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comme communauté politique, ou aux rapports de ses menbres agissant individuellement avec une autre nation comme telle, ou avec les divers membres de cette nation. Le droit de sûreté personnelle donne par conséquent à une nation la faculté morale d'agir à l'égard des autres nations de la manière qui peut être nécessaire pour les empêcher d'entraver sa conservation ou son développement. ' Ce droit est un droit parfait, puisqu'il est donné pour satisfaire à un devoir naturel et indispensable; et notre droit pourrait fréquemment être violé, et les effets en seraient incertains, si nous ne pouvions user de contrainte envers ceux qui refusent de remplir l'obligation correspondante. Une nation a donc le droit de résister à toute tentative de la part d'une autre de lui porter préjudice; et si elle a éprouvé un préjudice de la part d'une autre nation, elle a le droit d'en exiger réparation pleine et entière. Elle est tenue, en même temps, soit de s'abstenir de faire aucun tort à une autre nation, soit de donner une juste satisfaction pour le tort qu'elle aurait pu lui causer. Un particulier, comme tel, est libre de renoncer à son droit et de pardonner une offense, sans encourir aucun surcroît de danger pour son existence ou pour ses biens, car il vit sous la protection du magistrat, dont il peut invoquer l'aide contre quiconque de ses concitoyens agirait à son égard avec ingratitude et méchanceté et serait encouragé par son indulgence à renouveler l'offense. Mais une nation ne peut faire appel à aucune puissance supérieure sur terre, dans le cas où, en pardonnant une offense qui lui aurait été faite par une autre nation, elle aurait encouragé la récidive. Une nation puissante peut bien sans doute dédaigner, sans danger pour sa sûreté dans l'avenir, l'offense que lui fait une nation faible; mais entre puissances à peu près égales, la soumission de l'une d'elles à une offense sans insister sur une entière satisfaction de la part de l'autre est presque toujours attri

1 Vattel, Liv. II, § 49.

buée à de la lâcheté ou à de la faiblesse, et manque rarement d'exposer la puissance offensée à de nouveaux affronts d'un caractère plus outrageant. C'est pourquoi une nation. est tenue, vis-à-vis d'une autre nation, de maintenir son droit et d'exiger réparation, sous peine d'abdiquer son caractère de corps politique indépendant; car tolérer débonnairement une offense faite à un de ses membres par une autre nation équivaudrait à reconnaître son incapacité d'assurer à ses membres la jouissance de leur droit sans le consentement d'une autre nation; en d'autres termes, ce serait de sa part acquiescer virtuellement à un état de dépendance à l'égard d'une autre nation. Une nation a donc un droit moral d'agir contre les autres nations qui lui refusent son droit ou y portent atteinte. Mais ce droit d'action contre une autre nation peut s'exercer soit par un appel à la raison, soit par le recours aux armes. Mais le recours aux armes, quoiqu'il puisse en dernière analyse affirmer la justice de la réparation à rendre par la nation qui a causé l'offense, entraîne, comme conséquence indirecte et nécessaire, tant de maux et de calamités, qui retombent sur des individus innocents, qu'un appel à la raison doit toujours être fait en premier lieu, à moins qu'il n'y ait dans le retard péril évident pour le salut d'une nation.

4.

Un appel à la raison peut se faire de différentes manières. La conférence amiable est le mode qui se présente le premier et le plus simple; il se recommande par deux puissantes considérations. Les hommes concèdent souvent à la raison ce qu'ils se croient tenus de refuser à la force; en effet céder au raisonnement a l'air d'un acte de générosité, ou du moins n'implique point nécessairement un caractère d'infériorité; aussi les hommes, dans le but de prévenir la guerre, font-ils volontiers certaines choses, auxquelles on ne saurait les contraindre par la force des armes.

La conférence amiable a pour objet d'examiner le sujet du différend avec impartialité, en vue de rendre justice à

qui de droit, de sorte que la partie dont le droit est jugé le plus douteux puisse y renoncer volontairement. La renon. ciation à un droit après discussion n'implique pas nécessairement une impuissance de le faire respecter, de nature à encourager de nouveaux empiètements de la part de l'ennemi; elle est, au contraire, compatible avec le désir de rendre justice. Il est même des occasions où il peut être sage, pour la nation qui est prouvée posséder le droit le plus clairement établi, d'y renoncer afin de conserver la paix et de se gagner un ami; renoncer ainsi à un droit établi n'est point avouer qu'on a tort, et en cédant amiablement ce qu'on a le droit de maintenir par la force on se concilie un adversaire. La conférence amiable conduit généralement à un règlement équitable des prétentions litigieuses; et lorsque le sujet de la contestation est difficile à régler selon le droit strict, elle tend à faciliter un compromis, qui est la plupart du temps une alternative préférable à la guerre. Comme exemple de compromis, nous pouvons citer le règlement de la question des frontières entre le territoire des États-Unis et les possessions anglaises de l'Amérique du Nord. Dans le cas de la frontière nord-est, on avait trouvé impraticable de fixer une ligne satisfaisant aux conditions des engagements des traités antérieurs existant entre les deux puissances; dans le cas de la frontière nord-ouest, la Grande-Bretagne jugea compatible avec sa dignité de se désister de son droit strict et adopta un compromis par des considérations de convenance.

