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net des Tuileries offrit sa médiation, que le roi des DeuxSiciles accepta le 26 avril 1840. Dès lors les représailles cessèrent de part et d'autre; le gouvernement napolitain convint de dissoudre son contrat avec la compagnie française, et les navires qui avaient été saisis par la flotte anglaise par voie de réprésailles furent restitués à leurs propriétaires napolitains, sans que les relations générales de paix entre les deux nations eussent subi une interruption de nature à ce qu'il fût besoin de les renouveler par un traité formel de paix entre les deux nations.

19. - Quoique les représailles générales ne fassent pas nécessairement cesser toutes relations d'amitié, et quoiqu'elles soient à cet égard un moyen de faciliter une réparation internationale sans recourir à une véritable guerre, il est des cas dans lesquels on ne saurait légitimement user de représailles comme prélude à la guerre, et dans lesquels une proclamation de représailles générales équivaudrait à une déclaration de guerre. C'est à de pareils cas qu'est applicable l'observation faite par le Grand Pensionnaire de Witt,1 disant qu'il ne voyait point de différence entre les représailles générales exercées par le gouvernement anglais et une guerre ouverte. Les actes de représailles, en tant qu'ils different des actes de guerre, ne sont permis par le droit des gens que lorsqu'à une réclamation bien fondée il a été répondu par un déni de justice ou par des atermoiements incompatibles avec une intention honnête de rendre justice. « Les représailles », dit sir Leoline Jenkins, «< ne sont point admises là où il n'y a ni déni de justice ni retard équivalent à un déni.» « Les représailles », écrit Grotius, «< sont une sorte d'exécution violente, qui a lieu quand le droit est dénié ». « Les représailles », dit Bynkershoek, « ne doivent

1 Lettre au roi en Conseil, 8 octobre 1675.

2 Sir Leoline Jenkins's Works, vol. II, p. 778.

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3 Locum autem habet, ut aiunt jurisconsulti, ubi jus denegatur. Gro

tius, de jure b. et p. L. III, Ch. II, § 14.

* Quæstiones juris publici, L. I, Ch. XXIV.

ètre accordées qu'en présence d'un déni manifeste de justice. »

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« Le droit des gens », dit Vattel,' « ne permet les représailles que pour une cause évidemment juste, pour une dette claire et liquide; car celui qui forme une prétention douteuse ne peut demander d'abord que l'examen équitable de son droit. En second lieu, il faut, avant d'en venir là, qu'on ait inutilement demandé justice, ou au moins que l'on ait tout lieu de croire qu'on la demanderait vainement. Alors seulement on peut se faire soi-même raison d'une injustice. » « La justice internationale peut être refusée de différentes manières: soit par le refus d'une nation d'écouter les plaintes d'une autre, ou de lui permettre d'établir son droit devant ses tribunaux ordinaires; soit par des délais ou des empèchements affectés, dont on ne peut donner de bonnes raisons, et équivalents à un refus par leurs conséquences; soit par un jugement manifestement injuste et partial.»> Mais si un tribunal d'une juridiction compétente rend un jugement erro é dans une question douteuse dans laquelle un étranger est intéressé, ce résultat ne saurait donner le droit de représailles à la nation dont cet étranger fait partie, si les juges ont agi en toute liberté et prononcé la sentence selon leur conscience. Sur des questions douteuses des hommes différents pensent et jugent différemment; et tout ce qu'un étranger puisse désirer, c'est que la justice soit administrée à son égard aussi impartialement qu'elle l'est à l'égard des sujets du prince devant les tribunaux duquel l'affaire se juge. Grotius fait observer que dans un cas douteux la présomption est toujours en faveur des juges établis, et que les représailles ne sont permises par l'usage que lorsque le jugement rendu est manifestement contraire au droit. »

Vattel, L. II, § 343.

Vattel, L. II, §350.

De jure belli, L. III, Ch. II, § 5.

20. Les représailles s'appliquent aux personnes aussi bien qu'aux propriétés. Les représailles contre les personnes, que les Grecs désignaient sous le nom de ανδροληψία, ou prise de personnes, sont reconnues par Grotius, Vattel, Bynkershoek et tous les écrivains modernes ; mais, d'après les usages des nations chrétiennes de l'Europe, on n'use guère de cette forme de représailles que lorsqu'il s'agit d'obtenir satisfaction de l'arrestation ou de la séquestration injuste d'autres personnes. Ainsi, en 1740,' l'impératrice Catherine de Russie ayant fait arrêter le baron de Stackelberg, qui était né sujet russe, mais domicilié en Prusse et au service militaire de la Prusse, le roi de Prusse usa de représailles en faisant arrêter deux sujets russes, qu'il retint prisonniers jusqu'à la mise en liberté du baron de Stackelberg.

