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sement de la formalité d'une déclaration au nom du roi, en contenant le motif, la provocation et le but, suivant la coutume et l'obligation en pareils cas; car on remarqua que le manifeste était publié au nom du duc, comme amiral et général de l'expédition »>.

Cependant l'usage de déclarer la guerre par un héraut d'armes n'était pas encore tombé entièrement en désuétude sur le continent européen au commencement du XVII° siècle ; car l'historien du règne de Louis XIV nous apprend que Louis XIII observa encore l'ancienne règle et envoya un héraut d'armes à Bruxelles en 1635 pour déclarer la guerre à l'Espagne. Ce fait est cité par plusieurs écrivains comme étant le dernier exemple connu de la formalité dont il s'agit; mais il paraît qu'il y en a encore eu un postérieur : celui de la Suède, déclarant la guerre au Danemarken 1657 par un héraut d'armes envoyé à Copenhague.

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33. D'un passage des « Pleas of the Crown (Procès de la Couronne) » par le grand juge Hale, il appert que sous le règne de Charles II le mode solennel de déclarer la guerre alors en usage consistait dans une déclaration imprimée, comme celle que ce monarque publia contre les Hollandais en 1671. L'établissement d'ambassades permanentes résidant dans les capitales de l'Europe, qui date du ministère du cardinal de Richelieu, a beaucoup contribué à modifier les anciennes formes des relations internationales, surtout par rapport à l'accomplissement des formalités préliminaires de guerre. De plus, pendant la guerre de Trente Ans, le droit des gens prit un développement rapide; car les conflits orageux résultant de l'union des antipathies politiques et des ⚫ haines religieuses engendrées par la Réforme, et qui au XVIème siècle avaient été limités à divers États isolés, bou

1 Voltaire, Siècle de Louis XIV, Ch. 11.

2 Martens, Précis, L. VIII, § 267. Holberg, Danmarks Rigsdag, hist. Tome III, p. 241.

3 Pleas of the Crown, I. p. 162.

leversèrent tout le système politique de l'Europe au XVIIème siècle, et les puissances du nord vinrent prendre part aux différends du centre et du midi du continent. Aussi la guerre, chaque fois qu'elle éclata, eut-elle des conséquences plus générales; de là pour les nations, à la veille de devenir belligérantes, surgit le besoin de donner avis de leur intention aux autres nations, afin que celles-ci, si elles ne prenaient parti pour l'un ou l'autre des belligérants, pussent savoir à partir de quel moment elles auraient à observer les devoirs de la neutralité. Telle est l'origine de l'usage, suivi par les nations belligérantes, d'adresser des manifestes. aux autres nations pour leur faire connaître le fait de leur prise d'armes, Grotius en parle comme d'une pratique déjà établie de son temps, et Vattel pense qu'une puissance belligérante doit aviser de sa déclaration de guerre les puissances neutres par un manifeste, pour éviter toutes les difficultés qui pourraient surgir autrement de ce que les sujets de ces puissances portassent à un belligérant des provisions ayant nature de contrebande de guerre et exposées au risque d'être confisquées, si elles venaient à être capturées par l'autre belligérant.

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34. Il est d'usage qu'une nation qui se voit dans la nécessité de faire la guerre à une autre avertisse celle-ci, par l'entremise de son envoyé résident, du sentiment qu'elle a d'une injure qui lui a été faite, ou d'un droit qui lui a été dénié, et rappelle sa mission résidente, si satisfaction ne lui est pas offerte. Cependant cette démarche, bien qu'elle puisse simplifier la cessation des relations amicales, ne constitue pas nécessairement l'état de guerre entre deux nations, 3 Une nation peut même aller plus loin et autoriser des repré

1 Et has ob causas solent a bellum gerentibus publicæ significationes fieri ad alios populos, tum ut de jure causæ, tum etiam ut de spe probabili juris exequendi appareat. Grotius. L. III, Ch. I, § V. 4.

2 Liv. III, Ch. II, § 64.

3 Ainsi la France et la Grande-Bretagne rappelèrent leurs envoyés diplomatiques de Naples en 1859; mais la guerre ne s'ensuivit pas.

sailles contre une autre nation; et si aucune démarche n'est faite de l'un ou de l'autre côté, les personnes et les biens saisis par voie de représailles peuvent être retenus en garantie de la satisfaction réclamée, sans qu'il en résulte nécessairement la guerre. Ainsi, en 1739, l'Espagne n'ayant pas payé une certaine somme d'argent dans un délai fixé par un traité entre la couronne d'Espagne et celle d'Angleterre, le roi d'Angleterre délivra des lettres de marque et de représailles contre l'Espagne, et M. Keene, ministre anglais à Madrid, reçut l'ordre de déclarer à la cour d'Espagne que son maître, quoiqu'il eût permis à ses sujets d'exercer des représailles, n'avait pas entendu rompre la paix, et que cette permission serait révoquée aussitôt que Sa Majesté Catholique serait disposée à donner la satisfaction qui lui avait été si justement demandée. Or, Sa Majesté Catholique ayant ordonné de saisir et de séquestrer tous les navires anglais qui se trouvaient dans les ports de l'Espagne, le roi d'Angleterre ne voulut plus garder de mesure avec Elle et lui déclara la guerre.' Dans un cas comme celui-là, le droit que deux nations ont d'exercer des hostilités entre elles était acquis à l'Angleterre du moment même qu'un traité était violé par l'Espagne; mais l'exercice de ce droit avait été suspendu. Le caractère des actes de représailles continua d'être ambigu jusqu'à ce que la guerre fût déclarée. La déclaration de guerre produisit aussitôt l'effet rétroactif de donner à la violation primitive d'un traité un caractère incontestable d'hostilité, et les biens saisis par voie de représailles devinrent sujets à condamnation comme propriété d'ennemis ab initio.3

Smollett's History of England, Vol. III, p. 27.

