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TRAITÉ

THÉORIQUE ET PRATIQUE

DE L'EXPROPRIATION

POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE VICINALE ET RURALE.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES ET PRÉLIMINAIRES

1. Les chemins vicinaux sont des voies publiques d'intérêt principalement communal, destinées à relier les communes entre elles et avec les grandes voies publiques qui traversent le département. Ils se divisent en trois classes: les chemins de grande communication, les chemins d'intérêt commun et les chemins vicinaux ordinaires. (LL. 21 mai 1836, art. 6, 7, 8, 9; 10 août 1871, art. 44, 46, 86.)

2. Les chemins vicinaux de grande communication sont ceux qui traversent plusieurs communes et cantons se reliant aux voies de communication des départements voisins, aux routes nationales, départementales et aux chemins de fer, et offrant ainsi un intérêt à la fois départemental et communal.

3. Les chemins vicinaux d'intérêt commun, appelés aussi de moyenne communication ou de moyenne vicinalité, sont ceux qui intéressent plusieurs communes.

4. Les chemins vicinaux ordinaires, ou de petite communication ou petite vicinalité relient simplement une com

mune à une autre, ou, sur le territoire de la même commune, mettent en communication deux ou plusieurs villages.

5. Les rues des villes, bourgs et villages, qui ont été reconnues dans les formes légales être le prolongement de chemins vicinaux, font partie intégrante de ces chemins et sont soumises aux mêmes lois et règlements (L. 8 juin 1864, art. 1er.)

6. Les chemins vicinaux sont toujours régis par la loi du 21 mai 1836, qui n'a été modifiée par la loi du 10 août 1871, sur les conseils généraux, qu'au point de vue de la décentralisation. Les pouvoirs attribués aux préfets par la loi de 1836 appartiennent aujourd'hui aux conseils généraux.

7. Aux termes des articles 15 et 16 de la loi de 1836, la reconnaissance et la fixation de la largeur des chemins vicinaux étaient effectuées par arrêtés du préfet; les travaux d'ouverture et de redressement étaient également autorisés par arrêtés préfectoraux. La loi du 10 août 1871 (art. 44, 46 et 86) a transporté ces pouvoirs au conseil général et à la commission départementale.

8. Le conseil général opère la reconnaissance, détermine la largeur et prescrit l'ouverture et le redressement des chemins vicinaux de grande communication et d'intérêt commun: il statue à ce sujet définitivement, après avoir pris toutefois l'avis des conseils d'arrondissement et des conseils municipaux; ses délibérations produisent les effets spécifiés à l'article 15 de la loi de 1836.

9. La commission départementale prononce, sur l'avis des conseils municipaux, la déclaration de vicinalité, le classement, l'ouverture et le redressement des chemins vicinaux ordinaires et des chemins ruraux, ainsi que la fixation de la largeur et de la limite de ces chemins.

10. Mais le préfet demeure chargé de l'instruction préalable des affaires qui intéressent le département, ainsi que de l'exécution des décisions du conseil général et de la commission départementale. Il a seul le droit d'approuver les plans, devis et projets de travaux à effectuer sur les che

mins vicinaux de toute catégorie, comme de tous autres travaux communaux; ce droit ne lui a pas été enlevé par la loi de 1871 (1). Il a également seul qualité pour notifier aux intéressés les décisions du conseil général ou de la commission départementale (Cons. d'Etat, 16 janv. 1873; D. P. 74. 3. 61). Il a enfin le droit de représenter la commune en justice pour les litiges relatifs aux chemins vicinaux de grande communication. Quand il s'agit, au contraire, de chemins vicinaux d'intérêt commun ou ordinaires, le droit de représenter la commune continue, sous l'empire de la loi du 10 août 1871, d'appartenir au maire (Cass. 8 octobre 1885; C. de Lahonce) (2).

11. Les chemins vicinaux sont la propriété des communes; ils leur appartiennent par le seul fait de la jouissance publique prolongée pendant plus d'un an, à moins que des particuliers ne puissent justifier de leur propriété par titres. Leur sol est imprescriptible, lorsqu'ils ont été reconnus et classés comme vicinaux.

12. Les chemins ruraux appartiennent également aux communes, mais l'article 15 de la loi de 1836 ne leur est pas applicable. Ce sont des chemins servant à la circulation des habitants pour aller soit à un puits commun, ou à un ensemble de terres arables, soit à un ou plusieurs hameaux dépendant de la même commune, à un chemin vicinal ou à une grande route, mais qui n'ont pas été classés comme chemins vicinaux. La loi du 20 août 1881 (V. infrà, no 250) leur a donné une existence légale et a établi pour eux un mode particulier de reconnaissance. Ils sont reconnus par des arrêtés pris par la commission départementale, sur la proposition du préfet et l'avis du conseil municipal. L'arrêté de reconnaissance n'entraîne pas attribution de la propriété

(1) Décret 8 nov. 1873 annulant une délibération du conseil général de la Manche, qui revendiquait ce droit pour la commission départementale au sujet d'un chemin vicinal ordinaire (D. P. 74. 3. 62.)

