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» Les pièces qui sont sous vos yeux, prouvent également qu'en Alsace, on était habitué à confondre les expressions Cens et fermage, fermier et Censier. C'est ce qui résulte particulièrement du contrat d'acquisition de la terre de Nambseim, du 6 septembre 1738 : «En terres labourables (y est-il dit) le fer»mier laboure 229 journaux...., dont, sui» vant bail à lui passé, il donne tous les ans » le troisième réal. Et plus bas : Les justi» ciables cultivent 668 journaux...... appar» tenant en propre à la seigneurie, de même que ceux du Censier...... ». Vous voyez, Messieurs, qu'on appelle ici Censier, le preneur à bail qu'on a plus haut qualifie de fermier.

» Mais ce qu'il importe surtout de remarquer, c'est qu'en Allemagne, et dans les contrées qui, en ayant été détachées depuis plus ou moins de temps, en ont conservé le langage, le mot Cens, appliqué isolément et sans antre dénomination aux redevances payées par des propriétaires de fonds, bien loin de caractériser une prestation récognitive de la seigneurie directe, suppose au contraire que la seigneurie directe des fonds qui doivent ces redevances, ne réside pas dans celui à qui elles sont dues; c'est que, dans ces contrées, les fonds possédés à la charge d'un Cens non qualifié, sont, par cela seul, présumés n'avoir pas pour seigneur direct la personne à laquelle ce Cens appartient.

» On connaît, à la vérité, en Allemagne, le contrat que nous appelions, avant 1789, bail à Cens; mais il n'y produit pas les mèmes effets. Si le bail à Cens est pur et simple, le preneur acquiert tous les droits du bailleur; il n'est sujet envers celui-ci qu'à une prestation annuelle; et cette prestation n'est pas récognitive de seigneurie, parceque le bailleur ne s'est rien réservé au delà de cette prestation; en un mot, le bail à Cens n'est alors que ce que nous appelons un bail à rente foncière; et cela doit être ainsi nécessairement, puisque, dans la langue du pays, le mot Cens ne signifie par lui-même qu'une rente, une prestation, un revenu quelconque.

» Que faut-il donc, en Allemagne, pour donner à un bail à Cens les effets que produisait dans la coutume de Paris, avant 1789, tout contrat qui portait cette dénomination? Il faut que le bailleur déclare expressément qu'il retient la seigneurie directe, et que le preneur sera tenu de le reconnaitre pour son seigneur, ou qu'il fasse l'équivalent, en déclarant qu'il concède son bien pour être tenu de lui en fief Censuel.

» C'est ce que nous apprend une dis

sertation de Feudo Censuali, qui se trouve dans le Thesaurus juris feudalis d'Ienichen, imprimé à Francfort en 1750, tome 2, page 45.

» On distingue sous plusieurs rapports (y est-il dit, §. 11), les biens tenus en fief censuel d'avec les biens tenus à Cens distinguitur feudum censuale à bonis censiticis variis ex rationibus. Et voici la première, la principale différence qui existe entre les uns et les autres : dans les biens tenus à Cens, il n'y a point de seigneur direct; le Censitaire en a le domaine complet; au contraire, dans le fief Censuel, le possesseur n'a que le domaine utile, le domaine direct continue d'appartenir à l'auteur de la concession. Nam primò deest in his dominus directus, et in iis Censum solvens plenus dominus eorum efficitur.... cùm è contrario in feudo Censuali possessori ejus nihil nisi utile dominium relinquatur, dominium verò directum penès concedentem remaneat.

» Dans le §. suivant, l'auteur de cette dissertation s'occupe des différences qu'il y a entre le bail à fief Censuel et le bail à emphytéose; et à ce sujet, il s'explique en ces termes Ou la chose est concédée purement et simplement à Cens ou à rente perpétuelle, sans réserve du domaine direct, de l'investiture, du droit de lods; et dans ce cas, le bien n'est pas fief, mais simplement Censive : vel conceditur res in reditum annuum perpetuum SIVE CENSUM, sine reservatione dominii directi, sine investiturá ct sine laudemio: non feudum, sed bonum censiticum est. Ou la chose est concédée à Cens, avec réserve du domaine direct, de l'investiture, et comme il arrive souvent, du droit de lods; et alors, s'il y a rétention de la foi-hommage, c'est un fief Censuel; si la foi-hommage n'est pas réservée, c'est une emphyteose : vel conceditur in certum annuum Censum, reservato dominio directo cum investitura, sæpè et cum laudemio. Hujus generis duas (feudistæ) faciunt species: vel enim, aiunt, conceditur res dicto modo promissá fidelitate, quod feudum Censiticum speciatim appellant; vel conceditur sine fidelitate promissá, quod emphyteusim nuncupant.

