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Grande-Bretagne et les États-Unis n'a pas été sans résultat ; ces deux puissances ont en effet proclamé publiquement devant un tribunal international leur conviction que les navires susceptibles d'ètre employés au service militaire ou maritime d'une puissance belligérante ont des qualités particulières qui les distinguent des autres objets disponibles pour des actes d'hostilité, et que leur caractère de propriété privée n'a aucune valeur relativement à la responsabilité qu'a une puissance neutre d'en empêcher l'équipement et l'expédition de ses ports, si elle désire observer les règles de la bonne foi. Les membres de l'Institut de droit international, à leur session de Genève de 1874, ont pris en considération « les trois règles » du traité de Washington et exprimé l'opinion que « les trois règles », quoiqu'elles soient, au point de vue de la forme, sujettes à objection, sont au fond l'application claire et nette d'un principe reconnu du droit des gens. Il existe un conflit de principe apparent entre cette opinion et la proposition, soutenue par la majorité des membres de l'Institut à leur session tenue plus récemment à la Haye, que le droit devrait être dénié aux belligérants de saisir en pleine mer les navires ennemis, s'ils sont des propriétés privées. En outre, comme le droit des gens moderne a revêtu le navire, bien qu'il soit propriété privée, d'un caractère territorial sur la haute mer en temps de paix, il ne paraît pas exister de juste raison pour l'en dépouiller en temps de guerre, sous le prétexte qu'il est propriété privée, surtout lorsque le fait même de la guerre lui confère des qualités territoriales particulières, qui, loin d'être une fiction de droit, servent essentiellement et indispensablement aux fins de la guerre, quand l'une des parties belligérantes est une puissance maritime. TRAVERS Twiss.

Tw. - II.

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OU DES NATIONS

CONSIDÉRÉES COMME COMMUNAUTÉS POLITIQUES INDÉPENDANTES

DES DROITS

ET DES

DEVOIRS DES NATIONS

EN TEMPS DE GUERRE

CHAPITRE Ier

RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS INTERNATIONAUX.

1. Nature des différends internationaux. 2. Droit de conservation 3. Droit d'action internationale. personnelle. 4. Conférence

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amiable. Compromis. —5. Arbitrage.-6. L'abbé de St-Pierre. - 7. Médiation. - 8. Congrès des puissances chrétiennes. 9. Devoir de modération. 10. Rétorsion. - 11. Représailles. 12. Embargos. — 13. Pratique des lettres de marque et de représailles. Lettres de contremarque.-14. Développements de la juridiction de l'Amirauté. Armements en course. - 15. Commission de représailles. Représailles compatibles avec la paix. - 16. Représailles négatives et représailles positives.-17. Représailles spéciales et représailles générales. Le grand Pensionnaire de Witt. Déclaration conditionnelle de guerre. Le grand juge Hale. Représailles contre l'Espagne en 1739, — 18. Représailles contre les Deux-Siciles en 1839. — 19. Les représailles générales ne sont pas toujours légitimes. Sir Leoline Jenkins. Grotius. Bynkershoek. Vattel.-20. Représailles contre les personnes. Les envoyés politiques sont exempts de représailles. Cas du duc de BelleIsle. Cas des envoyés des États confédérés de l'Amérique, à bord du paquebot anglais Trent. — 21. Règlement par des traités de la pratique des lettres de marque et des représailles. Renonciation à la pratique des lettres de marque par le congrès de Paris en 1856.

1.- Les nations, étant des corps politiques indépendants,

entretenant des relations mutuelles sur un pied d'égalité et de réciprocité, sont sujettes, en satisfaisant aux devoirs de la société naturelle, à avoir des différends les unes avec les autres sur des questions juridiques. Ces différends peuvent surgir, soit parce qu'une nation refuse de rendre à une autre des bons offices que celle-ci prétend avoir le droit de réclamer, soit parce qu'une nation subit de la part d'une autre un traitement défavorable qu'elle ne croit pas être juridiquement obligée de subir. « Les différends qui s'élèvent entre les nations ou leurs conducteurs », dit Vattel, « ont pour objet ou des droits en litige, ou des injures. Une nation doit conserver les droits qui lui appartiennent le soin de sa sûreté et de sa gloire ne lui permet pas de souffrir les injures. Mais en remplissant ce qu'elle se doit à elle-même, il ne lui est point permis d'oublier ses devoirs envers les autres. »

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C'est dans la conciliation pratique de ces deux principes, selon les circonstances de chaque cas individuel, qu'on découvre la règle propre à apaiser les différends qui peuvent s'élever entre les nations sur des questions de droit. Une nation ne peut, à titre de droit qui lui soit dû, rien demander qui soit nuisible à une autre nation; elle ne peut non plus, en vue de la réparation d'un tort qu'elle a éprouvé, rien réclamer qui soit incompatible avec le droit d'une autre nation. L'égalité et la réciprocité sont des conditions fondamentales pour apprécier les moyens de réparer les torts internationaux, de même que pour déterminer le droit dont la violation constitue le tort international.

2.

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La perfection de chaque communauté politique consiste dans son aptitude à accomplir les fins de la société civile; et une des principales fins de la société civile est, par la coopération de tous les membres d'une communauté politique, d'assurer à chaque individu une plus grande somme de bien-être qu'il ne pourrait s'en procurer par ses efforts

Vattel, Droit des gens, L. II, § 323.

isolés. C'est pourquoi, dans l'acte d'association politique en vertu duquel une multitude d'hommes se constituent en État ou en nation, chaque individu contracte avec la société l'engagement de travailler au bien-être général; et l'État ou la nation prend, en retour, à l'égard de chaque membre, l'engagement de lui faciliter les moyens de subvenir à ses besoins, de le protéger et de le défendre. Il est donc manifeste que le maintien de l'association politique même est une condition essentielle de l'accomplissement de ces engagements réciproques, et l'État ou la nation est ainsi dans l'obligation primordiale de veiller à sa propre conservation; en d'autres termes, la conservation de soi-même est un des devoirs primordiaux de la vie nationale. Ce devoir de sa conservation, qui incombe à une nation, implique comme corollaire le devoir de la conservation de chacun de ses membres. La nation se doit tout d'abord à elle-même d'accomplir ce devoir, attendu que la perte d'un de ses membres affaiblit la communauté en portant atteinte à son intégrité. Elle le doit aussi à chaeun de ses membres en particulier; car les individus qui composent une nation se sont réunis ensemble pour leur défense mutuelle et leur avantage commun; aucun d'eux ne saurait être justement privé de cette union et des avantages qu'il compte en retirer, tant que pour sa part il en remplit les conditions. La communauté qui forme une nation ne peut abandonner une province, une ville, ni même un seul individu qui est un de ses membres, à moins qu'elle n'y soit contrainte par la nécessité, ou que les plus fortes raisons fondées sur des considérations de salut public ne lui en fassent une loi.'

3. — L'obligation d'une nation de se conserver et de conserver tous ses membres n'est pas limitée aux seules affaires qui affectent sa constitution intérieure; elle s'étend aux relations extérieures de la nation avec les autres nations, en d'autres termes aux affaires qui ont trait à ses rapports

1 Vattel, Droit des gens. L. I, § 17,

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