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avoir commencé son voyage lorsque le blocus du port de sa destination n'existait pas ou n'était pas connu des propriétaires du chargement; et il peut se faire que le capitaine, ayant été informé du blocus dans le cours de son voyage ou en ayant été prévenu à l'entrée du port bloqué, ait persisté à continuer sa marche vers sa destination primitive. Dans ce cas le consentement du propriétaire du chargement à la violation du blocus ne saurait être mis en cause. On peut supposer encore d'autres cas: celui, par exemple, où un navire a été expédié sur lest pour aller chercher un chargement dans un port qui vient à être mis sous blocus après qu'il y est entré, le propriétaire du chargement n'ayant eu aucune occasion de s'assurer du fait du blocus de façon à pouvoir contremander l'embarquement de son chargement. En pareil cas, lord Stowell émet l'opinion qu'il serait dur de rendre les propriétaires du chargement responsables de l'acte de leurs agents dans le port bloqué, attendu que ceux-ci ne sont pas dans la même situation que d'autres agents. Ils n'ont pas seulement un intérêt différent, mais même un intérêt opposé à celui de la partie principale, leur mandant; cet intérêt consiste à remplir la commission à tout risque aussi promptement que possible, à leur avantage privé et au mieux des intérêts de leur pays, dans un semblable moment sous une pression particulière relativement à l'exportation de ses produits. On admettra volontiers que cette circonstance impose à l'impartialité de la cour l'obligation de ne pas tenir trop strictement, par application pure et simple des principes généraux, le commettant responsable des actes d'un agent, qui peut être guidé par des intérêts différents de ceux de la personne dont il a le mandat. 3

117.

L'étendue des côtes à laquelle le blocus des

1 The Adonis, 5 Ch. Rob. p. 262.
2 The Neptunus, 3 Ch. Rob. p. 173.
The Neptunus, 3 Ch. Rob. p. 177.

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The Adelaide. Ibid. p. 281.

ports ennemis puisse s'appliquer n'a pas d'autre limite que la limite naturelle de forces suffisantes pour maintenir le blocus réel et effectif. Le gouvernement anglais, en 1806, déclara bloqués tous les ports du continent européen depuis Brest jusqu'à l'Elbe. Dans une note circulaire, portant la date du 16 mai 1806, qu'il adressa aux ministres des gouvernements neutres résidant alors à Londres, M. Fox, secrétaire d'État d'Angleterre pour les affaires étrangères, annonçait que la prise en considération de la nouvelle méthode adoptée par l'ennemi pour l'interruption du commerce anglais avait déterminé le gouvernement anglais à ordonner de mettre en état de blocus toutes les côtes, toutes les rivières et tous les ports depuis l'Elbe jusqu'à Brest inclusivement, et qu'en conséquence ces rivières et ces ports. devaient être considérés comme bloqués réellement. >> Toutefois le gouvernement anglais déclarait que le blocus ne serait notifié aux gouvernements étrangers qu'après que les mesures nécessaires pour le rendre effectif auraient été prises par l'Amirauté britannique, et que le blocus serait maintenu par des forces suffisantes pour rendre manifestement dangereuse l'entrée dans les ports situés sur la ligne de côtes comprise dans les limites bloquées. Si l'on doit admettre, en effet, que ces conditions aient été remplies, il ne peut y avoir de doute que la légitimité du blocus n'ait été en rien affectée par la grande étendue de côtes sur laquelle il était maintenu. Dans la guerre que les États-Unis d'Amérique firent contre le Mexique en 1846, le commodore Stockton déclara en état de blocus tous les ports, tous les havres, toutes les baies, toutes les bouches de rivières, toutes les passes sur la côte occidentale du Mexique au sud de San Diego. Le gouvernement anglais objecta qu'une pareille manière d'agir n'équiva'ait guère qu'à un blocus sur le pa

Oke Manning's Law of nations, p. 332.

2

*Note présentée par M. Forster, ministre anglais, au gouvernement des Etats-Unis en 1807. - Hautefeuille, Des nations neutres,T. II. p. 257, éd. Paris, 1848.

pier; en réponse, le gouvernement des États-Unis, tout en n'exprimant point de doute relativement à son droit de maintenir un blocus si étendu, déclara néanmoins qu'aucun des ports de la côte occidentale compris dans la notification générale du commodore Stockton ne serait regardé comme bloqué qu'à moins qu'il n'existât des forces suffisantes pour en interdire l'accès, soit que ces forces fussent présentes pour le moment, soit qu'elles en fussent empêchées temporairement par un gros temps avec l'intention de revenir.1 Dans la guerre déclarée le 28 mars 1854 à la Russie par les trois puissances alliées, la Grande-Bretagne, la France et la Porte Ottomane, les flottes combinées de la Grande-Bretagne et de la France établirent le blocus de tous les ports russes sur la mer Baltique et dans les golfes de Finlande et de Bothnie. De même, dans la guerre plus récente soutenue par les États-Unis d'Amérique contre les États qui s'étaient détachés de l'Union fédérale en 1861 pour se former en Confédération d'États sous le nom d'États confédérés d'Amérique, le gouvernement des États-Unis établit le blocus sur tous les ports du littoral maritime des États Confédérés ; et ce blocus fut mis en vigueur contre tous les navires neutres qui s'approchaient de ce littoral, avec la même rigueur que l'on a droit d'appliquer, d'après le droit des gens, au blocus d'un port isolé.

