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tre C, art. 3, a jugé qu'un maquignon ne devait pas être admis à faire Cession, pour un cheval qu'il avait acheté à crédit, et revendu comptant.

220. Le parlement de Paris a rendu, le 16 juillet 1661, un arrêt qui décide « qu'une » femme regratière de poisson blanc dans » Paris, ne pouvait faire Cession de biens, » cette qualité de marchandise étant privilé» giée ». Ce sont les termes de Dufresne, dans son Journal des audiences. Cet auteur remarque, que par cet arrêt, «< on a étendu au pois. » son blanc une jurisprudence qui était déjà » établie, relativement au poisson sale, par » plusieurs arrêts dont le but avait été d'em» pêcher les fraudes, et de faciliter le commerce » public entre les marchands étrangers ».

L'art. 429 de la coutume d'Orléans décide également que l'on ne doit pas admettre à la Cession des biens, les acheteurs de pois son, tant d'eau douce que de mer; et par l'opposition qu'il met entre le poisson et les autres denrées, on voit clairement qu'il n'exige point pour cela que l'achat ait été fait dans un marché public. Voici ses termes : « Tous » acheteurs de bétail, vins, bleds et autres » grains achetés en marché public........, ensem»ble tous acheteurs de poisson, tant d'eau » douce que de mer, sont contraints au paie»ment par prison, après la huitaine, sans » pouvoir jouir du bénéfice de Cession ni de >> répit ».

23o. Celui qui a obtenu un atermoiment de ses créanciers, ou à qui le prince a accordé des lettres de répit, peut-il, après le terme écoulé, recourir au bénéfice de Cession, pour éviter qu'on ne le contraigne par corps en vertu des engagemens qu'il n'a pas remplis ?

Bélordeau, lettre C, controverse 29, rapporte un arrêt du parlement de Rennes, du 23 juillet 1593, qui a adopté la négative. Il en a été jugé de même à Rouen, par un arrêt du 23 mai 1657, que nous a conservé Basnage, art. 20. Il y a dans la Bibliothèque de Jovet, au mot cession, no 22, et dans le commentaire de Tronçon sur la coutume de Paris, art. 3, un arrêt du parlement de Paris, du 8 février 1611, qui confirme cette opinion.

Mais Charondas, liv. 6, rep. 18, et Bouchel dans sa Bibliothèque civile, au mot cession, assurent que le contraire avait été jugé par la même cour, le 18 mars 1570 et en 1585. D'après cette variété de decisions, on doit tenir pour maxime que, dans ces sortes d'occasions, il faut se déterminer par les circonstances de bonne ou mauvaise foi.

24o. Peut-on être reçu au bénéfice de Cession envers un geolier, pour frais de gîte et geolage?

La coutume de Lille, tit. 20, art. 2, décide que non. C'est aussi ce qu'ont fait un arrêt du parlement de Paris, du 15 février 1549, rapporté par Papon, liv. 10, tit. 1o, no 11; et un autre du parlement de Rennes, que l'on trouve dans Frain, page 115. Sauvageau, liv. 1, chap. 443, nous en retrace deux de ce dernier tribunal, des 22 novembre 1611 et 14 septembre 1613, qui jugent même que « la » caution de la dépense d'un prisonnier ne >> peut demander le bénéfice de Cession ».

Mais cette opinion n'est pas sans contradicteurs. Papon, à l'endroit cité, no 6, dit que, par arrêt du parlement de Paris, du 19 décembre 1504, un prisonnier fut reçu au bénéfice de Cession contre le geolier, pour frais de son gîte et geolage.

Basnage, art. 20, nous apprend que la même chose a été jugée au parlement de Rouen, le 30 janvier 1609.

Chorier, Jurisprudence de Guy-Pape, pag. 344, rapporte un arrêt du parlement de Grenoble, du 11 août 1679, qui adopte le même sentiment; et c'est sans contredit le plus régulier. Que prétend en effet le geolier, à la charge de l'infortuné qu'il veut retenir en prison? Si c'est le prix du nécessaire qu'il lui a fourni pendant sa captivité, il doit s'imputer de ne pas se l'être fait avancer par le créancier: si ce sont des superfluités, quelle faveur mérite-t-il? Il a dû s'assurer des facultés de celui à qui il les fournissait, et pour peu qu'elles lui fussent inconnues, s'y refuser : la cupidité seule à pu l'engager à les donner; et s'il les perd, c'est par sa faute.

