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prêtant le sens ridicule que lui donne la veuve Vairez, qu'y trouverait-on de contraire au droit de seigneurie et de justice foncière du sieur de Carondelet? Rien assurément. Les prédécesseurs du sieur de Carondelet auraient fait ce que font encore sous nos yeux les seigneurs qui aliènent une banalité, un droit de pêche, un péage. Ils ne se seraient expropriés que de l'objet compris expressément dans leur alienation, et la seigneurie directe leur serait demeurée.

» Les prédécesseurs du sieur de Carondelet, en disant au seigneur de Buhat, je vous donne en fief un droit de terrage à prendre sur mes terres et sur celles de mes vassaux, n'auraient dit, n'auraient fait rien de plus que ces anciens seigneurs qui inféodaient le droit de prendre dans les bois de leurs seigneuries tous les essaims d'abeilles qui s'y trouveraient (1). Or, bien certainement, ceux-ci ne comprenaient, dans une pareille inféodation, ni la propriété, ni la seigneurie, ni la justice de leurs bois. Pourquoi, dans l'hypothese proposée, n'en aurait-il pas été de même des prédécesseurs du sieur de Carondelet?

» Ainsi tombe, ainsi croule, sous tous les aspects possibles, un système qui n'est remarquable que par l'incohérence de ses principes et la hardiesse de ses conséquences ».

Ces moyens ont été jugés péremptoires. Par arrêt du 22 janvier 1785, rendu au rapport de M. de Francqueville, il a été déclaré qu'erreur n'était intervenue dans celui du 22 février 1782; et la dame Vairez a été condamnée à l'amende et aux dépens de la révision. ]]

V. On ne connaît, sur le droit de Champart, aucun règlement antérieur aux lettres de Louis-le-Gros, de l'an 1119, accordées aux habitans du lieu nommé Angere-Regis, que Secousse croit être Angerville dans l'Orlea nais. Ces lettres portent que les habitans de ce lieu paieront au roi un cens annuel en argent pour les terres qu'ils posséderont; que, s'ils y sement du grain, ils en paieront la dîme ou le Champart. Elles furent confirmées par Charles VI, le 4 novembre 1391.

On voit dans les établissemens de St-Louis, faits en 1270, que le seigneur direct pouvait mettre en sa main la terre tenue à Champart par un batard, et dont on ne lui payait aucune redevance, mais que ce batard pouvait la reprendre à la charge du cens.

Il est dit, dans ces mêmes établissemens,

(1) Traité des fiefs de Dumoulin, analysé par M. Henrion de Pansey, introduction, pag. 33.

que le seigneur pouvait mettre en sa main la terre qui ne devait que le terrage ou Champart; mais qu'il ne pouvait pas l'óter au propriétaire pour la donner à un autre; que, si la terre devait quelques autres droits, le seigneur ne la pouvait prendre qu'après qu'elle avait été sept ans en friche; qu'alors le tenancier qui perdait sa terre, devait de plus dédommager le seigneur de la perte qu'il avait faite du Champart pendant ce temps.

Philippe VI, dit de Valois, dans un mandement du 10 juin 1331, adressé au sénéchal de Baucaire, dit qu'on lui a donné à entendre que, par un privilége accordé par les rois ses prédécesseurs, et observé jusqu'alors, ceux qui tenaient du roi un fief ou un arrière-fief, pouvaient posséder des héritages tenus à cens ou à Champart : le roi ordonne qu'il sera informé de ce privilege; et que, s'il est constant, les possesseurs des terres ainsi tenues à cens ou à Champart, ne seront point troubles dans leur possession.

Dans des lettres du roi Jean, du mois d'octobre 1361, portant confirmation de la charte de bourgeoisie accordée aux habitans de Busency, il est dit que les bourgeois paieront le terrage de treize gerbes une, de toutes les terres qu'on labourera sur le ban et finage de Busency, et pour les vignes, à proportion.

Un des articles des priviléges accordés aux habitans de Monchauvette, en Beauce, par Amauri, comte de Montfort, et Simon, comte d'Evreux, son fils, confirmés par plusieurs de nos rois, et notamment par Charles V, au mois de mars 1393, porte que, si ceux qui sont sujets au droit de Champart, ne veulent pas le payer, on le levera malgré eux.

