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ricain il faut qu'il y ait notification préalable. Certainement, quand des navires mettent à la voile sans avoir connaissance du blocus, une notification est nécessaire; mais si vous parvenez à leur faire connaître ce fait, la notification devient alors une cérémonie vaine et inutile, qui ne saurait par conséquent être exigée.' Le capitaine, les consignataires et toutes les personnes, attachées à la gestion du navire paraissent avoir été suffisamment informés de ce blocus; ils ne sont donc pas dans la situation que suppose le traité. »> Les Lords de la Cour d'appel ont, dans une affaire récente, confirmé la manière de voir de Lord Stowell, sous la réserve qu'il ne doit jamais exister de doute raisonnable relativement au fait d'après lequel doit se présumer la connaissance que le capitaine a du blocus. «Tandis que Leurs Seigneuries », disaient-ils, « sont tout à fait disposées à admettre que l'existence et l'étendue d'un blocus doivent être si bien et si généralement connues que la connaissance qu'en a un individu puisse se présumer sans une preuve distincte de connaissance personnelle, et que la connaissance ainsi acquise puisse tenir lieu d'une communication directe par l'escadre de blocus; cependant il faut que le fait dont l'information doit régler la conduite de l'individu soit de nature à ne pas admettre de doute raisonnable. Toute communication, pour employer les termes dont se sert Lord Stowell dans le cas du Roll (6, Ch. Rob, p. 367), portant le fait à la connaissance de l'individu de manière à ne point laisser de doute dans son esprit sur l'authenticité de l'information, impose à cet individu l'obligation d'observer le blocus.2

105.- Mais il est des cas où aucune preuve positive ne peut être déduite des papiers de bord ou autrement contre

1 The Columbia, 1 Ch. Rob. p. 154. Fitzsimmons v. The Newport Insurance Company, 4. Cranch. p. 185.

Northcote v. Douglas (The Franciska) 10, Moore's. P. C. Reports,

le capitaine et l'équipage d'un navire neutre relativement à leur connaissance personnelle du fait d'un blocus; cependant on peut établir contre eux la présomption d'une connaissance par interprétation, leur enlevant le prétexte de faire valoir pour leur défense l'argument de l'ignorance personnelle. Ainsi les cours anglaises de prises ont décidé que lorsqu'il y a eu notification d'un blocus par le gouvernement d'un belligérant à un État neutre, tous les sujets de cet État sont censés, après un délai raisonnable,' avoir connaissance du blocus. Permettre aux individus de prétendre ignorer un blocus qui a été notifié à leur gouvernement, ce serait aller absolument contre le but qu'a en vue la notification. « L'effet d'une notification faite à un gouvernement étranger», dit Lord Stowell, « est clairement de comprendre tous les individus de cette nation; ce serait la chose du monde la plus dérisoire, si l'on permettait aux individus d'en prétendre ignorance. Il est du devoir des gouvernements étrangers de communiquer l'information à leurs sujets, dont ils sont tenus de protéger les intérêts. Je dois donc maintenir qu'un capitaine neutre ne peut jamais être admis à affirmer qu'il ignore la notification d'un blocus qui a été faite à son gouvernement. » Telle étant la jurisprudence des cours anglaises de l'Amirauté à l'égard des sujets des États auxquels a été adressée une notification directe de blocus, ces cours ont décidé en outre que la notification d'un blocus faite. par le gouvernement d'un État aux principaux États de l'Europe atteint aussi les autres États en temps opportun, non pas tant proprio vigore qu'à titre de preuve contre eux. La notoriété générale d'un blocus doit donc être présumée après qu'il a été notifié publiquement et maintenu de fait pendant un temps considérable; et les cours anglaises de prises ont jugé qu'un capitaine neutre se rendrait coupable de négligence et de mauvaise foi frauduleuse, s'il ne s'infor

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mait pas d'une affaire d'une notoriété générale dans le port où il a embarqué son chargement, quoique le fait ait pu n'être pas notifié formellement à son gouvernement respectif. Parmi les points sur lesquels insistaient les États-Généraux dans leur ordonnance du 26 juin 1630, il était spécifié que les ports de la Flandre n'étaient pas simplement bloqués de facto, mais qu'ils étaient réputés l'être par les flottes hollandaises. C'est pourquoi la nécessité de donner avis sur place aux navires qui entrent dans un port bloqué, avant qu'ils puissent être justement tenus responsables des conséquences d'une violation de blocus, ne subsiste pas, lorsque le blocus a été notifié publiquement et solennellement par une déclaration de l'autorité exécutive aux puissances étrangères. Par contre, quand le blocus est établi par le commandant d'une escadre sans notification publique de la part de son gouvernement, on ne saurait dans ce cas présumer la notoriété du fait d'un blocus réel contre le capitaine d'un navire neutre, au point de le priver du droit de profiter du bénéfice d'une notification positive par les forces employées au blocus lors de son arrivée dans le voisinage du port bloqué. Ainsi les instructions transmises par les Lords de l'Amirauté le 8 janvier 1804 au commodore Hood au sujet du blocus des îles de la Martinique et de la Guadeloupe portaient qu'il ne devait considérer le blocus de ces îles comme n'existant qu'à l'égard des ports particuliers qui pouvaient se trouver investis réellement, et alors ne point capturer les navires à destination de ces ports, à moins qu'ils n'eussent été préalablement prévenus de ne pas y entrer.' Il en est toutefois autrement pour les navires qui sortent d'un port bloqué. Là nul avis n'est nécessaire, après que le blocus a existé de facto depuis un certain temps; le fait continu est par lui-même un avis suffisant, attendu qu'il est impossible à ceux qui se trouvent dans le port d'ignorer l'interruption forcée de leur commerce. Dans ce cas, la no

