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sujets se livrer à un commerce passif de ces mêmes objets, c'est-à-dire qui permet à tous les belligérants indistinctement de venir les acheter sur son territoire pour les transporter ensuite où bon leur semble, à leurs frais et à leurs risques, sur leurs propres navires, ne fait pas autre chose que laisser s'accomplir un acte licite; on ne peut pas dire qu'il prenne part à la guerre, parce qu'il laisse l'entrée de ses ports libre, et conserve à toutes les nations le droit qu'elles avaient avant la guerre, d'y entrer avec leurs bâtiments marchands pour s'y approvisionner, par la voie du commerce, des marchandises dont elles ont besoin; les vendeurs euxmêmes ne sont pas responsables de l'usage qui sera fait de ces marchandises; ils ne sont tenus de connaître ni pour qui elles sont achevées, ni la destination qu'on leur réserve».

Le Chancelier Kent fait remarquer, dans un but analogue,' que « la nation française a prétendu en 17962 que les gouvernements neutres étaient tenus d'empêcher leurs sujets de vendre ou d'exporter des articles de contrebande de guerre aux puissances belligérantes; mais les États-Unis ont victorieusement démontré que les neutres peuvent licitement vendre chez eux à un acheteur belligérant, ou porter euxmêmes des articles de contrebande, soumis au droit de saisie in transitu. Depuis, ce droit a été explicitement reconnu par les autorités judiciaires de ce pays.

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'Kent's Commentaries. T. I, p. 142. Santissima Trinidad, 7, Wheaton, p. 783. Richardson v. Marine Insur. Company, 6. Mass. Rep. 113, Lettre de M. Adet à M. Pickering, 11 mars 1796.

3 Les jugements de la Cour suprême des Etats-Unis avaient été précédés par l'opinion émise par l'avocat général des États-Unis le 20 janvier 1796, déclarant que « si, individuellement, les citoyens des États-Unis font un commerce de contrebande avec l'une ou l'autre des puissances belligérantes, ni l'une ni l'autre ne peuvent en faire un grief contre le gouvernement de la nation neutre en l'accusant de déroger à la neutralité; et qu'on ne considère pas comme un devoir imposé à une nation par l'état de neutralité d'empêcher ses marins de s'employer à un commerce de contrebande; et il n'y a pas de cas à citer où une nation neutre ait exercé ou tenté d'exercer son autorité en empêchant des pratiques ou des usages de ce genre. » Opinions of the Attorney general (des États-Unis), vol. I, éd. 1852, p. 62.

CHAPITRE VIII

DU CARACTÈRE ENNEMI.

152. Le domicile, critérium du caractère national pour les fins de la guerre. 153. La résidence permanente constitue le domicile. 154. Un domicile acquis peut être abandonné au début de la guerre. - 155. Le caractère de la propriété n'est pas toujours identique avec le caractère de son possesseur. 156. Le caractère ennemi peut être en quelque sorte enté sub modo sur le caractère neutre. — 157. Distinction entre les ennemis de fait et les ennemis de droit. 158. Emploi de la propriété neutre au service d'un État belligérant. - 159. Le caractère mercantile n'est pas affecté par le caractère consulaire. - 160. Le caractère des produits des propriétés foncières dépend du caractère du pays et non de celui des possesseurs. L'île de Sainte-Croix. La ville de Hambourg. L'île de Corfou. - 161. Traités de cession. La Louisiane Traité de Tilsitt. Les Sept-Iles. — 162. Le caractère de la propriété ne peut être changé dans le trajet en pleine mer. — 163. Exceptions concernant les opérations de commerce de bonne foi commencées originairement en temps de paix. 164. Le caractère ennemi peut être attribué à des places occupées par un ennemi. — 165. Des places occupées par un allié peuvent être dépouillées du carac· tère ennemi.

152.

Lorsqu'une puissance souveraine est en guerre avec une autre puissance souveraine, tous les sujets de facto de l'une de ces puissances sont les ennemis de jure de l'autre, et les obligations juridiques d'amitié qui existent entre eux comme individus sont suspendues pendant la durée de la guerre. Il ne s'ensuit pas cependant, selon la pratique moderne des nations, que tous les sujets de naissance d'une puissance belligérante soient ennemis de facto de l'autre puissance. L'usage était anciennement que, dans les déclarations formelles de guerre, la puissance souveraine qui déclarait la guerre enjoignait à tous ses sujets de traiter en en

