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fets zz. & 23.) or tout cela fe fit pour accomplir ce que le Seigneur avoit dit par le Prophête en ces termes, une Vierge concevra & elle enfantera un fils, à qui Pon donnera le nom d'Emmanuël. Mais ces mots tels qu'ils fe trouvent dans Ifaïe Chap. VII. 14. d'où on les fuppo fe tirés, pris dans un fens littéral & naturel ont rapport à une jeune femme qui vivoit au tems d'Achaz Roi de Juda comme on peut s'en convaincre en examinant le texte.

Lorfque Razin Roi de Syrie, & Pheka ou Phacée Roi d'Ifraël eurent fait une ligue & fe furent armés contre Achaz Roi de Juda, Dieu envoya le Prophête Ifaïe pour confoler Achaz & fa nation & pour les affurer par un figne ou miracle que leurs ennemis feroient en peu de tems confondus; mais Achaz ayant refufé de demander un figne dans la crainte de tenter le Seigneur, le Prophète lui dit: le Seigneur vous donnerà lui-même un figne; une Vierge ou une jeune femme que voici concevra & enfantera un fils qu'elle nommera Emmanuël il mangera du beurre & du miel afin qu'il apprenne à rejetter le mal & à choisir le bien; car avant que l'Enfant foit en état de rejetter le mal & de choifir le bien, le pays fera délivré des deus

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Rois. En conféquence de ce figne indiqué par le Prophête, celui-ci prit deux témoins & en leur préfence alla trouver ladite Vierge ou jeune femme ou Prophéteffe, qui conçut & mit au monde en fon tems un fils nommé Emmanuël, après la naiffance duquel les projets de Razin & de Phacée furent confondus & détruits fuivant la Prophétie & le figne d'Ifaïe (39).

Le Prophête lui-même décide la queftion, il montre en termes exprès que le figne dont il a fait mention eft la naiffance de fon propre fils. En effet il dit Chap. VIII. . 18. Me voici moi & les Enfans que le Seigneur m'a donnés pour étre des fignes & des prodiges dans Ifraël. Il est évident que c'eft-là le fens littéral & naturel que le Prophête préfente; c'est ainsi que cette Prophétie eft entendue par Grotius l'un des plus fçavans Critiques. Pour peu qu'on y réfléchiffe, on fentira qu'il y a de l'absurdité à vouloir appliquer les paroles qui viennent d'être citées

à

(39) Voyez Ifaïe Chap. VII. vs. 14.-16. idem Chap. VIII. vs. 2. 4. 18. Erafin. in Mathai Cap. I. vs. 30. Il paroît par le Texte que la Vierge ou la jeune femme dont il eft ici queftion étoit la femme d'Ifaïe, & que ce fut le Prophête qui lui fit un enfant.

à la Vierge Marie & la naiffance de Jéfus; cela feroit directement contraire au figne annoncé par Ifaïe & au but de fa Prophétie. En effet ce figne ayant été donné par le Prophête au Roi Achaz dans la vue de le convaincre qu'il étoit envoyé par le Seigneur, & de l'affurer que les deux Rois ne réuffiroient pas dans leurs projets contre lui, comment auroit-il été poffible de le convaincre par la conception d'une Vierge qui ne devoit enfanter qu'au bout d'environ sept cens ans? Comment d'après un prodige fi éloigné dans l'avenir Achaz eût-il pu être perfuadé de la réalité de la Miffion d'Ifaie? N'eût-il pas été inutile pour Achaz & abfurde en foi-même qu'un Prophête fût venu lui dire que le pays feroit délivré des deux Rois fes ennemis avant qu'un Enfant né à fept cens ans de là pût diftinguer le bien & le mal? Cela n'eût

il

pas été plutôt une dérifion qu'un figne? Au lieu qu'il femble que la Prophétie d'un Enfant mâle qui devoit naître dans l'année, ou dans la fuivante, pouvoit être un figne convenable, vû qu'il falloit abfolument être divinement infpiré pour prédire un événement fi merveilleux & fi propre à juftifier la Miffion du Pro

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phête. En effet un pareil figne eft con forme à la conduite que l'on voit tenir à Dieu dans de semblables occafions. Le Seigneur donne à Gédéon & à Ezéchias des fignes immédiats & préfens pour leur faire connoître que c'étoit lui qui leur parloit, & que les chofes qui leur étoient prédites s'accompliroient; s'il ne leur eût donné que des fignes éloignés, comment auroient-ils pu favoir fi ces fignes euxmêmes devoient s'accomplir? Ou comment ces fignes euffent-ils prouvé quelque chofe? Il auroit, fans doute, fallu d'autres fignes pour prouver que les premiers s'accompliroient.

Puis donc que cette Prophétie ne s'eft point accomplie dans la perfonne de Jéfus fuivant le fens littéral & naturel que préfentent les mots, tels qu'on les trouve dans Ifaïe, il faudra fuppofer que cette Prophétie, de même que toutes celles qui ont été citées par les Apôtres, s'eft accomplie dans un fens figuré, mystique, allégorique; c'eft-à-dire, que cette Prophétie qui s'accomplit alors à la lettre par la naiffance du fils du Prophète, fut accomplie de nouveau par la naiffance de Jéfus, vû que cet événement étoit de la même efpcce que le premier & a

voit été prédit foit par le Prophête, foit par la Divinité qui infpiroit le Prophête (40).

Je dis de même que toutes les autres Prophéties citées par les Apôtres, non seulement pour avoir par moi-même examiné toutes ces Prophéties, mais encore parce que je trouve qu'un de nos plus grands Théologiens eft convenu qu'il est trèspoffible dans l'examen des Prophéties particulieres de trouver quelqu'autre personne que Jésus, & quelques événemens différens de ceux qui le regardent, auxquels on puiffe les appliquer, fans faire violence au texte (41). Bien loin que cette façon allégorique d'expliquer, fi néceffaire pour entendre les Prophéties, où que cette obfcurité que l'on voit régner dans toutes les prédictions des Payens, des Juifs, des Mahométans & des Chrétiens, fourniffent une objection contre ces Prophéties, nos Théologiens affurent que cette obfcurité & ces allégories ont été néceffaires pour que les prédictions de l'ancien Teftament parvinffent au but qu'elles fe propofoient. C'est l'opinion d'un grand

nom

(40) V. Le Clerc Bibliet. univerfelle Tome XX, pag. 54 (41) Voyez Stanhope Boyl. leftur. Serm. 7. 1701,

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