausse application de l'art. 4 de celle du 19 vendemiaire an 6 ». ]]

V. Dans la vente des Chevaux, la pousse, la morve et la courbature sont des vices qui donnent lieu à l'action redhibitoire, c'est-àdire que l'acheteur peut obliger le vendeur à reprendre l'animal vendu et à rembourser le prix de la vente; mais il faut que cette action soit intentée dans le temps utile. Ce temps est de neuf jours à Paris, et de huit seulement dans la coutume de Bourbonnais.

Voici ce que porte l'art. 87 de cette dernière coutume : « un vendeur de Chevaux » n'est tenu des vices, excepté de morve, es» pousse, corbes et corbatures, sinon qu'il » les ait vendus sains et nets: auquel cas, » il est tenu de tous vices latens et apparens » huit jours après la tradition ».

Cette disposition a fait naître la question de savoir si l'action redhibitoire devait être nécessairement intentée dans la huitaine de la vente du Cheval, ou s'il suffisait, pour couvrir la fin de non-recevoir, que l'acheteur eût fait constater, dans la huitaine de la vente, l'état du Cheval.

L'affaire qui a présenté cette question, est ainsi rapportée dans la collection de jurispru

dence:

«Le nommé Seriziat, marchand de Chevaux, avait acheté un Cheval du sieur de Gennestoux, écuyer, seigneur de Vallière. Après cinq jours de marche, il s'aperçut que ce Cheval, qu'il avait attelé à une voiture chargée d'un millier par Cheval, était poussif; il avait fait constater, en présence d'un notaire, assisté de deux maîtres-maréchaux, gardes en charge, l'état du Cheval que les experts-maréchaux avaient déclaré être atteint de la pousse. Ce n'avait été que quinze jours après le procès-verbal de visite, et vingt jours après la vente, que Seriziat avait formé sa demande.

» Le sieur de Gennestoux le soutenait nonrecevable, parceque, disait-il, la coutume de

9

224

CHEVAL DE SERVICE, CHEVALIER, N° I.

Bourbonnais veut qu'il y ait demande en redhibition dans la huitaine de la vente, et non pas un acte de visite de Cheval. Outre cela, le sieur de Gennestoux observait que le Cheval avait été exposé pour être vendu au plus offrant, aux risques de qui il appartiendrait des maréchaux-experts de régimens avaient certifié que le Cheval n'était pas poussif, mais échauffé considérablement du travail qu'on, lui avait fait faire.

»Seriziat répondait qu'il avait interrompu la fatalité du délai de huitaine par le procèsverbal de visite dressé à sa requête, aussitôt qu'il s'était aperçu que le Cheval était poussif; il ajoutait qu'occupé de la conduite d'un nombre considerable de Chevaux, et éloigné alors de plus de cinquante lieues de l'endroit où il avait acheté le Cheval, ç'aurait été le réduire à l'impossible que de l'obliger à former l'action dans la huitaine; que, lorsque F'état du Cheval se trouvait juridiquement constaté dans la huitaine de la vente, l'action pouvait être intentée utilement dans les quarante jours de la vente; enfin, que les prétendus certificats des maréchaux-experts de régimens étaient donnés par gens qui n'en avaient pas reçu la mission par ordonnance de justice; qu'ainsi, ils n'étaient d'aucune considération.

» Les choses en cet état, la sentence des premiers juges, qui avait entériné les rapports faits à la requête de Seriziat, et qui avait fait droit sur la demande redhibitoire, fut confirmée par arrêt rendu en la grand' chambre, au rapport de M. Roland de Chalerange, le vendredi 7 septembre 1770 ».

Dans le ressort de la coutume de Cambray et dans celui du bailliage de Péronne, le vendeur n'est à l'abri des recherches de l'acheteur, qu'après un laps de quarante jours. C'est ce qui résulte, tant de l'art. 5 du tit. 21 de la coutume de Cambrai, que d'un acte de notorieté donné par le baillage de Péronne, le 23 janvier 1683.

L'art. 204 de la coutume de Bar, au titre des Convenances et autres contrats, donne pareillement à l'acheteur d'un Cheval poussif, morveux ou courbattu, quarante jours pour en répéter le prix au vendeur.

