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belligérants. Il y a des cas où les privilèges du cartel ont été accordés à des navires employés à remmener des prisonniers de guerre dans leur pays en vertu d'un accord avec le commandant des forces ennemics, quoique ces navires ne fussent pas munis des papiers formels qui constituent un cartel. Lord Stowell a décidé qu'en pareil cas une cour de prises se trouvait dans l'obligation d'admettre la bonne foi d'un arrangement en vertu duquel l'autre partie avait agi avec confiance. 1

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180.- La rançon des prises faites en mer procède, à différents points de vue de droit, de la rançon des prisonniers de guerre. Dans ce dernier cas, la personne du prisonnier est amenée infra præsidia; mais, relativement aux prises faites en mer, souvent les circonstances ne permettent pas au capteur de conduire sa prise dans un port. En pareil cas il peut, jure belli, détruire la propriété ennemie. Étant ainsi de droit maitre (dominus) de la propriété dont il s'est emparé, il peut, s'il le juge à propos, la restituer au propriétaire, à condition que celui-ci consente à lui payer une somme d'argent convenue en guise de rançon. Le droit qu'a tout capteur de rendre un navire et un chargement capturés moyennant rançon n'est pas fondé sur un titre formel conféré au capteur sur la propriété capturée. Le juge Story3 est d'avis que « soit que le capteur soit investi de la propriété après possession de vingt-quatre heures, soit qu'il ne le soit qu'après avoir amené sa prise infra præsidia, comme semble le prescrire la doctrine des juristes de droit civil,ou après condamnation de la prise, ainsi que le veut la jurisprudence de la Grande-Bretagne, il est clair que le droit de recevoir une rançon existe à partir du moment où a lieu la capture. Et, d'après l'usage général du monde maritime, un décret

The Gloire, 5, Ch. Rob., p. 93.

Customs of the sea,

Emérigon, Traité des assurances, C. 12, § 21. ch. 185, 186. Guidon, c. 6. art. 2, 3, 7 et 9. Maisonnaire et autres v. Keating, 2 Gallison, p. 337.

de condamnation est jugé nécessaire pour constater et confirmer le titre primitif des capteurs, au moins par rapport au souverain et aux sujets de leur pays. Une rançon n'est pas non plus, strictement parlant, un rachat de la propriété capturée; c'est plutôt le rachat du droit des capteurs, quel qu'il soit, tel qu'il existe à l'époque où ce rachat s'opère; ou, pour s'exprimer plus exactement, c'est l'abandon de tous les intérêts et de tous les avantages que les capteurs pourraient acquérir ou retirer de la propriété en vertu d'un jugement régulier d'un tribunal de prises, que ce soit un intérêt in rem,ou un nantissement, ou un simple titre de dépens. Sous ce rapport il semble n'exister aucune différence légale entre le cas de la rançon d'une propriété ennemie et la rançon d'une propriété neutre; car si la propriété est neutre et qu'il y ait cependant une cause probable de capture, ou s'il a été commis une infraction de nature à justifier l'application de la peine de la confiscation, aucune difficulté intrinsèque ne saurait s'opposer à l'exécution d'un contrat, par lequel les capteurs s'engagent à renoncer à leurs droits moyennant une somme d'argent volontairement payée, ou dont le paiement est consenti par les capturés.

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Le capteur, lorsqu'il restitue un navire capturé à son capitaine en vertu d'un contrat de rançon, reçoit de celui-ci ce qu'on appelle un billet de rançon, par lequel le capturé s'oblige, lui et le propriétaire du navire et du chargement, à payer une certaine somme d'argent à une date. fixée dans le billet. Ce contrat se fait ordinairement en double une copie en est gardée par le capteur : c'est le billet de rançon proprement dit; l'autre copie est remise au capitaine du navire capturé, pour lui servir de passe ou de saufconduit. En même temps le capitaine du navire capturé livre un homme de son équipage, généralement le second du navire, au capteur comme otage pour répondre du paiement de la somme stipulée dans le billet de rançon. Dès ce moment il est permis au navire rançonné de se rendre dans un

Tw. - II.

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port désigné par une route prescrite dans un délai limité. Le manque de remplir une de ces conditions enlève au navire et à son chargement le bénéfice de la protection dont le couvre le billet de rançon; autrement, le billet de rançon sert à garantir le navire et son chargement, jusqu'à ce qu'ils aient atteint le port de leur destination, de toute agression de la part des croiseurs de l'État belligérant dont le capteur est le sujet, ou des croiseurs de ses alliés. On a fait justement observer que tous les engagements avec l'ennemi commun doivent obliger les alliés, lorsque ces engagements tendent à l'accomplissement de l'objet que l'alliance a en vue; autrement, l'allié recueillerait tous les fruits de l'engagement sans être assujetti à ses termes et à ses conditions, et l'ennemi avec lequel la convention a été conclue serait exposé, par rapport à l'allié, à tous les désavantages de cette convention sans participer aux avantages qui y sont stipulés. Une telle inégalité d'obligation est contraire à tout principe de raison et de justice.' Si le navire était contraint par force majeure de s'écarter de la route prescrite, ou si son voyage dépassait le délai fixé dans le billet de rançon par suite de gros temps ou d'une nécessité impérieuse, de pareilles circonstances n'entraîneraient pas la forfaiture de son saufconduit; mais s'il n'avait pas de semblables motifs pour excuser la non-observation des conditions de sa rançon et qu'il vînt à être capturé une seconde fois, il serait passible d'être adjugé comme de bonne prise aux seconds capteurs, et dans ce cas les débiteurs aux termes du billet de rançon seraient déchargés de leur contrat, et la somme stipulée dans le billet de rançon serait déduite du produit total de la prise, dont le surplus seul reviendrait au second capteur. D'autre part, si le navire des capteurs était pris par l'ennemi avec le billet de rançon et l'otage à bord, le billet de rançon serait par

