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un navire en mesure d'être compris dans cette exception et le rendre sujet à l'opération du droit général, qu'il ait été armé comme corsaire par l'ennemi, quoiqu'il naviguât comme navire marchand au moment de sa reprise.1 Mais, pour le priver de la protection de la loi concernant les prises, il ne suffit pas que le capteur ait mis à bord un nombre d'hommes supplémentaire. Un navire, armé primitivement pour transporter des esclaves, fut pris par un corsaire, qui mit des hommes à son bord; Lord Stowell décida que, comme il n'y avait ni commission de guerre ni armement du navire, le simple fait de mettre à bord un nombre d'hommes supplémentaire n'avait pas pour effet de détruire le titre du propriétaire primitif. La pratique de la GrandeBretagne a été adoptée par les tribunaux des États-Unis d'Amérique comme règle de leurs décisions. Mais les règlements du droit municipal d'un État ne sont pas appliqués aux cas de reprise, lorsqu'il s'agit de propriété neutre. La règle de la réciprocité a été suivie par Lord Stowell dans le cas d'un navire portugais. De même, aux États-Unis, la loi de 1800 relative au sauvetage déclarait que, pour la reprise de propriété neutre, la règle de réciprocité devait être mise à exécution; si les tribunaux des États neutres, en pareil cas, rendaient le navire sur paiement d'indemnité de sauvetage, les tribunaux américains devaient aussi restituer moyennant même indemnité; autrement, ils devaient condamner la prise et l'adjuger aux recapteurs. Ainsi, dans le cas d'un navire américain qui avait été repris à un capteur anglais par un corsaire américain, et qui avait à bord un chargement de valeur appartenant à des sujets français, la Cour Suprême des États-Unis ordonna que le navire fût rendu aux propriétaires américains, moyennant paiement de l'indemnité de sauvetage aux recapteurs; mais elle dé

1 L'Actif, Edwards, p. 186.

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The Horatio, 6. Ch. Rob. p. 320. 3 The Santa Cruz, 1. Ch. Rob. p. 50. ↳ The Star, 3. Wheaton, p. 92.

clara le chargement de bonne prise et l'adjugea aux recapteurs par application du principe de la réciprocité, d'autant plus que les tribunaux français accordent aux recapteurs la propriété entière, qu'elle appartienne à des sujets français, à des alliés ou à des neutres, dans tous les cas de reprise, après que la propriété a été pendant vingt-quatre heures en la possession de l'ennemi.1

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175. Il est à observer qu'il existe des différences notables dans la manière dont les divers États de l'Europe administrent le droit de postliminie, d'après les dispositions de leur droit municipal, dans le cas de reprise de propriété en mer; toutefois la tendance de toutes les législations modernes est en faveur d'une pratique moins rigoureuse que celle qui avait été généralement adoptée avant le commencement du XVIIe siècle, par analogie aux lois des Lombards. L'arrêté français du 2 prairial an XI portait que si la reprise avait été faite par un navire public de guerre, le navire devait être rendu au propriétaire d'origine moyennant paiement d'un trentième de sa valeur à titre de sauvetage, s'il avait été repris dans les 24 heures; ou d'un dixième de sa valeur, s'il s'était écoulé 24 heures, les propriétaires d'origine étant tenus de rembourser les dépenses de la reprise. Si, d'un autre côté, la reprise avait été faite par un navire privé de guerre avant qu'il se fût écoulé 24 heures, les recapteurs avaient droit pour sauvetage à une indemnité d'un tiers; si c'était après que le navire eût été pendant 24 heures en la possession de l'ennemi, les recapteurs avaient droit à la totalité à titre de prise. La règle des tribunaux français est la même, que la propriété reprise appartienne à des neutres ou à des sujets français.

En Espagne, l'ordonnance de 1801 établit une distinction. entre la propriété de sujets espagnols et celle de sujets de nations amies. Relativement aux premiers, la règle

1 The schooner Adeline and her cargo, 9, Cranch, p. 244.

est que, si la propriété est reprise dans les 24 heures, une indemnité de sauvetage d'un tiers doit être payée aux recapteurs; mais si c'est après ce délai passé, la propriété doit être adjugée aux recapteurs à titre de prise. A l'égard des seconds, le navire repris, à moins qu'il ne soit chargé de marchandises ennemies, doit être rendu contre paiement d'un huitième de sa valeur, à titre de sauvetage, s'il est repris par un navire public; et d'un sixième, s'il est repris par un corsaire, à condition, toutefois, que les tribunaux de l'État sous le pavillon duquel navigue le navire observeront la même règle à l'égard de propriétés espagnoles. Le Portugal, par une ordonnance de 1797, décréta qu'on devait rendre la propriété reprise après 24 heures moyennant le paiement d'une indemnité de sauvetage d'un huitième à un navire public, et d'un cinquième à un corsaire. Le Danemark, par ordonnance de 1810, décréta que la propriété des sujets danois et des alliés devait être rendue sans égard à la longueur de temps écoulée depuis la capture, sur paiement d'un tiers de sa valeur, comme sauvetage, aux recapteurs. En Suède, l'ordonnance de 1788 prescrivait que, si un navire suédois était repris à l'ennemi, le recapteur devait avoir la moitié de sa valeur sans égard au temps pendant lequel le navire avait été en possession de l'ennemi. En Hollande, la loi a subi de grandes modifications; mais à présent la restitution aux propriétaires d'origine doit avoir lieu dans tous les cas, moyennant le paiement de différents taux de sauvetage. Ainsi l'ordonnance de 1659 décrétait la restitution de la propriété reprise aux propriétaires d'origine dans tous les cas, sur paiement aux recapteurs d'un neuvième de la valeur ; et telle continue d'être la règle des tribunaux dans le cas de reprise par des navires publics; mais, relativement aux corsaires, une ordonnance postérieure de 1677 leur a accordé une indemnité de sauvetage d'un cinquième, lorsque la propriété a été reprise dans les 48 heures; d'un tiers, lorsqu'elle est reprise après 48 heures et dans les 96 heures ; et de la moitié, lorsque la reprise a lieu après ce dernier délai.