En Normandie, l'acheteur a trente jours pour intenter la même action; mais après ce temps, il doit être déclaré non-recevable. C'est ce que porte un arrêt de règlement rendu au parlement de Rouen, le 30 janvier 1728.

Un arrêt de règlement, rendu au parlement de Paris, le 25 janvier 1781, a ajouté aux cas

redhibitoires dont on a parlé, les maladies de sifflage et de cornage dont les Chevaux sont attaqués.

[[L'art. 1648 du Code civil s'en réfère aux usages du lieu où la vente a été faite, tant pour la nature des vices qui donnent lieu à l'action redhibitoire, que pour le délai dans lequel cette action doit être intentée. V. Redhibitoire.]]

VI. Par un autre arrêt de règlement du 27 oct. 1778, le parlement de Paris a fait défenses à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu'elles fussent, d'arracher ni de couper les crins aux Chevaux qui ne leur appartiendraient pas, sous peine de 100 livres d'amende; d'être garans et responsables, envers les propriétaires des Chevaux, de tous les dommages et intérêts, même d'être poursuivies extraordinairement; il a en même temps été ordonné que ceux qui seraient trouvés coupant et arrachant des crins aux Chevaux qui ne leur appartiendraient point, pourraient être arrêtés par les habitans des paroisses et conduits dans les prisons du siége royal le plus voisin, pour être procédé contre les délinquans, ainsi qu'il appartiendrait.

VII. Celui qui vend un Cheval harnache, ne peut en retenir le harnais, à moins qu'il n'y ait à cet égard une convention expresse. La raison en est qu'il est de maxime en droit que l'accessoire doit suivre le principal; ainsi, les harnais étant l'accessoire du Cheval, sont réputés vendus avec lui par la disposition de

la loi.

V. Accessoires, Animaux, Bestiaux, Chemin (grand), etc. (M. GUYOT.)*

[[VIII. Les Chevaux sont-ils compris dans le mot meubles, employé seul? V. Meubles (legs de ).]]

CHEVAL DE SERVICE. En terme de jurisprudence féodale, on appelle ainsi un Cheval que le vassal doit au seigneur féodal [[Ce droit est aboli sans indemnité, par l'art. 1 de la loi du 17 juillet 1793. ]]

*CHEVALIER. Titre d'honneur qui s'accorde aux gentilshommes de la première qualité, tels que les ducs, les comtes, les marquis, les barons, et à ceux qui possèdent les premières dignités dans l'épée ou dans la

robe.

Ce titre se donne encore à ceux qui sont admis dans différens ordres de chevalerie, soit que ceux qui composent ces ordres, soient nobles ou roturiers.

I. Le titre de Chevalier nous est venu des anciens Romains. Ceux qui en étaient décorés chez eux, formaient le second ordre de la république : ils tenaient le milieu entre le sénat

et le peuple. Les plébéiens, ainsi que les patriciens, pouvaient être admis dans l'ordre des Chevaliers; il suffisait pour cela d'être né libre, d'avoir à peu près dix-huit ans et un certain revenu.

Les Chevaliers Romains faisaient la principale force des armées d'Italie : ils combattaient sur un cheval que l'état leur fournissait; et c'est de là que leur vint la dénomination de Chevaliers, qui s'est perpétuée jusqu'à nous. La marque de leur ordre était une robe semée de fleurs, couleur de pourpre, et ils portaient à leur doigt un anneau d'or. Il est dit dans l'histoire, qu'après la bataille de Cannes, Annibal envoya à Carthage plusieurs boisseaux de ces anneaux. Ovide, Atticus, Cicéron et plusieurs autres savans, furent Chevaliers romains. Mais ce titre dégénéra par la facilité avec laquelle les empereurs l'accordérent à toutes sortes de personnes, même à des affranchis.