1

L'usage établi parmi les nations d'accréditer des envoyés (résidents) auprès des cours étrangères facilite dans une large mesure le règlement des différe ds internationaux au moyen de la conférence amiable; tant que des missions résidentes continueront d'être entretenues comme intermédiaires réguliers de communications internationa

Traité de Washington, 9 août 1842. Martens, Nouveau recueil général, III, p. 456.

Traité de Washington, 15 janvier 1846. Ibid. IX, p. 27,

les, il existera parmi les nations la garantie permane te, que des tentatives seront toujours faites de régler leurs différends par la raison avant de recourir aux armes.

Cette garantie gagnera de plus en plus de force, à mesure que la diplomatie acquerra davantage le caractère d'une science, et que l'envoyé diplomatique viendra à être choisi parmi les personnes qui ont fait une étude particulière du droit des gens. Le peuple romain paraît, dès les commencements de son histoire, avoir apprécié l'avantage qu'il y avait, avant d'avoir recours aux armes, à soumettre ses différends avec les autres nations à un conseil de juges versés dans la science du droit international, et il était du ressort du Collège des Féciaux non seulement de conseiller l'État dans ses négociations de paix et d'alliance, mais aussi de fournir, au besoin, des ambassadeurs capables pour réclamer réparation des offenses éprouvées du fait des autres nations, et de leur déclarer la guerre, si elles n'accordaient pas une réparation suffisante.'

5.

L'arbitrage est une autre méthode de terminer d'une façon pacifique les différends internationaux, lorsque des conférences directes entre les représentants des nations en contestation sur une question de droit, n'ont pas réussi à aboutir à un règlement amiable. Quand les nations se sont accordées pour déférer à un arbitrage une question en litige entre elles, leur bonne foi est engagée à obéir à la décision de l'arbitre, à moins que cette décision n'implique une dérogation manifeste aux termes du compromis, ou qu'elle ne soit absolument contraire aux règles de la justice et par conséquent ne puisse servir de base à une convention internationale valable, ou qu'elle ne soit le résultat d'une fraude ou d'une connivence entre l'arbitre et l'une des ties.

par

'Cicero, de Officiis, L. I, C. XIII; Cicero, de Republica, L. II, C. XVII; Livii Historiæ, L. I, C. XXXII.

On a allégué une dérogation aux termes du compromis, à propos de la décision intervenue à la suite de l'engagement pris par les États-Unis d'Amérique et la Grande-Bretagne, d'après la convention de Londres du 29 septembre 1827,' de déférer les points en contestation survenus relativement à la limitation de la frontière entre les possessions anglaises et celles de l'Amérique, telles qu'elles étaient définies par l'article V du traité de Gand, à quelque souverain ou à quelque État ami, qui serait invité à examiner ces points et à prononcer une décision à leur sujet; ils étaient convenus en outre que la décision de l'arbitre, une fois qu'elle aurait été rendue, serait considérée comme définitive et concluante et serait mise à exécution immédiatement sans réserve par des commissaires que les parties contractantes nommeraient à cet effet. Malgré les termes absolus dans lesquels les parties contractantes de cette convention s'étaient obligées à acquiescer à la décision de l'arbitre souverain, le sénat des États-Unis émit l'avis que la sentence du roi des Pays-Bas dans le cas soumis à son jugement, sentence que S. M. fit remettre par écrit aux plénipotentiaires des États-Unis et à ceux de la Grande-Bretagne le 10 janvier 1831, n'était pas obligatoire pour les États-Unis, par la raison qu'elle ne s'accordait pas avec les termes du compromis, mais recommandait simplement une ligne conventionnelle qui y était désignée; en conséquence, sur l'avis du sénat, le président des États-Unis entama de nouvelles négociations avec la couronne d'Angleterre.

2

Les cas de fraude et de connivence de la part d'un arbitre international sont rares. Barbeyrac cite un cas dans le

1 Martens, Nouveau recueil, VII, p. 491; British and foreign State papers, 1826, 7. p. 1005.

2

Message du président Jackson du 6 décembre 1831. — British and foreign State papers, 1830-31. p. 957. Message du 4 décembre 1832, ibid. 1831-32. p. 244.

3 American annual register, 1830-31. p. 146.

Barbeyrac, Droit de la nature et des gens, L. V, C. XIII, § 4, note d. - Guicciardini, Istoria, Tome XI, p. 57.

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