VI. L'usage qui s'observe maintenant, par rapport au droit de Champart, est que, dans les pays coutumiers, il n'est dû communé ment que sur les grains semés, tels que bled, seigle, orge, avoine, pois de vesce, bled noir ou sarrasin, bled de mars et chanvre. Il ne se perçoit point sur le vin ni sur les légumes, non plus que sur le bois, sur les arbres fruitiers, à moins qu'il n'y ait quelque disposition contraire dans la coutume, ou un titre précis.

En quelques endroits, les seigneurs ou propriétaires ont, sur les vignes, un droit semblable au Champart, auquel, néanmoins, on donne différens noms: on l'appelle teneau à Chartres, complant en Poitou, Angoumois et Xaintonge, carpot en Bourbonnais, [[ quartraisin ou tiers-raisin, dans quelques contrées de la rive gauche du Rhin. ]] Ces droits dépen

dent aussi de l'usage et des titres, tant pour la perception en général que pour la quotité. Dans les pays de droit écrit, le Champart ou agrier se lève sur toutes sortes de fruits; mais on y distingue l'agrier sur les vins et autres fruits, de celui qui se perçoit sur les grains : les noms en sont differens, aussi bien que la quotité; cela dépend ordinairement de la baillette ou concession de l'héritage.

La dime, soit ecclésiastique, soit inféodée, se perçoit avant le Champart; et le seigneur ne prend le Champart que sur ce qui reste, après la dime prélevée ; c'est-à-dire que, pour fixer le Champart, on ne compte point les gerbes enlevées pour la dîme.

VII. Le Champart seigneurial a les mêmes prérogatives que le cens : Ainsi,

10. Il est imprescriptible, c'est-à-dire que les possesseurs d'un heritage assujetti au Champart, ne peuvent être libérés de ce droit, quel que soit le nombre des années que le seigneur ait laissé écouler sans le faire acquitter.

2o. Le décret ne purge pas le droit de Champart seigneurial, quoique le seigneur n'ait point forme d'opposition aux criées.

30. Le Champart seigneurial produit des lods et ventes, en cas de mutation de l'heritage, excepté dans quelques coutumes qui ont des dispositions singulières à cet égard. Telle est celle d'Orléans, dont l'art. 143 porte que les terres tenues à droit de Champart, ne doivent ni ventes, ni relevoison, quand elles sont aliénées.

Observez néanmoins qu'il est dit, par le même article, que, quand les terres sont chargées d'un cens et d'un Champart, quoique envers le même seigneur, le Champart dont elles sont chargées, ne les affranchit pas du droit de vente, qui est une suite du droit

de cens.

VIII. Lorsque le champart n'est pas seigneurial, il est prescriptible comme toutes les autres redevances foncières.

Il est également sujet, comme toute autre redevance foncière, à être purgé par le décret. Il y a cependant une exception à cette règle, dans la coutume d'Orléans : l'art 480 porte qu'il n'est pas nécessaire de s'opposer au décret pour le Champart, quoiqu'il ne soit pas seigneurial. La raison de cette décision peut être, selon Pothier, que la perception du Champart étant publique, les adjudicataires peuvent aisément le connaître, et que les décrets ne sont faits que pour purger les droits que les adjudicataires pourraient igno

rer.

Le Champart qui n'est pas seigneurial, ne produit point de lods et ventes dans les cas de mutation.

IX. Le Champart, même seigneurial, n'est pas portable dans les parlemens de droit écrit: il est quérable sur le champ, excepté au parlement de Bordeaux. Il tombe en arrérages, mais, sur ce point, l'usage n'est pas uniforme: au parlement de Toulouse, on n'en peut demander que cinq ans, soit que le droit soit seigneurial ou non; à Bordeaux, on en adjuge vingt-neuf, quand il est seigneurial; et cinq, lorsqu'il ne l'est pas; au parlement de Provence, on en adjuge trente-neuf années, quand il est dû à un seigneur ecclésiastique.

En pays coutumier, il ne tombe point en arrérages; et il est toujours quérable, si le titre ne porte le contraire, ou si la coutume n'en dispose autrement, comme font les coutumes de Poitou, Saintonge, Amiens, Nivernais, Montargis, Blois et Bourbonnais.

