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veut, nous aurons refait l'ouvrage que la tempête a détruit, et même nous le ferons mieux; nous peindrons plus exactement les figures (1). »

(1) Les élèves peintres, sculpteurs et architectes, qui jouissoient alors de leur pension à Rome, étoient MM. Court, Bouchot, Debay, La Rivière, peintres; MM. Jacquot, Lemaire, Dumont, Duret, Seurre, sculpteurs; et MM. Villain, Blouet, Gilbert, Duban, La Brouste, architectes. D'autres élèves livrés à des études différentes aidèrent aussi leurs camarades. Je profiterai de cette circonstance pour rendre une justice complète à nos jeunes pensionnaires de Rome. J'ai eu occasion, pendant long-temps, de bien étudier l'esprit qui les animoit. On a répandu des bruits mal fondés, particulièrement sur ce qui s'est passé en avril 1815. Tout ce que l'on a débité sur les élèves est faux: ils ne manifestèrent aucune violence politique: d'autres qu'eux commirent de graves imprudences. Parmi ces artistes, alors on comptoit M. Caristie, qui n'a su, partout où il s'est trouvé, que faire entendre des conseils de sagesse et de modération. Cet homme intègre, si ami de son art, si habile, si pénétré de la vraie science de l'antique, m'a plusieurs fois donné les assurances que je place ici avec une entière confiance. Quant à moi, je renouvelle le témoignage que j'ai rendu plusieurs fois dans mes dépêches. Notre école étoit vue à Rome par les étrangers, d'un œil jaloux : de là, beaucoup de calomnies.

Je connois des plans d'organisation d'écoles envoyés à divers cabinets pour chercher à détruire le bon effet que la nôtre produisoit à Rome. J'ai entendu vociférer qu'il ne falloit pas nous laisser jouir encore de l'orgueil de Louis XIV. Il faut d'ailleurs le dire, nos élèves sont traités à Rome avec une convenance tout-à-fait honorable. Bonne table, société intime chez le directeur, liberté de travail, avances généreuses de fonds, si cela est nécessaire; tous ces avantages sont offerts par l'administration de la Villa-Médicis. « Le temps de la pension, m'ont dit plus de quarante élèves, a été le plus beau temps de notre vie. »

Je dois finir par dire qu'après avoir bravé l'envie des étrangers, notre école a couru des dangers réels. On est venu me prier de m'in

En un instant tous sont à l'oeuvre, et cette espèce de miracle de célérité, de patience, de courage, de patriotisme vrai et de talens bien supérieurs à ce que demandoit la circonstance, fut achevé le matin du dimanche.

J'aurai le droit de rappeler un fait qui peut prendre ici sa place, parce que ce fut le Pape lui-même qui y donna lieu. Il trouvoit un grand plaisir à observer la marche des travaux, d'une des fenêtres de son palais du Vatican; armé d'une longue vue, il distinguoit jusqu'aux vêtemens des ouvriers et même la vivacité des mouvemens de nos jeunes élèves. En même temps il remarqua, de manière à ne pas pouvoir en douter, que le soir de la fête il ne pourroit pas distinguer l'obélisque illuminé, parce que le prolongement d'une des allées de la villa empêchoit de le voir. Il étoit donc nécessaire que cette sorte de charmille en laurier fût abaissée tellement, que de la fenêtre du palais on pût apercevoir l'obélisque entier, et peut-être reconnoître quelques parties de l'inscription qui

téresser à une réclamation qui auroit pour but d'empêcher la destruction de l'école, qu'alloit ordonner le gouvernement. Je n'ai pas voulu croire à cette accusation : j'ai bien fait. L'école reste et restera debout. La conjuration qu'on tramoit à Paris même n'a plus de partisans: comment a-t-il été possible que l'on proposât sérieusement chez nous même, une destruction qui réjouiroit toutes les jalousies étrangères !

faisoit face (1). C'étoit la première sur laquelle on lisoit ces mots : « Charles X, enfant de la région des lis.-A Rome, Sa Sainteté Léon XII toujours vivant. » (Voyez la gravure plus haut, page 66). Un émissaire du palais arriva en toute hâte pour exprimer un désir si gracieux et si naturel. J'eus à entreprendre une négociation avec M. Guérin : abattre dix pieds en hauteur et cinq en largeur d'une des allées confiées à ses soins, c'étoit un grand sacrifice. Personne n'ignore que M. Guérin étoit d'abord un grand artiste, ensuite un homme très-spirituel. Au premier mot de la demande, il s'écria : « Et que diront les Médicis, et, ce qui est bien autre, que diront les commis des bureaux de l'intérieur? » Il ne fut pas difficile de prouver que, dans cette circonstance, les Médicis seroient pour nous, surtout quand ils entendroient le nom de Léon, et que, quant aux bureaux, le nom du roi devoit suffire. M. Guérin mesuroit avec inquiétude, et le front plissé, l'espace qui étoit condamné. Enfin un jardinier se mêla de notre traité; je lui dis : « Combien faudra-t-il de temps pour que ce vide soit rétabli ? » Cet homme, avec l'accent romanesco, répondit:<«< Ah,

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(1) Dans le grand et bel ouvrage de MM. Percier et Fontaine, on peut remarquer les positions du palais du Vatican, relativement à la Villa: ils sont en face l'un de l'autre.

» Rome a un climat admirable. Les politesses >> que les Transtévérins se faisoient autrefois au » cabaret, avant le règne de Léon, le dimanche » soir, étoient guéries le mercredi suivant, à » l'hôpital de la Consolation. Ces branches-là » seront revenues à peu près vers le milieu » d'août. Abattons, abattons, Monsieur le di>> recteur, pour plaire au Pape et au roi!» L'espace indiqué fut abattu, et un signal du Vatican, convenu à l'avance, dans le cas où le sacrifice demandé seroit possible, fut vu à l'instant par tous les spectateurs, et prouva que le Saint Père étoit satisfait. —La fête commença donc le 19. On exécuta dans la galerie de la villa, en face de la statue colossale de Louis XIV, une cantate, où les amateurs et les premiers virtuoses de Rome avoient accepté un rôle, et qui fut applaudie avec transport par la noblesse romaine et les étrangers de distinction rassemblés dans cette galerie. Après le concert, on alla visiter l'obélisque : des explications en français étoient exposées pour que le public comprît le sens des hiéroglyphes (voyez la gravure, page 66). Un autre beau spectacle étoit réservé pour le moment où dix heures sonneroient à Saint-Pierre, d'où l'on découvroit facilement les rivières de feu qui ornoient les jardins et les diverses façades de la villa. On fit

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