25o. On a prétendu que le bénéfice de Cession ne pouvait pas avoir lieu contre des lettres de change acceptées de celui qui demandait à y être reçu. Ce système n'était fondé sur rien de solide, et il a été proscrit par deux arrêts du parlement de Bordeaux, des 24 janvier 1668 et 7 septembre 1713, rapportés dans le recueil de la Peyrère, au mot cession.

26o. Un arrêt de la grand'chambre du parlement de Paris, du 25 janvier 1701, a jugé, en confirmant une sentence du châtelet, « qu'un maître menuisier de Paris, qui avait » acheté des bois à l'usage de son métier,d'un » marchand forain dans l'ile Louvier, était >> recevable au bénéfice de Cession ». Ce sont les termes de Brillon dans son Dictionnaire des Arrêts, au mot Cession, no 31.

27o. Celui qui s'est rendu caution et qui a payé la dette dont il avait répondu par son cautionnement, peut-il empêcher que le dé

biteur principal contre lequel il a le droit de recourir, ne soit admis à la Cession des biens?

Basnage, art. 20, rapporte trois arrêts du parlement de Rouen, des 3 février 1622, 11 décembre 1652 et 29 avril 1653, qui ont adopté l'affirmative; et il paraît, d'après ce que dit le même auteur, que cette jurisprudence n'a jamais varié en Normandie.

Mais le contraire a été jugé dans plusieurs autres tribunaux. Bouchel au mot Cession,

rapporte deux arrêts du parlement de Paris, des 16 juillet 1571 et 16 mars 1605, qui ont admis le débiteur principal au bénéfice de Cession contre son fidejusseur. Bardet nous en fournit un troisième, du 4 mai 1618. Il y en a un quatrième dans le Journal des Audiences, en date du 21 mai 1629. C'est aussi ce qu'ont jugé les parlemens de Toulouse et de Dijon, par arrêts des 27 juillet 1662 et 17 février 1599; le premier est rapporté par Albert, lettre C, art. 3; l'autre, par Bouvot, tome 2, au mot Cession, chap. 8.

Albert ajoute cependant que le contraire a été jugé, au parlement de Toulouse même, « En matière d'exécution de tailles, par arrêt » d'audience du 15 avril 1647 ».

Il y a aussi un arrêt du parlement de Paris, du 19 décembre 1594, qui a décidé qu'un prisonnier de guerre ne peut faire Cession de biens envers une personne qui s'est rendue caution pour sa rançon. Il est rapporté par Bouchel, au mot Rançon.

28°. Le placard de Charles-Quint, du 20 octobre 1541, qui fait loi dans toute la Belgique tant française qu'étrangère, porte que « lettres de Cession n'auront lieu contre det»tes reconnuessous notre scel, ou de nos con»saux, par-devant échevins et gens de loi » des villes et lieux privilégiés, ou par-devant » auditeurs impériaux sous le scel des con» trats gardés par officiers à ce commis ».

29o. Peut-on recourir au bénéfice de Cession, après que l'on a été condamné?

Le placard de Charles-Quint de 1541 veut que les juges soient là-dessus très-difficiles: << n'auront aussi lieu (les lettres de Cession) » contre sentence passée en force de chose » jugée, n'est que le débiteur soit venu à pau» vreté par fortune sans sa coulpe ».

Maynard, liv. 4, chap. 17, rapporte un arrêt du parlement de Toulouse, de l'année 1595, et dit en avoir vu rendre plusieurs autres, qui jugent que l'on ne peut, en ce cas, être admis au bénéfice de Cession.

Mais Catellan, liv. 6, chap. 32, assure que cette jurisprudence est changée. En effet,

elle était contraire à la loi 1, C. qui bonis cedere possint, et à la loi penultième, D. de Cessione bonorum. « Celui à qui on demande » une somme (dit le magistrat que nous ve» nons de citer), peut avoir quelquefois une » raison apparente pour la contester; et il ne » peut demander la Cession de biens, tandis » qu'il conteste la dette et prétend ne rien >> devoir ».