» Vous remarquez, Messieurs, que, dans le premier de ces deux passages, l'auteur confirme de plus en plus l'idée qu'en Allemagne, le simple bail à Cens n'emporte point la réserve du domaine direct; et que, sans stipulation contraire, le Cens n'y est point récognitif de seigneurie.

» Ainsi, rien à conclure ici de la denomination de Cens donnée à la redevance dont il s'agit, par l'acte du 26 mars 1737 : cette dénomination ne prouve nullement que la re

devance dont il s'agit, ait été originairement stipulée in recognitionem dominii directi; elle prouve même le contraire, d'après la doctrine de l'auteur que nous venons de citer, puisqu'elle n'est accompagnée d'aucun des accessoires caractéristiques de la réserve du domaine direct dans la concession d'un bien à Cens; et que, dés-là, elle ne peut, dans l'hypothèse sur laquelle a raisonné la cour d'appel, convenir qu'à une rente foncière.

» Inutile de dire que, même considérée comme foncière dans son origine, cette redevance devrait encore être réputée seigneuriale, parcequ'elle est réclamée par un ci-devant seigneur; inutile d'invoquer à ce sujet l'art. 17 de la loi du 25 août 1792, qui n'excepte des dispositions précédentes de cette loi, que les rentes et prestations foncières dues à des particuliers non ci-devant seigneurs ou possesseurs de fiefs.

>> Sans doute il est des pays où une redevance originairement foncière due à un ci-devant seigneur, doit être presumée avoir été originairement seigneuriale, c'est-à-dire, constituée avec mélange d'un droit caractéristique de la réserve du domaine direct; mais quels sont ces pays? Ce sont ceux où était en vigueur, avant l'abolition du régime féodal, la règle nulle terre sans seigneur. Dans ces contrees, tout heritage qui n'est pas féodal, est présumé Censuel dans l'acception que la coutume de Paris attache à cette qualification; il est par conséquent présumé venir d'une concession par laquelle le seigneur du lieu s'en est réservé le domaine direct; et la rente foncière qu'il doit actuellement, est réputée Cens seigneurial, parceque, dans ces contrées, on assimile au Cens seigneurial, toute redevance qui a été stipulée lors de la concession d'un bien avec réserve de la directe seigneuriale.

» Mais, dans les pays allodiaux, tels qu'étaient constamment d'Alsace et les quatre nouveaux départemens de la rive gauche du Rhin, il en doit être et il en est tout autrement. Dans ces pays, rien n'empêche de présumer que le seigneur à qui est due une rente foncière, l'astipulée par un simple bail à rente, qui ne contenait, de sa part, aucune réserve de domaine direct; et non-seulement rien n'y fait obstacle à cette présomption; mais elle y est la conséquence nécessaire de la maxime, nul seigneur sans titre.

» Telle est la distinction que nous tracent les principes essentiels et fondamentaux de cette matière; et il ne faut pas croire qu'elle soit en opposition avec l'art. 17 de la loi du 25 août 1792.

» Cet article ne dit pas que les rentes fon

cières dues à des ci-devant seigneurs, sont abolies : il dit seulement que les rentes foncières, dues à des particuliers non ci-devant seigneurs, sont maintenues. Il se tait donc sur les rentes foncières dues à des ci-devant seigneurs ; et par cela seul qu'il se tait à leur égard, il ne les abolit ni ne les maintient : il s'en réfère aux principes du droit commun, qui établissent, entre les pays allodiaux et les pays non allodiaux, la ligne de démarcation dont nous venons de parler.

>> On a beau insister et dire que de cet article il résulte par argument à contrario sensu, que les rentes foncières dues à des ci-devant seigneurs ne sont pas maintenues.