D'autre part, les pénalités pour infraction au blocus ne sont applicables qu'aux navires qui font le commerce avec les ports de la côte bloquée. Elles ne le sont pas aux navires qui portent des chargements dans des ports reliés aux ports bloqués par des communications par eau situées dans l'intérieur des terres, ni aux navires qui portent des chargements dans des ports d'où ces chargements doivent être

1 Note de M. Buchanan, du 29 décembre 1846, à Sir Richard Pakenham, avec pièces jointes. Correspondance avec le gouvernement des Etats-Unis concernant le blocus, présentée au Parlement de la GrandeBretagne, d'ordre de Sa Majesté, 1861.

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expédiés par terre aux ports bloqués. Ainsi Lord Stowell décida qu'un navire qui portait à Rotterdam ou à Emden des marchandises ayant pour destination ultérieure Amstersdam, qu'on pouvait atteindre par terre ou par un canal de l'intérieur, ne commettrait point une infraction au blocus d'Amsterdam. Une escadre de blocus ne peut appliquer ses forces à un port bloqué que du côté de la mer. Les communications intérieures d'un pays sont hors de sa portée et nullement assujetties à ses opérations.

Dans le cours de la troisième année de la guerre civile américaine, c'est-à-dire dans le mois de février 1863, surgit une question qui est d'un intérêt universel pour le commerce neutre en temps de guerre, et comme conséquence de laquelle, si le jugement de la cour suprême des États-Unis doit être traité avec le respect qu'on a jusqu'ici accordé à ce tribunal illustre, et si la décision qu'il a rendue dans l'espèce doit être acceptée généralement comme un précédent, il est fort à craindre que le commerce des neutres ne soit à l'avenir assujetti aux exigences des belligérants jusqu'à un point où il ne l'avait jamais été auparavant, et dans une pour emprunter les expressions même d'un éminent jurisconsulte américain, M. William M. Evarts, ancien secrétaire d'État des États-Unis, << intolérable pour leurs intérêts et pour leur amour-propre. »

mesure

On sait qu'un bâtiment anglais nommé le Springbok, qui était parti de Londres le 8 décembre 1862, se rendant à Nassau, capitale de la Nouvelle Providence, une des îles Bahamas, traversait l'Océan Atlantique, et se trouvait le 3 février 1863 à la distance d'environ 150 milles à l'est de Nassau, lorsqu'il fut saisi par le croiseur des États-Unis Sonoma et emmené comme prise dans le port de New York. Il passa en jugement devant la cour de district, et le bâtiment et son chargement furent condamnés comme de bonne prise par

The Jonge Pieter, Ch. Rob. p. 83.

1 The Ocean, 3 Ch. Rob. p 298.
The Frau Margaretha, 6 Ch. Rob. p. 92.

une décision de cette cour. Le jugement fut rendu par l'honorable Samuel R. Betts, juge de la cour de district du district sud de New York. En voici la teneur :

<< Cour de district des États-Unis.

« Les États-Unis contre la barque Springbok et son chargement.

<< Dans ce procès, après avoir entendu les plaidoyers, les preuves et les allégations des parties, ainsi que les précédents qui s'y rapportent déduits d'autres cas, et après avoir examiné à fond les prémisses, la Cour ayant trouvé que ledit bâtiment, au moment de sa capture en mer, était sciemment chargé, en tout ou en partie, d'articles de contrebande de guerre, dans l'intention de livrer ces articles pour l'aide et l'usage de l'ennemi; que la véritable destination du dit bâtiment et de son chargement n'était pas Nassau, port neutre, pour y faire du commerce, mais quelque port légitimement bloqué par les forces des États-Unis et avec intention de violer ce blocus, et, de plus, que les papiers du dit navire étaient simulés et faux, en conséquence la condamnation et la confiscation du bâtiment et du chargement sont prononcées. Il est ordonné qu'un arrêt soit rendu en conformité. »

Il ne saurait y avoir d'incertitude sur la loi applicable à cette affaire, si l'on admet que les faits justifiaient les conclusions du savant juge, aboutissant à affirmer que le navire était à destination d'un port bloqué et que ses papiers de bord étaient simulés et faux. Cependant les propriétaires du navire et du chargement appelèrent du jugement de la cour de district de New York à la Cour Suprême des ÉtatsUnis. Cette haute cour envisagea les faits de la cause sous un point de vue tout-à-fait différent et décida que le navire devait être relâché, étant convaincu qu'il était à destination de Nassau, où son voyage devait se terminer, et que ses papiers de bord étaient authentiques et en règle.

Voici comment s'exprimait la Cour Suprême (Wallace, Cases before the Supreme Court, V, p. 21):

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