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CHAPITRE PREMIER

RECONNAISSANCE ET FIXATION DE LA LARGEUR DES CHEMINS VICINAUX.

(Loi 21 mai 1836, art. 15).

Déclaration de vicinalité. Élargissement.

Réglement de l'indemnité en cas d'élargissement.
Formules.

Reconnaissance des chemins ruraux.

SOMMAIRE:

§ 1er..
§ 2o.

§ 3o.

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§ 1er. Déclaration de vicinalité. Élargissement.

-

15. La déclaration de vicinalité est l'acte par lequel le conseil général, pour les chemins vicinaux de grande communication et d'intérêt commun, et la commission départementale, pour les chemins vicinaux ordinaires, reconnaissent qu'un chemin existant est nécessaire aux communications vicinales et en maintiennent ou en modifient les limites ou la largeur suivant les besoins des localités. L'effet de cette déclaration est d'élever le chemin au rang de vicinal et de lui incorporer immédiatement le sol riverain compris dans le nouveau tracé.

Il y a seulement élargissement lorsque la décision du conseil général ou de la commission départementale n'a pour but que l'augmentation de la largeur d'un chemin déjà reconnu comme vicinal.

16. Pour qu'un chemin puisse être déclaré vicinal, et pour qu'il y ait lieu à l'application de l'art. 15 de la loi du 21 mai 1836, il faut, que ce chemin soit la propriété de la commune; si la propriété en était litigieuse il faudrait procéder par application de l'article 16, c'est-à-dire par voie d'expropriation par le petit jury. (Cons. d'État, 27 fév. 1862. D. P. 63. 3. 52; — 19 mars 1875; D. P. 76. 3. 6.)

Il faut, en outre, qu'il ait déjà l'importance d'une communication vicinale, car l'article 15 ne s'applique qu'au cas où il s'agit du simple élargissement d'un chemin vicinal préexistant. (Cons. d'État 26 janvier 1870; D. P. 71. 3. 10). Ainsi, un chemin rural de 3 mètres de largeur ne pourrait être déclaré vicinal et porté à 10 mètres de largeur par simple décision de la commission départementale (même arrêt). La direction d'un chemin existant, déclaré vicinal, ne pourrait, non plus, être modifiée que dans les formes prescrites par l'art. 16, parcequ'il y aurait alors, en réalité, ouverture d'un nouveau chemin.

Ainsi qu'on l'a déjà remarqué, en effet, l'article 15 déroge au principe de l'article 545 C. civ., d'après lequel nul ne peut être dépossédé sans une indemnité préalable. « En rédigeant cet article, le législateur a compris qu'il était impossible d'appliquer à ces dépossessions d'un intérêt souvent minime les longues formalités de l'expropriation. >> (Inst. min. int. 24 juin 1836, art. 15). Mais cette disposition, comme toute dérogation au droit commun, doit être appliquée stricto sensu.

17. Le conseil général (L. du 10 août 1871, art. 44, 46) opère la reconnaissance et détermine la largeur des chemins vicinaux de grande et de moyenne communication, dans les conditions où le préfet statuait antérieurement, et après avis des conseils compétents.

18. La commission départementale prononce, sur l'avis des conseils municipaux, la déclaration de vicinalité, l'alignement des chemins vicinaux ordinaires et la fixation. de leur largeur; elle peut, malgré l'avis contraire des conseils municipaux, comprendre dans leurs limites des parcelles appartenant à des particuliers. (Cons. d'État, 7 août 1874; D. P. 75. 3. 35.) (1).

(1) Le simple élargissement ne pouvant avoir pour effet que de régulariser une situation préexistante ne peut porter une atteinte considérable à la propriété privée et par suite ne saurait engager d'une façon sérieuse les finances de la commune à laquelle incomberont les frais d'élargissement. Mais il y aurait excès de pouvoirs si l'élargissement prescrit était tel qu'il dût compromettre les intérêts pécuniaires de la commune. Ce sont là des questions de fait, d'appréciation parfois fort délicate. (Comp. Conseil d'Etat, 28 juillet 1876; D. P. 77. 3. 2. — 23 juin 1873, 5 décembre 1873; D. P. 74. 3. 81. — 18 mars 1881; D. P. 82. 3. 92.) (V° infrà, no 72).

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19. La déclaration de vicinalité doit indiquer d'une manière précise l'assiette du chemin, son étendue et ses limites. (Infrà, no 23.)

20. Le préfet assure l'exécution des décisions du Conseil général et de la commission; il communique aux intéressés les décisions de la commission départementale. (V. suprà, n° 10.)

21. La décision qui prescrit l'élargissement d'un chemin vicinal doit être notifiée aux propriétaires des terrains, au moins deux mois avant la prise de possession.

22. Les décisions de la commission départementale peuvent être frappées d'appel devant le conseil général, par notification au président de la commission, pour cause d'inopportunité ou de fausse appréciation des faits, dans le délai d'un mois à partir de la communication de la décision. Les intéressés peuvent également les déférer, sans frais, au conseil d'État statuant au contentieux, dans les deux mois de la communication, mais seulement pour cause d'excès de pouvoirs ou de violation de la loi ou d'un règlement d'administration publique. Ce recours est, dans tous les cas, suspensif (L. 10 avril 1871, art. 88). A l'expiration de ce délai il peut être procédé à l'exécution des travaux, préalablement au règlement de l'indemnité.

