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droit de sortir librement du même port. Dans le cas du Rose in bloom, Lord Stowell a donné à entendre que si un navire, parti sous pavillon américain d'un port de France bloqué, avait été employé par le consul des États-Unis résidant dans ce port uniquement à rapatrier des marins américains en détresse, destitués de leurs emplois et retenus dans les ports de France par l'arbitraire du pouvoir dominant dans ce pays, ce navire aurait eu droit à être traité avec une grande bienveillance par la puissance bloquante, dont les tribunaux de prises pouvaient raisonnablement, par des motifs d'humanité, envisager ce cas comme une exception à la règle générale.

114.

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Si un navire neutre a violé un blocus en sortant d'un port bloqué, il est regardé comme étant en contravention tant qu'il n'a pas atteint son port de destination et achevé son voyage. Ainsi l'on voit que l'article 3 de l'ordonnance des États-Généraux du 26 juin 1630, dont nous avons fait mention plus haut, prescrit que « les navires revenant des ports de Flandre, à l'exception de ceux qui y ont été entraînés par une nécessité extrême, quoiqu'ils soient rencontrés à une grande distance de ces ports par des navires de l'État sans avoir été précédemment poursuivis par aucun vaisseau de la flotte du blocus, seront confisqués, parce que ces navires sont censés avoir été pris sur le fait tant qu'il n'ont pas achevé leur voyage et ne sont pas arrivés dans quelque port libre ou appartenant à un prince neutre. Ces navires avec leurs chargements ne seront pas en effet passibles de confiscation, s'ils sont arrivés dans un port comme il est indiqué, à moins qu'ils n'aient été poursuivis en sortant des ports de Flandre par quelque vaisseau de guerre et qu'ils ne se soient réfugiés dans le port en

1 The Neptunus, 2. Ch. Rob. p. 110.
The Rose in bloom, 1. Dodson,
p. 58.

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The Weelvaart Van Pillaw, 2. Ch. Rob. p. 128. The General Hamilton, 6 Ch. Rob. p. 61.

Tw.

- II.

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question, qui ne serait ni un port de leur nation ni leur port de destination, et s'ils se sont risqués à reprendre la mer et ont été capturés en haute mer. » Bynkershoek, commentant cette ordonnance des États-Généraux, fait observer que cette exception en faveur d'un navire qui est arrivé dans un port de sa nation, si elle a pour objet d'établir une distinction entre ce port et son port de destination, n'est pas rationnelle. « Un navire anglais », dit-il, « qui, sorti d'un port de Flandre bloqué à destination d'un port danois, cherche refuge dans un port anglais contre la poursuite de l'escadre de blocus, se risque ensuite à reprendre la mer et continue de se diriger vers sa destination primitive, le port danois, est évidemment encore in itinere et ipso actu. » C'est pourquoi Bynkershoek est disposé à interpréter l'ordonnance hollandaise comme accordant l'exemption aux navires qui étaient arrivés dans un port de leur pays comme au terme de leur voyage, et il cite une décision de la Cour de l'Amirauté de Zélande, du 27 janvier 1631, relative à un navire qui avait été acheté par un Ecossais dans le port de Dunkerque, alors bloqué, et qui, s'étant échappé de ce port, était allé chercher un refuge contre les poursuites dans le port d'Yarmouth, qui n'était pas réellement celui de sa destination. Etant sorti d'Yarmouth pour continuer son voyage primitif,ce navire fut capturé en haute mer par un croiseur hollandais et adjugé comme de bonne prise aux capteurs. De même, Lord Stowell, discutant le cas d'un navire prussien qui s'était échappé du port d'Amsterdam, alors sous blocus, et avait été capturé par un croiseur anglais dans les parages de Dungeness, a fait remarquer que, s'il est juste en principe qu'un navire neutre ne soit pas libre de sortir d'un port bloqué avec un chargement, il ne connaissait pas d'autre terme naturel à la contravention que la fin du voyage. «Il serait ridicule de dire: « Si vous pouvez esquiver les forces qui maintiennent le blocus, vous êtes libre »; ce serait une ap

1 Quæstiones jur. publ. Liv. I, Ch. 11.

plication absurde du principe. Si le principe est juste, on doit l'appliquer dans la mesure que j'ai indiquée, car je ne vois pas d'autre point qui puisse lui servir de terme. Étant d'opinion que le principe est juste, je dois soutenir

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que si

un navire qui a enfreint un blocus est capturé à un moment de son voyage, il est pris en flagrant délit et par conséquent passible de confiscation. » Lord Stowell a en outre émis l'avis qu'un navire, qui a commis une infraction au blocus en sortant du port bloqué, n'est pas disculpé de sa contravention par le fait qu'il est entraîné par un gros temps dans un port qui n'est pas son port de destination. « On ne saurait, » dit-il, «‹ à aucun titre considérer un pareil accident comme une interruption du voyage, ou comme une annulation de la pénalité qui a été encourue. »'