Les arrêts, du reste, qui ont jugé, comme on l'a vu ci-devant (100) que le bénéfice de Cession a lieu-même pour des dépens adjugés en matière criminelle, sont une preuve bien authentique que la jurisprudence actuelle est effectivement telle que l'annonce ici Ca. tellan. ]

30o. Suivant l'art. 2 du tit. 10 de l'ordon. nance de mars 1673, les étrangers non naturalisés ne doivent point être admis à faire Cession de biens. Cette décision est fondée sur deux motifs principaux. Le premier est que leurs biens sont ordinairement hors du royaume, ou du moins qu'il leur est aisé de les y faire passer : il serait par conséquent fort difficile à des régnicoles de faire valoir en pays étrangers, la Cession que leur débiteur aurait faite de ses biens, et même de connaître la vérité et la réalité de cette Cession.

Le second motif est celui de la réciprocité; car on n'admettrait pas la Cession de biens qu'un débiteur français voudrait faire envers un étranger son créancier. C'est ce qu'ont jugé différens arrêts des 18 avril 1556, 5 décembre 1591 et 17 août 1598.

[[ Ces derniers arrêts, s'ils sont fidelement cités, n'ont consacré qu'une grande erreur. La cour d'appel de Bordeaux a jugé le contraire par arrêt du.... an 13, entre les sieurs Barrié et Saurin, armateurs français, et le sieur Booysens, danois; et cet arrêt a été maintenu par la cour de cassation, le 19 février 1806, au rapport de M. Rataud, attendu qu'il n'y a aucune loi qui ait interdit aux naturels français le bénéfice de Cession vis-à-vis des étrangers. ]]

310. Observez que, si le créancier d'une dette pour laquelle on n'est pas admis au bénéfice de Cession, prenait en paiement un billet ou une obligation de son débiteur, sans réserver son privilége, il serait censé y avoir renoncé, et ne pourrait plus en user pour empêcher la Cession. Papon cite deux anciens arrêts qui l'ont ainsi jugé.

[Le Journal des audiences en rapporte un plus récent qui juge de même par provision. Une personne avait vendu du bled, à Orléans, dans le marché public'dit Martroy. Immédiatement après la vente conclue en

présence de témofns, elle s'en était fait donner une reconnaissance par les acheteurs. Ceux-ci n'ayant pu en payer le prix, demandèrent d'être admis au bénéfice de Cession. Le vendeur s'y opposa, attendu la qualité de la vente faite en plein marché. Mais on soutint que le privilége de la dette avait été changé à cause de la nouvelle assurance » qu'avait prise le vendeur, par l'obligation » qu'il avait tirée depuis des acheteurs : abie»rat de novo in creditum, disait-on, et consé » quemment plus de privilege pour la dette ». Et il fut ainsi jugé par arrêt du 18 janvier 1656, sur les conclusions de M. l'avocat général Bignon. ]

[[Mais cette décision était-elle bien exacte? y avait eu novation, dans cette espèce, de la part du vendeur? V. Consuls des marchands, S. 2, no 6, et Novation, §. 5.

On voit par tous ces détails, combien notre ancienne jurisprudence offrait de variations sur les cas où un débiteur pouvait être admis au bénéfice de Cession. Heureusement elles ont disparu; et nous n'avons plus, sur cette matière, que des règles uniformes pour toute la France.

» Dans le silence (disait à ce sujet l'orateur du gouvernement, à la séance du corps législatif du 12 avril 1806), dans le silence qu'elles (nos anciennes lois) gardent sur les causes personnelles d'inadmissibilité, autres que la qualité d'étrangers, l'on a vu les statuts particuliers et les arrêts régir diversement cette matière.

» Ainsi, dans le ressort de la coutume d'Orléans, les acheteurs de certaines denrées, de même que les acquéreurs de biens vendus à l'encan, n'étaient point admis au bénéfice de Cession.

» Dans le Nivernais, le fermier de biens ruraux n'y était point admis, quand la contrainte par corps avait été stipulée dans le bail.

» Ailleurs, le bénéfice de Cession était refusé aux cautions judiciaires et à toutes personnes qui avaient contracté en justice.

» Tant de diversités vont cesser enfin; la loi seule posera les exceptions, en les res treignant aux termes indiqués par les besoins de la société.

» Ainsi, les étrangers ne seront point admis au bénéfice de Cession; car la détention de leurs personnes est la principale et quelquefois l'unique sûreté de leurs créanciers.

» Il y aura aussi exclusion pour les stellionataires, banqueroutiers frauduleux, et personnes condamnées pour vol ou escroquerie :

de tels débiteurs sont évidemment indignes du bienfait de la loi.