Quand le Champart est portable, où doit-il être porté? Au lieu indiqué par le titre; et si le titre n'existe plus, qu'il ait négligé de s'expliquer, et que la coutume territoriale soit muette, le débiteur du Champart est tenu mener ledit terrage à ses coûts et mises, en la grange terrageuse ou autre lieu à ce ordonné d'ancienneté, pourvu que ce soit dans la paroisse ou demi-lieue de la terre terragée ou autre lieu qu'ordonnera le seigneur en ladite terre, s'il y en a. Cette règle qui, par son équité, semble devoir former le droit commun, est consignée dans l'art. 2 du titre des Champarts de la coutume de Montargis. Il en résulte trois maximes :

1o. Lorsqu'il y a, dans l'étendue de la seigneurie, une grange Champarteresse, c'est là que le tenancier doit conduire le terrage: est tenu mener ledit terrage en la grange terrageuse; et l'on retrouve cette disposition dans plusieurs coutumes : Sont tenus, en cas que le Champart soit rendable en grange, de le mener et livrer en la grange Champarteresse, dit celle d'Etampes, art. 57.

2o. Quoique le seigneur ait un manoir plus à la portée du tenancier, cependant il peut exiger que le Champart soit porté dans un autre lieu, si tel est l'usage d'ancienneté, pourvu néanmoins que ce lieu soit situé dans la paroisse, ou que, s'il est hors de l'enclave, il ne soit pas éloigné de plus d'une demi-lieue de la terre sujette au Champart. Cette distance d'une demi lieue est également indiquée par l'art. 2 du titre des Champarts de la coutume de Nivernais : pourvu que la dis

tance n'excède demi-lieue de la situation dudit labourage.

30. Le seigneur peut transférer la grange Champarteresse dans tel lieu qu'il juge à propos, pourvu que ce nouvel emplacement soit dans l'étendue de la seigneurie. Est tenu amener à ses dépens, en la grange du seigneur és fins de ladite seigneurie: ce sont les termes de la coutume d'Amiens, art. 193.

L'article suivant de la même coutume prévoit le cas où le Champart appartient à plusieurs et s'il y a plusieurs seigneurs auxquels appartient ledit droit, suffit de le mener à la grange du principal seigneur.

X. La quotité du Champart dépend de l'usage du lieu, et plus encore des titres. Les coutumes de Montargis, de Berri et de Vatan le fixent à la douzième gerbe, s'il n'y a convention contraire; celle de Bovine le fixe à la dixième gerbe. Il y a des lieux où il est encore plus fort: quelques seigneurs, en Poitou, perçoivent de douze gerbes deux, et même trois, ce qui fait la quatrième ou la sixième gerbe. Il y a aussi des endroits où il est moindre tout cela, comme on l'a dit, dépend de l'usage et des titres.

Dans les provinces du Lyonnais, Forės et Beaujolais, il est ordinairement du quart ou du cinquième des fruits; c'est pourquoi on l'appelle droit de quarte ou de cinquain.

En Dauphiné, on l'appelle droit de ving tain, parcequ'il est de vingt gerbes une.

XI. Le Champart se prend, chaque année, dans le champ, soit pour l'emporter, s'il est quérable, soit pour le compter et le faire porter par le tenancier, s'il est portable. Dans tous les cas, il faut que le seigneur ou propriétaire, ou ses préposés, soient avertis avant que l'on puisse enlever la dépouille du champ. La coutume de Soesme est la seule qui permette au tenancier d'enlever sa récolte sans appeler le seigneur, en laissant le terrage debout; il est vrai que, réciproquement, elle permet au seigneur d'enlever son terrage, avant que le tenancier ait enlevé sa récolte.

Quant à la manière d'avertir le seigneur ou propriétaire qui a droit de Champart, la coutume de Boulonnais dit qu'on doit le sommer; celle de Berri et de Blois veulent qu'on lui signifie; mais, dans l'usage, le tenancier n'est point obligé de faire un acte juridique : un avertissement verbal, en présence de témoins, suffit, et la coutume de Blois le dit expressément.

Lorsque ce droit est commun à plusieurs, il suffit d'en avertir un, ou de faire cet aver

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tissement au lieu où le Champart doit être porté : c'est ce que la coutume de Blois donne à entendre dans l'art. 133.