(2) La jurisprudence du Conseil d'Etat, en ce qui concerne les chemins d'intérêt commun, est contraire à celle de la Cour de cassation. Le Conseil d'Etat décide que, sous l'empire de la loi du 10 août 1871, c'est au préfet et non aux maires qu'il appartient de représenter les communes intéressées à l'entretien des chemins vicinaux d'intérêt commun (Cons. d'Etat, 12 janv. 1877; 25 mars 1881; 4 mai 1883). Il y a donc conflit sur ce point important entre la Cour de cassation et le Conseil d'Etat.

du sol au profit de la commune comme cela a lieu pour les chemins vicinaux: il produit seulement les effets d'un acte de possession, de sorte que la commune est en possession légale si l'arrêté n'est pas contesté dans l'année de la notification. L'ouverture, le redressement, la fixation de la largeur et de la limite de ces chemins sont prononcés par la commission départementale. Si le consentement des propriétaires fait défaut, l'occupation des terrains nécessaires pour l'exécution des travaux d'ouverture, de redressement ou même d'élargissement de ces chemins ne peut avoir lieu qu'après une expropriation poursuivie comme lorsqu'il s'agit de chemins vicinaux. (LL. 20 août 1881, art. 4, 13 et 14; 21 mai 1836, art. 16, 17, 18). (V. infrà, nos 65 et s.)

13. La loi du 21 mai 1836 (art. 15 et 16), a prévu deux hypothèses bien distinctes qui ont été reproduites par la loi du 10 août 1871 avec cette modification, déjà indiquée, que les décisions au lieu d'émaner du préfet, sont prises, après avis des conseils compétents, par le conseil général pour les chemins de grande communication et d'intérêt commun, et par la commission départementale pour les chemins vicinaux ordinaires. Ces deux hypothèses sont les suivantes:

1. Déclaration de vicinalité, lorsqu'il s'agit de reconnaître, c'est-à-dire de constater officiellement l'existence d'un chemin servant déjà aux communications vicinales, et d'en fixer la largeur. Dans ce cas, l'arrêté de reconnaissance attribue définitivement au chemin le sol compris dans les limites qu'il détermine, et le droit des propriétaires riverains, s'il y a lieu, se résout en une indemnité fixée à l'amiable ou par le juge de paix.

Les arrêtés du préfet portant reconnaissance et fixation de la largeur d'un chemin vicinal attribuent définitivement au chemin le sol compris dans les limites qu'ils déterminent. Le droit des propriétaires riverains se résout en une indemnité qui sera réglée à l'amiable ou par le juge de paix du canton sur le rapport d'experts nommés conformément à l'article 17 (L. 21 mai 1836, art. 15.)

2o Ouverture et redressement d'un chemin vicinal. Il s'agit alors d'ouvrir un chemin là où il n'en existe pas: la simple déclaration de vicinalité ne suffit plus. Comme il y a emprise totale de terrains il devient nécessaire de recourir aux formes

de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le législateur n'a pas voulu faire fléchir dans ce cas le principe d'après lequel nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité (C. civ. art. 545); mais il a jugé utile de simplifier les formes de l'expropriation.

Les travaux d'ouverture et de redressement des chemins vicinaux seront autorisés par arrêté du préfet. Lorsque, pour l'exécution du présent article, il y aura lieu de recourir à l'expropriation, le jury spécial chargé de régler les indemnités ne sera composé que de quatre jurés. Le tribunal d'arrondissement, en prononçant l'expropriation, désignera, pour présider et diriger le jury, l'un de ses membres ou le juge de paix du canton. Ce magistrat aura voix délibérative en cas de partage (L. 1836, art. 16.)

14. Un premier chapitre sera consacré à la reconnaissance et à la fixation de la largeur des chemins vicinaux, et à la reconnaissance des chemins ruraux.

Dans un deuxième chapitre, nous traiterons de l'ouverture et du redressement des chemins vicinaux, de l'élargissement, de l'ouverture et du redressement des chemins ruraux, et de l'expropriation par suite de l'établissement des lignes télégraphiques et téléphoniques que la loi du 28 juillet 1885 a soumise aux règles de l'article 16 de la loi de 1836.

Les textes à consulter ont été rejetés à la fin du volume.

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