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insuffisants pour payer intégralement le billet de rançon, le capitaine est sujet à être poursuivi pour le paiement de ce qu'il en reste à acquitter, et pour les dépenses de l'otage. La perte du navire rançonné par suite de gros temps n'entraîne pas l'acquittement du billet de rançon ou la mise en liberté. de l'otage. Mais si le navire et le chargement ont été abandonnés par les propriétaires et vendus en vertu d'un arrêt de la cour de l'amirauté, si le produit de la vente est insuffisant pour acquitter le billet de rançon et si le capitaine est insolvable, le capteur est en pareil cas tenu de mettre l'otage en liberté lors du paiement de la somme pour laquelle le navire et le chargement ont été vendus en vertu de l'arrêt de la cour; en d'autres termes, la cour de l'amirauté ne laisse pas la somme payée sortir du greffe avant que l'otage soit mis en liberté.1

183. Comme l'usage de relâcher moyennant rançon les navires capturés est considéré comme moins avantageux pour l'État belligérant auquel le capteur appartient que la détention et le transport de ces navires dans un port à titre de prises, et comme la faculté de rançonner les navires peut donner lieu à des abus de la part des capteurs au grand préjudice du commerce des neutres, les puissances européennes se sont attachées à restreindre la liberté accordée aux capteurs de rançonner leurs prises. Ainsi, la France, par l'ordonnance du 15 mai 1756, a défendu à tout croiseur de rançonner aucun navire ennemi sous quelque prétexte que ce soit avant d'avoir envoyé trois prises dans un port; et une ordonnance postérieure, du 30 août 1782,3 a prohibé absolument le rançonnement de navires ou de chargements, ou la prise d'otages ou de garanties écrites de quelque nature que ce soit, qu'on pût soupçonner être une rançon sous une forme déguisée. La législation française actuelle con

1 Yates v. Hall 1 Term Reports, p. 80.

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Lebeau, Nouveau code des prises, T. I, p. 547.
Ibid. T. 4, p. 427.

cernant la rançon est contenue dans l'arrêté du 2 prairial de l'an XI,' aux termes duquel tout corsaire est tenu d'envoyer ses prises aussi tôt que possible dans le port où il a été équipé, à moins qu'il n'en soit empêché par un gros temps ou par l'intervention de forces ennemies supérieures ; mais le commandant d'un corsaire est libre de rançonner un navire ennemi, s'il y est formellement autorisé par les propriétaires de ce corsaire au moyen d'une déclaration faite par eux devant les officiers du port où le corsaire a été armé ; mais il n'est permis à aucun corsaire de rançonner un navire porteur d'un passeport neutre, sous les peines les plus sévères contre le capitaine du corsaire. Dans la Grande-Bretagne le Parlement a coutume de passer un acte de prises à chaque occasion, depuis l'Acte 22, Geo. III, C. 25 (année 1782), afin de faire tomber tout à fait en désuétude l'usage de rançonner les navires et les chargements appartenant à des sujets anglais, qui pouvaient être capturés par l'ennemi, ainsi que la restitution ou le relâchement par leurs capteurs anglais moyennant un contrat de rançon des navires ou des chargements ennemis pris par eux. Dans ce but, tous les billets de rançon délivrés par des sujets anglais sont déclarés nuls et sans valeur; par conséquent aucune action ne pourraît être intentée relativement à un billet de rançon de ce genre devant un tribunal anglais, tandis que les parties qui ont pu délivrer un pareil billet de rançon sont exposées à être poursuivies devant la haute cour d'amirauté et passibles de fortes peines, « à moins qu'il ne soit prouvé au juge de la dite cour que les circonstances de l'affaire étaient de nature à justifier le dit rançonnement, ou le contrat ou l'accord en vue d'une rançon. » D'autre part, tout commandant d'un croiseur anglais qui aura « positivement abandonné, mis en liberté, restitué ou relâché » un navire ou un char

'Pistoye et Duverdy, Traité des prises maritimes, T. I, p. 281. L'Acte pour pourvoir à l'armement des navires dans la dernière guerrê contre la Russie, 17 Vict. c. 18, contient les prescriptions prohibitives d'usage contre le rançonnement sous n'importe quelle forme.

gement, après l'avoir capturé comme prise, par suite d'un accord pour son rançonnement, « sera pour chaque délit de ce genre passible d'accusation devant la haute cour d'amirauté d'Angleterre, sur la poursuite de Sa Majesté en vertu de la juridiction du Haut Amiral,et,s'il est trouvé coupable, il sera condamné à la confiscation et à telle peine ou amende que la dite cour prononcera, à moins qu'il ne soit prouvé à cette cour que les circonstances de l'affaire étaient de nature à justifier le rançonnement. » Le plus récent des Actes de prises paraîtrait ainsi être parfaitement conforme au mode d'envisager la loi adopté par Lord Stowell en présence de l'Acte de prises qui était en vigueur en 1803, lorsqu'il dit que « les rançons, dans des circonstances de nécessité, sont encore permises; mais la condition de faire la preuve de l'existence de cette nécessité est imposée aux capteurs par la loi.» Aux États-Unis les rançons n'ont jamais été prohibées par le Congrès, soit par rapport à la propriété ennemie, soit par rapport à la propriété neutre. Le chancelier Kent, en commentant l'opinion anglaise qui regarde le contrat de rançon comme tendant à ralentir l'activité des belligérants et à priver les croiseurs des chances de reprise, soutient que la pratique de la rançon est à divers points de vue raisonnable et humaine. Les autres nations considèrent ces contrats comme obligatoires et les rangent dans le petit nombre des commerces légitimes de la guerre."