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Une exception à la règle : que le délit de violer un blocus en sortant du port bloqué est purgé par le fait de l'arrivée du navire à son port de destination, a été admise par Lord Stowell dans un cas qui était tout à fait nouveau, mais dont l'importance était considérable au point de vue de l'étendue des conséquences qu'il pouvait entraîner. Un navire neutre était bloqué dans le port de Rotterdam; il ne put en sortir que grâce à la tolérance d'une ordonnance anglaise rendue en conseil, qui faisait une exception en faveur des navires à destination des ports neutres. Ce navire sortit avec un chargement, dont la destination apparente était le port neutre de Smyrne; mais dans le cours de son voyage il relâcha à Alicante en Espagne, sous le prétexte qu'il avait besoin de réparations; là, après avoir vendu son chargement, il en prit un autre à bord pour s'en retourner à Copenhague. Dans ce trajet de retour, il fut capturé par un croiseur anglais, et le navire et le chargement furent condamnés comme de bonne prise au bénéfice du capteur. Lord

1 The Weelvaart Van Pillaw, 2 Ch. Rob. p. 130. 2 The General Hamilton, 6 Ch. Rob. p. 62.

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Stowell, en prononçant son jugement dans cette affaire, fit observer: « Que le navire était de fait bloqué dans le port de Rotterdam, d'où il n'avait pu sortir avec un chargement qu'à condition de se rendre dans un port neutre. La permission de se rendre dans un port neutre, si elle est acceptée, implique l'engagement qu'on cherchera bona fide à atteindre cette destination; le navire profite de la tolérance et sort après avoir exprimé l'intention d'agir conformément à l'ordre du conseil; mais, par le fait, il va débarquer son chargement dans un port où l'on ne lui aurait pas permis d'aller, si l'on eût découvert le but réel de son voyage : c'est là incontestablement un acte de perfidie. Or je demande s'il est un autre moyen de faire respecter l'ordonnance et de punir une telle conduite, que l'application de la pénalité au voyage de retour. Tant que le navire n'était pas entré positivement dans un port interdit, rien ne démontrait qu'il fût in delicto ou non. Les croiseurs ne voient rien, il entre; dès lors le délit est consommé, et l'intention est déclarée pour la première fois. C'est seulement quand le navire sort du port interdit que se présente une occasion de venger la loi et de mettre en vigueur la restriction imposée par l'ordonnance du conseil. »1 Ce cas peut être regardé comme analogue sous certains rapports à une violation de blocus par sortie du port bloqué, à la suite de laquelle il n'y a pas occasion d'appliquer une pénalité tant que le navire en contravention ne se risque pas à reprendre la mer. Il est cependant un cas où le délit d'entrer dans un port bloqué peut être purgé avant que le navire sorte, et où le fait de la sortie peut également cesser d'être une cause de condamnation, avant que le navire en contravention ait atteint son port de destination. Ce cas se présente toutes les fois que le blocus même est levé. Dans l'affaire de la Lisette, lord Stowell a fait remarquer qu'il ne connaissait point de cas de la condamnation d'un navire qui eût été saisi pour infrac

The Christianberg, 6. Ch. Rob. p. 381.

tion à un blocus n'existant plus. En pareil cas, la même raison d'agir de rigueur n'existe plus, puisque, le blocus étant levé, la nécessité d'appliquer la pénalité dans le but de prévenir des transgressions ultérieures ne saurait subsister. Après la levée du blocus, un voile est jeté sur tout ce qui a été fait, et le navire n'est plus réputé in delicto.1

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116. Il est de règle générale que le navire et son chargement sont à la fois confiscables pour l'infraction au blocus, et la présomption de droit est que la violation d'un blocus a en vue l'avantage du chargement aussi bien que du navire, et qu'elle se commet avec la sanction des propriétaires de l'un et de l'autre. Cette présomption, à moins qu'elle ne soit repoussée par des papiers trouvés à bord du navire ou au moment de sa capture, est une présomption de droit, præsumptio juris et de jure, qui exclut toute autre preuve contraire. Dans les cas où le navire et le chargement appartiennent aux mêmes personnes, il est évident qu'il ne peut surgir aucune difficulté; car l'acte du capitaine, en tant qu'agent légitime de l'armateur du navire, affecte la responsabilité de son commettant jusqu'à concurrence de la totalité de sa propriété en jeu dans l'affaire.3 Par contre, lorsque le navire et le chargement appartiennent à des personnes différentes, la conclusion rationnelle est que le capitaine du navire ne compromet les intérêts de son bâtiment qu'à l'égard du service du chargement. Il est aussi, en pareils cas, à présumer nécessairement que cela se fait à la connaissance et à l'instigation du propriétaire du chargement; mais il peut arriver que le fait du blocus, étant connu du capitaine d'un navire, ne le soit pas du propriétaire du chargement; ainsi, par exemple, un navire peut

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The Lisette, 6. Ch. Rob. p. 392.

The Alexander, 4. Ch. Rob. p. 93.

The Columbia, 1. Ch. Rob. p. 154, confirmé sur appel le 12 août 1801.

The Adonis,5. Ch. Rob. p. 261. The Alexander,4. Ch. Rob. p. 93.

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