176.- Toutes les captures jure belli sont consommées, aux termes du droit naturel des gens, par la reddition (deditio), en ce sens qu'une capture est dévolue au profit du pouvoir souverain qui a autorisé la capture; mais dans le sens qu'une capture est dévolue au profit du capteur réel d'après le droit municipal d'un État civilisé, le titre du capteur n'est complet qu'après qu'il a été soumis à une cour de prises et qu'il en a reçu le sanction. «< Dans des temps plus rapprochés », dit Lord Stowell,« on a requis une formalité de plus, celle d'une sentence de condamnation par un tribunal compétent, décrétant que la capture a été faite licitement jure belli; on n'a pas jugé convenable, dans une société civilisée, qu'une propriété de ce genre fùt aliénée sans la décision d'un tribunal compétent, prononçant qu'elle a été saisie comme propriété ennemie et qu'elle devient dès lors, jure belli, la propriété du capteur. Les fins de la justice exigent que de semblables exercices de guerre soient soumis à l'examen public, et par conséquent le simple fait de deductio infra præsidia n'a pas été jugé suffisant. D'après ce principe, les capteurs réels, aux termes des lois anglaises concernant les prises, n'ont d'intérêt formel dans leurs prises qu'après qu'elles ont été jugées définitivement comme prises par la décision d'un tribunal compétent, bien qu'on les considère comme y ayant un intérêt susceptible d'assurance, immédiatement après la capture. Si le capteur réel pouvait être regardé comme un fidéi-commissaire de la Couronne chargé d'amener toutes ses prises aussitôt que possible dans les ports, afin qu'un tribunal de prises compétent put les juger, le capteur, en son caractère de fidéi-commissaire, aurait à sa prise un intérêt susceptible d'assurance; car telle a été la portée du jugement de la Chambre des Lords, dans les cas des commissaires nommés en vertu de

' Conformément à la règle de droit romain: «Per solam occupationem dominium prædæ hostibus acquiri», que Lord Mansfield a discutée dans le cas de Goss versus Withers, 2 Burrows, p. 683.

2 Crawford v. Lucena, 3. B. and P. in the Exchequeer chamber, et 2 N. R. 269 in the House of Lords. Park on insurance, II, p. 571,

l'Acte 35, Geo. III, c. 80, à l'effet de prendre soin et de disposer de navires et de chargements hollandais capturés en mer par des navires de guerre de Sa Majesté et conduits dans les ports de la Grande-Bretagne. Les Lords ont décidé en cette occasion que les commissaires pouvaient assurer en leurs propres noms à titre de fidéi-commissaires de la Couronne. Quant aux capteurs réels, on a jugé qu'ils avaient un intérêt susceptible d'assurance, mais pour des raisons différentes. Dans un cas, Lord Mansfield a émis l'opinion 1 que le capteur pouvait, en vertu de la loi et de la proclamation concernant les prises, fonder sur la conduite de sa prise dans un port sans encombre un espoir de profit assez certain pour lui donner un intérêt susceptible d'assurance à son arrivée ; tandis que, dans un autre cas, Lord Kenyon, le juge Grose et le juge Lawrence ont été d'avis que, comme le capteur court le risque d'être condamné aux frais et aux dommages, si la capture est déclarée injustifiable, il a le droit de s'assurer contre ce risque.'

177.-Autrefois c'était l'usage que les États belligérants laissassent à tous les prisonniers de guerre de soin de se racheter de la captivité, et dans chaque cas le capteur avait un droit légal à demander une rançon à son prisonnier. La pratique de la rançon était en effet un adoucissement de l'ancienne coutume, selon laquelle le prisonnier de guerre devenait l'esclave du capteur: coutume que Grotius reconnaît être conforme au droit des gens; mais Grotius fait en même

Lecras v. Hughes, East, 22 G. III. 2 Boehm v. Bell, 8, T. R. 154.

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The Nemesis, Edwards, p. 50. 3 At eo, de quo nunc agimus, gentium jure aliquanto latius patet servitus, tum quoad personas, tum quoad effectus. Nam personas si spectamus, non soli, qui se dedunt aut servitutem promittunt, pro servis habentur, sed omnes omnino bello solemni publice capti, ex quo scilicet intra præsidia perducti sunt, ut ait Pomponius. Neque delictum requiritur, sed par omnium sors est, etiam eorum qui fato suo, ut diximus, cum bellum repente exortum esset, intra hostium fines deprehenduntur. De jure b. et par. Liv. III, Ch. VII, § 1 et 2.

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