» Cette manière de raisonner est essentiellement vicieuse; et déjà la cour l'a proscrite par les deux arrêts qu'elle a rendus le 3 pluvióse an 10, au rapport de M. Boyer..... (1), et le 24 vendémiaire an 13, au rapport de M. Ruperou..... (2).

» Ce n'est pas avec plus de raison que les demandeurs se prévalent, et du défaut de seim fût allodiale, et des conséquences que preuve par titre que la seigneurie de Nambnous en avons fait résulter à l'audience de la section civile, le 12 nivòse an 12, dans l'affaire du sieur Anthès contre les héritiers Ulsasse (3).

» D'abord, ce n'est ni le défaut de preuve de l'allodialité de la seigneurie de Nambseim, ni les conséquences que nous en avons induites à l'audience du 10 nivòse an 12, qui ont déterminé l'arrêt rendu ce jour-là contre le sieur Anthès.

» Ensuite, de ce que le sieur Anthės ne prouvait pas, le 12 nivóse an 12, l'allodialité de la seigneurie de Nambseim, il ne s'ensuit pas que cette allodialité ne soit pas prouvée aujourd'hui. Les demandeurs eux-mêmes vous d'Alsace, du 11 juin 1740, qui, en adjugeant rapportent un arrêt du conseil souverain par décret forcé, la seigneurie de Nambseim à l'un des auteurs du sieur Anthès, la qualifie expressément d'allodiale'; et nous ne voyons pas pourquoi un pareil arrêt, emané du tribunal à qui était déléguée, par un règlement hommage de tous les fiefs alsaciens mouvans du 20 avril 1700, la réception des actes de foidu roi, ne formerait pas un titre suffisant de l'allodialité de cette seigneurie, surtout entre des parties privées, surtout d'après l'ar

(1) V. mon Recueil de Questions de droit, aux mots Rente foncière, Rente seigneuriale, §. 11. (2) V. Ibid. au mot Terrage, S. 1. (3) . ibid., au mot Moulin.

rêt du parlement de Paris du 5 février 1785, qui a jugé au sujet de la terre de Poligny, que, dans les pays allodiaux où il n'y a point de statut contraire, l'allodialité est aussi bien de droit pour les seigneuries décorées de haute, moyenne et basse justice, que pour les fonds possédés en roture.

» Enfin, nulle analogie entre l'espèce jugée à la section civile, le 12 nivóse an 12, et celle dont il est ici question; nulle analogie entre les inductions qui, à l'audience du 12 nivóse nous paraissaient sortir du défaut de preuve de l'allodialité de la seigneurie de Nambseim, et les inductions que les demandeurs prétendent faire résulter aujourd'hui de ce même défaut de preuve.

an 12,

>> Le 12 nivóse an 12, il s'agissait d'une redevance établie par une concession dont le titre était représenté, et par laquelle le seigneur de Nambseim s'était formellement réservé le domaine direct du fonds qu'il avait concédé; et la question était de savoir si cette concession devait être considérée comme un bail à Cens seigneurial, ou simplement comme un bail emphyteotique.

» Ici, point de titre de concession; nulle preuve que le seigneur de Nambseim, s'il a véritablement concédé aux demandeurs les 668 journaux de terre qu'ils prétendent leur appartenir, s'en soit réservé le domaine direct; nulle preuve par conséquent qu'il ne les leur ait pas concédés par bail à rente purement foncière; et dés-là, nécessité d'appliquer à cette concession prétendue, le principe qui veut que, dans les pays allodiaux, la concession par bail à rente purement foncière, soit présumée plutôt que la concession par bail à Cens seigneurial.

>> Dira-t-on du moins que, par l'acte de 1737, la dame de Schawembourg qualifie de seigneuriales, les terres sur lesquelles est assis le Cens dont elle stipule l'augmentation?

» Mais que peut-on inférer de cette dénomination?-De deux choses l'une. -Ou le mot seigneuriales, signifie que les terres appartiennent au seigneur, ou il signifie qu'elles proviennent de la seigneurie. Au premier cas, la redevance due par ces terres, n'est et ne peut être qu'un fermage; ce qui exclut nécessairement toute idée, toute apparence même de féodalité. Au second cas, il restera à savoir si ces terres ont été détachées de la seigneurie par un bail à Cens seigneurial, ou par un bail à rente pur et simple; et, encore une fois, la présomption de droit est pour le bail à rente pur et simple, la présomption de droit est contre le bail à Cens seigneurial.