II. Ce titre s'est conservé parmi nous avec beaucoup plus de distinction, du moins pour ce qui est de l'ancienne chevalerie. Il a fait l'objet de la plus noble émulation parmi les militaires. La chevalerie était une dignité à laquelle on ne parvenait qu'après de longues épreuves. Le gentilhomme qui aspirait à cet honneur, entrait, dès l'âge de sept ans, chez quelque illustre Chevalier, où il occupait d'abord la place de page, de damoiseau ou de varlet. Cet état durait ordinairement jusqu'à le jeune homme eût atteint l'age de quatorze ans ; alors il obtenait le titre d'écuyer. Les jeux pénibles où le corps acquérait de la vigueur et de l'agilité, les courses de bague, de tournois, les faits d'armes, étaient le partage de ce nouvel état, jusqu'à ce que le jeune homme fût age de vingt-un ans, temps auquel il parvenait à la Chevalerie, que l'on appelait autrement le Temple d'honneur.

ce que

L'installation dans cette dignité se faisait avec beaucoup de pompe. Le nouveau Chevalier prêtait serment de n'épargner ni sa vie ni ses biens pour attaquer les infidèles et défendre la religion, les orphelins et l'honneur des dames. Les seigneurs les plus qualifiés et souvent les dames et les demoiselles du premier rang, le revêtait des marques extérieures de la Chevalerie. Celle-là lui donnait les éperons dorés; celle-ci le haubert; une troisieme les gantelets; d'autres la cuirasse, les bracelets, etc.

C'était souvent le souverain qui faisait la cérémonie et qui ceignait lui-même l'épée au nouveau Chevalier il lui donnait ensuite l'accolade, en prononçant pour l'ordinaire ces paroles: De par Dieu, notre dame et mon TOME IV.

seigneur le baron de Saint-Denis, je te fais Chevalier.

Après l'accolade, un écuyer amenait un cheval, sur lequel le nouveau Chevalier faisait divers exercices devant l'assemblée, avec toute l'adresse dont il était capable; il fallait ensuite en faire autant au milieu de la place publique.

Ces cérémonies étaient, pour l'ordinaire, précédées de différens actes de religion. On sait que, lorsque Charles VI voulut faire Chevalier Louis et Charles d'Anjou, ces deux princes, après le souper, furent conduits à l'église pour y passer la nuit en prières. Le lendemain matin, l'évêque d'Auxerre célébra la messe, et leur donna sa bénédiction.

L'habit du Chevalier était de soie vermeille, fourré de menu-vair. Il portait la robe traî. nante, avec un manteau fait en forme d'écharpe; mais son attribut essentiel était le baudrier avec les éperons dorés.

Un des principaux priviléges de la Chevalerie, était d'acquérir des titres distingués, tels que de dom, sire, messire, monseigneur. Les femmes des Chevaliers avaient seules le droit de se faire appeler madame. Jeanne d'Artois, princesse du sang, veuve, le jour même de son mariage avec Simon Thouars, comte de Dreux, n'osa point prendre ce titre, parceque son mari n'était encore qu'écuyer, quand malheureusement il fut tué dans un tournois, six heures après son mariage: elle se borna au simple titre de mademoiselle.

Une autre prérogative des Chevaliers était de pouvoir manger à la table du roi, honneur que n'avaient point ses fils, ses frères, ses neveux, avant d'avoir été armes Chevaliers. Les Chevaliers seuls avaient le droit de porter la lance, le haubert, la double cotte de mailles, la cotte d'armes, l'or, le vair, l'hermine, le petit-gris, le velours, l'écarlate; de se faire représenter avec l'armure complete dans l'empreinte d'un sceau qui leur devenait propre et particulier; enfin, d'arborer la girouette sur les maisons qui leur appartenaient. Ils étaient de plus exempts de payer les droits imposes sur les denrées et autres marchandises achetées pour leur usage. A leur appro che, toutes les barrières, tous les châteaux s'ouvraient pour leur faire honneur.

Le titre de banneret était pourtant au-dessus de celui de Chevalier. La bannière de ceux qui avaient un commandement dans les armées, leur donnait une certaine autorité que, n'avaient pas les simples Chevaliers; mais les Chevaliers étaient d'un degré au-dessus des

29

[blocks in formation]

Le parlement de Paris porta une semblable décision en 1613, pour François l'Evêque, seigneur de Marconnai, en conséquence de sa qualité de Chevalier, contre le sieur de la Coutardiere, simple gentilhomme, qui lui disputait les honneurs de l'église de Sauzai en Poitou.

Le parlement de Dijon, par évocation, jugea de même à peu près dans ce temps-là, pour Claude Turgot, Chevalier, seigneur de Tourailles, contre Jean d'Escajeul, plus âgé que lui, mais simple écuyer. Leur différend venait des fiefs qu'ils avaient l'un et l'autre dans la paroisse de Trévières, diocèse de Bayeux.