las,

Kent's Commentaries, T. I, p. 105.— Miller v. The Resolution, 2 Dalp. 15. Yates v. Hall, 1 Term Rep. p. 73.

2 Valin, Traité des prises, Ch. XI, § 1-3.

Pothier, Traité de la pro

priété, § 134-137.

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le fait annulé sans que la reprise pût le faire revivre.' Ainsi, quand le navire du capteur, après avoir échangé le billet de rançon, est capturé avec l'otage à bord, la rançon est annulée par cette reprise de l'otage. Mais si l'otage et le billet de rançon ont été l'un et l'autre transportés en lieu sûr par le capteur, et que le navire de celui-ci soit ensuite pris par l'ennemi, la rançon reste due malgré cette capture. En pareil cas il n'y a à bord du navire du capteur rien qui représente la rançon du navire capturé; et lorsque l'otage et le billet de rançon ont été l'un et l'autre conduits en lieu de sureté, c'est comme si la prise avait été amenée infra præsidia cela est équivalent. Ainsi, si le commandant d'un corsaire a rançonné un navire ennemi, à la condition, entre autres insérées dans le billet de rançon, que la somme totale sera payée quoique « l'otage vienne à mourir ou à s'évader, ou que le dit corsaire périsse ou soit pris avec l'otage à bord », et si le corsaire est ensuite capturé par l'ennemi avec l'otage et le billet de rançon à bord, sans que le billet de rançon soit remis aux capteurs du corsaire ou tombe jamais en leur possession, on considère le premier capteur comme ayant droit à réclamer le montant du billet de rançon. De même, si le commandant d'un navire rançonné a remis au capteur, en même temps que le billet de rançon, une lettre de change comme surcroît de garantie,et que cette lettre de change ait été négociée de bonne foi à l'ordre d'un tiers pour valeur reçue, elle doit être payée par les propriétaires du navire rançonné, bien que l'otage ait été repris à bord du corsaire ; mais si la lettre de change n'a pas été négociée pour valeur reçue à l'époque de la reprise de l'otage, les propriétaires du navire rançonné sont déchargés de l'obligation qu'ils avaient contractée par la lettre de change, ainsi que de celle que leur imposait le billet de rançon luimême.'

Emérigon, Traité des assurances, Ch. XII, sect. 23, § 8.

2 Ibid.

3 Corner v. Blackburne, 2 Donglas, p. 640.

* Emérigon, Ch. XII, tit. XXII.

182.

Quand un capteur relâche un navire ennemi moyennant rançon, il est libre d'exiger du navire rançonné un seul ou plusieurs otages. L'Ordonnance de la marine française enjoignait à tous les capteurs, s'ils relâchaient un navire avec son chargement par composition, de saisir tous ses papiers et d'emmener à son bord au moins deux des principaux officiers du navire capturé. Cependant, il est d'usage de prendre un seul otage, sujet à être retenu comme prisonnier de guerre jusqu'à ce que la rançon soit payée. La validité du billet de rançon ne dépend nullement de la prise d'un otage; mais l'otage sert de garantie pour faciliter le recouvrement de la rançon devant une cour de justice; car l'otage a un recours de droit devant les tribunaux de son pays contre le capitaine et contre le propriétaire du navire et du chargement, afin de les contraindre à remplir les conditions du contrat aux termes duquel leur propriété leur a été rendue, et dont l'accomplissement ponctuel est la condition nécessaire du recouvrement de sa liberté. Mais l'otage est simplement une garantie collatérale, comme les lettres de change, et l'évasion ou la mort de l'otage n'annule pas le billet de rançon. Le capitaine d'un navire ne peut obliger les propriétaires du navire et du chargement à payer une rançon qui en dépasse la valeur, attendu qu'ils peuvent toujours s'affranchir de la responsabilité que leur impose un billet de rançon, en abandonnant aux porteurs de ce billet le, navire et son chargement, exactement de même que les propriétaires d'un navire et d'un chargement peuvent devant la cour d'amirauté en faire l'abandon aux porteurs d'un contrat à la grosse. Lorsque le navire et son chargement sont

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L'usage de la rançon est reconnu par cette ordonnance au titre VI, Des Assurances, et au titre VII, Des Avaries, § 6.

Lebeau, Nouveau Azuni, Droit maritime, T. II, Ch. IV,

2 Valin, Ordonnance de la marine, tit. IX, § 19. code des prises, T I., p. 89. art. VI.

3 The Hoop, 1, Ch. Rob., p. 201.

4 Azuni, Droit maritime, T. II, Ch. IV, art. VI, § 5.

The Gratitudine, 3 Ch. Rob., p. 258.

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