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27. — Lord Bacon1 a adopté un mode analogue d'envisager la nature de ce qu'on appelle précisément la guerre, lorsqu'il dit que les guerres sont « les suprêmes épreuves du droit, où les princes et les États, qui ne reconnaissent pas de supérieurs sur terre, s'en remettent à la justice de Dieu pour le règlement de leurs contestations par la décision qu'il plaira au Tout-Puissant de rendre en faveur de l'une ou de l'autre partie. Et comme dans la marche des procès particuliers entre les hommes privés tout doit être ordonné suivant les règles des lois civiles, de même dans les opérations de la guerre rien ne doit se faire contrairement au droit de la nature et au droit de l'honneur. » En d'autres termes, on ne doit dans la guerre rien tenter qui soit contraire aux usages des nations civilisées ou à la bonne foi. Il existe en matière de guerre une pratique des nations, à laquelle toutes sont tenues de se conformer: c'est là un axiome admis par les tribunaux qui connaissent spécialement des incidents de la vie internationale en temps de guerre. Admettons », dit Grotius, « que les lois doivent rester muettes au milieu du bruit des armes, pourvu qu'il ne s'agisse que de ces lois qui sont civiles et judiciaires et propres aux temps de guerre, mais non de celles qui sont d'obligation perpétuelle et s'adaptent également à tous les temps; car Dion de Pruse dit avec beaucoup de justesse qu'entre ennemis les lois écrites, c'est-à-dire les lois civiles, sont sans force; mais les lois non écrites, c'est-à-dire les lois dictées par la nature, ou établies par le consentement des nations, conservent leur vigueur. »>3

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28. La guerre privée étant donc incompatible avec la paix publique, il s'ensuit que la paix privée l'est également. On peut définir la paix un état de choses dans lequel les hommes règlent par la raison leurs différends concernant

1 Observations on a Libel. Tome V, p. 384. Basil Montague's édit.

• The Hurtige Hane, 3, Ch. Rob. p. 326.

De jure belli et pacis, prolegomena § 27.

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d'une communauté politique pour faire rendre justice à un de ses membres par un membre d'une autre communauté politique, en d'autres termes le recours à la guerre, ne devient légitime que quand il devient nécessaire,' et il ne devient nécessaire qu'après l'échec d'une tentative de négociations amiables, ou lorsqu'on a la certitude morale de l'inanité ou du danger d'une semblable tentative. D'après le droit fécial des Romains, aucune guerre n'était juste qui n'avait pas été précédée d'une demande formelle de réparation, ou d'une déclaration et d'une proclamation de guerre. « Ex quo intelligi potest nullum bellum esse justum nisi quod aut rebus repetitis geratur, aut denuntiatum ante sit et indictum. Une nation peut avec juste cause avoir recours à la guerre afin d'obtenir réparation d'une injure reçue ou des garanties contre des menaces d'injure; en d'autres termes, une nation peut légitimement faire la guerre à une autre nation qui a violé ou menacé de violer ses droits. Mais si une nation prend les armes sans avoir reçu d'injure ou en être menacée, elle recourt à la force sans cause légitime. Lorsqu'une injure a été faite à une nation, il est juste qu'il lui en soit donné réparation, si l'injure est de nature à être réparée; et dans le cas où le mal est irréparable, il est juste que la nation lésée reçoive une compensation et prenne en outre ses sûretés pour empêcher le renouvellement de l'injure. De plus, s'il y a menace d'injure, il est juste qu'une nation se protège et prenne ses garanties pour sa sûreté future. De là naît la distinction entre les guerres faites pour obtenir réparation d'une injure et les guerres entreprises pour prévenir une offense. Quand la guerre a pour objet d'obtenir réparation d'une injure et d'en exiger satisfaction, on la nomme guerre offensive; et guerre défensive, quand elle est entreprise pour repousser une attaque effective ou une menace d'agression. Ce der

1 Justum est bellum quibus necessarium, et pia arma quibus nulla nisi in armis relinquitur spes. Livii Hist., L. IX, Ch. I.

2 Cic. Off., L. I, Ch. XI.

communauté politique à laquelle appartient la partie lésée, afin de contraindre l'autre nation à exercer son autorité souveraine sur l'offenseur de manière à le forcer à donner réparation. C'est l'exercice dans ce but des forces réunies de tous les membres d'une communauté politique indépendante qu'on appelle, à proprement dire, la guerre dans le sens juridique du mot. » Cum sint duo genera decertandi, unum per disceptationem, alterum per vim, cumque illud proprium sit hominis, hoc belluarum, confugiendum est ad posterius, si uti non licet superiore. Quare suscipienda quidem bella sunt ob eam causam ut sine injuria in pace vivatur.» Il est du devoir éminent de toute communauté politique indépendante de protéger ses membres contre tout tort qui puisse les atteindre du fait d'autres membres de la même communauté, ou des membres des autres communautés; et comme c'est un principe de droit politique qu'aucun citoyen ne peut se tenir à l'écart ni prétendre resneutrarum partium en cas de troubles civils, de même, par un raisonnement semblable, il est admis comme un axiome de droit international qu'aucun membre d'une communauté politique indépendante ne peut demeurer en paix avec aucun membre d'une autre communauté politique indépendante, lorsque ces communautés sont en guerre. En se tenant à l'écart lorsque les forces réunies de tous les membres d'une communauté politique doivent être mises en mouvement contre les membres d'une autre com munauté politique, l'individu, en sa qualité de citoyen, trahirait un des devoirs primordiaux de la société civile, qui est constituée en forme d'État dans l'intention expresse que l'autorité souveraine ordonne, aux moments et aux lieux qu'il convient, la coopération de tous ses sujets à l'œuvre de l'assistance et de la défense mutuelles.

