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comme prise légitime à la Couronne, et, par suite de cette décision, la loi concernant les prises est mise à exécution et transfère l'intérêt de la Couronne, après jugement, aux cap

teurs.

171. Comme les lois concernant les prises attribuent aux capteurs l'intérêt de la Couronne seulement après que la capture a été jugée être bonne prise de guerre, la Couronne a la faculté, à n'importe quel moment avant le jugement, de renoncer à son intérêt dans la capture et de le faire transférer entièrement aux réclamants, même après que les capteurs ont engagé une action en légitimation de prise. <«<La prise », dit Lord Stowell, « est une création de la Couronne. Personne n'y a ou ne peut y avoir d'intérêt que celui qu'on reçoit en pur don de la Couronne. En dehors de l'étendue de ce don personne n'a rien. Tel est le principe de la loi à ce sujet, principe fondé sur les raisons les plus sages. Le droit de faire la guerre et la paix appartient exclusivement à la Couronne. Les acquisitions faites pendant la guerre appartiennent à la Couronne, et le mode de disposer de ces acquisitions peut être de la plus haute importance pour le but de la guerre et de la paix. Ce n'est pas là une doctrine particulière de notre constitution; c'est accepté universellement comme un principe de jurisprudence publique par tous les auteurs qui ont écrit à ce sujet. Parta bello cedunt reipublicæ. » Lord Stowell était d'opinion en conséquence que, comme la loi concernant les prises et la proclamation royale ne donnent la propriété aux capteurs effectifs qu'après jugement définitif, la Couronne pouvait, à n'importe quel moment avant le jugement, déclarer que la propriété qui avait été saisie en vertu de l'ordonnance générale de représailles ne devait pas être traitée judiciairement comme propriété ennemie, et qu'elle pouvait en ordonner la relaxation. La pratique en de telles occasions, antérieure

The Elsebe, 5, Ch. Rob. p. 184.

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- II.

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ment à la loi de 1708 concernant les prises, semble avoit consisté en ce que la Couronne édictait un ordre en conseil enjoignant la relaxation de la propriété saisie.1 Mais, postérieurement à 1708, il paraîtrait que les Lords de l'Amirauté avaient adopté la coutume d'adresser aux capteurs personnellement un ordre de relaxation de la propriété capturée par eux.

172. La capture d'un navire est complète à l'égard des belligérants lorsque la reddition a eu lieu et que tout espoir de rescousse (spes recuperandi) a cessé. Mais relativement à l'application, entre le propriétaire d'origine du navire et d'une tierce personne, du droit de postliminie dans le cas de reprise du navire; ou relativement à l'exercice par le capteur du droit de disposer du navire en faveur d'un tiers par vente ou autrement, il a été établi des règles positives les unes, fondées en équité, ayant pour résultat l'exercice du droit de postliminie en faveur du propriétaire d'origine; les autres, comme mesures d'ordre ou de prudence, ayant pour objet d'empêcher la conversion irrégulière de la propriété avant qu'il ait été constaté qu'elle a été acquise légitimenent jure belli. Le Consulat de la mer renferme une disposition 2 portant que si un navire avec son chargement, qui avait été capturé par l'ennemi, a été repris par un navire ami, le recapteur doit rendre le navire et le chargement à ceux qui sont à bord, si l'on y trouve encore des personnes vivantes; mais en pareil cas le recapteur doit recevoir une indemnité de sauvetage pour sa peine et pour les dommages qu'il peut avoir éprouvés. Mais cette disposition s'applique uniquement aux cas où le recapteur a repris sa prise dans la juridiction et dans les eaux du pays auquel le navire appartient, ou bien dans une rade où les

1 Divers exemples d'ordres de ce genre sont cités dans une note jointe au cas de l'Elsebe, 5, Ch. Rob. p. 189.

2 Coutumes de la mer, ch. 245, « D'un navire pris et recouvré, » Pardessus, Lois maritimes, III, p. 338.

capteurs n'ont pas encore amarré leur prise, c'est-à-dire ne l'ont pas mise en sûreté; autrement, si la prise a été déjà transportée en lieu de sûreté par les capteurs, ce n'est pas simplement un cas à indemnité de sauvetage; au contraire, il n'est que juste que le navire avec son chargement doive appartenir aux recapteurs. Tel est le langage du Consulat de la mer au sujet de la reprise des navires et de leurs chargements; et telle paraît avoir été l'ancienne loi concernant les prises maritimes chez les nations de l'Europe, suivant le principe de droit romain, applicable aux personnes prises par l'ennemi antequam in præsidia perducatur hostium, manet civis « Dans cette question de la guerre, » dit Grotius, «< il est convenu aux nations que celui-là soit considéré comme s'étant emparé d'une chose, qui la détient de telle façon que l'autre ait perdu l'espérance probable de la recouvrer, ou que la chose soit à couvert de toute poursuite, suivant l'expression de Pomponius dans une question semblable. Cela a lieu, en matière de choses mobilières, de telle manière qu'elles sont dites prises, lorsqu'elles ont été conduites dans l'intérieur des limites, c'est-à-dire des places des ennemis. » 2