nemis tous les sujets de la puissance ennemie, en d'autres termes enjoignait à toutes les personnes qui lui devaient allégeance de traiter en ennemis toutes les personnes qui devaient allégeance à la puissance ennemie. Mais du moment que le principe de la souveraineté territoriale a été reconnu par les nations de l'Europe comme base pour régler leurs relations mutuelles en tant que nations, on en est venu à envisager au point de vue territorial le caractère de l'individu pour accomplir les fins internationales, et l'allégeance personnelle a cessé d'être le critérium absolu du caractère ennemi. Sous le régime féodal, les hommes pris individuellement étaient tenus, en vertu de leurs relations personnelles à l'égard de leur seigneur, de traiter comme des ennemis tous ceux qui étaient ennemis de ce seigneur; tandis que, suivant la théorie territoriale, le caractère de sujets ennemis est censé attaché à ceux qui occupent le territoire d'un ennemi; car tous les individus qui occupent le territoire d'un souverain belligérant sont regardés comme ses sujets de facto et sont par conséquent ennemis de jure de l'autre belligérant. D'après ce système de droit public,le domicile est devenu le critérium du caractère national pour les fins de la guerre ; en conséquence tous les sujets de naissance d'une puissance belligérante qui ont abandonné leur pays natal et acquis un domicile dans un pays neutre avant que les hostilités aient commencé, ont complètement assumé le caractère de sujets neutres, exactement comme tout sujet de naissance d'une puissance neutre a assumé le caractère de sujet ennemi par le fait d'une résidence prolongée avec l'intention de demeurer dans le territoire ennemi.

Le principe du domicile territorial est si fortement lié à l'application du droit de prise, que même entre une puissance souveraine et son sujet de naissance le domicile neutre peut être invoqué en temps de guerre comme contrebalançant le principe de l'allégeance naturelle. Ainsi les Lords de la Cour d'appel ont décidé qu'un sujet anglais de naissance, résidant au comptoir anglais de Lisbonne, possédait suffi

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samment le caractère de sujet portugais pour que le commerce qu'il faisait avec la Hollande (alors en guerre avec l'Angleterre, mais non avec le Portugal) ne pût être incriminé comme commerce illicite.1 C'est d'après le même principe que Lord Stowell a jugé qu'un sujet anglais de naissance domicilié aux États-Unis, qui s'était dépouillé de son caractère de sujet anglais autant qu'il l'avait pu de sa propre volonté et par ses actes, n'avait pas droit d'être regardé comme sujet anglais et d'être, à ce titre, admis au bénéfice d'un ordre en Conseil enjoignant la restitution de tous les navires sous pavillon des États-Unis d'Amérique, qui étaient, de bonne foi et totalement, la propriété de sujets anglais. De même une personne qui était sujet anglais de naissance, mais était devenue sujet français naturalisé et dont la propriété avait été confisquée par le gouvernement français, a été considérée comme ne rentrant pas dans les dispositions du traité conclu entre la France et la Grande-Bretagne, aux termes duquel une compensation était accordée aux sujets anglais. Par contre un étranger,qui était réellement domicilié en Angleterre lors de la confiscation de sa propriété par le gouvernement français, a été jugé avoir droit à réclamer une compensation pour ses pertes en vertu du traité qui stipulait pareille compensation au profit des sujets anglais.*

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153. Il existe une différence essentielle entre le caractère national pour les fins municipales et le caractère national pour les fins internationales. Tout État indépendant est compétent pour décider d'une manière absolue des conditions auxquelles les individus doivent jouir des avantages d'être membres de l'État ; et il peut accorder à des person

1 The Danous, 17 mars 1802, note à The Nayade, 4, Ch. Rob. p. 256. 3 The Ann, 1 Dodson, p. 221.

3 Observation de Sir William Grant dans le cas de Devereux, dans une note au cas de Drummond, 2 Knapp, p. 301.

Cas d'André, dans une note au cas de la comtesse de Conway, 2 Knapp, p. 365.

nes nées dans des pays étrangers, avec plus ou moins de restrictions, les mêmes avantages qu'il accorde aux natifs, sans qu'il soit besoin du consentement d'un autre État. Par conséquent le droit de naturaliser un sujet de naissance d'un autre État est réclamé et exercé par toutes les puissances indépendantes sans égard au droit municipal de l'État particulier sur le territoire duquel l'individu peut être né; mais cette naturalisation ne détermine pas le caractère national de l'individu pour les fins internationales. D'abord il ne relève pas l'individu de ses obligations d'allégeance naturelle envers son pays d'origine; car l'individu ne peut être relevé de ces obligations qu'avec le consentement du souverain auquel cette allégeance est due; en d'autres termes, la naturalisation d'un individu par un État étranger peut avoir pour effet de donner à l'individu naturalisé tous les privilèges d'un sujet de naissance dans le territoire de l'État même; mais elle est impuissante à rompre ses relations antérieures avec son pays d'origine. Ces relations peuvent, il est vrai, en pareil cas,ètre détruites ipso facto en vertu des dispositions du droit municipal de son pays d'origine; mais encore une fois la destruction de ces relations en vertu de ce droit n'a pas nécessairement d'effet au delà du territoire où ce droit prédomine. Par exemple, une tierce nation pourrait décréter que la nationalité de tous les étrangers qui viendront dans les limites de sa juridiction sera déterminée par leur origine, et non d'après aucun autre critérium quel qu'il soit. Dans ces circonstances un individu sujet autrichien d'origine et naturalisé en France, où par suite, en vertu du droit français, il aurait acquis tous les droits d'un sujet français de naissance, tandis que, selon le droit autrichien, il aurait perdu en Autriche tous les droits d'un sujet autrichien de naissance, pourrait être jugé par les tribunaux d'une tierce puissance comme revêtu dans son territoire de la nationalité autrichienne en raison de son origine. Autre cas: une nation peut, dans ses lois municipales, n'avoir pris aucune disposition pour distinguer la situation (le status)

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