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ont parfois été omis dans le catalogue de la contrebande de guerre inséré dans des traités de commerce, où la restriction imposée au commerce neutre résultant du classement de ces denrées parmi les articles de contrebande n'aurait pas eu des inconvénients réciproques pour les deux parties belligérantes. Ainsi, dans les discussions diplomatiques préliminaires du traité de 1661,' l'ambassadeur de Suède prétendit d'abord « qu'en Finlande la poix et le goudron étaient les principales denrées, que les habitants en avaient de grandes quantités, et que s'ils ne les vendaient pas dans l'année, le pays ne pourrait pas subsister; que, de plus, ces denrées ne pouvaient durer plus d'un an dans les tonneaux où elles étaient renfermées; mais qu'en raison de leur grande force de fermentation, si on les y gardait plus longtemps, elles briseraient les cercles des tonneaux et seraient perdues; qu'enfin, si l'on mettait la moindre entrave à la vente de ces denrées en quelque endroit que ce fût, les habitants de la Finlande se croiraient ruinés, et leur commerce éprouverait un grand préjudice. » Il insista ensuite sur ce que, lors de la conclusion du traité d'Upsal le 9 mai 1654, « il avait été accordé que ces denrées ne seraient pas regardées comme contrebande. >> En réponse, M. Whitelock, négociateur du traité d'Upsal, reconnut que lorsqu'il était en Suède, comme à ce moment-là l'Angleterre était en guerre avec les Hollandais, il n'avait pas insisté pour faire inscrire la poix et d'autres produits analogues parmi les marchandises de contrebande, mais plutôt pour empêcher qu'elles fussent considérées comme telles; «et je donnais», dit-il, «pour raison que les Hollandais pouvaient, malgré cela, se procurer ces objets au moyen de petits navires qui les apportaient à Hambourg, ou les faire venir de Lubeck, en faisant la majeure partie du trajet par eau jusqu'à Hambourg, puis de Hambourg dans des navires qui pourraient leur faire descendre

'Whitelock, Memorials, may 1656. Hertslet, I, p. 310.

l'Elbe, et de là par les Flats, qui sont des bas-fonds couverts de sable sur la côte de Brême, et successivement jusqu'en Hollande, sans entrer un seul instant dans la mer ouverte, ou courir le danger de rencontrer nos navires, qui ne pourraient s'engager dans ces Flats ou empêcher les Hollandais de recevoir ces denrées. Mais, d'autre part, ces denrées ne pouvaient être apportées en Angleterre que par la pleine mer, où elles étaient exposées au danger d'être interceptées par nos ennemis; et si j'avais consenti à les laisser classer parmi les marchandises de contrebande, je pensais que j'aurais ainsi empêché l'Angleterre de s'en procurer, sans en empêcher nos ennemis. Mais maintenant, ai-je dit, notre guerre avec l'Espagne a matériellement changé la situation; car nos ennemis ne pouvaient plus recevoir ces denrées que par la pleine mer, où c'est nous qui devons les apporter, et nous devons en surveiller le transport. »>

148. En l'absence d'engagements conventionnels aux termes desquels les navires sont énumérés parmi les articles dont le transport en pays ennemi est prohibé, le doute s'est élevé quelquefois relativement au transport dans un port ennemi, pour y être vendus, de navires que leur construction permet d'adapter facilement à des usages de guerre. Quand il était prouvé que l'armateur neutre savait que son navire était particulièrement apte à faire la guerre et qu'il se rendait ouvertement avec lui dans le pays ennemi avec l'intention ou l'espoir de le vendre à l'ennemi pour être employé comme navire de guerre, Lord Stowell n'hésitait pas à condamner le navire comme contrebande de guerre.1 La même manière de voir avait été adoptée par les Lords de la cour d'appel le 27 juillet 1804, dans le cas du Brutus, navire récemment construit à Salisbury, dans l'État de Massachusetts: percé pour recevoir quatorze canons, il n'en avait que deux tout montés, pour le défendre, ainsi que le prétendaient

1 The Richmond, 5, Ch. Rob., p. 331, 7 décembre 1804.

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ses propriétaires, contre les corsaires français. Dans un premier voyage, il avait été envoyé à la Havane, où son capitaine avait ordre de le vendre; il fut pris et condamné comme contrebande de guerre par la cour de la vice-amirauté de Halifax.'Les Lords basèrent la condamnation du navire comme contrebande de guerre, sur ce que ce navire, comme l'établissait clairement le rapport des inspecteurs, avait été construit pour usages de guerre et non de paix, et allait être vendu à l'ennemi. Par contre, dans un autre cas où le caractère du navire était équivoque, attendu qu'il avait été dans le principe employé réellement à faire du commerce et que l'occasion de le vendre avait surgi de circonstances accompagnant son emploi au commerce, les Lords décidèrent la restitution. La bonne foi du commerçant a même fait exempter de confiscation un navire qui avait d'abord été employé à des usages de guerre, mais en avait été retiré. Tel fut le cas du Corbeau (Jennings), qui, primitivement corsaire français, avait été condamné comme tel à New-York; mais il paraît que l'acquéreur l'avait acheté pour en faire un navire marchand; cependant, après avoir fait tous ses efforts pour l'adapter à ce service, n'ayant pu y réussir, il avait manifesté l'intention de le vendre de nouveau. Les Lords cassèrent le jugement de la cour de la vice-amirauté des Buhamas et décrétèrent la restitution. Il paraît résulter des différents jugements de la plus haute cour anglaise de prises que, tout en maintenant le principe qui consiste à considérer le transport de navires de guerre à l'ennemi comme un fait de contrebande, ils en ont strictement limité l'application aux cas dans lesquels il n'existait pas de doute sur le caractère des navires, ou sur l'usage pour lequel on proposait de les vendre.