173. — « Or, suivant ce droit des gens », ajoute Grotius, « la règle a été la même pour l'homme et pour la chose d'où il est facile de comprendre que ce qui est dit ailleurs que les choses prises deviennent aussitôt la propriété de ceux qui s'en sont emparés, doit s'entendre sous une certaine condition, savoir de continuer la possession jusqu'à ce qu'elles soient conduites dans les places des ennemis (infra præsidia). Il paraît s'ensuivre que sur mer les vaisseaux et les autres choses ne sont censés capturés que lorsqu'ils ont été conduits dans les havres ou les ports de l'ennemi, ou au lieu où se tient toute sa flotte; car alors on com

Digest, L. XLIX, tit. XV, Ch. V, § 1.
De jure b. etp. Liv. III, Ch. VI, § III. 1.

mence à désespérer de les recouvrer. Mais nous voyons qu'il a été introduit, par un droit des gens plus récent parmi les peuples européens, que de telles choses soient censées prises, lorsqu'elles ont été au pouvoir des ennemis pendant 24 heures.» Lord Stowell, abondant dans le même sens, s'exprime ainsi : « On ne saurait oublier que, d'après l'ancien droit européen, le fait de perductio infra præsidia, infra locum tutum, suffisait pour changer la propriété ; et que, selon une loi postérieure, une possession de vingt-quatre heures par un autre suffisait pour déposséder le premier propriétaire. » La règle que la possession continue d'un navire avec son chargement par l'ennemi pendant vingt-quatre heures exclut le propriétaire d'origine de l'exercice du droit de postliminie, ou, en d'autres termes, le prive de tout droit à réclamer la possession de son ci-devant navire avec son chargement, en payant une indemnité de sauvetage militaire au recapteur, ou, comme dit Bynkershoek, salvo servaticio, paraît avoir été empruntée à la législation des Lombards et établie par analogie du terme de vingt-quatre heures, qui était, non sans raison, la limite du laps de temps pendant lequel un chasseur qui avait blessé une bète pouvait en recouvrer la possession, si la bête avait été prise par une autre personne. On peut dire que cette règle fut généralement reconnue chez les nations de l'Europe jusqu'au milieu du dix-septième siècle. Albéric Gentil en parle comme d'une loi de la Castille à son époque, et c'est aujourd'hui une loi du royaume d'Espagne. Lord Stair, dans ses décisions, dit que c'est la règle du droit en Écosse. Valin rapporte qu'une

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Ibid., Lib, III, Ch. VI, § 11, 2.

2 The Ceylon, 1 Dodson, p. 116.

3 Si cervus aut quælibet fera ab aliquo homine sagittata fuerit tamdiu illius esse intelligetur qui eam sagittaverit aut vulneraverit, usque ad aliam talem horam diei aut noctis, quæ sunt horæ viginti quatuor, quando eam postposuerit, et se ab ca tornaverit; nam qui eam post transactus horas prædictas invenerit, non sit culpabilis, si sibi habeat ipsam feram. Leges Longobardorum. Tit. XXII, § 6. — Lindenbrogii Co dex legum antiquarum, T. I, p. 558.

pratique analogue était en vigueur en France de son temps, et la législation française actuelle est d'accord avec cette pratique. » Crompton, dans son Traité de la juridiction des tribunaux, dit que c'était l'ancienne loi de l'Angleterre, et qu'une possession de vingt-quatre heures par l'ennemi suffisait pour changer la propriété. On a contesté que ce passage de Crompton s'appliquât aux prises maritimes, quoique lord Stowell l'interprète dans ce sens; mais les State Papers de Thurloe contiennent une assertion catégorique du résident hollandais près la Cour de Saint-James en 1656, de laquelle il résulte que, après plusieurs procès suivis d'appels devant le conseil du roi en l'année 1632, il était reconnu que, selon le droit de postliminie, aucun navire ne devait être rendu qui avait été durant vingt-quatre heures au pouvoir du capteur. Au Danemark, le code maritime de Christian V (1670-1699) ordonne que, si un navire armé reprend un navire danois qui a été en la possession de l'ennemi pendant vingt-quatre heures, les recapteurs doivent en avoir le profit exclusif.

174. — Il est de la compétence de la législature de chaque pays de réglementer par ses lois municipales toutes les questions de reprise qui peuvent surgir entre les nationaux. C'est pourquoi nous voyons qu'en Angleterre, pendant la République, on s'est départi du droit général européen en faveur des négociants par une ordonnance de 1649, qui enjoignait la restitution aux sujets anglais, moyennant paiement d'une indemnité de sauvetage, de tous les vaisseaux pris par des recapteurs anglais; et pareille indulgence a été continuée par les lois concernant les prises qui se sont succédé jusqu'à ce jour, sauf le cas où l'ennemi a armé sa prise comme vaisseau de guerre. Il suffit, pour mettre

The Ceylon, Dodson, p. 118.

Thurloe, T. IV, p. 589.

* Nuestra Señora del Rosario, 5. Ch. Rob. p. 10.-- The Ceylon, 1 Dodson, p. 105.

The Georgiana, ibid., p. 401.

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