La coutume de Mantes veut que le seigneur appelé pour la levée du terrage, comparaisse du soir au matin, et du matin à l'après-dînée. Les coutumes de Poitou et de Berri veulent qu'on l'attende vingt-quatre heures; cela dépend de l'usage et des titres, et même des circonstances qui peuvent obliger d'enlever la moisson plus promptement, par exemple, lorsque l'on craint un orage.

XII. Les coutumes ont accordé aux seigneurs de censive, pour le paiement du cens, la voie de la saisie censuelle; mais elles ne l'ont pas accordée pour le paiement du Champart. La raison en est que le seigneur qui demande le paiement du Champart qu'on ne lui a pas rendu dans sa grange, ou qu'on n'a pas laissé sur l'héritage, n'est point créancier d'une somme ou quantité déterminée, attendu qu'il peut y avoir contestation entre lui et le redevable, sur la quantité de gerbes que l'héritage a produites: or, on ne doit saisir que pour des sommes ou quantité dé

terminées.

Il faut conclure de là, que le seigneur de Champart ne pourrait agir que par la voie d'action pour le paiement de son Champart, même dans le cas où le redevable se serait obligé, par une reconnaissance devant notaire, à la prestation de ce droit.

XIII. Le tenancier a-t-il la liberté de changer la surface de l'héritage sujet au Champart?

L'art. 197 de la coutume d'Amiens s'explique ainsi sur ce point : « Celui qui tient » terre à terrage d'aucun seigneur, ne la peut » enclore de haies ni de fossés pour la mettre » en prés, pâture ni édifice, sans le consente»ment dudit seigneur ; mais est tenu la lais>> ser en labour; et s'il le fait, il commet, » envers ledit seigneur, amende de soixante » sous parisis; lequel peut aussi abattre et » démolir lesdites haies, remplir les fossés, » remettant ladite terre à usage de labour ».

L'art. 7 de la coutume de Montargis permet le changement de surface, en avertissant le seigneur, et l'indemnisant à dire d'experts.

De ces deux dispositions, la première gêne l'industrie d'une manière trop despotique; la deuxième, comme plus favorable à l'agriculture, et surtout à la liberté, mérite sans contredit la préférence. Cependant on ne croit pas qu'il faille en faire la règle des coutumes muettes. Il semble qu'elle ne tient pas la ba

lance parfaitement égale entre le seigneur et le tenancier.

En effet, il est très-clair que cette disposition subordonne le droit de Champart à la volonté du tenancier, puisqu'elle ne lui impose d'autre obligation que celle d'avertir le seigneur sans donner à celui-ci la faculté de contredire.

A la vérité, la coutume ajoute : en indemnisant à dire d'experts. ·

Mais 10 cette expertise met à la merci d'un tiers, des droits certains et déterminés, des droits qu'une convention synallagmatique avait fixés d'une manière invariable.

2o. Qu'elle sera cette indemnité? Une somme d'argent, une rente annuelle? Mais ce n'est ni moyennant une somme, ni pour une rente, que le seigneur s'est originairement dessaisi de sa propriété. Voilà donc une dérogation au titre primordial; et cette dérogation, c'est la seule volonté du tenancier qui l'opére.

Si les coutumes qui interdisent toute espèce de changement de surface, sont trop dures, celles qui rendent le tenancier arbitre absolu du genre de culture, ne sont-elles pas aussi trop indulgentes ?

Nous ne transporterions dans les coutumes muettes ni l'une ni l'autre de ces deux dispositions. Il est un parti moyen qui paraît concilier la liberté du propriétaire et les droits du seigneur, l'intérêt de l'agriculture et le respect dû aux conventions: c'est d'autoriser le changement de culture moyennant une indemnité, mais de permettre au seigneur de contredire cette innovation. Deux experts décideront ensuite, d'après la nature du sol et la position des lieux.