» Enfin, les demandeurs sont-ils mieux fondés à soutenir que le Cens mentionné dans l'acte du 26 mars 1737, doit être présumé seigneurial, par cela seul que cet acte l'augmente sans autre cause exprimée que la volonté de la dame de Schawembourg? Non, et il y en a deux raisons également tranchantes.

» 1o. S'il y a une conséquence raisonnable à tirer de cette augmentation stipulée par la dame de Schawembourg dans l'acte du 26 mars 1737, c'est, non pas que le Cens mentionné dans cet acte, était originairement seigneurial, mais que les 668 journaux de terres appartenaient en toute propriété à la dame Schawembourg; ce qui, pour le dire en passant, nous paraît encore bien plus clairement démontré par les autres titres que rappelle le jugement du tribunal de première instance.

» 2. En supposant même que la dame de Schawembourg ne fût plus propriétaire des 668 journaux, en supposant même qu'elle en eût précédemment transféré la propriété aux demandeurs, moyennant une redevance annuelle, que prouverait aujourd'hui l'augmentation donnée par l'acte du 26 mars 1737 à la redevance litigieuse? Que cette redevance était seigneuriale? Point du tout. Elle prouverait seulement que la dame de Schawembourg a abusé de la faiblessse ou de l'ignorance des demandeurs, pour élever à un taux plus onéreux qu'elle ne l'était dans le principe, la rente foncière qui avait formé le prix de son expropriation. Mais dans cette hypothèse, quelle serait aujourd'hui la ressource des demandeurs contre la surcharge dont ils auraient à se plaindre? Cette surcharge serait aujourd'hui légitimée par une prescription plus que sexagénaire. Car si, de tout temps, l'on a tenu pour maxime, qu'en matière de droits seigneuriaux, les surcharges ne se couvraient point par la prescription, jamais cette maxime n'a été étendue aux droits purement fonciers. Aussi n'est-ce que pour les droits seigneuriaux, qu'elle a été érigée en loi par l'art. 4 du tit. 3 du décret du 15 mars 1793.

» Ainsi, de quelque côté que se tournent les demandeurs, ils ne trouvent rien qui puisse faire accueillir leur premier moyen de cassation. Le deuxième n'exigera pas d'aussi longs details.

>> Comment en effet la cour d'appel de Colmar aurait-elle pu violer, dans le jugement de cette affaire, les art. 8 et 12 de la loi du 28 août 1792, concernant les biens communaux usurpés par les ci-devant seigneurs? Ce

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n'est pas de biens communaux qu'il est ici question, c'est de biens absolument privés; c'est de biens que les demandeurs prétendent leur appartenir individuellement; c'est de biens que la commune de Nambseim n'a jamais réclamés ; c'est de biens pour l'affranchissement desquels les demandeurs ont plaidé, chacun en son nom personnel; c'est de biens pour raison desquels la commune de Namb. seim n'a été mise en cause, ni devant les premiers juges, ni devant la cour d'appel; c'est de biens pour raison desquels, aujourd'hui même, cette commune qui seule aurait qualité pour invoquer la loi du 28 août 1792, se renferme dans le silence le plus profond.

» Le troisième moyen se présente sous des couleurs plus spécieuses. Pour nous condamner au paiement de la redevance contestée, disent les demandeurs, le tribunal de première instance s'était uniquement fondé sur le prétendu fait que nous ne sommes pas propriétaires des fonds soumis à cette redevance; et par conséquent, il avait jugé que nous ne sommes pas propriétaires de ces fonds. La question de savoir si nous sommes ou si nous ne sommes pas propriétaires de ces fonds, a donc été, par l'effet de notre appel, dévolue à la cour de Colmar. La cour de Colmar était donc saisie de cette question. Elle devait donc la juger, soit en notre faveur, en accueillant au moins les conclusions subsidiaires que nous avions prises à cette fin devant elle, soit à notre désavantage, en rejetant ces conclusions. Elle a donc fait, en refusant de la juger, sous prétexte que nos conclusions subsidiaires n'avaient pas été précédées d'une citation devant le bureau de paix, une fausse application de l'art. 2 du tit. 10 de la loi du 24 août 1790. Elle a donc fait, en refusant de la juger, sous prétexte que nos conclusions subsidiaires formaient une demande nouvelle, une fausse application de l'art. 7 de la loi du 3 brumaire an 2. Elle a donc violé, en nous forçant de la reporter devant les premiers juges, le décret du 1er mai 1790, qui, dans chaque affaire, limite la juridiction à deux degrés.