>>Ce bienfait ne sera point accordé non plus aux comptables, tuteurs, administrateurs et dépositaires ainsi l'exige la nature de la dette, et la faveur due, soit au trésor public, soit aux pupilles, soit même à toutes autres personnes dont la confiance a été trahie.

» Telles sont les exceptions que le nouveau Code admet: appliquées à des cas précis, et justes en elles-mêmes, elles ne peuvent qu'être accueillies ».

C'est dans cet esprit qu'a été rédigé l'art. 905 du Code de procédure civile, suivant lequel <<< ne pourront être admis au bénéfice de Ces»sion, les étrangers, les stellionataires, les » banqueroutiers frauduleux, les personnes » condamnées pour cause de vol ou d'escro» querie, ni les personnes comptables, tu»teurs, administrateurs et dépositaires V. Faillite et Banqueroute, §. 2. ]]

IX. Au reste, il ne suffit pas à un débiteur, pour être libéré irrévocablement envers ses créanciers, de leur avoir fait la Cession de tous les biens dont il avait la possession : l'autorisation légale de cette Cession suppose l'impossibilité actuelle où est le débiteur d'en faire davantage pour ses créanciers; c'est pourquoi si, dans la suite, ce même débiteur vient à rétablir ses affaires et à acquérir de nouveaux biens, il peut [[ suivant les lois 4 et 7, D. de Cessione bonorum ]] être poursuivi en paiement de ce qu'il redoit sur les créances qu'il n'a acquittées qu'en partie. [[ Code civil, art. 1270. ]]

X. La Cession de biens entraîne avec elle une espèce, sinou d'infamie, au moins de tache. Ceux qu'on y a admis sont incapables de posséder aucune charge [[ et d'exercer aucun des droits politiques attachés à la qualité de citoyen. Constitution du 22 frimaire an 8, art. 5. ]]

Mais il ne faut pas croire, avec Ferrière, qu'ils n'aient pas le droit d'ester en jugement, soit en demandant, soit en défendant. Cet auteur ajoute, sans aucun fondement, que c'est à cause de cette interdiction, que le jugement qui reçoit au bénéfice de Cession, a coutume de nommer un curateur au Cessionnaire; et que, quand cela a été omis, ceux qui ont quelque action à diriger contre lui, sont obligés de lui en faire créer un en justice. Il n'y a pas un mot de vrai dans tout cela [et Ferrière ne fait que jouer sur une mauvaise équivoque. V. Caution judicatum solvi, et Curateur, S. 6.]

On trouve une autre erreur plus impor tante sur cette matière, dans la collection de

Denisart: il ne faut toutefois pas l'imputer à celui-ci; elle appartient au continuateur de son ouvrage; voici ce qu'il dit :

« Celui qui a été admis une fois au bénéfice de Cession, ne peut faire ensuite un contrat d'union avec ses créanciers; c'est ce qui a été jugé par arrêt rendu à l'audience de sept heures, le lundi 27 juillet 1761; il est vrai, que dans l'espèce de cet arrêt, on argumentait encore de ce que le contrat d'union n'avait point été précédé de bilan; mais le premier moyen était le principal ».

Il n'y a ni vérité, ni justesse dans les conséquences déduites de l'arrêt rendu dans cette espèce. On sait que c'est par un principe d'humanité, que le bénéfice de Cession a été introduit en faveur des débiteurs : or, ce bénéfice de la loi pourrait leur être préjudiciable, s'il leur enlevait la faculté de s'arranger avec leurs créanciers. Il nuirait encore à ceux-ci, puisqu'en les empêchant de procurer à leur débiteur le moyen de rétablir ses affaires, il faudrait qu'ils renoncassent à l'espérance d'en être payés. Il est donc clair que le législateur, en introduisant le bénéfice de Cession, n'a jamais prétendu qu'il devînt un obstacle aux actes de bienfaisance que des créanciers jugeraient à propos d'exercer envers leur débiteur.

Mais comme, en venant au secours du débi teur malheureux, la loi n'a pas eu dessein de favoriser les débiteurs de mauvaise foi, elle n'a pas voulu qu'ils pussent tromper leurs créanciers impunément : c'est pourquoi tout debiteur qui cache à ses créanciers l'état de ses affaires, comme fait celui qui ne leur présente pas son bilan, se rend indigne de toute faveur de leur part. C'est par conséquent le défaut de bilan qui a empêché la cour de consolider l'arrangement sur lequel elle a prononcé par son arrêt du 27 juillet 1761. Cela est d'autant plus vrai, qu'elle n'a fait qu'appliquer la décision de la loi à l'objet du litige.