Chaque fois que des personnes sont ainsi arrêtées par voie de représailles, elles ont droit à être traitées comme des otages, dont la vie est sacrée, et qui méritent de bons traitements. Un souverain n'a point le droit de mettre à mort les sujets d'un État qui lui a fait une injure, si ce n'est quand ils sont engagés dans une guerre ouverte contre lui. Selon le droit des gens, tous les sujets de la puissance qui a commis l'offense, qu'ils soient sujets de naissance ou simplement des personnes ayant acquis domicile sur son territoire par une longue résidence, sont exposées, quant à leur personne et à leurs biens, à l'action des représailles exercées contre cette puissance; mais les individus qui ne séjournent que temporairement dans le pays ou ne font qu'y voyager n'encourent aucune responsabilité par rapport aux représailles; car la responsabilité qui oblige à subir les représailles constitue en quelque sorte une participation au fardeau d'une dette publique, de laquelle ne sont pas tenus ceux qui ne sont assujettis aux lois du pays que momenta

nément.

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1 Moser, Versuch, VIII, 504.

2 Vattel, L. II, § 351.

Grotius, de jure Belli, L. III, Ch. 2, § 7.

Les agents diplomatiques, bien qu'ils puissent résider d'une façon permanente dans un pays, sont également exempts des représailles. Ils n'en sauraient être l'objet, ni quant à leur personne ni quant à leurs biens, de la part de la nation qui les a reçus en qualité d'envoyés (legati); en effet ils se sont confiés, eux et leurs biens, de bonne foi à sa protection; ils ne peuvent non plus être l'objet de représailles de la part d'une autre nation qui peut avoir droit d'exercer des représailles contre le souverain auprès duquel ils sont accrédités, puisqu'ils ne sont point domiciliés sur son territoire. Grotius paraît admettre que les envoyés politiques qui, en route pour se rendre auprès de nos ennemis, traversent notre territoire sans avoir préalablement obtenu des lettres de sauf-conduit, peuvent être arrêtés par voie de représailles.' Ce qu'entend par là Grotius n'est pas tout à fait clair, et plusieurs auteurs ont contesté pareille interprétation de ce passage; mais, comme Grotius dit ailleurs que si les envoyés politiques (legati) prétendent passer sans sauf-conduit par le territoire d'une puissance auprès de laquelle ils ne sont pas accrédités, et s'ils se rendent chez ses ennemis ou viennent de chez ses ennemis, ou prennent d'une façon quelconque parti pour ses ennemis, ils peuvent être tués justement, on reconnaît sans peine qu'il entend poser en principe qu'une mission, d'aller ou de retour, auprès d'un ennemi expose l'envoyé politique, tant qu'il est de passage (in transitu) sur le territoire d'une puissance belligérante, aux effets des représailles de la part de cette puissance. C'est ainsi que le duc de Belle-Isle, étant imprudemment entré sur le territoire hanovrien en se rendant à Saint Pétersbourg, comme ambassadeur du roi de France, qui était à cette époque en guerre avec le Hanovre et la Grande-Bretagne, fut

1 A numero tamen subditorum jure gentium excipiuntur legati non ad hostes nostros missi, et res eorum. De jure belli, L. III, Ch. 2, § 7.

* Non pertinet ergo hæc lex ad eos per quorum fines, non accepta venia, transeunt legati ; nam siquidem ad hostes eorum eunt, aut ab hostibus veniunt, aut alioqui hostilia moliuntur, interfici etiam poterunt. De jure belli, L. II, Ch. 18, § 5.

RÈGLEMENT des différeNDS INTERNATIONAUX. arrêté avec sa suite par le gouvernement hanovrien et envoyé en Angleterre comme prisonnier d'État.' Il en est tout autrement, fait observer Grotius, si un prince cherche, hors de son propre territoire, à prendre par surprise les ambassadeurs d'un autre État; car ce serait alors une violation directe du droit des gens. On pourrait faire rentrer dans la catégorie des prohibitions établies par Grotius le cas de l'arrestation par un croiseur des États-Unis des envoyés des États confédérés d'Amérique qui venaient en Europe à bord du Trent, paquebot de la malle-poste anglaise. Cette arrestation fut regardée par la Grande-Bretagne, avec une indignation légitime, comme une violation directe du droit des gens, et les envoyés américains, sur la demande du gouvernement anglais, furent mis en liberté par le gouvernement des États-Unis, et il leur fut permis de se rendre en Europe sur un navire anglais.

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21. On a fait observer que l'institution des lettres de marque et de représailles fut la première mesure prise systématiquement en vue de contrôler les hostilités privées et d'empêcher les individus de troubler la paix publique à leur gré. Le droit de marque, en tant que prérogative de l'autorité souveraine, est mentionné dans des lettres patentes et des diplômes du XIIe siècle, dans lesquels le souverain accorde à certains de ses sujets le droit de marque contre quelques autres de ses sujets, c'est-à-dire leur accorde la permission de s'emparer de la personne et des biens de quelques autres de ses sujets contre lesquels ils ont élevé des plaintes. Au XIIIe siècle, on voit des princes souverains accorder des lettres de marque à leurs sujets contre ceux d'autres princes

Martens, Causes célèbres du droit des gens, Tome I, page 285.

* Aliud sit, siquis extra fines suos insidias ponit legatis alienis,eo enim jus gentium violaretur. Et hoc continetur in Thessalorum oratione contra Philippum apud Livium (L. XXXIX, c. 25), Grotius, de jure belli et pacis in notis suis ad. L. II, 118, § V, 2.

Ducange, Glossarium, vox marcha.

Rymer, Fadera, T. II, p. 691, Lettre du roi Edouard I d'Angleterre.

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