» Toute cette argumentation repose, comme vous le voyez, messieurs, sur la supposition que le tribunal de première instance a jugé au desavantage des demandeurs, la question de propriété des 668 journaux de terre. Mais à cet égard, de deux choses l'une : ou la supposition est exacte, ou elle ne l'est pas.

» Si la supposition est exacte, c'est-à-dire, si le tribunal de première instance a réelle ment jugé les demandeurs non propriétaires des 668 journaux de terres, qu'a fait la cour TOME IV.

d'appel en confirmant la décision de ce tribunal? Très-certainement, elle a jugé, comme ce tribunal, que les 668 journaux de terres n'appartenaient pas aux demandeurs. Les demandeurs ne peuvent donc lui reprocher, ni de n'avoir pas statué sur une question dont elle était saisie, ni par suite d'avoir violé ou faussement appliqué les lois de 1790 et brumaire an 2.

» Il est vrai que, dans cette hypothèse, elle s'est contredite elle-même, en déclarant qu'elle ne pouvait pas prononcer sur les conclusions subsidiaires des demandeurs; mais de ce que, dans son jugement, il se trouve deux dispositions contraires l'une à l'autre, est-ce une raison pour le casser? Non; la contrariété des dispositions dans un même arrêt est placée par l'art. 34 du tit. 35 de l'ordonnance de 1667, au nombre des ouvertures de requête civile; et dès qu'elle forme une ouverture de requête civile, le règlement de 1738 est là pour nous dire qu'elle ne peut pas former un moyen de cassation.

»Si, au contraire, la supposition qui sert de base aux argumens des demandeurs, n'est pas exacte; s'il n'est pas vrai que le tribunal de premiere instance ait jugé la question de propriété; s'il n'est pas vrai que, par ce jugement, les demandeurs aient été déclarés non propriétaires des 668 journaux;— Qu'a fait la cour d'appel en refusant de statuer sur les conclusions subsidiaires des demandeurs, en refusant de décider si les 668 journaux appartiennent ou n'appartiennent pas aux demandeurs? - Elle a fait précisémeut ce que lui commandait l'art. 7 de la loi du 3 brumaire an 2; elle s'est renfermée dans l'examen du seul point de savoir si le tribunal de première instance avait bien ou mal jugé.

» Ainsi, point de milieu: ou le refus de la cour d'appel de statuer sur les conclusions subsidiaires des demandeurs, est régulier, ou il ne l'est pas. S'il est régulier, c'est en vain que les demandeurs s'en plaignent. S'il n'est pas régulier, son irrégularité ne provient que de ce qu'il est en contradiction avec la partie de l'arrêt qui confirme le jugement de premiere instance; et dans ce cas même, point d'ouverture à cassation.

» On sent, au surplus, que si, dans cette alternative, un choix était nécessaire, il ne serait pas difficile; et il ne faudrait pas de grands efforts pour justifier la cour d'appel du reproche de s'être contredite elle-même.

» Le tribunal de première instance n'avait à prononcer que sur les conclusions prises devant lui par les demandeurs; et les demandeurs n'avaient conclu, devant lui, qu'à la

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décharge de la redevance réclamée par le sieur Anthes. Son jugement ne pouvait donc décider, et dans le fait, il n'a décidé que la question de savoir si les lois relatives au régime féodal, avaient ou n'avaient pas aboli cette redevance.

» Peu importe que, pour le décider au désavantage des demandeurs, il ait pris pour motif la preuve fournie par le sieur Anthés, que les demandeurs n'étaient pas propriétaires des biens sur lesquels la redevance était réclamée.

» Il résulte bien de là que, s'il eût eu à juger la question de propriété, il l'aurait jugée en faveur du sieur Anthès; mais il n'en résulte pas qu'il l'ait jugée effectivement. La preuve de la non-propriété des demandeurs, que le tribunal de première instance a cru trouver dans les titres produits, n'a été pour lui qu'un moyen d'arriver à la conséquence que les demandeurs devaient au sieur Anthès la redevance qu'il répétait contre eux; elle ne l'a pas conduit à décider que les demandeurs n'étaient pas propriétaires; et dès qu'il ne l'a pas décidé, rien n'obligeait la cour d'appel de le décider elle-même.