23. L'effet de la déclaration de vicinalité et de la fixation de la largeur des chemins vicinaux est d'attribuer définitivement au chemin le sol, c'est-à-dire le terrain non bâti, compris dans les nouvelles limites. C'est une expropriation sommaire par voie purement administrative et sans paiement préalable d'indemnité. Les parcelles de terres riveraines, comprises dans ces limites, sont incorporées de plein droit au chemin, et le droit des propriétaires se résout en une indemnité à régler, dans la suite, à l'amiable ou par le juge de paix du canton sur rapport d'experts. (L. 1836, art. 15.)

Mais il est indispensable pour qu'il y ait attribution immédiate et de plein droit au chemin des parcelles riveraines que la déclaration de vicinalité non-seulement fixe la direction et la largeur de ce chemin mais indique

en même temps avec précision ses limites par rapport à chacune des propriétés riveraines. (Cons. d'État, 23 fév. 1870; S. 71. 2. 284. 12 fév. 1875; S..76. 2. 310. Cass. 8 juin 1887; Frécault.)

24. Lorsqu'il s'agit de terrains bâtis ou clos de murs, il y a nécessité de recourir aux formalités de l'expropriation conformément à la loi du 3 mai 1841. L'article 15 de la loi de 1836 ne parle, en effet, que de la réunion au chemin du sol. Ce n'est donc que pour la valeur du sol que le propriétaire est privé du droit de réclamer une indemnité préalable; il reste, par suite, sous l'empire du droit commun, à l'égard des constructions. (Cons. d'État, 24 janvier 1856; Comp. L. 8 juin 1864, art. 2). (1). (Infrà, no 71.)

25. La décision du conseil général ou de la commission départementale portant élargissement d'un chemin vicinal affranchit, en outre, les terrains incorporés de tous les droits réels (usufruit, servitude conventionnelle ou légale) dont ils sont grevés, mais sans préjudice des droits des tiers sur l'existence desquels les tribunaux civils ont compétence pour statuer, comme sur toutes les questions qui peuvent s'élever touchant la propriété du sol des chemins vicinaux.

26. Les chemins vicinaux peuvent-ils être l'objet d'une action possessoire? - La déclaration de vicinalité, qui ordonne l'élargissement d'un chemin vicinal, emportant attribution immédiate au domaine public du sol compris dans le tracé, il s'ensuit que les parcelles incorporées ne peuvent être l'objet d'une action possessoire, de la part des riverains dépossédés, tendant à les faire maintenir ou réintégrer dans leur possession. (Trib. des confl., 24 juill. 1851; D. P. 51, 3, 70). Il en serait de même de toute action en revendication de propriété, des parcelles comprises dans les limites du chemin, portée devant les tribunaux.

(1) La déclaration d'utilité publique doit avoir lieu dans les formes de la loi du 3 mai 1841 lorsqu'elle entraîne l'occupation d'un terrain en nature de jardin clos de murs et attenant à une habitation. (Cons. d'Etat, 31 mars 1882; D. P. 83. 3. 82.)

27. Mais l'action possessoire sera recevable si elle tend simplement à faire constater la possession annale du demandeur, antérieure à l'arrêté de classement, à l'effet d'établir son droit à une indemnité, et de rendre au besoin la commune demanderesse au pétitoire en mettant à sa charge la preuve de la propriété. La doctrine est unanime sur ce point, qui a été également consacré par la jurisprudence. (V. Dall., J. G. Voirie par terre, no 448.)

28. L'action possessoire serait également recevable, et dans ce cas avec tous ses effets, si elle portait sur l'intégralité ou sur une partie importante du chemin. C'est ce qui résulte de la jurisprudence inaugurée par le conseil d'État par son arrêt du 27 février 1862. Il y aurait alors, en effet, excès de pouvoirs, puisqu'il est admis que l'expropriation sommaire, sans paiement préalable d'indemnité, prévue par l'article 15 de la loi du 21 mai 1836, ne s'applique qu'au cas de simple élargissement et suppose l'existence d'un chemin, appartenant déjà à la commune et ayant l'importance d'une communication vicinale (V suprà, no 16). La déclaration d'élargissement n'ayant pu transporter à la voirie vicinale la propriété d'un chemin ou d'un terrain litigieux, il en résulte que ce chemin ou ce terrain restent soumis à toutes les actions du droit

commun.

Le juge de paix saisi dans ces conditions d'une action possessoire serait donc compétent. Il devrait, malgré la déclaration de vicinalité ou d'élargissement, maintenir le demandeur en possession, pourvu que son action fut basée sur des faits de possession antérieurs à l'arrêté. (1).

29. L'action possessoire serait encore recevable si elle avait pour objet un terrain situé en dehors des limites du chemin, ou si elle s'élevait entre deux particuliers dans leur intérêt privé.

(1) Le propriétaire a intérêt, le plus souvent, à prendre la voie possessoire, car s'il engageait directement l'action au pétitoire il serait tenu de faire la preuve de la propriété, et il ne pourrait plus se prévaloir de sa possession annale (C. Proc. art. 25); tandis que s'il succombe au possessoire la voie pétitoire lui reste ouverte, si au contraire il triomphe et si la commune se porte demanderesse au pétitoire, il aura mis la preuve de la propriété à la charge de cette dernière.

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