* D'une lettre adressée par le Lord chancelier Thurlow à l'avocat général du roi le 21 décembre 1778, et dont une copie manuscrite est en la possession de l'auteur, il appert qu'il y avait eu six déclarations de guerre faites par le roi d'Angleterre depuis la révolution de 1688,savoir: le 7 mai 1689, contre la France; le 4 mai 1702, contre la France et l'Espagne; le 16 décembre 1718, contre l'Espagne; le 19 octobre 1739, contre l'Espagne; le 17 mai 1756, contre la France; le 2 mai 1762, contre l'Espagne.

C'est d'après ce principe que l'Angleterre refusa de rendre à la

35.

On peut considérer comme étant la pratique établie des nations européennes depuis la paix de Paris en 1763 de se dispenser d'une déclaration formelle de guerre entre les parties, et d'attribuer toutes les conséquences légitimes de la guerre à un état d'hostilités dûment reconnu et explicitement dénoncé par un manifeste ou un document d'État publié à l'intérieur du pays. La dernière fois que l'Angleterre a eu recours à une déclaration formelle de guerre, ce fut le 2 janvier 1762, lorsqu'elle déclara la guerre à l'Espagne et par cette déclaration permit et enjoignit à tous les sujets du roi de faire et d'exécuter des actes d'hostilité contre le roi d'Espagne, ses vassaux et ses sujets; en même temps elle avertissait aussi toutes autres personnes, à quelque nation qu'elles appartinssent, de ne transporter ou porter des soldats, des armes, de la poudre, des munitions ou d'autres articles de contrebande sur aucun des territoires ou aucune des dépendances du roi d'Espagne. Lors de la guerre, qui suivit immédiatement après, entre l'Angleterre et la France en 1778, le premier acte public du gouvernement anglais fut de rappeler son ambassadeur de Paris et de mettre l'embargo sur tous les navires français qui se trouvaient dans des ports anglais, dès qu'on eut reçu de l'ambassadeur français à Londres la déclaration par écrit1 que le roi de France avait conclu un traité d'amitié et de commerce avec les États-Unis de l'Amérique du Nord, <«< comme un corps d'États en pleine possession de leur indépendance depuis le 4 juillet 1776 », et qu'il était prêt à soutenir d'une manière effective les droits qu'il tenait de

France, à la paix de Paris, en 1763, les prises faites par ses flottes avant la déclaration de 1756, en faisant valoir que le droit d'hostilités ne résulte pas d'une déclaration formelle de guerre, mais des hostilités que l'agresseur a d'abord exercées. Ann. register, anno, 1760, p. 263.

1 Cette déclaration du 15 mars 1778 fut remise par le marquis de Noailles, ambassadeur de France à Londres, à Lord Weymouth, secrétaire d'Etat pour les affaires étrangères en Angleterre. Elle se trouve dans les « Nouvelles causes célèbres du droit des gens, par le baron Ch. de Martens. Tome I, p. 406

son traité et l'honneur de son drapeau. La France rappela sur le champ son ambassadeur de la cour de Saint James; et la flotte française de la Méditerranée ayant fait voile pour l'Amérique du Nord, une série d'engagements eut lieu entre des navires français et des navires anglais, quoiqu'aucune déclaration de guerre n'eût été publiée de part ou d'autre. Sur ces entrefaites la flotte anglaise de la Manche, sous les ordres de l'amiral Keppel, eut une rencontre avec quelques frégates françaises, et les deux nations en vinrent à la guerre ouverte. L'origine de cette guerre était jusqu'à un certain point exceptionnelle : c'était le premier exemple d'une puissance établie reconnaissant formellement l'indépendance des sujets révoltés d'une autre puissance établie avec laquelle elle était en paix, et déclarant en même temps avoir conclu un traité de commerce et d'amitié avec eux et être déterminée à protéger ses propres sujets d'une manière effective dans leur jouissance des privilèges que leur assurait ce traité. L'Angleterre, dans ces circonstances, considéra que la conduite du roi de France n'était pas seulement un acte d'agression contre elle, mais une violation du droit des gens; et qu'en conséquence elle avait droit, en revanche, de s'emparer des navires français sans qu'il fût nécessaire de déclarer formellement la guerre à la France. Le gouvernement anglais ne se décida à agir qu'après mûres délibérations: c'est ce qui ressort d'une lettre du Lord chancelier Thurlow,' dans laquelle il dit à propos des précédents d'une déclaration de guerre : « Je trouve qu'on a élevé des doutes sur la question de savoir s'il est correct de faire une prise ou de la condamner comme confisquée, et encore plus de la partager aux capteurs, avant une déclaration de guerre. Enfin on soutient que les biens des nations non déclarées ennemies peuvent tout au plus être pris par voie de repré

Lettre du Lord chancelier Thurlow à Philip Stephens, esq., secré taire de l'Amirauté, datée du 12 août 1778, dont copie existe dans un volume de manuscrits en possession de l'auteur, et appartenant autrefois à sir James Marriott, avocat général du roi.

Tw. - II.

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