Lorsqu'un propriétaire plante des arbres. dans une terre tenue à Champart, le seigneur est-il fondé à demander une indemnité ou du moins le Champart des fruits? Il y a plusieurs arrêts sur cette question. Les uns adoptent l'affirmative, les autres la négative. Il en ré sulte que la solution de la difficulté dépend des circonstances, c'est-à-dire, du nombre, de l'âge et de la nature des arbres. Si, couvrant de leur ombre une grande partie de l'héritage, ils diminuent d'une manière notable la récolte des grains, le seigneur est en droit de demander ou une indemnité ou le Champart des fruits, ou même que les arbres soient arrachés. Au contraire, il ne lui est rien dû, s'il ne s'agit que de quelques arbres dont l'influence sur le sol est presque insensible.

XIV. Lorsque le seigneur qui prétend un droit de Champart, justifie qu'il est dans la

possession annale de le percevoir, on doit l'y maintenir par provision, à la charge de rendre ce qu'il aura perçu, si, en jugeant le procès au pétitoire, on vient à le déclarer mal fondé dans sa perception. Le parlement de Paris l'a ainsi jugé par deux arrêts des 5 mars 1728 et 27 janvier 1737. V. Complainte, §. 3.

:

Au pétitoire, le droit de Champart peut s'établir, non-seulement par le rapport du titre primordial et constitutif de ce droit, mais encore, à défaut de cette pièce, par des titres qui justifient une possession au moins trentenaire telles seraient plusieurs reconnaissances passées par le détenteur de l'héritage que l'on prétendrait assujettir au Champart; tels seraient aussi les baux par lesquels ce détenteur et ses auteurs auraient chargé leurs fermiers d'acquitter ce droit, (M. GUYOT.)*

etc.

[[Sur ce dernier point, V. le plaidoyer et l'arrêt du 24 vendémiaire an 13, rapportés dans mon Recueil de Questions de droit, au mot Terrage, §. 1. ]]

[XV. Les chartes générales de Hainaut contiennent un chapitre exprès sur le Champart ou terrage, c'est le neuvième. Comme les dispositions qu'il renferme, sont, pour la plupart, fort remarquables, nous croyons devoir les rapporter, et les expliquer dans l'ordre de leur rédaction.

Art. 1. « Si aucun est en défaut ou demeure » rétif de payer droit de terrage, on pourra » le poursuivre par plainte (c'est-à-dire, » par action réelle, comme on le verra aux » mots Plainte en matière civile), en notre » dite cour, ou par libelle à notre grand » bailli de Hainaut et les gens de notre » conseil à Mons, en dedans l'an de la dé>> pouille et du défaut, pour y prendre lois » (c'est-à-dire, pour faire condamner les refusans à des amendes). « Rapport s'en devra » faire à la loi (ou juridiction échevinale), » dedans la Saint-Remi ensuivant, lesquelles »lois se pourront juger prestement ledit rap»port fait, ou par après, quand bon sem» blera; sans pouvoir lever lesdites lois, en » cas de dénégation dudit droit de terrage, » fors après avoir obtenu audit droit ».

Ainsi, le refus du Champart donne lieu à deux actions : l'une, pour le fond du droit, qui est de la connaissance exclusive du juge royal; l'autre, pour l'amende, qui se porte devant les mayeur et échevins; et lorsque, sur la première, le redevable vient contester sa soumission au droit de Champart, il faut qu'il y ait été statue avant que l'on puisse prononcer sur la seconde.

Art. 2. « L'héritier (ou propriétaire) du > terrage pourra élire un terrageur, lequel il >> devra présenter au mayeur du seigneur » haut-justicier, pour le sermenter, s'il est » trouvé idoine ».

Cet article suppose clairement que le propriétaire du droit de terrage peut n'être pas seigneur haut-justicier. V. ci-devant, no 4. Art. 3. « Et combien que droit de terrage » regarde matière de propriété, néanmoins » suffira, pour approuver la possession, qu'i» celle soit par quatre dépouilles de bled et » autant d'avoine, ou de quelqu'autre espèce, » en dedans 21 ans, ou qu'il y ait autre chose » d'importance, pour assujettir l'héritage à » cette redevance, à l'arbitrage du juge ». Des premiers termes de cet article, le droit de terrage regarde matière de propriété, on a conclu qu'en Hainaut, le droit de Champart n'est pas communément un droit seigneurial, mais un simple droit de propriété ordinaire. L'article précédent semble appuyer et justifier cette conséquence. V. ci-devant, no 4.