» Pour condamner les demandeurs au paiement de la redevance, il se présentait deux motifs également péremptoires : l'un, tiré de ce que les demandeurs n'étaient pas proprie taires, et que par conséquent la redevance exigée d'eux n'était qu'un fermage : l'autre, tiré de ce que, même en supposant les demandeurs propriétaires, la redevance n'avait rien de féodal.

>> De ces deux motifs, le tribunal de première instance n'a adopté que le premier : mais il aurait pu aussi n'adopter que le second; et de ce qu'il aurait pu n'adopter que le second, il s'ensuit nécessairement qu'il n'a pas jugé la question de propriété, puisqu'en séparant du dispositif de son jugement la manière dont il l'a motivé, l'on trouve que ce dispositif peut encore se justifier d'une autre maniere; puisque ce dispositif est tout aussi juste, tout aussi légal, dans la supposition que les demandeurs ne soient pas propriétaires, qu'il le serait dans l'hypothèse absolument opposée.

>> Si les demandeurs n'avaient pas appelé du jugement de première instance, et que le sieur Anthès vint aujourd'hui en exciper comme ayant décidé contre eux la question de propriété, que feraient les demandeurs ? A coup sûr, ils diraient au sieur Anthés que ce jugement ne peut pas produire d'exception de chose jugée sur les objets sur lesquels il n'y a eu de conclusions prises ni de part ni d'autre, pour les objets sur lesquels ce jugement

ne s'est pas expliqué dans son dispositif; ils lui rappelleraient la loi romaine qui, pour donner lieu à l'exception de chose jugée, exige le concours, non-seulement de l'identité des parties et de l'identité des titres ou causes des demandes, mais encore de l'identité des choses en litige: eædem persona, eadem causa petendi, eadem res; et ils en concluraient, avec autant de confiance que de succès, que la question de propriété est encore entière. >> En bien ! Ce les demandeurs opposeraient dans ce cas au sieur Anthès, nous le leur opposons aujourd'hui au nom de la loi ; et la conséquence qui en résulte nécessairement, c'est que leur requête en cassa tion doit être rejetée ».

que

Arrêt du 11 germinal an 13, au rapport de M. Lombard Quincieux, par lequel,

<< Attendu que les actes du procès ne désignant point les caractères de féodalité, et l'allodialité des terres situées dans le ban de Nambseim et soumises à la redevance qui a tante, les lois des 25 août 1792 et 17 juillet fait le sujet de la contestation, étant cons1793, relatives à la féodalité, ne s'appliquent pas à cette redevance;

» Que les art. 8 et 12 de la loi du 28 août 1792, concernant les biens communaux, ne peuvent recevoir aucune application dans l'espèce;

"Qu'erfin, dans les considérant de son arrêt du 12 ventose an 12, la cour d'appel de Colmar ayant dit qu'en première instance, il n'y a eu ni demande ni conclusions relatives à la

propriété des terres soumises à la redevance dont il s'agit, et qu'elle n'a pas à juger et ne peut prononcer sur ce droit de propriété, les art. 2 du tit. 10 de la loi du 24 août 1790 et 7 de la loi du 3 brumaire an 2, n'ont point souffert de violation;

» La cour rejette la requête de Joseph Salomon, Philippe Mari, etc. ».

V. ci-après, S. 8, et Droits seigneuriaux, Fief, Franche-aumône, Quart ou tiers raisin, Rente foncière, Rente seigneuri ale, etc. ]] S. VI. Comment faut-il entendre les expressions des art. 73 et 76 de la coutume de Paris: seigneur Censier ou foncier ?

Disons un mot d'une expression qui se trouve dans plusieurs articles de la coutume de Paris. On lit dans l'art. 73: Il est loisi ble au seigneur Censier ou foncier. On retrouve les mêmes expressions dans l'art. 78: Est tenu de payer au seigneur Censier ou foncier les ventes dudit achat, etc. Il semble, à la première vue, résulter de ces deux dis

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