184. On nomme prises en commun celles qui sont opérées lorsque, en outre des personnes engagées effectivement à la capture, d'autres contribuent à la reddition d'un navire par un concours indirect, dont l'influence se déduit. des circonstances. Lorsque deux ou plusieurs navires prennent positivement part à une capture, il est d'usage de les considérer comme les capteurs de fait, quoique l'ennemi ne

Navires pris à Gênes, 4. Ch. Rob., p. 403.

Kent's Commentaries I, p. 104; Azuni, Droit maritime, T. II, Ch. IV,

art. VI.

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rende en réalité son pavillon qu'à un seul de ces navires; mais il peut arriver que l'approche d'un navire qui n'a jamais été dans le cas de prendre part à la lutte ait intimidé l'ennemi et l'ait déterminé à se rendre. On ne peut dire que ce navire soit un capteur réel; cependant il a pu essentiellement influencer la capture, en encourageant les efforts de l'une des parties et en décourageant la résistance de l'autre, et en même temps faire lui-même ses plus grands efforts pour arriver à temps afin de prêter une aide active à son ami. La politique et l'équité, en pareilles circonstances, s'accordent à reconnaître que les efforts de ce navire pour prendre part à la lutte ont aidé aux capteurs de fait, et à le regarder par interprétation comme un capteur. On peut en conséquence ranger parmi les capteurs en participation des navires qui n'ont pris d'autre part active à une capture que de s'être mis en mouvement et d'être arrivés en vue de la prise à un moment quelconque avant qu'elle se soit rendue. Il est toutefois nécessaire, pour établir un titre de participation à une capture, de prouver que le navire qui prétend à être un capteur participant ait été vu par la prise ainsi que par le capteur de fait, et ait par sa présence causé du découragement à l'ennemi et, par contre, encouragé le capteur de fait; mais il n'est pas nécessaire de prouver qu'il ait été vu par la prise au moment où elle s'est rendue, s'il avait été vu par elle auparavant, ni qu'il aurait pu l'être au moment de la reddition, si le temps avait été clair, ou si l'obscurité n'était pas survenue. La loi est sous un rapport plus favorable aux navires de guerre publics qu'aux navires de guerre privés. L'animus capiendi est toujours présumé en faveur des premiers, s'ils sont en vue, attendu que les navires publics sont dans l'obligation constante d'at

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La Flore, 5, Ch. Rob., p. 268. The Virginia, 5, Ch. Rob., p. 126. 2 The Galen, 2, Dodson, p. 19,

124.

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3 The Union, A, Dodson, p. 346. The Fadrelandet, 5, Ch. Rob., p. Black book of the Admiralty, I, p. 22. Roll's Edition, 1871. La Flore, 5, Ch. Rob., p. 268.

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taquer l'ennemi partout où ils peuvent le rencontrer, tandis que les navires privés de guerre ne sont pas tenus de mettre leur commission à exécution chaque fois qu'ils découvrent un ennemi. C'est pourquoi dans le cas où un corsaire prétend à être regardé par interprétation comme capteur en participation, il faut que la preuve positive soit fournie que son commandant avait réellement l'intention de prendre part à la lutte, en montrant que le navire était positivement engagé dans la poursuite,' ou que, s'il avait été engagé dans la lutte et avait été repoussé, il était encore en vue de l'ennemi et avait l'intention de reprendre la lutte. Mais un navire public de guerre a droit, par interprétation, au caractère de capteur participant dans les cas où le capteur de fait est un corsaire, dans les mêmes conditions que s'ils étaient l'un et l'autre des vaisseaux publics de guerre. D'autre part, un vaisseau public qui n'a pas l'ordre de faire des captures, quoique son commandant ait une commission de guerre, jouit, relativement à la présomption d'animus capiendi, d'aucun privilège sur un navire privé pourvu d'une commission de guerre. Ainsi un cutter attaché à l'administration. de la douane, dont le commandant tient de sa commission l'autorisation, mais non l'ordre de faire des captures, a été jugé par Lord Stowell être dans une condition analogue à celle d'un navire privé de guerre. Ces navires ne sont pas plus astreints que les autres navires privés de guerre à attaquer et à poursuivre l'ennemi; et comme tout ce qu'ils tiennent de leur commission est une autorisation d'attaquer l'ennemi, ils sont par là mis seulement sur le même pied que des navires privés de guerre. Par contre, les navires de transport, quoiqu'ils naviguent sous flammes et se joignent à des flottes de vaisseaux de guerre, n'ont pas droit par in

L'Amitié, 6, Ch. Rob., p. 267.

ne

La Virginie, 5, Ch. Rob., p. 124. - The Santa Brigada, 3, Ch. Rob.,

p. 52.

3 The Dree Gebroeders, 5, Ch. Rob., p. 339.

'The Bellona, Edwards, p. 65. - La Flore, 5, Ch. Rob., p. 270.

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