Le continuateur de Denisart aurait été pénétré de cette vérité, et n'aurait peut-être pas erré autant qu'il l'a fait, s'il eût consulté les observations qui terminent le 99o chapitre de la première centurie de M. Leprestre, d'où un commentateur de l'ordonnance du commerce a fort bien tiré la doctrine sui

vante :

« Mais si après la Cession, le débiteur fait avec ses créanciers un contrat d'atermoiement par lequel ils ont consenti de lui remettre une partie de sa dette, alors ils ne peuvent plus agir contre lui pour se faire payer d'une plus grande somme que celle dont ils sont

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convenus, à moins qu'ils ne justifient que, par la transaction, il y a eu dol ou fraude de la part de leur débiteur ».

Le défaut de bilan est, dans le sens de la loi, une preuve de fraude; il n'a donc point fallu d'autre motif pour rendre l'arrêt cité.

[[XI. Par quel juge doivent se faire la liquidation et l'ordre des biens du débiteur admis au bénéfice de Cession? V. Faillite. ]]

XII. Lorsqu'après avoir fait Cession de biens, un débiteur vient par la suite à acquitter ses dettes et à payer tous ses créanciers, il peut obtenir des lettres [[aujourd'hui un jugement]] de réhabilitation, qui le font rentrer dans les droits dont jouissent les autres citoyens. V. Réhabilitation. (M. GUYOT.)* CESSION ET TRANSPORT. V. Transport.

Droits litigieux.
CESSION DE DROITS LITIGIEUX. V.

CESSION DE DROITS SUCCESSIFS. V. Droits successifs.

*CHABLIS. On donne ce nom aux bois les vents ont abattus.dans les forêts.

que

I. Lorsqu'il y a des Chablis dans les forêts de l'état, le sergent à garde du canton doit dresser un procès-verbal contenant la qualité, la nature, la grosseur de ces Chablis, ainsi que le lieu où il les a trouvés, et déposer ce procès-verbal, trois jours après, au greffe de la maîtrise, à peine de cinquante livres d'amende. C'est ce que prescrit l'art. 1 du tit. 17 de l'ordonnance des eaux et forêts du mois d'août 1669.

Suivant l'art. 2, le garde-marteau et le sergent à garde sont tenus de veiller à la conservation des Chablis, et d'empêcher qu'ils ne soient pris, ébranchés ou enlevés par les usagers ou par d'autres personnes, sous quelque prétexte que ce puisse être, à peine d'amende arbitraire, et d'en répondre en leur nom; le même article veut que les usagers ou autres qui auront enlevé ou seulement ébranché des Chablis, soient condamnés à l'amende au pied de tour, comme s'ils avaient eux-mêmes abattu ces arbres.

L'art. 3 porte qu'aussitôt que les officiers auront été avertis qu'il y a des Chablis, ils seront tenus de se transporter sur les lieux, accompagnés du garde-marteau et du sergent, avec son procès-verbal, pour reconnaître ces Chablis et les marquer du marteau du roi, à peine d'amende arbitraire, et d'en demeurer personnellement responsables.

L'art. 4 avait réglé que ces bois seraient vendus sans délai dans l'état où ils se trouveraient, sans qu'il fût permis de les réserver

ou façonner, sous prétexte même de les débiter dans un temps plus favorable : mais comme, en vendant les Chablis par petites parties et à mesure qu'il y en avait, on multipliait les entrées dans les forêts, et par conséquent les délits, le conseil rendit un arrêt le 30 décembre 1687, par lequel il fut défendu de vendre les Chablis, à moins qu'il n'y en eût au moins la valeur de dix cordes.

Avant l'ordonnance de 1669, plusieurs rėglemens, et particulièrement celui du 6 octobre 1605, avaient statué que les bois Chablis ne pourraient être employés en charbon, merrain, pelles, sabots et autres ouvrages; et que les adjudicataires seraient tenus d'en faire du bois de chauffage, de corde ou de traverse, à l'exception que le chêne pourrait être équarri sur place pour ouvrages de charpente. Quoique ces dispositions ne se trouvent pas rappelées expressément dans l'ordonnance de 1669, on peut dire qu'elles le sont implicitement, puisque cette loi n'ayant accordé qu'un mois pour le vidangedes Chablis, il est clair qu'elle a voulu que ces bois ne servissent pas aux ouvrages dont on a parlé, puisque ce temps ne suffirait pas pour établir les ateliers nécessaires à la fabrication de ces ouvrages.