De là, il parait devoir résulter que la seule prescription ordinaire suffit pour décharger du Champart un heritage qui est prouvé y avoir été assujetti. C'est en effet ce qu'établit l'art. 8 du chap. 107 « l'héritier (dit-il) » ayant été exempt de payer dime par l'espace » de trente ans routiers, prenant le profit de » ses héritages, en devra demeurer quitte; et » pour terrage, après vingt-un ans >>; terme qui, en Hainaut, forme la prescription ordinaire.

Dumées soutient cependant (Traité des droits féodaux, pour le Hainaut, page 8) que l'on ne peut acquérir par prescription l'affranchissement du Champart, à moins que Ja possession de ne point le payer n'ait été précedée d'un refus. Mais n'est-ce pas aller contre la loi que d'ajouter ainsi à ses dispositions? Il est vrai que, par l'art. 13 du chap. 8, il est dit que les « héritages sujets à dime n'en » seront exempts, n'est que les possesseurs » d'iceux fassent apparoir d'affranchissement, » ou qu'ils aient été en possession paisible de » ne rien payer par le terme de trente ans, » pour avoir acquis droit de prescription, à » commencer du jour du contredit et refus, et »ce, pour dimes ecclésiastiques; et quant aux » laïcales, ne sera besoin que de vingt-un ans, » depuis semblable refus ».

Mais cet article ne parle pas du Champart : les dimes ecclésiastiques et inféodées sont les seuls objets sur lesquels il roule ; et la dime étant imprescriptible de droit commun, on ne doit pas trouver surprenant que les chartes de Hainaut, en la soumettant à la pres

cription, exigent pour cela une condition qu'elles ne requièrent pas par rapport au Champart.

C'est le sentiment de Raparlier sur le chap. 107. Après avoir dit que, pour prescrire l'exemption de la dime, il faut une possession qui ait été, dans son origine, précédée d'un refus de payer, il ajoute : «< mais » en matière de terrage, il suffit que les pro>> priétaires ou héritiers des héritages y sou» mis, en aient fait profit pendant l'espace de » vingt-un ans sans l'avoir payé, pour que » leurs héritages en soient affranchis ».

J'ai sous les yeux des notes manuscrites dans lesquelles sont citées, en faveur de cette opinion, deux enquêtes par turbes faites à Mons, les 8 août 1680 et 22 avril 1699, en vertu de commissions rogatoires du parlement de Flandre; un arrêt du conseil souverain de Mons, rendu le 12 juin 1706, entre l'abbaye de Saint-Ghislain et les chanoinesses de Saint-Waudru; un autre, sans date, entre le sieur Lérivant et la dame Danondance; et un troisième, du 3 juillet 1715, intervenu au rapport de M. le Roy, entre le sieur Visart, seigneur de Bury, et Antoine Malbau et consorts.

Mais revenons à l'art. 3. La manière dont il est conçu, a fait douter si, faute de preuve que le terrage a été perçu pendant buit années sur vingt-une, on ne doit pas débouter le propriétaire de ce droit, lorsque d'ailleurs la prescription n'est pas valablement acquise contre lui.

L'affirmative a trouvé des partisans ; mais, ne craignons pas de le dire, c'est une crreur insoutenable. Le genre de preuve que l'article dont il s'agit fait résulter de la perception du terrage pendant huit années sur vingtune, n'est pas limitatif. Cet article, au contraire, établit, dans les termes les plus exprès, qu'il y a deux autres manières de prouver l'assujettissement d'un fonds au terrage, et qu'elles consistent, la première, à justifier que l'on est propriétaire de ce droit, comme on justifie que l'on est propriétaire d'un heritage, c'est-à-dire, en rapportant le titre de propriété; la seconde, à produire quelque chose d'importance réservée à l'arbitrage du juge; et c'est ce qu'a jugé un arrêt du parlement de Flandre dont voici l'espèce. Le bailliage de Quesnoy avait, par une sentence du 26 mars 1763, débouté le chapitre métropolitain de Cambrai d'un droit de terrage qu'il réclamait sur 44 mencaudées de terres situées à Marèche, et appartenantes à l'abbaye de Vicogne; le chapitre en appela au parlement. L'abbaye de Vicogne,

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