1 Tutela, 6 Ch. Rob. p. 179.

toriété de la chose remplace la nécessité d'un avis particulier à chaque navire.'

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106.- M Hautefeuille traite du blocus par notification et du blocus par notoriété, comme si c'étaient des variétés des blocus sur papier ou des blocus fictifs : mais telle n'est pas la signification des termes employés dans les Cours anglaises de l'Amirauté. Les Lords de la Cour d'appel en matière de prises ont depuis longtemps décidé qu'une proclamation de blocus ne suffit pas par elle-même pour constituer un blocus légal. Ainsi les Antilles furent déclarées sous blocus par l'amiral Jarvis ; mais les Lords émirent l'avis que comme le fait n'appuyait pas la déclaration, on ne pouvait juger que le blocus existât légalement. Dans une occasion récente, pendant la guerre de Russie (le 30 novembre 1855), le comité judiciaire du Conseil privé de la Reine d'Angleterre a décidé que la notification d'un blocus ne doit pas embrasser une étendue plus grande que le blocus même; autrement le neutre est libre de ne pas tenir compte de cette notification et n'est pas passible des pénalités infligées pour violation de blocus, parce qu'il a tenté ensuite d'entrer dans un port réellement bloqué. A ce propos Lord Stowell fait observer qu'« il y a deux sortes de blocus : l'un existant seulement par le simple fait; l'autre par une notification, accompagnée du fait. » Ce serait une erreur de supposer que les Cours anglaises de l'Amirauté admettent que la simple notification d'un blocus suffise pour constituer un blocus légal; il faut qu'il existe aussi un blocus de fait au moment de la notification; autrement la notification n'a aucun effet légal. Telle était la manière de voir du gouver

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1 The Vrow Judith, 1 Ch. Rob. p. 153.

* Des droits des nations neutres, tit. IX, c. 5, § 1 et 2.

* The Betsey 1 Ch. Rob. p. 95.

+ The Mercurius, 1 Ch. Rob. p. 83.

5 Northcote v. Douglas (The Franciska) 10, Moore's, P. C. Reports, p. 59. The Neptunus, 1 Ch, Rob. p. 171,

nement anglais, exprimée dans une note communiquée au gouvernement des États-Unis d'Amérique en 1807 par son ministre, M. Forster, au sujet du blocus de 1806 et de 1807. « La Grande-Bretagne », y est-il dit, «< n'a jamais contesté que, selon le droit coutumier des gens, tout blocus, pour être justifié, doive être maintenu par des forces suffisantes à mettre en danger tous les navires qui tenteraient de l'éluder. C'est conformément à ce principe que M. Fox ne notifia le blocus de 1806 aux puissances étrangères qu'après s'être convaincu, sur un rapport de la Direction de l'Amirauté, que l'Amirauté avait adopté et employait tous les moyens pour surveiller la côte depuis l'Elbe jusqu'à Brest et mettre réellement ce blocus à exécution. C'est pourquoi le blocus du mois de mai 1806 fut complet et légitime à son origine, puisqu'il était maintenu, non seulement d'intention, mais aussi de fait, par des forces suffisantes. » 1

107.- La différence essentielle que les cours anglaises font entre un blocus qui a été notifié aux gouvernements neutres et un blocus qui ne le leur a pas été, consiste en ce que les navires dans le premier cas n'ont pas droit d'exiger une notification directe de l'escadre de blocus, avant de pouvoir être capturés comme prise de guerre pour violation du blocus. D'autre part, les tribunaux français sont moins rigides au sujet de la notification directe; car la pratique du gouvernement français est d'enjoindre à ses croiseurs de

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Une version française de cette note a été imprimée dans un mémoire officiel publié à Paris en 1812 et mentionné par M. Hautefeuille, tome II, éd. 1848, p. 257. La même doctrine a été soutenue dans une note des Lords Holland et Auckland, plénipotentiaires anglais, adressée à MM. Monroe et Pinkney, commissaires des Etats-Unis, le 31 décembre 1806. Documents présentés au Parlement en 1808.

2 L'ancienne pratique était plus rigoureuse, à en juger par le règlement du 26 juillet 1778 (Lebeau, tome II, p. 58), aux termes duquel les corsaires français étaient autorisés à capturer tous les navires neutres <«< qui porteraient des secours à des places bloquées, investies ou assiégées»; mais il n'est fait aucune mention d'une notification préliminaire.

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