149. Selon le droit ancien de l'Europe, le transport de

1 The Brutus, 5, Ch. Rob. Appendix, p. 1.

* Fanny Ingraham, 24 mars 1804. Neptune, Gibbs, 18 juillet 1804.

Tw. II.

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contrebande de guerre dans un port ennemi entraînait la confiscation du navire, et l'on ne peut dire, comme l'a fait justement observer Lord Stowell,' que cette punition fût injuste ou ne fût pas justifiée par les analogies du droit, car l'armateur du navire l'avait employé à un commerce illicite. Dans la proclamation publiée par le roi Charles I en 1625 et ayant pour objet d'avertir les neutres de ne pas fournir au roi d'Espagne et à ses sujets des provisions pour navires, ou des munitions de guerre, ou des vivres, il était déclaré que « si une personne quelconque, trois mois après la publication des présentes, était par quelqu'un des navires de Sa Majesté ou des navires de ses sujets autorisés à cet effet, prise faisant voile vers les places susdites, ayant à bord quelqu'une des choses susdites, ou en revenant par le même voyage, après s'être défaite par vente ou autrement des dites marchandises prohibées, Sa Majesté considèrerait les navires et les marchandises ainsi capturés comme étant de bonne prise, et les ferait adjuger comme duement confisqués; or en cela Sa Majesté ne met en pratique aucune innovation, puisque la même ligne de conduite a été suivie, et les mêmes peines ont été jusqu'à présent infligées par d'autres États et Princes dans les occasions semblables, reconnues et soutenues par des argumentations et des écrits publics.» Cette règle paraît avoir été modifiée à l'égard du voyage de retour dès l'année 1672; car on cite, comme une des opinions émises par sir Robert Wiseman, avocat général du Roi, 3 que « rien n'est confisqué que ce qui est pris allant à l'ennemi; car après que les marchandises de contrebande auront été livrées, ni le navire ni le produit des marchandises de contrebande ne seront, à leur retour, passibles comme tels de confiscation, et encore moins aucune autre chose chargée à bord du navire ne sera confisquée. » D'autre part, le même jurisconsulte

The Ringende, Jacob, 1, Ch. Rob., p. 91.

Rymer, Fœdera, T. XVIII, p. 856. Robinson's Collectanea marıp. 66. 3 Pratt, On contraband of war, p. 255.

tima,

éminent émet l'avis que « selon le droit des gens un navire qui porte des marchandises de contrebande ne rend passibles de confiscation que lui-même et les dites marchandises de contrebande, mais non le surplus des autres marchandises qui ne sont pas de contrebande. » Il semble cependant que, suivant la pratique moderne des cours anglaises de prises, ainsi que l'a exposé Lord Stowell, une règle moins rigoureuse a été adoptée le transport d'articles de contrebande entraîne seulement la perte du fret et des dépenses, sauf le cas où le navire appartient au propriétaire de la cargaison de contrebande, ou bien lorsque le simple méfait de transporter un chargement de contrebande se rattache à d'autres circonstances répréhensibles. L'application d'une règle moins rigoureuse date du commencement du dix-huitième siècle, car nous voyons insérer dans le 26 article du traité conclu entre la France et la Grande-Bretagne à Utrecht en 1713 une exception en faveur du navire même, ainsi que des autres marchandises trouvées à bord,lesquelles devaient être regardées comme libres et ne pas être confisquées comme de bonne prise, quoique cette partie du chargement se composât de marchandises déclarées par ce traité être de la contrebande et par conséquent passibles de confiscation. Toutefois, pour que le navire soit exempté de confiscation, il faut que l'armateur du navire et le capitaine qui le représente agissent avec la plus parfaite bonne foi; car de faux papiers indiquant une destination soi-disant neutre entraînent la confiscation du navire, ainsi que de la cargaison. Il

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1 Bynkershoek défend fortement la rigueur de l'ancien droit : « Publicabam quoque naves amicas, si scientibus dominis contrabanda ad hostes deferrent; et nisi pacta impediant, omnino publicandæ sunt, quia earum domini operantur rei illicitæ. Quæst. juris public., L. I, c. 1, Grotius et Loccenius distinguent le cas où l'armateur du navire a une part dans la cargaison de contrebande, et dans ce cas ils sont d'avis que le navire doit être confisqué; mais lorsque la nature de contrebande du chargement est inconnue de l'armateur. la confiscation du navire ne doit pas suivre la condamnation du chargement.

The Sarah Christina, 1, Ch. Rob.,

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