III. Le titre de Chevalier est-il héréditaire dans les descendans de ceux qui l'ont obtenu, ou'n'est-il simplement que personnel à ceux qui l'ont acquis?

Ceux qui prétendent que ce titre peut être un titre d'extraction, se fondent 10 sur l'art. 189 de l'ordonnance de Louis XIII, du mois de janvier 1629, qui porte défenses à toutes personnes de prendre la qualité de Chevalier, s'ils ne l'ont obtenue du roi ou de ses prédécesseurs, ou que l'éminence de leur qualité ne la leur attribue; 20 sur le résultat des commissaires généraux de la province de Bretagne, assemblés pour la réformation des usurpa teurs de la noblesse, qui déclarèrent Chevaliers tous les marquis, les comtes, les barons, les châtelains et leurs fils aînés; tous les enfans des officiers de la couronne, des gouverneurs et des lieutenans généraux de province; les enfans des premiers présidens des cours, des Chevaliers du Saint-Esprit, et des premiers officiers, pourvu que ces enfans fussent aînés, Bretons de nation; tous ceux enfin qui justifierent trois partages de succession en ligne directe, où ils avaient pris la qualité de Chevaliers; 30 sur l'opinion de Bernard de la Roche Flavin, président aux requêtes du parlement de Toulouse, et de plusieurs autres auteurs français, qui pensent que le titre de Chevalier appartient à tous les officiers constitués en dignité.

Mais, comme l'observe fort bien Laroque, dans son Traité de la Noblesse, il y a appa.

rence que ceux qui ont soutenu ces opinions, n'étaient point au fait de l'origine de la Chevalerie. Il est vrai qu'anciennement, pour parvenir au titre de Chevalier, il fallait être d'une ancienne noblesse; mais il est de fait constant, que ce titre ne dépendait point absolument de la naissance, comme celui d'écuyer. C'était un titre qui n'était dû qu'au mérite personnel, et que le souverain se réservait de conférer à qui il jugeait à propos. C'est ce que disait aussi Pierre de Gourgues, premier président au parlement de Bordeaux, dans une harangue prononcée à l'une des ouvertures de cette cour, la Chevalerie n'est point annexée aux charges, ni à la qualité des personnes.

Une objection à ce sujet est de dire: mais si les fils d'un écuyer naissent écuyers, pourquoi ceux d'un Chevalier ne naîtraient-ils pas Chevaliers?

La difference vient de l'ordre politique ainsi réglé : la naissance peut transmettre des qualités, parcequ'on est convenu qu'elle les transmettrait; mais on n'est pas convenu de même que les dignités seraient transmissibles. On n'est pas convenu, par exemple, que les fils d'un maréchal de France seraient euxmêmes maréchaux de France. Indépendamment de la prérogative d'être issu d'aïeux nobles, il a fallu laisser au mérite personnel à se distinguer, et le récompenser par les dignités; récompense qui perdrait son avantage, si la naissance l'appliquait d'elle-même à ceux qui n'auraient point travaillé à la mériter.

S'il était question d'aller chercher hors de la nation des faits capables de prouver qu'on ne naît point Chevalier, nous aurions l'exemple de l'empereur Frédéric II, qui écrivit aux habitans de Panorme qu'il désirait d'être fait Chevalier; et celui d'Eric XIV, roi de Suède, qui, à l'exemple de ses prédécesseurs, se fit créer Chevalier à son avénement à la couronne. Guillaume, comte de Hollande, roi des Romains, reçut la Chevalerie des mains du roi de Bohême, étant à Cologne; Pierre de Capoue, cardinal, legat du saint-siége, en fit la cérémonie. Mais nous avons parmi nous des exemples assez authentiques, pour n'être pas obligés de porter plus loin nos recherches.

Jean, bátard d'Orléans, comte de Dunois, quoiqu'il fût banneret et qu'il eût quatre Chevaliers-bacheliers dans sa compagnie (en 1521), se contenta d'abord de la qualité d'écuyer, jusqu'à ce qu'il fût fait Chevalier. Joachim Rouant, seigneur de Gamaches, se borna également à la qualité d'écuyer, jusqu'au moment où il devint Chevalier. Outre que ces exemples et celui de Louis et de Charles

« PreviousContinue »