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29. L'appel aux forces réunies de tous les membres

Cic. Off., L. I, Ch. XI.

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d'une communauté politique pour faire rendre justice à un de ses membres par un membre d'une autre communauté politique, en d'autres termes le recours à la guerre, ne devient légitime que quand il devient nécessaire,' et il ne devient nécessaire qu'après l'échec d'une tentative de négociations amiables, ou lorsqu'on a la certitude morale de l'inanité ou du danger d'une semblable tentative. D'après le droit fécial des Romains, aucune guerre n'était juste qui n'avait pas été précédée d'une demande formelle de réparation, ou d'une déclaration et d'une proclamation de guerre. « Ex quo intelligi potest nullum bellum esse justum nisi quod aut rebus repetitis geratur, aut denuntiatum ante sit et indictum. Une nation peut avec juste cause avoir recours à la guerre afin d'obtenir réparation d'une injure reçue ou des garanties contre des menaces d'injure; en d'autres termes, une nation peut légitimement faire la guerre à une autre nation qui a violé ou menacé de violer ses droits. Mais si une nation prend les armes sans avoir reçu d'injure ou en être menacée, elle recourt à la force sans cause légitime. Lorsqu'une injure a été faite à une nation, il est juste qu'il lui en soit donné réparation, si l'injure est de nature à être réparée; et dans le cas où le mal est irréparable, il est juste que la nation lésée reçoive une compensation et prenne en outre ses sûretés pour empêcher le renouvellement de l'injure. De plus, s'il y a menace d'injure, il est juste qu'une nation se protège et prenne ses garanties pour sa sûreté future. De là naît la distinction entre les guerres faites pour obtenir réparation d'une injure et les guerres entreprises pour prévenir une offense. Quand la guerre a pour objet d'obtenir réparation d'une injure et d'en exiger satisfaction, on la nomme guerre offensive; et guerre défensive, quand elle est entreprise pour repousser une attaque effective ou une menace d'agression. Ce der

1 Justum est bellum quibus necessarium, et pia arma quibus nulla nisi in armis relinquitur spes. Livii Hist., L. IX, Ch. I.

2 Cic. Off., L. I, Ch. XI.

nier genre de guerre, toutefois, n'est pas nécessairement une guerre juste; car si une nation, qui entreprend une guerre offensive, a la justice de son côté, son adversaire n'a pas droit d'y opposer la force; or dans ce cas une guerre défensive sera une guerre injuste, car c'est un acte d'injustice que de résister à une personne qui affirme un droit légitime.' Mais si la nation qui a eu tort dans le principe offre une réparation ou une satisfaction raisonnable et que l'autre ne se contente pas de l'accepter, la balance du droit penche en faveur de celle qui a offert satisfaction, et une guerre défensive de sa part devient une guerre juste.

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30. La distinction entre la guerre offensive et la guerre défensive, dans le sens où ces termes sont employés par Wolf et Vattel, n'est pas sans importance pour résoudre la question de savoir si une nation peut avoir sans avis préalable recours aux armes en revendication du droit contre une autre nation. << La guerre », dit Vattel,' « est défensive ou offensive. Celui qui prend les armes pour repousser un ennemi qui l'attaque fait une guerre défensive. Celui qui prend les armes le premier et attaque une nation qui vivait en paix avec lui fait une guerre offensive. L'objet de la guerre défensive est simple c'est la défense de soi-même; celui de la guerre offensive varie autant que les diverses affaires des nations; mais en général il se rapporte ou à la poursuite de quelques droits ou à la sûreté. »

« D'après le droit de la nature », dit Grotius, qu'il s'agisse de repousser la force par la force ou de punir celui qui est l'offenseur, une notification n'est pas nécessaire ». Il en est cependant autrement dans le cas de la guerre offensive. << Mais souvent », ajoute Grotius, « lorsqu'une chose doit être prise pour une autre, ou que les biens d'un débiteur

Klüber, § 235, fonde la distinction qu'il fait entre une guerre défensive et une guerre offensive sur la circonstance de la justice ou de l'injustice de la guerre.

2 Droit des gens, L. III, Ch. 1,.§ 5. Wolf, Jus gentium, § 615,

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