L'art. 5 du titre cité défend, sous peine d'amende arbitraire, au garde-marteau de marquer, et aux officiers de vendre aucun arbre, sous prétexte qu'il a été fourche ou ébranché par la chute des Chablis.

II. Pour faire connaître plus particulièrement l'esprit de la loi au sujet de délits relatifs aux Chablis, nous rapporterons le fameux arrêt que le conseil rendit le 26 mars 1726, et qui doit suffire pour rappeler aux officiers le soin avec lequel ils doivent faire exécuter les dispositions de l'ordonnance sur la matière dont il s'agit.

« Le roi s'étant fait représenter en son conseil les mémoires qui y ont été remis au sujet des abus commis dans les forêts dépendantes de la maîtrise d'Arques, à l'occasion de plusieurs arbres qui s'y sont trouvés arrachés par l'impétuosité des vents, dont partie étaient déjà exploités, tant par les officiers que par les adjudicataires des ventes ordinaires desdites forêts;

» Le procès-verbal fait par le maître particulier, le 18 janvier 1726, en exécution des ordres qui lui ont été donnés pour vérifier le contenu auxdits mémoires, par lequel il paraît qu'il a trouvé dans la forêt d'Eauy plusieurs arbres arrachés par les vents, d'autres abattus à la cognée, exploités en cordes de

coterets, en planches, et partie sciés à certaines longueurs, que le nommé Pierre Louis, facteur des ventes qu'exploite actuellement Simon Gouye, lui a déclaré avoir été façonnés par l'ordre dudit Simon Gouye, et mis dans ses ventes pour les conserver et empêcher les riverains de les emporter; et qu'aprés avoir examiné les souches desdits arbres, il a reconnu qu'il y avait 90 chênes, 241 hêtres, 71 trembles et 109 bouleaux, partie marqués du marteau du garde-marteau, que Gilles Carpentier, garde dudit canton, lui aurait déclaré avoir laissé façonner par ledit Gouye sur ce qu'il lui avait dit qu'il n'avait que faire de s'en embarrasser, et qu'il lui répondait des événemens qui en pourraient arriver; ce qui joint à ce que, lorsqu'il avait assisté ledit garde-marteau dans la marque qu'il avait faite desdits arbres, il y en avait déjà partie de façonnés dont il n'avait rien dit;

» Autre procès-verbal fait par le maître particulier, les 30, 31 janvier et 1er février 1726, par lequel il paraît que ledit maître particulier étant retourné dans ladite forêt pour prendre le compte desdites cordes, il lui aurait été impossible d'en faire un exact, lesdites cordes étant mêlées avec celles provenant des ventes dudit Gouye; et qu'ayant detrouvé dans lesdites ventes, pourquoi les cormandé à Louis Gouye son fils, qu'il aurait des qu'il disait provenir de son exploitation, étaient mêlées de tremble, hêtre et merisier; attendu qu'il n'y avait point de souches de ces sortes d'arbres auprès desdits bois, il aurait répondu que, quand il faisait exploiter une vente, il ne s'attachait point à remarquer les souches; qu'il aurait néanmoins reconnu, autant qu'il aurait été possible, qu'il y avait deux cent huit cordes de coterets provenant desdits arbres arrachés, et quelques hêtres sciés en planches, et dans le triage de la lande Hardel, dans les ventes dernières recollées, il aurait trouvé pareillement douze baliveaux de hêtre et deux de chêne sciés par le pied et coupés à la cognée, que le nommé Cartier, facteur des ventes en usance qu'exploite Jean Chauvel, lui aurait déclaré avoir été exploités par ordre dudit gardemarteau, qui en avait déjà même fait enlever et conduire une voiture chez lui;

» Le jugement rendu par ledit maître particulier, le 20 décembre 1725, sur le réquisitoire du procureur de sa majesté, en ladite maîtrise, par lequel il est enjoint aux gardes des forêts de ladite maîtrise de remettre au greffe leurs procès-verbaux de la quantité et qualité des arbres tombés dans l'étendue de leurs gardes, et d'en faire les publications,

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